Chapitre 26 : Emmy.
« Pour chaque bonne raison de mentir, il en existe une bien meilleure de dire la vérité. » - Bo Bennett
*****
- Il va falloir que tu m'expliques pourquoi tu as choisis un médecin dans une rue où il n'y a pas une seule place pour se garer, râlai-je en faisant un demi-tour sauvage au milieu de la route.
- Je crois que je vais choisir d'être aveugle toutes les fois où tu conduiras une voiture, marmonna-t-il dans sa barbe.
- Détrompe-toi, je conduis très bien, lui assurai-je en remontant la rue dans l'autre sens. Et puis, tu n'as rien dit quand je t'ai emmené jusque chez tes parents.
- Parce que j'avais peur que tu me laisses sur le bord de la route, plaisanta-t-il.
- Mais bien sûr... Comme si - ah ! Il y a une place qui se libère. Enfin.
Je l'entendis soupirer de soulagement.
- Tu ne peux pas juger ma conduite si tu ne l'as vois pas, lui dis-je en me garant.
- Les klaxons des autres voitures en disent long, Emmy.
Il était vrai que le demi-tour avait énervé plus d'un automobiliste. Mais à part ça, je n'étais pas dangereuse en voiture. J'étais même trop prudente quelques fois.
Je ne pris pas la peine de lui répondre et descendis de voiture pour le rejoindre sur le trottoir. Chris déplia sa canne et s'appropria ma main.
- Tu as eu ton permis a Los Angeles ?
- Oui.
- Tout s'explique alors...
- Tu as bientôt finis, oui ? ris-je en le frappant doucement à l'épaule. Tout ça à cause d'un demi-tour. Ce n'est pas la fin du monde !
- La fin du monde, non. Mais la fin de ma vie, presque.
Je le laissai continuer de parler tout seul durant les quelques mètres qui nous séparaient du cabinet médical. Je pensais qu'entrer dans la salle d'attente le ferait taire, mais même pas. La pièce était vide, alors il s'en donnait à cœur joie.
- Chris ? le coupai-je.
- Quoi ?
- Tais-toi s'il te plait. Ou je m'en vais pendant ton rendez-vous.
- Tu n'oserais pas.
Il ne pouvait pas me voir, mais je lui jetai un regard blasé en soupirant.
- Bon d'accord... capitula-t-il.
Il ramena ses mains devant lui et croisa ses doigts, avant de les décroiser quelques secondes plus tard. Puis il s'essuya les paumes sur son jean, et s'adossa à la chaise en croisant les bras sur son torse. Je ne l'avais jamais vu autant stressé et nerveux. C'était pour cette raison qu'il ne faisait que parler depuis tout à l'heure. Il voulait juste penser à autre chose.
Je le fis décroiser les bras pour serrer sa main dans la mienne en laissant tomber ma tête sur son épaule.
- Ne t'inquiète pas, ça va bien se passer, dis-je pour le rassurer.
- Ouais, rétorqua-t-il peu convaincu, ça va bien se passer...
Je lui embrassai rapidement la joue avant de reprendre ma position initiale. Comme je lui tenait la main, Chris sa mit à jouer avec mes doigts, et non plus les siens.
- Il est bien à dix-huit heure trente ton rendez-vous chez le coiffeur ?
- Oui.
- On ira à pied, ce n'est pas très loin, décidai-je.
- Tu sais, ça ne sert pas à grand chose d'être coiffé et rasé de près pour finir dans un fossé, me rappela-t-il avec sarcasme.
- Quand est-ce que tu comprendras que...
- Je plaisante, me sourit-il.
- Si tu le dis, répliquai-je en relâchant sa main pour me tenir droite sur mon siège.
Il se tourna vers moi en souriant et passa sa main sur ma cuisse.
- Ne me dis pas que tu es vexée !
- Je ne le suis pas, lui certifiai-je. Mais si tu continues, on ne va pas chez le coiffeur et on rentre toute suite.
- Ah non ! s'indigna-t-il ce qui me fit rire. C'est un désastre ! Regarde ma t...
Un homme barbu ouvrant une porte à ma gauche interrompit Chris dans sa phrase. Sa main serra furtivement ma cuisse puis il l'enleva pour la ramener près de lui.
