CHAPITRE XXII
AVALON
Les yeux vides du mort écarquillés de terreur m'extirpe d'un sommeil particulièrement agité. Il me faut un petit moment pour me remémorer les événements de la veille. Notre épuisante course à travers la forêt, la recherche d'un motel dans lequel dormir et une longue discussion dont je ne me rappelle rien. Je ferme les paupières essayant d'effacer l'horrible image de ce vieil homme immobile et couvert de sang. Comment peut-on faire comme si de rien n'était après cette nuit d'angoisse ?
Je quitte le lit les jambes tremblantes et le coeur battant à tout rompre. J'essaie d'oublier ce qui s'est passé et reprendre le contrôle de moi-même. Une horrible voix dans ma tête hurle que nous sommes des monstres. Nous avons abandonné un homme vivant probablement seul depuis des années. Qui le retrouvera et quand ? Je fixe le petit réveil indiquant qu'il est à peine neuf heures du matin. Trois heures de sommeil. Mon corps est épuisé par cette nuit cauchemardesque malheureusement c'est un combat avec mon esprit pour dormir.
Trempée de sueur, je rejoins la petite salle de bains puis m'approche du miroir face à moi. Je mouille mon visage puis lève doucement les yeux vers mon reflet. Celui-ci renvoie l'image d'une jeune femme fatiguée loin d'être séduisante. Mes cheveux blonds collent contre ma nuque ce qui n'est pas vraiment agréable comme sensation. Je fixe mes yeux durant un long moment puis retourne dans le lit. Faith est profondément endormie et rien ne pourra la sortir de là avant ce soir.
Je reste assise de longues minutes dans le lit puis me décide à me dégourdir les jambes. Faire un peu d'exercice m'aidera peut-être à trouver le sommeil. J'enfile une veste au-dessus de mon débardeur ainsi que mes chaussures puis quitte la chambre veillant à ne pas réveiller mon acolyte.
Le motel dans lequel nous résidons n'est pas très beau et confortable. Je n'aime pas particulièrement l'ambiance morbide émanant de cet endroit, mais c'est le seul dans lequel nous avons pu nous réfugier avant le lever du jour. Je frissonne légèrement au contact du vent, mais cela passe rapidement. Avoir la chance de m'exposer au soleil est un énorme cadeau que certains vampires rêveraient d'avoir. Je songe à Wyatt qui est le vampire le plus humain que je connaisse. Bien que sa mémoire humaine le torture, je vois bien que l'extérieur lui manque. Ce que je trouve le plus beau la nuit, ce sont les étoiles peuplant le ciel. Elles brillent de mille feux comme des éclats de cristaux inaccessibles.
Je bouscule une femme sans le vouloir celle-ci grommelle un mot que je ne comprends pas puis s'éloigne d'un pas vif. Certains ont vraiment un mauvais caractère ! Je marche à travers cette foule d'humains aux odeurs différentes. D'une certaine façon, je me teste afin de voir mes réactions vis à vis d'eux. Je pourrais aisément attaquer un humain, mais je ne ressens pas cette envie destructrice. Une fois de plus, le corps inanimé du vieillard fait irruption dans ma tête me forçant à m'arrêter au bord de la route. C'est douloureux de le voir à chaque fois que je ferme les yeux. Il est mort par notre faute ce qui est terrible même si Faith refuse de l'admettre.
Deux bras enroulent brusquement ma taille me tirant en arrière. Une voiture passe à toute allure devant moi. Je me retourne afin de remercier mon mystérieux sauveur malheureusement celui-ci s'est envolé. Personne ne se préoccupe de moi et ne me demande comment je vais. C'est donc ça la vie humaine. Les gens ne vous accorde pas un regard et ne pensent qu'à eux et leurs problèmes. J'imaginais un monde plus combattif et présent malheureusement celui-ci s'avère froid et amer. Reprenant mes esprits, je continue ma balade avec les idées embrouillées et une certaine colère envers moi-même. En relevant les yeux du sol, je rencontre le regard d'une femme à l'autre bout du trottoir me toisant avec rage. Elle ne peut être vampire, jusqu'à présent, je suis la seule capable de m'exposer à la lumière du jour. Un frisson de peur s'empare de moi bien que je ne sache pas pourquoi. Il ne faut pas que je reste ici sinon je crains de défaillir au milieu de ces inconnus.
