CHAPITRE V


WYATT

La cave est froide et effrayante. Un endroit idéal lors de mes crises bien que je préfère le confort de mon lit. La colère m'a quitté depuis quelques heures, mais j'éprouve le besoin d'être à l'écart des autres. Cette soif de sang n'était pas habituelle ainsi que cette attaque sur l'inconnue. Je me sens incroyablement coupable de ce qui s'est produit.

Adossé contre le mur j'écoute distraitement la fuite d'eau tombant un peu plus loin. Je pousse un soupir puis retourne dans le vieux lit de camp. Delhia m'a donné une potion apaisante qui continue de faire effet. Quelques livres trônent sur la petite table en bois installée dans un coin ainsi qu'une lampe bien que je n'en ai pas besoin. Cela fait un peu plus de dix heures que je suis enfermé à attendre qu'on me donne l'autorisation de sortir.

Le souvenir de la bague refait irruption dans ma tête accompagnée de la chanson. Je me souviens de la mélodie et de la voix de ma mère. Je ne peux me résoudre à penser à elle après toutes ces années écoulées.

— Wyatt ?

Rosalie s'arrête devant la grille tenant dans les mains un verre de sang. Bien que je sois enfermé, mon amie m'apporte tout ce dont j'ai envie en attendant que la crise disparaisse totalement et que le calmant soit prêt.

— Delhia prépare une double dose du calmant afin que tu puisses revenir le plus vite possible. Tu veux bien m'expliquer ce qui est arrivé ? Je ne t'avais jamais vu dans ce état.

— Ma mère portait une bague similaire.

C'est la première fois que je parle de ma mère à quelqu'un. Je ne sais quoi en penser, mais je doute que Rosalie se contente de si peu.

— Cette bague est un symbole très important en Irlande. Elle représente l'amour, la loyauté et l'amitié. Crois-le ou non, mais mon père était une extrême douceur avant et avait fait confectionner ce bijou pour ma mère.

— Cela ne répond pas à ma question.

— Ma mère était la personne que j'aimais le plus au monde et je n'avais plus revu cette bague depuis sa mort. Je suis conscient qu'il en existe probablement des autres depuis le temps, mais revoir un modèle similaire m'a de nouveau emprisonné dans la rage.

Elle pose sa main sur la mienne.

— Wyatt, tu étais trop jeune pour aider alors essaie de te pardonner à toi-même. Douze ans ce n'est pas un âge pour faire face à son père tyrannique.

— C'était un monstre.

Un long silence accompagne mes paroles cependant je décide d'y mettre fin. La bague Claddagh est devenue très commune aujourd'hui, mais pas suffisamment pour qu'une jeune femme aussi jeune qu'elle la porte. Un bijou de famille peut-être ?

— Notre inconnue vient d'Irlande.

— Comment peux-tu en être sûr ?

— On ne porte pas une bague de cette valeur uniquement pour le style, Rosalie. Je suis presque certain que la pierre était un rubis. Donc je conclus qu'elle appartenait à sa famille.

Rosalie saute sur ses pieds.

— Ta théorie n'est pas bête ! Faith et moi allons nous rendre sur la tombe par laquelle elle est sortie. 

— Je peux me rendre utile ?

— Pour le moment non.

Elle s'apprête à quitter la cave lorsque je décide d'être totalement franc avec elle.

— Son sang avait la même odeur que celui d'un humain.

— Oui nous le savons. Delhia dit que c'est uniquement parce que l'ADN humain prend le dessus sur le venin.

— Non, il y a autre chose.

Je suis absolument certain que cette inconnue cache bien plus qu'elle ne le laisse paraître. Un vampire nouveau-né est assoiffé de sang jour et nuit alors qu'elle le contrôle parfaitement. C'est à peine si elle en boit ! Effectivement il y a eu l'épisode du cimetière où elle a failli mordre un homme, mais elle ne l'a pas fait.

