AVALON

Mon esprit est embrouillé par la douceur de la mélodie et plus rien n'a d'importance. La seule chose que je souhaite faire est de suivre cette voix en m'enfonçant de plus en plus loin malgré les dangers. Je ne comprends pas ce qui est en train de m'arriver, mais mon instinct me souffle de continuer. J'ignore depuis combien de temps je marche et si les autres sont au courant de mon absence. Ce n'est pas une fuite, c'est un besoin imminent de prendre les choses en mains.

Je m'enfonce une nouvelle fois dans une sombre forêt que l'on pourrait croire hantée camouflant de sombre secrets. Une allée lointaine effacée par le temps m'aide à m'orienter tout en me concentrant sur la mélodie. Je perds sûrement la tête ce qui expliquerait la raison pour laquelle je me retrouve dans un endroit inconnu seule. J'ignore une fois de plus les conséquences que cela aura sur mon avenir au sein du clan, mais un problème à la fois. La première chose que je dois comprendre c'est la raison pour laquelle j'entends cette mélodie et pourquoi je me retrouve au milieu de nul part.

J'accélère mes pas en prenant conscience que la musique s'éloigne à toute allure. Je prends de la vitesse ce qui m'aide à reprendre le contrôle de moi-même. Je m'arrête brusquement en faisant face à une superbe demeure. Elle comporte deux étages et une vieille fontaine trône l'ancienne allée. J'ignore de quand elle date exactement, mais impossible d'effacer la beauté de ce lieu. Le temps l'a un peu dégradé évidemment, mais elle pourrait facilement redevenir éclatante.

La façade est d'un blanc vieilli et comporte quatre fenêtres au rez-de-chaussée et au premier étage. Des grandes colonnes surplombent l'avant de la maison. Je grimpe les quatre marches en pierre puis me retrouve devant une porte en marbre légèrement fissurée. Je la pousse afin d'entrer à l'intérieur.

Mes pas résonnent à l'intérieur de la maison. La pièce principale est vide et ne comporte aucun meuble ce qui n'est pas étonnant. Cette propriété devait valoir une petite fortune, les propriétaires devaient mener une vie tranquille et ne pas avoir besoin de compter l'argent. Je marche sur le sol en marbre m'attardant sur des détails futiles comme la tapisserie jaunie pas le temps, la vieille bibliothèque ancrée dans le mur. La taille est suffisamment grande pour créer deux salons ! J'entends de nouveau cette mélodie avec plus de puissance cette fois. Elle provient de l'étage que je n'ai pas encore exploré. J'aimerais poursuivre ma visite au rez-de-chaussée, mais avant même que je ne prenne conscience de ce qui m'arrive, je me retrouve à l'étage devant une porte grande ouverte. La poignée est ancienne, elle comporte des inscriptions que je ne comprends pas. La mélodie reprend de plus belle, cette fois je rentre dans la pièce de ma propre volonté.

C'est une grande chambre comportant un lit double en bois. Celui-ci est parfaitement refait donnant l'illusion que quelqu'un dort dedans. La peinture s'écaille au plafond, un lustre en cristal repose sur le sol. L'odeur de la pièce est un étrange mélange de pluie et de terre. Aucune autre odeur n'est discernable. Personne n'est venue dans cette chambre depuis bien longtemps.

La vieille commode comporte des vêtements d'époques d'hommes. La penderie quant à elle regorge de vieilles robes longues. Ils viennent tout droit d'un autre siècle. J'en caresse une avec un sourire puis constate qu'un drap est accroché au mur. Curieuse, je tire rapidement dessus puis pousse un cri en découvrant un magnifique miroir en or vieilli. Il est ovale et comporte de jolies arabesques autour. Je pose ma main dessus puis frissonne en ressentant une vague de chaleur dans le creux de ma main. Mon reflet remue légèrement et un éclat doré m'entoure. Pourrait-il s'agir du Miroir des Vérités ? Est-ce lui que j'entendais à travers cette mélodie ?

Je ferme les yeux puis pose silencieusement ma question. Une nouvelle vague de chaleur s'infiltre dans mon corps. La mélodie retentit de nouveau dans les oreilles, mais le monde autour de moi change. La chambre abandonnée reprend des couleurs et sa forme d'avant. Des personnes apparaissent et disparaissent. Je garde la paume collée contre le miroir puis me retrouve propulsée loin de lui.

