8 - Interrogatoire
« W » C'est la lettre tracée dans le sang, juste à côté des corps. Mon regard s'attarde sur ce symbole, la signature de Lie Killer. Chaque crime, chaque scène, une nouvelle lettre laissée derrière, un message codé. Mais cette fois, c'est « W. ». Qu'est-ce qui commence par un « W » en espagnol ? C'est quoi le putain de sens ? Mon esprit se brouille, cherchant désespérément une logique. Puis, soudain, comme une claque, un souvenir refait surface.
"Wendy"
Romane a mentionné une Wendy dans la voiture, ce soir-là. Ils lui avaient fait subir la même horreur qu'à moi. Elle l'a dit avec une telle désinvolture, comme si c'était un simple fait, une anecdote. Le dégoût monte en moi à cette pensée, et tout à coup, tout devient clair. Wendy. Est-ce qu'elle pourrait être la tueuse ? Est-ce elle qui se venge en laissant derrière elle ces lettres sanglantes ?
Non, non... réfléchis, Val. Ça colle pas, ça n'explique pas les deux meurtres précédents de Sandoval et Pizzarro qui n'ont rien à voir. Quoique ? Et si c'étaient eux aussi des violeurs ? Des putains de prédateurs sexuels qui se planquaient derrière une façade irréprochable ?
Cet espèce de slogan « La vérité finit toujours par être mise à nue. » Et si c'était une vraie promesse ? Mais dans ce cas, de qui ? Clairement de n'importe qui qui cherche à se venger. Quelqu'un qui connaît leurs crimes, quelqu'un comme... moi ?
Je sens une goutte de sueur perler dans mon dos. Non, c'est absurde. Je ne suis pas Lie Killer. Mais je ressens cette même rage, cette même soif de justice. Je me serais vengé si j'en avais eu l'occasion. Mais quelqu'un d'autre l'a fait avant moi. Quelqu'un d'aussi désespéré, de brisé que moi. Quelqu'un qui a décidé que la justice ne suffisait pas, que la vengeance était la seule solution.
Mes pensées se mélangent, comme un puzzle dont les pièces ne s'imbriquent pas encore. Mais une chose est certaine : je dois la trouver. Wendy est la clé si c'est bien elle que ce « W » représente. Peut-être qu'elle détient la vérité, ou au moins, qu'elle connaît une personne qui est au courant de son viol.
Et peut-être que cette personne est Lie Killer.
Alors que je fixe encore les corps sans vie, une voix me ramène brutalement à la réalité.
— Vous êtes Valentino Diaz ?
Je lève la tête, les yeux flous, et me retrouve face à deux flics, armés jusqu'aux dents, avec des visages fermés, figés. Miguel m'avait dit qu'ils me cherchaient. Je l'avais presque oublié. Pourtant, j'ai rien à voir avec tout ça, même si ça aurait pu.
— Ouais, c'est moi, je murmure.
— Suivez-nous, dit l'un d'eux, sans plus d'explications.
Mes potes me fixent, tétanisés. Leur regard brûle dans ma nuque tandis qu'on m'embarque. Ils se demandent sûrement si j'y suis pour quelque chose. Et si c'était vrai ? Qu'est-ce qu'ils penseraient ?
— C'est une arrestation ? Où est votre mandat ? Vous êtes pas censés me lire mes droits ?
Je crache mes questions comme des balles, espérant qu'une d'elles fera mouche, mais les flics restent de marbre.
— Pas besoin de mandat pour une convocation. Vos droits et les charges vous seront communiqués au poste, répond l'un d'eux d'une voix froide.
Génial. Pas d'arrestation formelle, juste une convocation déguisée. Parfait.
Quelques minutes plus tard, je suis balancé dans une salle d'interrogatoire. Ça pue le renfermé et la cigarette, le néon dégueule une lumière froide qui me vrille les yeux, et la chaise en métal est glaciale sous mon cul. Une ambiance de merde, parfaite pour rendre n'importe qui coupable. L'inspectrice, une femme aux traits secs, me fixe comme si elle allait disséquer mon âme sur cette putain de table lugubre. Rien. Pas un mot. Juste le silence qui me ronge. Je continue à l'observer, alors qu'elle se décide à feuilleter quelques dossiers, en attendant sûrement le feu vert de ses supérieurs planqués derrière le miroir sans tain. Elle est jeune, la trentaine à peine, mais y'a quelque chose chez elle, un truc tranchant. Ses cheveux bruns sont tirés en un chignon strict, pas une mèche qui dépasse. Son visage anguleux, presque dur, ses lèvres, fines et pincées, ajoutent à ce côté rigide. Mais c'est son regard qui fait le plus mal. Froid. Perçant. Aiguisé comme une lame. Elle n'a pas besoin de parler pour que je sente le piège se refermer.
— Valentino Diaz, d'après des témoignages vous êtes le dernier à avoir été aperçus en compagnie de Jorge et Romane Vega qui ont été retrouvés assassinés ce matin dans votre campus. Vous êtes montés avec eux en voiture hier fin d'après-midi, vous confirmez ?
C'est comme ça que s'appelait son grand frère ? Je suis vraiment dans la merde, mais vaut mieux que je dise la vérité tout en essayant d'en dire le moins possible.
