CHAPITRE II
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L'obscurité est la première chose que je discerne en ouvrant les yeux. Mon coeur tambourine violemment contre ma cage thoracique et semble sur le point de sortir de mon corps. Je tente désespérément de trouver un point de lumière, mais il semblerait que je ne sois entourée que de noirceur. Où suis-je ? Pourquoi ai-je cette horrible sensation d'emprisonnement ? Mes mains tâtonnent autour de moi afin d'y déceler le moindre indice, mais je ne discerne que du tissu. Je poursuis mes recherches et découvre un plafond au-dessus. Il semblerait que je sois dans un espace étroit. Serais-je enfermée ? Comment une chose pareille est-elle possible ? La panique s'empare de moi. Je me mets à frapper violemment autour de moi en espérant que quelqu'un vienne m'aider. Je pousse un hurlement à en perdre la voix cependant pas suffisamment puissant pour attirer l'attention.
Enragée, j'arrache férocement ce qui semble être une nouvelle couche de tissu et frappe encore plus fort. J'entends un craquement m'encourageant à poursuivre malgré la douleur émanant de mes mains. Une mystérieuse substance froide se déverse sur moi avec une odeur de terre. Je tends la main vers la source, un trou en est la cause et je peux facilement l'agrandir. Une force dont je ne soupçonnais pas l'existence prend possession de moi, un autre craquement retentit. Au bout de ce qui me semble être une éternité, je parviens à glisser mes mains et à les guider vers la surface. Un air froid et glacial chatouilles mes doigts. Je ne perds pas une seconde de plus et me glisse dans cette ouverture.
Je me hisse difficilement hors de cette mystérieuse prison. Mes mains agrippent fermement ce qui semble être de l'herbe. Les joues baignées de larmes, je reste immobile incapable de bouger. Je parviens finalement à me mettre debout après quelques essais. Je pousse un hurlement en découvrant une tombe avec de la terre retournée. Un cercueil. J'étais enfermée dans un cercueil ! Pourquoi ferait-on une chose pareille ? J'essaie de me remémorer les derniers événements de ma vie, mais je ne découvre qu'un important vide. Quel est mon nom déjà ? Qui sont mes parents ? Où est ma famille ? S'inquiète-t-elle pour moi ?
La panique me submerge tandis que je m'élance dans ce labyrinthe de tombes. Je ne suis pas morte, comment puis-je être dans un cimetière ? Les sons autour de moi semblent bien plus amplifiées me donnant presque le tournis.
— Est-ce que tout va bien ?
Un homme avec une longue barbe me dévisage avec inquiétude.
— Tu as besoin d'aide ? Comment tu t'appelles ?
Il tente de s'avancer, mais je recule d'un pas. Mon instinct me souffle de ne pas confiance à un étranger.
— Du calme je ne vais pas te faire de mal.
Une délicieuse odeur tourbillonne dans l'air me faisant seulement prendre conscience à quel point je suis affamée.
— Quelqu'un t'a fait du mal ? ajoute-t-il.
Il tente de nouveau de me toucher, mais je me contente de lui lancer un regard sombre.
— Ne me touche pas, murmuré-je.
L'inconnu se contente de ricaner.
— Comme tu veux.
Il coince un étrange papier dans sa bouche celui-ci émane de la fumée virevoltant autour de lui. L'inconnu attrape une boîte dans la poche de son pantalon puis tapote dessus incroyablement vite.
— Bon je veux pas d'ennuis avec la police donc ce que je te propose c'est que tu me donnes le numéro d'un de tes proches afin qu'il vienne te chercher. On ne traîne pas dans un cimetière à deux heures du matin.
Je ne prête pas attention à sa remarque lorsque cette odeur alléchante revient de nouveau. Je hume l'air à la recherche de sa provenance ce qui ne semble pas plaire au barbu.
— Tu es une droguée c'est ça ?