Une magnifique femme au teint de porcelaine fait irruption dans la pièce. Ses cheveux blonds sont soigneusement attachés en un chignon complexe. Elle s'approche du miroir sans m'accorder le moindre regard puis pose sa main sur celui-ci.

— Que vois-tu aujourd'hui ? demande un homme que je n'avais pas remarqué.

— Comme d'habitude.

L'homme quitte le lit pour venir à sa rencontre, il la serre contre lui. J'ignore sur quoi porte cette inquiétude, mais elle semble sincère. L'homme dépose un tendre baiser sur les lèvres de la femme. Un baiser reposant uniquement sur une tristesse commune que personne ne peut comprendre mieux qu'eux.

— Nous découvrirons ce que cela signifie, Amanda.

— J'ai la crainte que cela soit un mauvais présage.

— Ce n'est pas forcément le cas ma chérie.

Amanda hoche doucement la tête.

— Il est temps de rejoindre les autres tu ne crois pas ?

— Les invités risquent de se poser des questions sur notre absence, ajoute-t-elle dans un souffle.

Elle embrasse une nouvelle fois son époux.

— Je t'aime Albert.

La chambre commence à tourner autour de moi m'obligeant à fermer les yeux. Heureusement cela s'arrête au bout de quelques secondes, mais l'endroit dans lequel je me trouve n'est plus la chambre, mais une grande salle de réception. Des centaine de personnes discutent joyeusement tout en écoutant un groupe de musique sur la petite estrade présente dans la pièce.

— Vous incroyablement séduisante, Amanda.

— Je vous remercie François, déclare-t-elle en souriant.

Je parviens à me remettre debout et suivre Amanda tout en me demandant la raison pour laquelle le miroir me montre cette famille. Ce n'est pas la mienne car l'époque ne colle pas avec ma transformation. Je suis certaine que ma question était la bonne pourquoi Diable suis-je ici ? Je m'attends à retrouver la chambre abandonnée malheureusement je suis toujours coincée dans cet espace temps différent du mien.

Amanda virevolte auprès des invités veillant à lancer des sourires aux personnes qu'elle rencontre. Finalement elle s'arrête devant une vieille femme sermonnant une petite fille à la chevelure aussi blonde que sa mère. La petite porte une adorable robe blanche aux volants rose poudrée ainsi qu'un ruban identique aux volants.

— Tu t'amuses bien, ma chérie ?

— Mère ! s'exclame la petite.

Amanda soulève l'enfant pour déposer un baiser sur son front. Je me sens affreusement mal à l'aise malgré que je sois invisible pour ces personnes. Cela ne peut pas être mon passé, le miroir s'est trompé et n'a pas compris ma question.

— Allez-vous chanter ? demande la petite.

— Je chanterais toujours pour toi, mon petit ange.

Un éclat de joie illumine les yeux bleus de la petite.

— Il commence à se faire tard, déclare la vieille femme.

— Je veux entendre les chansons de mère ! proteste la fillette.

Amanda s'agenouille pour faire face à son enfant avec un beau sourire.

— Une seule chanson, mais tout un concert demain.

— Pourquoi ne puis-je pas restée avec vous ?

— C'est une soirée pour les grandes personnes, trésor.

Elle dépose un tendre baiser sur le front de l'enfant ce qui semble l'apaiser.

— Tu me promets d'aller au lit après cette chanson ?

— Je vous le promets mère.

Amanda soulève le jupon puis monte sur l'estrade avec un nouveau sourire. Elle tapote entre les mains attirant l'attention des invités puis se tourne vers les musiciens qui semblent comprendre sa demande.

— Mesdames, Messieurs, j'ai l'honneur d'interpréter une chanson de ma propre création. Elle est spéciale et représente la chose que j'aime le plus dans ma vie. Je ne pourrais jamais remercier le ciel de m'avoir envoyé une magnifique petite fille.

Elle ferme les yeux puis commence à chanter d'une voix puissante et mélodieuse. Les musiciens jouent en accord avec la voix d'Amanda. J'écarquille les yeux en reconnaissant la mélodie me poursuivant depuis quelques jours. La chanson est question d'étoiles malheureusement je ne peux l'écouter car je me retrouve dans un nouvel endroit.

16/10/2020