— Ouais, c'est ça, je réponds en gardant ma voix aussi stable que possible.
Elle hoche à peine la tête, ses yeux fixés sur moi comme des scalpels.
— Pourquoi êtes-vous monté dans leur voiture ? Vous les connaissiez bien ?
Elle est rapide, enchaîne direct, ne me laissant aucune pause. Je sens son aura me lacérer.
— J'étais en galère de transport. Romane m'a proposé de monter, c'est tout.
Mais pourquoi elle parle aussi de son frère ? Jorge n'était pas censé être dans cette putain de voiture. Personne n'aurait dû savoir.
— Très bien, où étiez-vous au moment des faits ?
Cette question évidente que je n'avais pas anticipée me frappe comme un coup de poing. Une sueur glaciale glisse dans mon dos. À ce moment-là, j'avais... complètement disparu des radars.
— Euh... les faits... à quelle heure exactement ? je demande, pour me laisser le temps de trouver un alibi.
— 7h30 ce matin. Et comment expliquez-vous que vous ayez raté vos premiers cours ? Où étiez-vous, M. Diaz ? répète-t-elle, sans une once d'émotion dans la voix.
Je ravale ma salive, essayant de garder mon calme, mais je sens la tension monter dans chaque fibre de mon corps.
— Je... j'ai eu une panne de réveil ! Tout simplement !
Elle pince encore plus ses lèvres, ses yeux toujours fixés sur moi comme si elle pouvait voir à travers moi.
— Vous avez un témoin qui peut confirmer ça ? Un parent ? Une petite amie peut-être ?
Son ton est sévère, sa voix aussi tendue que le fil d'un rasoir.
— Je vis avec mon père, mais il n'était pas là cette nuit pour pouvoir le confirmer. Je n'ai aucun alibi, c'est vrai, mais vous n'avez rien de solide non plus pour me garder ici ! J'ai rien à voir avec ce meurtre, je lance, en m'efforçant de garder un visage impassible.
L'inspectrice me fixe sans un mot, puis d'un geste brusque, elle se lève et s'avance vers moi. Ses yeux me scannent des pieds à la tête avant qu'elle ne m'attrape soudainement par le col de mon t-shirt. Son visage se rapproche dangereusement du mien. Je peux sentir son souffle, chargé de l'odeur amère de cigarette, se poser sur ma peau. Le temps se fige. Ma respiration se bloque, et je ne comprends pas ce qu'elle est en train de faire jusqu'à ce que je sente sa main fouiller mon corps, ses doigts glissant à travers mes vêtements comme des vipères. Putain ! Mais elle fait quoi ?
Je panique, je me crispe, mon cœur cogne à toute vitesse dans ma poitrine et des sales souvenirs commencent à me submerger. Elle continue à chercher, s'arrêtant enfin sur ma poche. Elle en sort la seringue, la tenant du bout des doigts comme si c'était un trophée. Je souffle, presque soulagé malgré tout. C'était juste ça qu'elle cherchait...
— Maintenant, je crois qu'on a une bonne raison de vous retenir, elle déclare toute fière d'elle, en agitant ma seringue devant mon nez comme un jouet.
Merde. Je garde le silence, sentant que tout ce que je pourrais dire maintenant ne ferait qu'empirer les choses. Elle enchaîne, sans me lâcher des yeux.
— Vous commencez à comprendre, Valentino ? Si vous tenez à ne pas aggraver votre situation, vous feriez bien de coopérer. Alors, je vais vous le redemander gentiment : qu'est-ce qui s'est passé dans cette voiture ? Sa voix est devenue soudainement douce, presque amicale, mais son regard cherche désespérément un signe de vulnérabilité, une blessure de mon âme dans laquelle s'engouffrer. Je fais tout pour éviter son regard.
— Rien de spécial, je marmonne, la gorge serrée.
Le silence s'installe. Je sens la tension monter, encore plus palpable. Elle ne bouge pas. Puis, lentement, elle sort une clé USB de sa poche et la dépose sur la table entre nous. Son geste est calculé, lent, comme si elle savourait l'effet que ce petit objet a sur moi.
— Vous savez ce qu'il y a là-dedans ? demande-t-elle d'un ton toujours aussi glacial.
Mes muscles se contractent, des frissons me parcourent. Non... impossible, ça peut pas être ce que je crois. Y'a rien. Elle bluffe, elle essaie juste de me faire craquer. Ils n'ont rien.
— J'en sais rien, je lâche.
— C'est une vidéo de surveillance du parking souterrain. Celui où vous vous êtes séparés. Je peux vous dire qu'on y voit des choses très intéressantes, continue-t-elle, en appuyant chaque mot. Alors, je vous pose la question une dernière fois, Valentino : qu'est-ce qui s'est passé dans cette voiture ? Et je vous conseille de bien réfléchir à ce que vous allez me dire, parce que votre version a intérêt à coller à ce qu'on voit dans cette vidéo.
Je sens mon estomac se tordre violemment, mes entrailles se nouer. Comment je vais me sortir de là sans paraître plus suspect que je ne le suis déjà ? Je fais tout pour ne pas céder, mais je sais que le moindre faux pas pourrait me condamner.
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