L'homme - qui devait donc être son médecin - échangea quelques mots avec une femme d'un certain âge, puis la raccompagna à la porte. Chris se leva au moment où son médecin s'approcha de lui. Ils se serrèrent la main et se saluèrent comme s'ils se connaissaient depuis des années. Je m'étonnai sur le moment, mais finalement, ça tombait sous le sens ; ça faisait des mois que Chris avait des rendez-vous au près de ce monsieur.
- Je vois que tu as échangé ton frère, constata le médecin en se tournant vers moi, un sourire aux lèvres.
Je me levai donc à mon tour pour lui serrer la main en lui souriant. Il semblait plutôt surpris quand il me vit me rasseoir lorsqu'il entraina Chris dans son cabinet, mais ne fit aucun commentaire.
Je savais qu'Andrew venait toujours avec lui à l'intérieur. Chris me l'avait dit. Mais il m'avait aussi demandé de l'attendre ici, alors je n'avais pas insisté. Il s'était excusé, mais je ne lui en voulais pas ; c'était son choix. Son explication était simple : comme son médecin allait devoir lui enlever ses pansements le temps de regarder si tout allait bien, puis de lui en remettre des nouveaux, Chris ne voulait pas que j'entre. Il allait avoir un aperçu de quelques secondes de la pièce qui l'entourait et donc, de moi si j'y serais, et il n'avait donc pas envie d'être obligé de refermer les yeux après m'avoir vue. Il voulait me voir. Réellement. Et non pendant une ou deux minutes, mais durant les prochains jours et prochaines semaines à venir.
Aussi, je respectais sa demande.
Mais maintenant qu'il était dans la pièce attenante à la salle d'attente, j'étais seule. Et c'était à mon tour de stresser. Ma jambe droite tressautait pendant que je feuilletais un magazine sans le lire. De toute façon, je ne pouvais lire quoique ce soit, les pages bougeaient de trop. Les mots dansaient devant mes yeux, et je me contentai de regarder les images. J'étais encore plus nerveuse que Chris quelques minutes auparavant.
Et s'il ressortait avec ses capacités visuelles aussi bonnes que les miennes ? Il m'avait dit que c'était impossible pour aujourd'hui, mais si son médecin s'était trompé ? S'il avait fait une erreur de diagnostique ? Je n'étais pas prête à ce qu'il me voit maintenant. Aujourd'hui. Même dans les jours à venir. Je ne lui avais pas encore dit que j'avais des tatouages et il fallait qu'il le sache avant de retrouver la vue, étant donné son aversion pour cette encre noire dessinée à même la peau.
Quand Andrew m'avait dit que son frère détestait les tatouages, je m'étais dit que c'était fini. Ce fut en voyant celui que j'avais au doigt qu'il avait déclaré en riant : « Heureusement qu'il est petit, parce Chris déteste ça. Il trouve ça inutile. Il m'avait même fait la morale le jour où je lui avais dit que je voulais me faire tatouer ! ». A ce moment-là, il ne savait pas ce que ces mots avaient provoqué en moi. Certes celui dessiné sur mon doigt était petit, et Andrew avait deviné qu'il avait une signification particulière et assez importante pour moi pour que je refuse de lui en parler, mais ce n'était pas le cas des autres. Je n'avais jamais autant remis en question mon goût de me faire tatouer qu'en ce moment. Je devrai lui dire. Rapidement. Même si j'appréhendais un peu sa réaction.
De son côté, Chris ne craignait pas de recouvrer la vue aujourd'hui : il avait peur qu'elle ne revienne jamais. Malgré le fait que j'appréhendais énormément le jour où il reverrait, je ne souhaitais pas pour autant qu'il m'annonce en sortant qu'il resterait aveugle pendant le restant de ses jours. Je savais qu'il ne le supporterait pas. Et une part de moi, non plus.
Quand la porte s'ouvrit à nouveau, une vingtaine de minutes plus tard, mon rythme cardiaque se mit à accélérer, et mon cœur s'affola d'autant plus lorsque je vis ce sourire incroyablement détendu et serein sur le visage de Chris. D'après ses lunettes noires et sa canne, il était toujours aveugle, et je me détestais de me sentir rassurée. Mais au vu de sa mine réjouie et plus le moins du monde stressée, il avait dû avoir une bonne nouvelle. Ce seul fait me fit sourire.
