CHAPITRE VIII


AVALON

« Repose-toi ma douce Avalon. »

Cette voix est aussi douce qu'une plume et tellement familière. Elle me tend les bras vers la bonne direction. Un sourire béat se dessine sur mes lèvres et je ne peux me défaire de ce sentiment d'apaisement. Je veux rester dans cette bulle de sérénité pour toujours.

— Jane...

Une main s'agrippe à mon épaule me faisant revenir sur terre. Je cligne les yeux reprenant conscience de l'endroit où je me trouve et recule précipitamment. La présence de Wyatt continue de m'effrayer suite à ce qui s'est produit quelques jours plus tôt. Je veille toujours à ne pas porter la bague lorsqu'il est présent afin qu'il ne devienne pas fou. Aujourd'hui, pas une once de haine ou de forme vampirique déforme ses traits incroyablement humain. Son regard noisette dévoile une inquiétude sincère bien loin de l'être démoniaque qui a tenté de me tuer.

— Avalon.

— Pardon ?

— Je m'appelle Avalon.

Mes jambes vacillent, mais je parviens à me remettre debout et faire face au groupe de vampires.

— Est-ce que tout va bien ?

Delhia se précipite vers moi les yeux écarquillés. Elle touche mon visage et inspecte chaque centimètre de ma peau. Wyatt est couvert de brûlures passant de son visage à ses bras ainsi que ses mains.

— Oui oui je vais bien.

Les regards curieux du clan ne cesse de me scruter comme une bête curieuse. Je repousse poliment la propriété des lieux.

— Es-tu certaine de t'appeler Avalon ? demande-t-elle.

— Absolument.

Faith me lance un regard mauvais.

— C'est un peu bizarre que tu retrouves brutalement tes souvenirs tu ne trouves pas ? Et puis c'est quoi ce nom ?

— Qu'est-ce que tu sous-entends ?

— Qu'il y a quelque chose qui cloche chez toi ! Tu devrais embobiner un autre clan de vampires parce que cela ne fonctionne pas sur nous.

Je ne supporte pas une telle méchanceté surtout quand celle-ci est infondée. Mes yeux virent au rouge malgré mon self-control.

— Je comprends que te méfies de moi, mais me haïr semble exagéré. Peu importe que nous soyons amies ou non, je veux simplement trouver ma place dans ce nouveau monde.

Durant un instant les traits de son visage deviennent plus doux, mais cela ne dure qu'une seconde. Elle se volatilise de nouveau dans un bruit en quelque secondes à peine.

— Avalon as-tu conscience de t'être confrontée au soleil et d'en ressortir indemne ?

— Non je ne suis pas sortie.

Je tente de remettre les derniers événements en place malheureusement je me souviens que de mon rêve et de cette voix qui m'appelait.

— Wyatt est allée te chercher malgré la lumière du jour. Tu as remarqué à quel point il est brulé alors que tu n'as pas la moindre blessure ? déclare Matt avec le plus grand sérieux.

Je regarde de nouveau mes bras qui sont aussi lisses que d'habitude. Je suis en pleine forme contrairement au vampire qui semble sur le point de défaillir.

— Wyatt va donc chercher une poche de sang pour te redonner de la force.

Le brun s'éloigne à grandes enjambées. Je ne comprends pas ce qui s'est produit et la raison de ces visages graves.

— Que se passe-t-il au juste ?

— Ce n'est qu'une théorie bien sûr, mais il est fort probable que ton humanité continue d'agir sur ton corps.

— Ce qui signifie ?

— Il est possible que les effets de la lumière du jour n'aient aucun effet sur toi. Cette théorie sera bien évidemment à confirmer, mais nous verrons cela un peu plus tard. Je dois m'occuper de Wyatt et soigner ses blessures.

En reprenant les analyses de Delhia, je serais une version améliorée du vampire type. Mon sang humain est peut-être spécial ce qui me permets d'avoir des facultés humaines contrairement aux autres vampires. J'admets être perdue, mais je suis heureuse de pouvoir mettre un nom sur mon visage.

— Maintenant que nous connaissons ton prénom, les recherches pourront être plus précises. Avalon n'est pas un prénom commun, ce n'est qu'une question de temps avant de retrouver tes racines.

***

Je tourne en rond dans mon lit écoutant les bruits de la maison. Bien que je ne sache pas pourquoi, mon cerveau demeure actif et refuse de me laisser tranquille. Je pousse un soupir tout en quittant précipitamment le matelas. Impossible de me reposer après une telle découverte ! Non seulement je connais désormais mon identité, mais je peux visiblement m'exposer au soleil sans craindre de brûler.