Je rebrousse chemin accélérant de plus en plus. Cette femme ne m'inspire pas confiance, elle m'est familière ce qui n'est pas normal. Les seules personnes que je connaisse vraiment sont les membres du clan. Je rejoins rapidement le motel puis claque la porte derrière moi sans prendre la peine de ne pas faire de bruit. Faith se redresse rapidement regardant autour d'elle les sourcils froncés.
— Qu'est-ce que tu fiches ? s'exclame-t-elle.
— Je ne me sentais pas bien alors je suis allée faire un tour. J'ai failli être renversé par une voiture et une femme me toisait avec un regard mauvais.
Elle pousse un soupir.
— Ce ne sont que des humains, Avalon.
— Qu'est-ce que tu veux dire ?
— Est-ce que tu as vu à quoi tu ressemblais ? Tu portes une espèce de pantalon de pyjama avec une simple veste. Les gens ont probablement dû te prendre pour une folle sortie de l'asile.
Je fronce les sourcils.
— C'est vexant ce que tu dis.
— Pardonne-moi d'être aussi franche, mais c'est la vérité. La plupart des humains n'acceptent pas la différence peu importe le thème.
Je ne suis pas d'accord avec les propos de Faith. Les humains détestent peut-être la différence cependant cette femme est la seule m'ayant vraiment regardé. Il y a également ce sauveteur apparu de nul part, mais je préfère ne pas en parler à Faith.
— Cette femme était probablement angoissée que tu l'attaques pour de l'argent. Il faut que tu apprennes à te détendre et ne pas sortir alors que nous sommes recherchées.
Je me mords nerveusement la lèvre.
— Je n'arrive pas à oublier ce vieil homme. Il hante mes pensées et je ne sais pas si j'arriverais à me le pardonner.
— Nous n'avons rien avoir sa mort ! Il faut que tu sortes cette horrible pensée de la tête et aille de l'avant.
Je la regarde choquée.
— Comment peux-tu te comporter ainsi ? Nous avons vu un homme mourir devant nous, mais nous nous sommes enfuies comme deux lâches.
Faith attrape mon poignet puis enfonce ses ongles dans ma peau. Ses pupilles rouges foncés m'observent avec soin.
— Ne me traite jamais de lâche !
Elle me repousse violemment.
— Tu es comme eux finalement ce qui est encore plus insupportable. Je commençais à bien t'aimer, mais c'était stupide de croire qu'une escapade en Irlande changerait mon opinion sur toi.
Elle ricane méchamment tout en s'allongeant dans son lit un sourire mauvais aux lèvres. Une fois de plus, Faith redevient cette fille insupportable que j'ai côtoyé pendant des semaines.
— Est-ce que tu sais pourquoi je recherche le miroir ?
Je secoue la tête.
— Je me suis réveillée dans un cercueil quelques heures à peine après mon enterrement. Je ne comprenais pas la raison pour laquelle je me trouvais là. J'étais confuse et désorientée.
Faith passe une main sur son visage tout en racontant son histoire avec une voix sombre et lugubre.
— Je suis née en 1949 et morte en 1968 parce que je me suis donnée la mort. La chose incroyable qui s'est produite est ma résurrection.
J'ignorais que Faith avait tenté de se suicider et à quel point elle était vieille. Elle a l'apparence d'une jeune femme de dix-neuf pourtant celle-ci est bien plus vieille. Je connais l'histoire de Wyatt bien que celle-ci soit incomplète ainsi que celle de Rosalie qui est aussi tragique. Toutes les transformations sont-elles douloureuses ?