Après nous avoir souhaité une bonne soirée, Chris reprit son manteau et je fis de même. Comme il ne se décidait pas à parler, même une fois dehors, je le fis à sa place.
- Alors ?
- Alors quoi ? ironisa-t-il en souriant.
- Tu ne veux pas me dire ce qu'il t'a dit ?
Je crus pendant quelques mètres que Chris ne m'avait pas écouté, puisqu'il avançait en silence, faisant bouger sa canne de droite à gauche dans un geste mécanique dont j'avais l'habitude.
- Je pourrai enfin voir ton sourire dans trois semaines, avoua-t-il finalement alors que je pensais qu'il n'allait rien me dire.
Trois semaines. C'était encore loin, non ? Ou alors très proche, je ne savais plus. Non ! Pas dans trois semaines ! C'était le temps qu'il restait avant les vacances de Noël. Avant que je prenne l'avion pour aller voir mes parents. Et ça non plus, je ne lui avais pas encore dit. Ce n'était donc pas trois, mais cinq semaines qu'il devrait patienter avant de pouvoir voir mon sourire, comme il venait de dire.
Le simple fait que ce soit la première chose qu'il ait mentionné en m'annonçant qu'il reverrait, me fit sourire. Bien que ce soit dans cinq semaines.
Chris aurait pu simplement me dire qu'on lui retirerait ses pansements, mais ce qui semblait lui donner ce sourire immense, était la perspective de me voir sourire. Je ne pouvais donc que me réjouir de cette annonce, même si j'appréhendais beaucoup.
***
Comme nous avions encore une demi-heure à patienter dans le froid glacial avant d'aller chez le coiffeur, Chris décida d'entrer dans un café situé juste en face du salon.
À l'heure du rendez-vous, il régla la commande et on traversa la rue. Quelques dizaines de minutes plus tard, Chris avait quelques centimètres de cheveux en moins sur la tête, ce qui, je trouvais, lui allait mieux, et sa barbe avait disparu. Enfin, pas totalement. Il avait voulu la raser entièrement, mais remarquant mon absence de réaction quand il me l'avait annoncé, il m'avait demandé mon avis. Il avait donc finis par céder à ma demande de laisser sa barbe à sa place, sur ses joues et son menton, et de seulement couper un peu.
Quand le coiffeur lui annonça que c'était terminé, Chris s'empressa de replacer ses lunettes de soleil sur son nez. Il détestait devoir les retirer, mais il n'avait pas eut le choix.
Le jeune homme qui s'était occupé de mon petit-ami me fit signe de venir.
- C'est bon comme ça ? me demanda Chris comme il ne pouvait pas le savoir lui-même.
Je passai ma main dans ses cheveux beaucoup plus court.
- C'est parfait. Et puis cette couleur de cheveux te va mieux, dis-je en souriant.
- Quoi ? Ma couleur de... J'ai changé de couleur ? s'affola-t-il.
- Oui mais ne t'inquiète pas. Ce n'est pas perman...
- Mais je m'en fiche que ce soit permanent ou non ! s'exclama-t-il en passant ses deux mains dans ses cheveux.
Le coiffeur riait silencieusement pendant que Chris se releva, énervé.
- Je plaisante, dis-je simplement, le sourire aux lèvres, avant qu'il n'explose.
Il ouvrit la bouche, sans doute pour exprimer sa colère de ne pas avoir eu ce qu'il avait demandé, mais en entendant mes mots il la referma. S'il avait pu, il m'aurait foudroyée du regard.
- Je te déteste, conclut-il en se retournant pour demander au coiffeur de le guider jusqu'à l'entrée pour pouvoir payer.
Avant de sortir, je lui tendis son manteau et il l'enfila en silence. Sans le moindre mot, on commença à avancer jusqu'à ma voiture mais Chris repassa une fois de plus sa main dans ses cheveux.
- Tes cheveux sont toujours bruns, Chris, lui assurai-je.
- Si tu le dis, marmonna-t-il.
Je m'arrêtai face à lui et pris son visage entre mes mains.
- Tu m'en veux ?