J'ouvre les rideaux de ma chambre, la lumière illumine la pièce ce qui me comble de joie. Je tends timidement la main vers la source puis constate que je ne brûle pas. C'est un tel bonheur de savoir que je pourrais librement me balader en ville et découvrir un nouveau monde. Rien ne me retient pourquoi attendre ? Un sourire aux lèvres, je grimpe sur la barrière de fer puis reste en équilibre quelques secondes. Le vent fouette mes cheveux cependant cela ne m'empêche de profiter de l'instant présent. Les bras levés, je me laisse tomber comme lors des entraînements avec Rosalie. Certains pourraient trouver cette expérience effrayante, mais j'éprouve une vague de bonheur en me réceptionnant dans l'herbe. Le manoir est bien plus effrayant vue de devant avec le manque d'entretient.

Ils m'en voudront probablement, mais je veux simplement être seule quelques heures en compagnie du soleil. Les bois sont suffisamment grands pour que je puisse courir en toute liberté. J'admets que la vitesse est la chose la plus agréable en tant que vampire, mais j'aurais aimé ne jamais connaître l'épuisement.

Je me faufile dans la forêt qui aujourd'hui ne semble plus aussi effrayante qu'auparavant. Je cours durant un moment escaladant quelques arbres avec facilité puis retombe en délicatesse sans me blesser. Je parcours ce qui semble être des kilomètres puis m'arrête afin de calmer les affolement de mon coeur. J'ai tendance à oublier cet aspect de ma condition de vampire. J'écarte les branches sur mon passage regardant chaque recoin de la forêt. Aucune odeur humaine ou vampire vient chatouiller mes narines. Cet endroit est neutre ce qui m'encourage à poursuivre dans cette direction.

En écartant des nouvelles branches, je découvre un coin isolé près d'un étang abandonné par les poissons. En l'améliorant je pourrais probablement en faire un endroit tranquille dans lequel je pourrais me réfugier en cas de besoin. Des fleurs blanches presque identiques à mes cheveux peuplent la terre. C'est comme si on m'appelait.

Ce coin est très lumineux et je me sens à ma place. Je virevolte en souriant puis prend place devant l'étang. J'ai peut-être retrouvé mon prénom, mais rien ne garantit que je retrouve tous mes souvenirs et je crois bien que cela m'effraie. Le fait de me rappeler m'angoisse et ne pas me souvenir également. C'est un cycle infernal dont je n'arrive pas à me sortir malgré mes efforts pour y parvenir.

Je plonge ma main dans l'eau froide puis frissonne à son contact. Des milliers de questions tourbillonnent dans mon esprit. Qui étais-je avant d'être vampire ? Comment était ma famille ? Avais-je des amis ? Une partie de moi aimerait retrouver ces banalités, mais l'autre me souffle que c'est une mauvaise idée. Je risque potentiellement de m'attacher à la vie humaine et ne pouvoir y entrer. Je peux certes me balader librement au soleil sans le craindre, mais je demeure un vampire qui se nourrit à base de sang. Lors de mon éveil, j'étais assoiffée et sur le point de tuer cet homme innocent. Je frissonne en me remémorant ce qui s'est passé.

Je glisse ma main dans la poche de mon pantalon puis en sors la bague. Il est rare que je la porte en public, mais elle reste souvent avec moi. Je l'observe une nouvelle fois sans déceler la moindre différence. Elle est aussi belle qu'inutile. Le mieux serait de m'en débarrasser pour éviter de causer du tord à Wyatt. Son manque de contrôle est dû à des actions de sa vie humaine qu'il ne peut oublier, je ne veux pas rendre sa vie encore plus difficile qu'elle ne l'est.

Je la serre une dernière fois entre mes doigts puis la laisse tomber dans l'étang. Elle ne risque de blesser personne au moins. Je me redresse puis quitte cet endroit dans lequel j'espère revenir. Afin de me repérer lors de ma prochaine escapade, je détache le foulard autour de mon pantalon puis l'accroche autour d'un arbre. L'odeur m'aidera à me guider à travers la forêt.

Je disparais de nouveau dans les profondeurs des bois en virevoltant à chacun de mes pas. Prendre de la vitesse devient plus facile, mes mouvements sont singuliers comme si j'avais toujours su comment me déplacer.