— Elle ne se comporte pas comme un nouveau-né.

— Pourtant elle l'est.

— Et si c'était un clan ennemi qui l'envoyait ?

Elle secoue la tête.

— Elle est simplement perdue et je pense que tu l'as tellement effrayée qu'elle n'osera plus s'approcher de toi.

— Je m'en excuse, mais admet que quelque chose cloche !

— Il faut savoir mettre ses doutes de côté pour aider quelqu'un. Je reviendrais te voir plus tard, j'aimerais dormir un peu avant notre escapade. Tu devrais faire de même d'ailleurs.

Elle utilise sa rapidité puis quitte la cave. Je devrais dormir, mais la peur de perdre le contrôle à nouveau m'angoisse. J'ai effrayé la nouvelle et je ne voulais pas le faire. En l'espace de quelques minutes je suis devenue le prédateur des romans de vampires. Je bois rapidement la dose de sang reprenant des forces puis m'allonge sur le lit. Celui-ci est inconfortable, mais je m'en contenterai.

— Je t'en prie arrête !

Les hurlements de la femme rompait le silence du manoir. Étendue sur le sol, elle se débattait contre cet homme violent et sans coeur. Sa robe de soirée était déchirée, sa peau pâle couverte de blessures.

— Ce qui se passe dans cette maison reste dans cette maison, compris ?!

Le démon lui donne une énième claque puis s'éloigne à grandes enjambées. Le petit garçon observait la scène recroquevillé dans un coin serrant contre lui la peluche. La femme se releva avec difficulté les jambes vacillantes et la vue trouble. Le garçonnet se précipita vers elle, mais il était trop tard. La femme au coeur d'or sombra dans l'éclat ténébreux de la mort.

La porte de la cave s'ouvre de nouveau m'extirpant de mon sommeil. Delhia s'avance vers moi avec son éternel sourire. Peu importe les situations périlleuses dans lesquels nous nous trouvons elle restera toujours aussi souriante.

— Navrée de te réveiller, Wyatt.

— Non c'était bien nécessaire.

Je n'ajoute rien de plus préférant ne pas m'attarder sur les détails. Elle me donne deux fioles contenant un liquide transparent.

— Le premier t'aidera à chasser tes cauchemars, j'ai doublé la dose et le second pour contrôler tes pulsions.

— Dans combien de temps pourrais-je sortir ?

— À la tombée de la nuit.

Elle marque une pause.

— Rosalie m'a confié tes craintes au sujet de notre inconnue. Veux-tu m'en parler ?

— Ne penses-tu pas qu'il s'agisse d'un piège ?

— N'est-ce pas toi qui l'a ramené auprès de nous afin de lui apporter de l'aide ?

— Elle marque un point.

Adossé contre la porte, Matt me lance un regard hautain. Cette situation semble l'amuser.

— On va retrouver son identité et potentiellement mettre un plan d'action pour l'aider le mieux possible, ajoute-t-il.

— Cela n'exclut pas la possibilité qu'elle soit un potentiel danger pour le clan, ajouté-je.

— Tu es un danger.

Delhia pousse un soupir.

— Pour le moment occupons-nous de rassembler des indices sur l'identité de notre inconnue. J'aimerais cependant que cette escapade ne vous donne pas une raison supplémentaire de dispute.

Nous nous contentons de hocher la tête en silence. Notre aînée attrape délicatement ma main.

– Ne laisse pas ton passé gâcher ton présent. Nous n'avons clairement pas besoin d'une nouvelle crise.

Il y a eu un moment dans ma vie vampirique où j'ai souhaité quitter ce clan pour mener ma propre existence, mais je n'étais pas idiot au point de croire que je parviendrais à me mêler aux humains. Je regrette parfois d'être encore présent avec eux et causer tant d'inquiétude autour de moi. Peut-être que mon père avait raison à mon sujet. Je suis égoïste et aveuglé par mes propres intérêts.

11/04/2020

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top