- Ouais.
- Menteur.
- Je suis comme toi Emmy. Je ne mens jamais, répondit-il en souriant.
- Tu viens de mentir, lui fis-je remarquer. Déjà en me disant que tu ne mentais jamais, ensuite en me certifiant que tu m'en voulais, et aussi quand tu m'as dit que tu me détestais.
- Bon... Peut-être un peu alors, concéda-t-il. On peut y aller maintenant ? J'ai froid.
J'embrassai rapidement ses lèvres et prit sa main pour continuer d'avancer.
- Tu ne préfères pas rentrer à pied ? le questionnai-je ne arrivant à la voiture. Je suis dangereuse, je te rappelle.
- Je prends le risque, me sourit-il en ouvrant la portière.
***
Je le regardais manger avec grand appétit le saumon que j'avais cuisiné tout en réfléchissant à un moyen d'amener le sujet en douceur. Mais je ne trouvais rien. Rien qui pourrait faire passer le message subtilement.
- Emmy... soupira Chris. C'est ma nouvelle couleur de cheveux que tu admires ?
- Oui.
- Et en vrai ?
J'inspirai un bon coup avant de lui répondre en toute franchise.
- Andrew m'a dit que tu n'aimais pas les tatouages.
- Exact.
Aïe.
- C'est inutile et trop superficiel.
J'avais compris...
- Ça existe seulement pour attirer l'attention sur soi.
Merci d'enfoncer le couteau dans la plaie, Chris.
- Mais pourquoi tu me dis ça ?
- Et bien... commençai-je sans toutefois trouver comment continuer.
Chris lâcha sa fourchette qui retomba dans son assiette en un tintement aigu et pinça ses lèvres entre elles.
- Oh non... Ne me dis pas que je viens de faire une énorme gaffe ?
- Un peu, grimaçai-je.
- Tu comptes t'en faire un ?
- Pas exactement.
- Tu en as déjà un, comprit-il alors.
- Pas exactement non plus.
Il semblait perdu.
- Je ne comprends pas alors.
- C'est que... J'en ai. Mais pas qu'un seul.
Je le vis prendre le temps de déglutir, de se servir à boire, d'avaler une longue gorgée d'eau et de reposer son verre avant de reprendre la parole.
- Combien ?
- Six.
- Ah ouais. Quand même.
J'avais arrêté de manger et je maltraitais mon poisson du bout de ma fourchette, pendant qu'il tentait de faire passer mon annonce.
- Je voulais que tu le saches avant de... me voir.
Il hocha doucement la tête.
- Andrew les a vu et c'est pour ça qu'il t'a dit ce que je pensais de ça ?
- Il n'en a vu qu'un seul. D'ailleurs, je ne lui ai pas dit qu'il y en avait d'autres, il n'a pas à le savoir. Et puis, ce n'est pas comme s'il les verra un jour, ajoutai-je plus pour moi-même que pour m'adresser à Chris.
Toutefois, il s'attarda sur cette dernière remarque.
- Pourquoi ?
- Ils sont cachés, avouai-je.
- Comment ça ?
- Sous mes vêtements. Le seul que tu pourrais voir en ce moment même, c'est celui que ton frère a vu. Celui que j'ai sur mon doigt.
Alors qu'il semblait réfléchir à ce que je venais de dire, un sourire s'étira lentement sur ses lèvres. Il reprit un morceau de poisson avec sa fourchette qu'il enfourna dans sa bouche. Il mastiqua rapidement, toujours avec le sourire.
- Donc tu me dis ça pour que je ne sois pas surpris le jour où je te verrai sans tes vêtements ? rétorqua-t-il une fois sa bouche vide.
Finalement, il avait l'air de le prendre beaucoup mieux que je ne l'aurais imaginé. Il réussissait même à me rendre mal à l'aise, mais il était vrai que vu sous cet angle, sa remarque avait bel et bien sa place.
- J'aurais plutôt dit pour ne pas que tu t'enfuis en courant. Mais c'est l'idée, oui, contrai-je.
Ma réponse le fit rire mais il se reprit rapidement et grimaça.
- Heureusement qu'il n'a pas vu les autres alors.
Je sentais une pointe de jalousie dans sa voix et ça me faisait plaisir.