Il attrape mon poignet m'obligeant à la regarder. Je me dégage de son emprise en le poussant violemment. L'homme tombe en arrière la bouche grande ouverte et les yeux écarquillés de surprise.
— Putain c'est quoi ton problème ?
Je m'approche de lui, les pensées embrouillées. Quelque chose m'attire désespérément vers lui bien que j'ignore quoi. Les battements d'un coeur rapide parviennent à mes oreilles et durant un instant je m'apprête à reprendre le contrôle, mais le parfum m'ensorcelle.
— Espèce de folle !
Il porte sa main sur le sommet de sa tête et grimace.
— Va te faire soigner !
Mes yeux ne quittent pas le sublime liquide rouge. Je n'entends rien d'autre que cet appel que je me dois de respecter. Inconsciemment j'entoure mes doigts le long de sa gorge. Il suffoque lentement ce qui me laissera le temps de savourer ce fluide délicieux. L'esprit aveuglé par cette étrange faim, je plonge mes dents dans sa peau.
— Tu ne comptes pas sérieusement le tuer ? déclare une voix masculine.
Surprise par cette interruption, je lâche la gorge de l'homme. Un mouvement vif passe sous mes yeux si bien que je ne parviens pas à discerner la moindre silhouette. Je me redresse guettant ce nouvel arrivant.
— Allez-vous-en ! sifflé-je.
Un jeune homme incroyablement séduisant s'arrête à ma hauteur.
— Laisse-moi t'aider.
Un grognement presque bestial sort de ma bouche. Que m'arrive-t-il ? Je tremble en prenant conscience de ma soudaine agressivité. Mon regard rencontre celui du garçon qui dégage une profonde gentillesse. Qui est-il ? Peut-il vraiment m'aider comme il le prétend ? J'ai la cruelle impression d'être prisonnière d'un jeu cruel.
— Wyatt grouille-toi ! déclare une autoritaire.
Une jeune femme aux longs cheveux bruns apparaît soudainement auprès du garçon. Ses yeux verts deviennent brusquement aussi rouge que le sang. Confuse, je prends la fuite. J'ignore où mes pas me mèneront, mais je ne me sens pas en sécurité. Pourquoi cette fille avait-elle les yeux de cette couleur ? Le vent souffle dans mes cheveux lorsque je prends de la vitesse. J'éprouve un élan de liberté incroyablement exaltant. Malheureusement je sens une présence derrière moi. Ne peuvent-ils pas me laisser tranquille ? J'accélère et malgré la puissance de ma course, je commence à éprouver une grande fatigue.
N'en pouvant plus je m'arrête puis m'adosse contre un arbre. Les bruits de la forêt résonnent dans mes oreilles ainsi que mon propre souffle.
— Nous ne te voulons pas de mal.
Le jeune homme me bloque le passage. Ses yeux sont également rouges, mais son visage exprime toujours une profonde gentillesse.
— Elle est humaine j'entends son coeur battre, déclare la fille.
— Tu as vu la vitesse à laquelle elle se déplace ?
— Peut-être qu'elle est simplement rapide ? ajoute une autre voix masculine.
Un blondinet s'avance à son tour. Les trois inconnus me font face et m'analyse avec soin. Je sens mon angoisse revenir et cette impression d'enfermement. Mes jambes ne parviennent plus à me soutenir, je m'écroule sur le sol boueux de la forêt.
— Elle n'est pas un comme nous, Wyatt.
— Alors qu'est-ce qu'elle est ? Un humain ne se déplace pas de cette façon et n'ont pas les yeux rouges, Faith.
Wyatt me lance un regard curieux.
— Comment t'appelles-tu ?
— Je ne sais pas, avoué-je.
— Comment ça tu ne sais pas ?! crie Faith.
Elle tremble de colère.
— On perd notre temps, c'est juste une gamine un peu paumée. On lui donne la potion d'oublie et on se casse.
Wyatt secoue la tête.
— Non je ne suis pas d'accord.
— Ce n'est pas à toi de décider !