En arrivant devant le manoir qui est désormais ma maison, je me surprends à la contempler. Bien qu'elle soit vieille, cette bâtisse regorge de secrets et d'une vie passée. Ce clan de vampires habitent dans cette demeure depuis très longtemps camouflé aux yeux des humains. D'une certaine façon ils vivent exclu de la société malgré l'envie de se fondre dans la masse.

Je pousse la porte d'entrée puis m'engouffre à l'intérieur. Dans un premier temps personne ne semble présent pour me sermonner, mais en faisant un mouvement vers l'escalier je distingue les traits fatigués de Wyatt.

— Je ne compte pas te faire une leçon de moral.

— Qu'est-ce que tu veux ? demandé-je la voix pâteuse.

Il se mord la lèvre.

— Comment fais-tu pour supporter le soleil ? C'est une chose que j'aimerais tellement faire !

— Je n'en ai aucune idée.

Wyatt est malheureux de sa condition de vampire, c'est sûrement pour cela que sa vie humaine le torture autant.

— Comment es-tu devenu vampire ?

Ma question semble le prendre au dépourvu.

— Pour être franc je ne me rappelle pas des détails de cette nuit-là. Mon père était un homme d'affaires riche et qui souhaitait le devenir encore plus, mais il ne voulait pas d'un descendant.

Son visage devient sombre, mais pas une once de vampire sauvage ne fait irruption dans ses traits.

— Mon père ne m'aimait pas et ne voulait pas de moi auprès de lui. J'étais une vulgaire tâche sur son passage alors au début il a tenté de me transformer en une version plus jeune de lui. Malheureusement nous étions très différents ce qui a eu pour conséquence sa colère.

Il relève les manches de sa chemise dévoilant des cicatrices sur sa peau. J'écarquille les yeux en voyant ces fines blessures sur presque chaque centimètre de sa peau.

— Il était violent lorsque l'on contrariait. Pour me punir il me fouettait jusqu'au sang. Personne ne connaissait cet aspect de mon père, eux le voyaient comme un modèle de réussite et de bonté.

Il marque une pause.

— Ma mère est morte lorsque j'avais huit ans. Il l'a battu à mort, mais personne ne le savait car j'étais le seul à avoir assisté à cette horrible scène.

Je pousse un cri de surprise.

— Il commençait à perdre la tête et devenait de plus en plus violent. Lors d'une réception, il m'a empoisonné sans que je ne le sache.

— Comment l'as-tu su ?

— J'ai volé mon certificat de décès.

Comment un père peut-il faire une chose pareille ? Détester son enfant au point de le tuer ? Je ne peux imaginer la souffrance dans laquelle se trouvait Wyatt avant sa transformation. Un voile sombre traverse son regard.

— Une femme à la beauté semblable à celui d'un ange m'a transformé cette nuit-là cependant mes souvenirs sont troubles et je me souviens de très peu de choses. Notre mémoire humaine s'efface avec le temps et je ne saurais t'expliquer en détail ce qui s'est passé.

— N'as-tu pas essayé de la retrouver ?

— Pour être franc non. J'ai passé quelques années à errer à travers le monde sans but. J'étais perdu et tuer des humains semblaient la seule chose que j'étais capable de faire. Puis Delhia est entrée dans ma vie et m'a emmené avec elle pour me discipliner.

Il pousse un soupir puis me regarde droit dans les yeux.

— Comme tu as pu le voir la dernière fois, mes humeurs sont souvent incontrôlables. J'essaie toujours de gérer ces excès de colère, mais c'est difficile lorsque certaines choses me rappelle ma vie humaine.

— La bague ?

— Ma mère portait une bague similaire. Je suis sincèrement désolé pour ce comportement, je ne suis pas le meilleur vampire qui soit.

— Peu importe tu apprends à te contrôler et un jour tu y arriveras.

— J'ai peur de découvrir que je suis comme mon père, mais en vampire.

J'attrape ses mains puis le force à me regarder.

— Tu n'es pas comme lui, Wyatt. Nous nous connaissons pas encore tous les deux, mais je sais à quel point tu souffres de cette situation. Ne laisse pas ces événements du passé te dire qui tu es.

Je ressens soudain une chaleur semblable à une brûlure remonter le long de ma main. Je fronce les sourcils puis retire précipitamment ma main. Une plaie rouge vive déforme le dos de ma main.

— Visiblement, je suis allergique aux gens pas au soleil.

02/05/2020

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