— Je n'avais aucune idée de ce qui était arrivé malgré mes efforts pour me remémorer ma dernière soirée. J'ai rapidement découvert que Faith Morin, une étudiante aimée et appréciée par son université était décédée.
— Tu étais étudiante ?
Elle ignore ma question.
— J'ai tenté de prendre contact avec mon père, mais le problème était qu'aux yeux de mes proches j'étais morte et enterrée. Imagine donc la tête qu'à fait mon horrible géniteur en me voyant sur le seuil de la porte couverte de terre.
Je visualise dans mon esprit l'image de Faith s'extirpant de son cercueil comme moi quelques semaines plus tôt. La seule différence que nous avons est que Faith possédait encore ses souvenirs ce qui n'est pas mon cas.
— Une odeur délicieuse est brusquement apparue et j'ai ressenti une soif si puissante que j'ai cru hurler de douleur. Une minuscule coupure au doigt m'a poussé à tuer mon propre père.
Elle replace une mèche rebelle derrière son oreille puis se tourne vers moi.
— Malheureusement je ne me souviens pas de ma transformation. C'est la raison pour laquelle je recherche le miroir car il est le seul capable de me répondre.
— Est-ce que tu éprouves du remord ?
Dans un premier temps elle ne comprend pas la question puis secoue la tête.
— Non absolument pas. Mon père était une véritable ordure et tu ne peux pas imaginer toutes les douleurs auxquelles j'ai dû faire face.
Ses yeux lancent des éclairs.
— Je ne te déteste pas cependant je déteste la perfection que tu dégages. Personne n'est parfait, Avalon, et bientôt ce côté angélique que tu possèdes disparaîtra.
— Qui te dit que je suis mauvaise ?
— Personne n'est complètement bon ! Il y a toujours une part d'ombre au fond de nous. Je ne peux pas définir ton passé, mais je suis certaine que tu n'es aussi angélique que tu ne laisses paraître.
Un coup à la porte interrompt notre conversation. J'échange un regard avec Faith ne comprenant pas ce qui est en train de se passer. Qui vient-il nous déranger ? Faith s'approche du judas et le soulève.
— Ouvrez la porte mesdemoiselles, déclare un homme à la voix autoritaire.
— Qu'est-ce qu'on fait ?
— Ouvre.
Elle se place dans un coin stratégique dans lequel elle ne sera pas touché par la lumière du jour. L'homme de l'accueil est sur le seuil de la porte tenant dans la main une feuille.
— Bonjour Monsieur, que puis-je faire pour vous ? déclaré-je d'une voix assurée bien que je ne le sois pas.
— J'ai un message à vous transmettre et c'est apparemment très urgent.
Il me donne le papier puis s'éclipse aussi rapidement. Je referme la porte derrière lui et me décide à lire ce fameux message. C'est probablement une erreur idiote.
Faith,
Il est temps que nous nous retrouvions et cessions de vous rechercher à travers le pays. C'est le cinquième motel que j'appelle, j'espère que cette fois-ci c'est le bon.
Nous vous donnons rendez-vous en ville à vingt-deux heures.
Ne soyez pas idiotes et venez.
Matt.
— Comment il a fait pour nous retrouver ? m'exclamé-je.
— Il ne sait pas que nous sommes dans ce motel. Nous avons encore l'avantage ce qui nous permettra de mettre les voiles avant vingt-deux heures.
— Ils nous ont retrouvé c'est trop tard.
— Bien sûr que non ! Il est hors de question que je retourne une fois de plus aux États-Unis sans avoir trouver le miroir.
— Mais...
— Tu as le choix, mais ne compte pas sur moi pour t'attendre. Je ne suis pas ta nounou, tu es libre de tes choix.
Deux choix s'imposent à moi. Je pourrais me rendre auprès de Matt et les autres pour retourner au manoir et oublier cette folle aventure ou bien suivre Faith. Ma mémoire défaillante est un véritable fléau. Non, nous avons fait beaucoup trop de chemin pour que je m'arrête. Il nous reste encore des endroits à explorer, rien n'est perdu.
— Je te suis.
16/10/2020
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