3 - Lie Killer
Il est tôt. Premier réflexe au réveil : je chope la bouteille d'Ice Tea qui traîne sur ma table de chevet. Évidemment, elle est vide. Super. J'entends la vieille radio grésiller dans la cuisine, mon père l'a déjà allumée, et l'odeur du pain grillé envahit mes narines. Je suis encore défoncé. Je vis dans une boucle ou quoi ? Chaque matin, c'est le même bordel. Je me prépare à l'arrache, saute sur ma bécane et en avant.
Je me gare sur le parking du campus, direction le QG : une table en pierre bien planquée derrière un bâtiment, le coin idéal pour glander. Tous les mecs sont là, même Sebastian, celui qu'on voit presque jamais trainer avec nous. Adossé à un mur, le nez dans son téléphone, mais bon, il est là.
— Hola hermano ! me lance Miguel en se levant.
On se check comme d'habitude.
— Vous êtes pas en cours ? je demande en zieutant Sergio.
— Nan, on commence à dix heures aujourd'hui, me répond-il, tranquille.
— Alors, bilan d'hier ? demande Miguel, avec ce sourire en coin.
— Une meuf, dis-je, l'air blasé.
— Ah, la 43e ? fait Miguel, même pas sur un ton sarcastique.
— Nan ha ha ! Tu me surestimes ! C'était seulement la 41e... Et toi, Sergio ? je balance en me tournant vers lui, curieux de savoir.
— Euh... Ouais, moi aussi j'ai chopé, lance Sergio, un peu hésitant.
— Combien ? que j'insiste.
— Bah... une, bredouille-t-il.
Pfff, il se la joue un peu trop.
Pedro, qui n'avait pas encore ouvert la bouche, lâche soudain :
— Eh, les gars, vous avez vu l'histoire du serial killer en ce moment ?
— Ouais, notre tueur en série chilien, « Lie Killer », commence à faire du bruit jusqu'à l'étranger. Le mec laisse des messages sur ses scènes de crime, trop stylé ! balance Sergio, tout excité.
C'est vrai que c'est pas un tueur comme les autres, mais de là à dire que c'est « stylé »...
— Le journal disait hier que la deuxième victime, Eric Pizzarro, était un gros PDG. Pareil pour le premier, Salvador Sandoval. Ils se connaissaient bien, apparemment. Ça sent l'histoire de fric à plein nez, ajoute Pedro en mode Sherlock. Et le truc chelou, c'est les lettres laissées à chaque scène. La première, c'était un A. Moi, je pense que c'est peut-être ses initiales, genre le mec signe ses meurtres, théorise-t-il.
Sebastian, qui n'avait fait que suivre la conversation jusque-là, s'avance, l'air de rien.
— Ta théorie est stupide Pedro. La deuxième lettre, c'est un V. Tu crois vraiment que « Lie Killer » est assez bête pour mettre ses initiales à côté des corps ? En plus, vu la violence des meurtres – le premier s'est pris 14 coups de couteau dans le thorax – et le message « La vérité finit toujours par être mise à nue », il est évident que ce type cherche à se venger. Les lettres, elles forment sûrement un code qui finira par révéler la vérité que ce taré veut qu'on découvre, analyse froidement Sebastian.
J'avoue, Sebastian est plus malin que nous tous réunis. Et là, il nous lâche une théorie qui tient carrément la route.
— Pas con, mec ! T'as jamais pensé à devenir profiler en criminologie, 'Astian ? s'exclame Pedro, impressionné.
Mais Sergio enchaîne :
— Attends une minute... Comment tu sais pour la lettre sur la deuxième scène ? Aucun média n'a sorti l'info...
Bonne question. Où est-ce qu'il est allé choper ça, ce geek ?
— Mon père a des relations dans la police. C'est comme ça que je suis au courant. Et puis, de toute façon, ça va bientôt sortir dans les journaux, répond tranquillement Sebastian.
— Whaa, trop bien ! T'as pas un scoop confidentiel à nous balancer ? demande Miguel, déjà à fond.
— Hm, pas que je sache. Ah si peut-être, je sais pas si ça a été dit mais le message laissé n'est visible qu'aux ultraviolets. D'après les relevés de la police scientifique, il s'agirait d'un mélange de salive et d'un peu de sang prélevé au pinceau directement sur les victimes, explique Sebastian, comme si c'était une anecdote banale.
Putain, ce « Lie Killer » est vraiment tordu. Mais pourquoi se faire chier à inventer un truc pareil ? Moi, à sa place, j'aurais laissé un petit mot sympa à côté du cadavre.
Qu'est-ce que je raconte, sérieux ? Jamais je serais à la place d'un mec comme ça !
— Ah ouais, trop nul ! Quand ils parlaient de "matière organique", je m'attendais à du sale, genre qu'il ait tartiné les murs avec de la merde ou un truc bien crade tu vois ? Moi, c'est ce que j'aurais fait, ha ha ! s'exclame Sergio, fier de lui.
Franchement, entre lui et moi, y'a pas photo. C'est lui la vraie ordure du groupe. Même si je suis pas un ange, y'a des limites que je franchirai jamais, et Sergio... ben, il en a clairement aucune.
Pendant qu'on rigole encore de sa connerie, un type sort de nulle part. Un vrai zombie. Cheveux gras et longs, barbe de plusieurs jours, et une gueule qui crie "junkie". Il se rapproche de nous avec une démarche hésitante. L'odeur de crasse et de clope froide qu'il traîne est à peine masquée par son haleine dégueulasse. Ouais, je parie tout ce que vous voulez qu'il va demander de la weed.
— Eh Sergio, t'as pas de la beuh ? crache-t-il en mâchonnant les mots comme s'il avait la bouche pleine de gravier.
— Désolé mec, j'évite d'en prendre quand je suis sur le campus, répond Sergio, qui a l'air de trouver ça normal de discuter avec ce cadavre ambulant.
— Ah merde... Sinon, vous avez pas une moto garée là-bas ? lance le mec en pointant vaguement du doigt un coin du parking.
— Si, moi. Pourquoi ? je réplique, déjà agacé par sa présence.
— Y'a des types qui sont allés crever les pneus d'une bécane. J'me suis dit que c'était peut-être à vous, balance-t-il sans émotion, comme s'il nous parlait de la météo.
— Putain, ils ont pas intérêt ! je gueule, déjà en train de bouillir.
Sans réfléchir, je le pousse pour foncer vers ma moto. Si c'est la mienne, je jure que les mecs responsables vont bouffer le bitume. Miguel me suit direct, sans poser de questions.
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