Chapitre 25 - Réapparition
Mon père s'affale dans le canapé juste devant nous, comme si de rien n'était, complètement indifférent au chaos ambiant. Il allume la télé et tombe sur une chaîne d'infos qui tourne en boucle, des images de flics en uniforme et des gros titres rouges criards. Super. Comme si j'avais besoin d'un rappel que le monde part en vrille.
— Hé, ça te dit qu'on aille au Lider qui vient d'ouvrir pas loin ? Il va falloir prendre deux-trois trucs si tu comptes t'occuper de la petite, propose Miguel, tout en jetant un coup d'œil au sac à couches presque vide.
Il n'a pas tort, et franchement, ça m'arrange. J'ai pas encore eu l'occasion de voir ce nouveau centre commercial dont tout le quartier parle. Un peu de distraction ne fera pas de mal, et tant pis pour le devoir qui traîne sur mon bureau.
Le Lider est immense, une vraie fourmilière sous néons. L'air climatisé m'assèche la gorge, et la lumière reflétée sur le carrelage trop propre me fout presque un mal de crâne. Miguel marche devant, en sifflotant, tandis que je tiens le bébé, qui gazouille dans mes bras et attire des regards curieux.
On finit par tomber sur le rayon des vêtements pour bébé. Des bodys pastels, des grenouillères à motifs de lapins, des chaussettes minuscules ; tout semble sorti d'un catalogue de familles parfaites. Miguel attrape une petite salopette rose et la lève en riant.
— Ça lui irait bien, tu crois pas ?
Une femme d'un certain âge passe près de nous, son regard oscillant entre la petite dans mes bras et nos têtes de « jeunots irresponsables ». Elle secoue la tête, désapprobatrice. Miguel la remarque et murmure, ricanant :
— On dirait qu'on vient de kidnapper un bébé.
Je serre les dents, esquissant un sourire forcé. Qu'est-ce que je fous là ?
En me retournant, je remarque une jeune femme de dos, tendue sur la pointe des pieds pour attraper un paquet de sucettes trop haut pour elle. Je ne réfléchis pas et tends mon bras libre, l'autre maintenant la petite contre moi, pour l'aider à attraper le paquet.
— Tenez, dis-je en tendant le paquet.
La femme se retourne, surprise.
— Oh, je vous remercie, rétorque-t-elle en nous fixant, légèrement perplexe.
Alors qu'on s'éloigne dans les allées, un type s'approche de la femme que je viens d'aider. Grand sourire et regard insistant, il entame une tentative maladroite pour obtenir son numéro. Je retiens un rire. Pauvre gars, il va se prendre un râteau monumental.
— Désolée, je ne suis pas intéressée, répond-elle timidement.
— Oh, allez, juste un verre ! insiste-t-il en se rapprochant un peu trop.
Son ton m'agace instantanément. Je jette un coup d'œil par-dessus mon épaule et croise son regard, figé, presque tétanisé. L'autre continue d'insister, sans même remarquer son malaise.
— Mec, t'es con ou tu fais exprès ? Elle t'a dit "non", je lance en m'arrêtant.
Le type se retourne, surpris.
— De quoi tu te mêles, sale connard ?
Je ne lui laisse pas le temps de continuer.
— Elle est dans un rayon pour bébé avec des sucettes à la main. T'es trop stupide pour comprendre qu'elle a un gosse et qu'elle est déjà en couple ? Allez, viens chérie, on doit encore prendre le lait en poudre, je rétorque en passant mon bras autour de ses épaules.
Le gars hésite. Il me jauge, voit ma carrure et celle de Miguel derrière, puis ravale sa fierté et se barre en marmonnant.
— Je... merci. Je ne sais pas ce que j'aurais fait sans vous, dit-elle, visiblement soulagée. Je ne sais pas quoi faire pour vous remercier.
Miguel, fidèle à lui-même, ne rate pas une occasion.
— Si vous voulez nous remercier, vous pouvez toujours nous payer un verre !
Je lui file un coup de coude, t'abaisse pas au niveau du mec, andouille.
— Sérieusement, désolé. C'était rien. C'est juste que je déteste ces espèces d'agresseurs, je lâche sans réfléchir.
Un bref silence s'installe. Elle nous regarde, légèrement embarrassée.
— En tout cas... merci encore. Vous savez quoi ? J'avais prévu d'inviter du monde ce soir chez moi, mais ils ont annulé. Vous voulez vous joindre à moi et ma sœur ?
Miguel et moi échangeons un regard. Une invitation inattendue, vraiment ?
— Oh... désolée, c'est bizarre, hein ? Je suis peut-être un peu trop spontanée... ajoute-t-elle en rougissant.
Miguel saute sur l'occasion.
— Moi, j'ai rien de prévu ce soir, dit-il en me lançant un regard insistant, à croire qu'elle lui a tapé dans l'oeil...
Elle regarde la petite dans mes bras et me demande, curieuse :
— C'est... votre fille ? Ou votre petite sœur ?
Je bug une seconde.
— Euh... ma fille, ouais. Enfin, un peu compliqué, dis-je en esquissant un sourire nerveux.
— Elle a l'air absolument adorable ! Ma sœur vient d'accoucher. Elle est débordée, c'est pour ça que je suis là avec ces sucettes à la main.
Je bafouille, pris de court :
— Ok je vois, j'ai rien de prévu ce soir. Je crois que moi aussi, j'ai besoin de changer d'air, ha ha...
On échange nos numéros, et elle nous donne son adresse. Par chance, ce n'est pas très loin.
Une fois la nuit tombée, Miguel et moi prenons un bus en direction de chez elle. Je réalise en chemin que je ne lui ai même pas demandé son nom. Bien joué Val.
Quand elle ouvre la porte, une odeur alléchante de cuisine envahit immédiatement l'air. Elle nous accueille avec un grand sourire.
— Bienvenue ! Faites comme chez vous ! Au fait, je ne me suis pas présentée. Je m'appelle Jamila, et voici ma grande sœur, Javiera.
Elle entre dans le salon, et là, c'est comme si le sol se dérobait sous mes pieds.
— Vous ?! je lâche, incapable de cacher ma surprise.
L'inspectrice Flores, cette femme que je déteste cordialement, se tient devant moi, son visage trahissant une expression aussi désemparée que la mienne.
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