- En tout cas, continua-t-il avec un sourire vicieux, j'ai hâte de les voir, ces tatouages.
- Même si c'est inutile, superficiel et que ça ne sert qu'à attirer l'attention ? répliquai-je en reprenant ses termes qui m'avaient légèrement blessée.
- Je crois que je réussirai à faire une exception pour toi, mon Ange. Et puis, quelque chose me dit que ça attirera vraiment mon attention. Surtout s'ils sont cachés.
Mon Ange.
Ce n'était pas la première fois qu'il prononçait ces deux mots et il ignorait sans doute à quel point ça me faisait fondre. Chaque fois que je les entendais, je souriais comme une idiote, mes joues se teintaient automatiquement d'une légère couleur rosée et mon cœur s'affolait comme un dingue. Je me sentais stupide et gamine, mais l'avantage en ce moment, c'était qu'il ne pouvait pas le voir.
J'avais toujours trouvé ces surnoms inutiles, mais depuis quelques jours, j'avais changé d'avis. Depuis qu'il m'avait dit que j'étais son ange gardien. Je n'avais rien d'un ange gardien, je le savais, mais lui en était persuadé. Peut-être avait-il réellement un sixième sens après tout...
***
Devrais-je lui dire qu'il n'avait plus de pantalon qui pourrait me servir de pyjama ou devrais-je me taire et me glisser dans son lit comme si de rien n'était ? J'optai pour la seconde solution.
Pendant qu'il se changeait, une fois encore, dans la salle de bain, je me déshabillai rapidement dans sa chambre et me contentai d'enfiler un tee-shirt à lui.
Chris m'avait proposé de rester dormir chez lui, et même si je ne prenais les cours qu'une heure et demie après lui demain matin, j'avais accepté. Et cette fois-ci, évidemment, je ne partirai pas.
En attendant Chris, j'observais sa chambre. Je n'avais pas vraiment eu le temps ni l'envie de le faire la dernière fois. J'étais bien trop épuisée et occupée à réfléchir à ce que je devais faire pour cela.
Elle était très simple et entièrement dans les tons noir ou gris. Un lit double prenait place juste en face de la porte, à droite de celle-ci, sa commode en bois noir était remplie de ses vêtements et surmontée d'une chaine Hi-Fi. Au fond, près de la fenêtre, une grande étagère garnie de livres et de classeurs occupait le mur, et son bureau était installé de l'autre côté de la fenêtre. A gauche de son lit, il y avait une porte qui devait être un placard, ou une penderie, puisque la salle de bain était située derrière une des portes dans le couloir.
Il n'y avait pas de cadre photo. Nul part dans son appartement. Ce qui faisait que je ne connaissais toujours pas la couleur de ses yeux. Même sur la photo de lui et Charlotte que j'avais aperçu sur son téléphone, il avait les yeux fermés. D'ailleurs, il avait dû demander à son frère de changer ce fond d'écran, puisque l'image de son ex avait disparu. Ce qui n'était pas pour me déplaire, bien au contraire. Je n'étais pas jalouse d'une photo, et le pire était que cette jeune fille n'avait pas l'air méchante. Elle était seulement trop... Je ne savais même pas quoi dire d'elle. Je ne l'avais apperçu que deux fois avec Chris, et même si elle avait été insistante avec lui ce week-end, elle ne m'avait rien fait. Je n'avais donc aucune raison de ne pas l'aimer, finalement.
À part, bien entendu, le fait qu'elle soit sortie avec Chris. Et qu'elle l'ait lâché au moment où il avait besoin de quelqu'un près de lui.
- Tu fais quoi ? me demanda Chris en me faisant sursauter.
Je ne l'avais pas entendu entrer. Je reposai le livre que je tenais, à sa place sur l'étagère.
- Je regardais tes livres.
- Ils ne me servent pas à grand chose en ce moment, rit-il. Si tu en veux un, prends-le.
- Je n'ai pas trop le temps de lire, mais merci, dis-je en souriant.
Je m'approchai du lit et me laissai tomber dessus, pendant que Chris réglait son réveil à sept heure, d'après ce que j'entendais.
- Désolé, je n'avais pas pensé au fait que tu te levais plus tard, s'excusa-t-il.
