22 - Une mauvaise blague... ou pas

Marco regarde autour de nous, comme pour vérifier que personne ne nous voit discuter dans cette ruelle étroite et sombre.

— Pourquoi vous êtes si nerveux ? je lui demande, fronçant les sourcils.

— Je ne suis pas nerveux ! J'ai... juste un rendez-vous qui m'attend. Pourquoi vous insistez tant ? Il lui est arrivé quelque chose ? demande-t-il, presque hésitant.

— N...non. Mais je l'ai vue récemment, elle tenait à vous transmettre sa plus profonde gratitude.

— D'accord, c'est tout ?

— Comment ça, c'est tout ? Ça vous intéresse même pas de savoir comment elle va ?

— Euh... si... comment elle va ?

Son ton sonne faux. Il est sur la défensive, évitant mon regard, comme si même ces questions anodines le mettaient mal à l'aise. Une partie de moi se demande si Wendy avait vraiment affaire au même homme, le même "héros" qu'elle m'a décrit.

Je me racle la gorge. Ok, fini de tourner autour du pot.

— Elle se remet doucement, je lui dis. Elle a quitté la ville après ce qui lui est arrivé. C'est pourquoi je vais aller droit au but, puisque vous avez l'air très occupé. Est-ce que vous avez parlé de ce que vous avez vu ce jour-là ? Je parle biensûr du viol.

Je le vois se raidir d'un coup en entendant le mot. Il détourne les yeux, comme pour fuir ce moment précis.

— Non... non, à personne, je n'ai rien dit.

— Même après avoir entendu parler du meurtre des Vega ?

Son visage se décompose, et je vois sa gorge se contracter.

— Quel est votre but, exactement ? rétorque-t-il, soudain paniqué. Je n'ai rien à voir avec ça ! Comme si j'avais tout oublié ! lance-t-il, la voix nerveuse, presque tremblante.

Je le fixe, et une idée commence à germer. Un sentiment étrange, un pressentiment que quelque chose cloche vraiment.

— Mais c'est impossible à oublier pas vrai ? Peut-être parce que vous l'avez connu vous-même ? Peut-être parce que malgré vos obligations ce jour où vous avez assisté à cette agression, une force intérieure inexplicable vous a poussé à agir, nan ?

Il tourne la tête, à deux doigts d'avouer que je pointe quelque chose qu'il s'efforce de refouler. Ouais, je sais, c'est un combat de chaque jour ce genre de trauma.

— Je vois où vous voulez en venir, mais vous vous trompez complètement. Je n'aurais jamais eu l'idée de les tuer et puis j'ai un alibi solide ! Ce jour-là...

Je l'interromps.

— Pourquoi vous défendez-vous comme ça ? Je vous ai pas accusé de quoi que ce soit. Juste... Vous savez que le meurtrier a laissé une lettre « W » écrite en sang, près des corps des Vega ? Comme l'initiale de Wendy. C'est pourquoi je dois savoir précisément qui est au courant de ce qui s'est passé.

Il semble au bord de craquer, comme s'il était partagé entre l'envie de me parler et celle de s'enfuir en courant. Il se racle la gorge, évite mon regard.

— À part les personnes qui lui ont fait passer un examen juste après je ne sais pas. Je n'en ai jamais parlé. Je sais même pas si elle a porté plainte comme je l'y avais encouragée. Mais pourquoi cherchez-vous l'identité de Lie Killer ?

— J'ai un compte personnel à régler avec lui, j'abrège.

— Désolé mais je crains ne pas pouvoir vous être utile à grand-chose. Est-ce que vous êtes sûr au moins que c'est pas juste une coïncidence qu'ils soient morts avec la lettre « W » écrite juste à côté ?

— Avec un message de revanche écrit en lettre de sang juste à côté... ça fait beaucoup de coïncidences vous trouvez pas ?

Je le regarde, les bras ballants, tentant de dissimuler mon agacement. Tout ça pour rien. J'aurais pu gagner du temps, faire un vrai pas en avant dans cette enquête. Mais il ne sait rien. Et il n'a pas l'air d'être Lie Killer, même si son attitude laisse à désirer.

Je le laisse partir, frustré, bredouille. J'ai l'impression de tourner en rond, de stagner, alors que la PDI avance et m'a peut-être même devancé. Une vague de découragement me submerge. À ce rythme, ils démasqueront Lie Killer bien avant moi.

Je soupire, refoulant la tension dans mes poings. Peut-être qu'il faudrait que je parle à quelqu'un de cette enquête ? Pour le moment, ce n'est pas le temps de baisser les bras. Il me reste encore une après-midi entière de cours à supporter. J'ai encore un long chemin à parcourir, mais je n'ai pas le choix.



Vers 16h30, je rentre enfin. Mon père est encore au boulot, alors je balance mon sac au sol, attrape une pomme et m'affale sur le canapé. Quand je prends une bouchée, un léger vertige me frappe soudainement. Ça m'arrive de temps en temps, depuis la semaine dernière. Mes mains tremblent un peu, mon cœur rate un battement, puis repart plus fort. La sensation est familière : les vieilles habitudes qui tentent de remonter, mon corps qui réclame sa dose. Mais non, plus jamais. Je secoue la tête pour essayer de penser à autre chose, quand j'entends soudain la cloche de la terrasse sonner. J'avais oublié ! Miguel m'a dit qu'il passerait après les cours !

Je me précipite, ouvre la porte... et rien. Personne. Juste le bruit de la circulation en contrebas. Je m'apprête à fermer, perplexe, et là, je remarque le truc à mes pieds. Un bébé. Un vrai bébé, emmailloté dans un petit landau avec un sac plein de vêtements minuscules et... des couches ? C'est pas vrai. J'étais prêt à affronter beaucoup de choses cette semaine, mais pas un bébé abandonné sur mon paillasson.

Je regarde partout autour de moi, j'espère presque que quelqu'un va surgir et me dire que c'est une blague. Je fais le tour de la maison du jardin, même de la rue, mais il n'y a personne. Rien. Nada. Pas une ombre suspecte.

Je retourne vers l'entrée, mon cœur tambourine. Et voilà que je remarque une enveloppe coincée sous la couverture du bébé. Une lettre, bien sûr. Cette espèce de mère indigne a dû laisser des explications, non ? Elle n'a pas pu juste... laisser un bébé ici, comme ça. Je prends une grande inspiration et ouvre la lettre. Je me mets à lire, et d'un coup, tout devient flou.

Je te présente ta fille. Occupe-toi d'elle en attendant mon retour.




Quoi ?!

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