— Toi non plus.
Le garçon en retrait semble ennuyé par cette dispute.
— Emmenons-la à Delhia.
— Tu as perdu la tête ? s'écrie-t-elle.
— Nous ne devons prendre aucun risque surtout dans une telle situation.
Faith pousse un soupir puis hoche la tête. Je ne suis pas certaine de leur faire confiance, mais où irez-je ? Je ne sais pas qui je suis ni ce que je suis. Peut-être que cette fameuse Delhia pourrait m'apporter des réponses.
***
Un lourd silence vient prendre place durant notre trajet. Je suis heureuse qu'aucun d'entre eux ne posent plus de questions auxquelles je ne peux répondre. Ils doutent probablement de mon honnêteté surtout cette Faith. Qui ferait confiance à une pauvre fille seule et sale ? La robe noire que je porte est couverte de terre et mes ballerines tombent en lambeaux. Un élément me frappe brutalement aux yeux : Faith porte un pantalon. J'ignore pourquoi, mais ce détail me gène énormément. Les femmes ne sont-elles pas supposées mettre des robes ? Je déteste le fait de ne pas me souvenir ! Comment ai-je pu oublier mon propre prénom ? J'ignore même à quoi je ressemble ! J'attrape une mèche de mes cheveux qui est d'un joli blond. Ce détail me donne malgré tout le sourire. Mon apparence est un véritable mystère pour moi, j'espère avoir l'occasion de me découvrir.
— Accélère, déclare froidement Faith.
Je reporte mon attention sur ces trois inconnus. Ils semblent parfaitement connaître la forêt et ne doutent pas un instant du trajet qu'il faut emprunter. J'évite de peu une branche qui entaille tout de même mon bras. Les perles de sang se déposent sur le sol et je ne peux détacher mon regard de ce liquide rouge si brillant et attirant.
Nous arrivons finalement devant un vieux manoir abandonné. Une vieille balançoire trône au milieu des mauvaises herbes. Des plantes grimpent le long des murs donnant des allures sinistres à cette vieille demeure. Je frissonne face à ce spectacle et durant un instant je suis convaincue de faire demi-tour.
— Inutile de chercher à t'enfuir.
Le garçon silencieux m'attrape fermement le bras m'emmenant de force dans la propriété. Il pousse la vieille grille en métal puis me guide vers la porte d'entrée. Il l'ouvre et me pousse à l'intérieur.
— Vous avez mit beaucoup de temps ! s'exclame une nouvelle arrivante.
Une fille plus jeune que ceux qui m'entoure vient à notre rencontre.
— Où est le stock de sang ?
— Nous avons été... occupé, répond Wyatt.
Elle me regarde attentivement et écarquille les yeux.
— Mais c'est une humaine !
— Non elle ne l'est pas.
— Son odeur y ressemble énormément ! ajoute la rouquine.
— Nous l'avons amené afin que Delhia puisse nous aider à comprendre.
Une nouvelle femme surgit de l'ombre et descend les marches du long escalier en bois. Sa beauté me bouleverse aussitôt. Contrairement aux autres, celle-ci me sourit chaleureusement et s'approche de moi.
— Une nouvelle recrue ? demande-t-elle à Wyatt.
— C'est justement le problème... commence-t-il.
La magnifique femme s'approche de moi et en un instant sa mine s'assombrit.
— Laissez-nous seules.
— Mais... débute Faith.
Elle lance un regard sombre aux quatre personnes qui disparaissent à la vitesse de la lumière.
— Est-ce que tu veux boire ou manger quelque chose ?
— Non merci.
Je suis affamée, mais je ne veux pas accepter de la nourriture de la part d'une inconnue. Nous nous dirigeons vers une superbe véranda dont les meubles sont en rotin rendant le tout incroyablement élégant et agréable. L'endroit est ouvert de partout afin de permettre au soleil de baigner dans la pièce. Je prends place face à l'inconnue.