- Ce n'est pas très grave.
Il s'allongea près de moi et retira ses lunettes, laissant visible ses pansements blancs.
- Tu sais qu'ils font peur tes yeux ? dis-je en me tournant sur le côté.
- Tu n'as qu'à éteindre la lumière, ou fermer les yeux, rétorqua-t-il en souriant.
- Je devrais te dessiner des yeux dessus, pensai-je, ce qui le fit exploser de rire.
- N'y pense même pas, Emmy.
- Pourquoi ? m'offusquai-je. Je suis une artiste, ça sera magnifique.
Ce qui était entièrement faux, bien entendu. Je galérais déjà en cours de biologie pour dessiner un neurone, et je ne savais même pas représenter un personnage ou un objet quelconque. Heureusement d'ailleurs que ce n'était pas moi qui dessinait mes tatouages...
- Ne m'en veux pas, mais sur ce coup-là, je ne te fais pas trop confiance.
- Je suis vexée.
Chris se redressa sur son coude et se pencha au dessus de moi pour éteindre la lampe de chevet plongeant ainsi la pièce dans un noir complet. Alors que je pensais qu'il allait se rallonger à mes côtés, il n'en fit rien et amena son visage tout proche du mien. Son souffle mentholé se mêlait au mien qui avait la même saveur.
- Je ne te crois pas.
- Et tu as bien raison, lui certifiai-je en souriant.
Une de ses mains se perdit dans ma chevelure alors que ses lèvres rejoignirent les miennes. Mes doigts accrochèrent instinctivement ses cheveux et je me rendis compte seulement maintenant qu'ils étaient un peu trop court, mais je ne pouvais me préoccuper plus longtemps de ce détail puisque sa langue caressait maintenant délicieusement la mienne.
Chris passa ensuite une de ses jambes entre les miennes tandis que sa main quittait mes cheveux pour descendre le long de mon corps. Je laissai échapper un soupir de satisfaction lorsque ses doigts frôlèrent la peau nue de mon ventre, au moment même où ses lèvres atteignirent mon cou.
Je passai mes mains sous son tee-shirt pour l'inciter à se rapprocher encore plus de moi, collant désormais son corps au mien. Il parsemait ma peau de baisers mouillés, enflammant mon corps en quelques secondes. Sa main s'agrippa fermement à ma hanche lorsqu'un second gémissement s'échappa de mes lèvres au moment où ses dents griffèrent furtivement le lobe de mon oreille, que j'ignorais aussi sensible jusqu'à aujourd'hui. Tout mon corps devenait sensible à la moindre caresse de Chris et réagissait instinctivement. Je n'en avais plus le contrôle. C'était perturbant. Délicieusement perturbant.
Ses lèvres retrouvèrent les miennes pour un simple mais doux baiser, avant que Chris ne s'éloigne de moi en retombant sur le matelas à mes côtés. Je me surpris à réprimer un grognement de frustration, mais finalement, c'était mieux ainsi. Visiblement, il voulait attendre pour aller plus loin, ce que je comprenais. Il préférait sans doute me voir avant de décider de continuer ou non avec moi, et ce n'était pas plus mal. Ça m'allait totalement. Bien qu'en ce moment, mon cœur et surtout mon corps n'étaient pas de cet avis. Son corps à lui non plus, d'ailleurs. Mais sa volonté primait vraisemblablement sur son envie.
Une fois ma respiration un peu plus calme et mon rythme cardiaque redevenu à peu près normal, je me retournai dos à Chris, et il ne tarda pas à passer sa main sur mon ventre, me rapprochant afin de coller mon dos à son torse.
- Ne me dis pas que tu n'as pas de... commença-t-il en murmurant contre mon oreille.
Sa main frôla doucement le dessus de ma cuisse nue avant de rapidement retrouver le tissu de mon tee-shirt.
- Non, tu n'en as pas, constata-t-il en faisant ainsi référence à cette absence de pantalon.
Il soupira contre ma nuque, avant de l'embrasser délicatement.
- Comment veux-tu que je réussisse à dormir dans ses conditions, geignit-il en caressant ma nuque de ses lèvres.
- Bonne nuit Chris, répondis-je en souriant.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top