— Je m'appelle Delhia et je suis la propriétaire de ce manoir. Pourrais-tu me donner ton nom ?
Je me mords nerveusement la lèvre.
— Je ne m'en souviens pas.
— Te souviens-tu de ta famille ou d'amis ?
Elle me fixe de son grand regard m'encourageant cependant je ne vois strictement rien. Je ne me rappelle pas de ma vie ni de la raison pour laquelle j'étais enfermée dans un cercueil.
— Bien. Tu es certainement trop chamboulée pour te souvenir, mais ils reviendront à un moment ou l'autre.
Elle médite quelques instants dans un silence total puis enchaîne avec une question à laquelle je ne m'attendais pas.
— Sais-tu ce qu'est un vampire ?
Je secoue la tête.
— Ce sont des créatures nées humaines vivant la nuit et qui s'abreuvent de sang pour survivre. Nous avons l'apparence d'un être humain, mais ce n'est qu'une facette.
— Que voulez-vous dire ?
— Je suis un vampire tout comme les jeunes gens que tu as croisé.
Mes pensées s'embrouillent et je perds pied.
— Cette révélation peut paraître choquante j'en ai conscience, mais sache que je ne te ferais pas de mal.
— Vous allez bientôt me dire que vous buvez le sang des animaux pour être gentils ?
Elle éclate de rire.
— Non ! Notre alimentation se résume à boire du sang humain, mais vois-tu nous nous contentons de voler des poches contenant le sang.
— Vous n'attaquez pas les humains ?
— Plus depuis des siècles.
Je suis stupéfaite d'apprendre que des telles créatures existent.
— Suis-je comme vous ?
— Tout laisserait à croire que oui malheureusement il y a des détails qui ne peuvent être ignorés.
— Comment ça ?
Elle attrape ma main et la pose sur sa poitrine à l'emplacement du coeur. Mes doigts ne sentent absolument rien.
— Le coeur des vampires ne battent plus lors de la transformation cependant le tien bat toujours.
— Donc je ne suis pas un vampire ?
— D'après Wyatt tu te déplaces rapidement et tu as des réflexes de vampire. Pour être tout à fait honnête je suis perdue.
Elle marque une pause.
— De mon point de vue tu pourrais être un vampire de nouvelle génération, mais il faudra passer des tests pour en être sûr.
— Vampire nouvelle génération ?
— Peut-être que ton ADN humain prend le dessus sur le venin de vampire. Pour le moment je n'en sais pas plus.
J'écarquille les yeux.
— Et pour ma mémoire ?
— Il arrive que certaines transformations soient violentes. Certains vampires oublient
leur vie humaine en s'éveillant.
— Je ne vais jamais récupérer mes souvenirs ?
— Nous allons tout faire pour éclaircir ce point.
Je reste l'inconnue sans prénom que personne ne connaît. Les autres ne me feront jamais confiance.
— Quoiqu'il en soit tu es la bienvenue au sein de ce manoir.
— Pourquoi voulez-vous m'aider ?
— Crois-le ou non, mais je sais à quel point la transformation est difficile. J'ai passé bien des siècles à errer sans trouver de but. Aujourd'hui j'aide les nouveaux-nés à accepter cette nouvelle vie.
Tant de gentillesse pour des créatures se nourrissant de sang humain. Cette pensée devrait me rendre malade, mais il n'en est rien. Je garde cette pensée pour moi.
— Nous avons une chambre libre, Rosalie t'aidera à t'installer. Tu es libre de tes déplacements, mais j'aimerais que nous commencions les tests dès demain.
Je hoche la tête.
— Je vous remercie de votre gentillesse.
— Je te promets de t'aider.
J'essaie de croire à ses paroles cependant je n'y parviens pas. Et si je ne découvrais jamais mon identité ? Et si j'étais condamnée à vivre sans le moindre souvenir ? Je ne veux pas passer l'éternité à chercher une vie passée.
20/03/20
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