21 - Une enquête approximative
Il est midi, je pense que je vais profiter des deux heures de pause que j'ai pour aller trouver mon homme, celui que m'a indiqué Wendy... D'ailleurs je me rappelle que je dois la contacter par rapport à la PDI qui risque de la rechercher. Je me demande vraiment comment ils ont pu remonter jusqu'à elle ? Est-ce que ça veut dire qu'ils savent ce que Romane et Jorge lui ont fait ? Mais dans ce cas ils sauraient peut-être pour moi... Peut-être qu'ils nous espionnent ? Je me sens quand même con pour un enquêteur. Si j'avais la perspicacité de Sebastian par exemple j'aurais peut-être déjà pu deviner qui se cache derrière Lie Killer.
J'appelle Wendy via notre messagerie cryptée, mais elle réponds pas... Merde. Et si ils étaient en train de l'interroger ? Qu'est-ce qu'elle révèlerait ? J'ai pas envie qu'elle balance des infos qui pourraient permettre à la PDI de trouver Lie Killer, et le truc c'est qu'on s'est pas mis d'accord sur quoi faire dans cette situation. Enfin on verra bien, je lui fais confiance, et j'ai pas bien le choix.
Je range le téléphone dans ma poche, tentant de me concentrer sur ma prochaine destination, quand j'aperçois Pedro et Sebastian qui sortent du campus. Pedro me repère et change de trajectoire, traînant Sebastian avec lui.
— Tu veux manger avec nous, Val ? propose-t-il avec un sourire.
— Euh... j'ai un truc urgent à faire, mais je peux prendre à grailler rapidos avec vous, je réponds en jetant un œil à Sebastian qui, comme toujours, m'observe avec son air blasé.
Sebastian n'aime pas perdre son temps, encore moins pour des pauses repas. Mais Pedro, lui, a déjà sorti son téléphone pour regarder le menu d'un food truck dans la rue voisine.
— Alors, qu'est-ce que tu as à faire de si important Val ? Me demande Sebastian.
Je sors le papier que Wendy m'avait donné pour identifier l'homme qui sait potentiellement des choses. Je me dis qu'avec un peu de chance il pourra m'aider.
— 'Astian est-ce que tu connaitrais une entreprise du nom de « Quincy'Square » et des personnes qui y bossent ?
Je le vois relever un sourcil, perplexe, avant de prendre son téléphone.
— Attends je vais vérifier dans mes contacts. Pourquoi tu les cherches ?
Ah... Que répondre ?
— C'est... c'est pour mon père. Il connaît quelqu'un qui bosse là-bas et il voudrait être sûr parce qu'il se souvient plus de son nom, je brode, en impro totale. Espérons qu'il ne pose pas plus de question.
— C'est bon j'ai trouvé, m'annonce-t-il.
— Ah t'as des contacts ? je m'exclame, enthousiaste.
— J'ai juste fait une recherche sur le net mec... me réponds-t-il en me montrant son écran, c'est une petite liste de contacts d'une agence immobilière en centre ville.
Comment passer encore plus pour un con ? Pourquoi j'ai pas trouvé ça moi ? J'espérais qu'il ait une relation plus directe mais bon, ça fera l'affaire. Peut-être que parmi ces noms, il y a l'homme qui est venu en aide à Wendy après son agression. Je remercie Sebastian pour son aide et on part grignoter un truc ensembles dans l'avenue suivante.
On s'arrête devant le food truck, et l'odeur de viande grillée, de graisse chaude et d'épices me frappe. Sur le panneau griffonné à la main, le choix habituel : empanadas, humitas, choripán... Pedro hésite comme s'il choisissait la dernière bouffe de sa vie, pendant que Sebastian, fidèle à lui-même, commande simplement la formule du jour.
L'endroit est bruyant, grouillant de passants pressés, certains en costard, d'autres perdus dans leurs écouteurs. Ça me rappelle un peu ces nuits où on finissait là, épuisés et en riant pour un dernier snack, à cette époque où j'étais encore totalement insouciant... La musique latine crachée par la vieille radio du food truck se mêle aux klaxons et aux rires qui montent de partout. Quand c'est mon tour, je commande un choripán bien gras sans trop réfléchir, juste pour retrouver ce goût familier qui cogne l'estomac et fait remonter les bons souvenirs.
Une fois terminé je me rends sans plus tarder à l'agence immobilière, je dois trouver un homme avec des cheveux bruns mi-longs, grand, assez maigre, avec des grosses cernes sous les yeux et un nez légèrement tordu d'après la description de Wendy. Au moment où il l'a secourrue il devait rentrer du travail puisqu'il portait un costume.
Je me retrouve devant l'agence Quincy'Square, juste en face de Selene Palacio, cet hôtel Deluxe qui vient d'ouvrir. Je prends une grande inspiration et entre dans l'agence, une odeur de bois ciré et de parfum capiteux flotte dans l'air. Tout est propre, bien rangé, ça contraste avec l'extérieur. Les bureaux sont parfaitement alignés, les dossiers empilés, et l'éclat des écrans d'ordinateur illumine l'espace de reflets bleutés. Un homme à l'accueil lève les yeux, me lance un sourire machinale, sans chaleur, avant de replonger dans son écran.
Je me racle la gorge, hésitant. Ok, calme-toi Val. T'es juste là pour obtenir des infos.
— Je peux vous aider ? me demande-t-il d'une voix neutre, sans lever la tête, sûrement absorbé par un dossier.
— Euh... oui, en fait, je cherche quelqu'un, il travaille ici, je pense... enfin je crois.
L'homme relève enfin les yeux, un brin d'agacement dans son regard, mais il reste poli.
— De qui s'agit-il ?
— Euh... je connais pas son nom, mais... il est... grand, brun, un peu maigre, les cheveux mi-longs et... un nez un peu tordu, dis-je, essayant de garder un ton détaché.
Il me fixe un instant, le sourcil arqué, puis hausse les épaules. Est-ce qu'il se méfie de moi ? Ou de ce que je pourrais vouloir à son collègue ?
— Vous parlez de Marco, je pense. Je vais voir s'il est disponible.
Il disparaît dans un couloir derrière, me laissant seul dans le silence pesant de l'agence. Quelques minutes passent, et mon regard tombe sur une affiche encadrée qui vante les valeurs de la boîte : « Transparence, confiance, intégrité. » J'esquisse un sourire. Si seulement tout le monde appliquait ça dans la vie.
Puis des bruits de pas. Un homme approche, son allure claque avec une certaine élégance dans ce silence de bureau, mais il est exactement comme Wendy l'a décrit : brun, maigre, cernes profondes, costume bien taillé mais un peu froissé. Et ce nez tordu... aucun doute, c'est lui. Marco.
Il s'arrête, me jaugeant d'un regard fatigué.
— On se connaît ? Sa voix est grave, légèrement rauque, comme quelqu'un qui aurait trop fumé ou trop peu dormi.
Je déglutis, cherchant comment aborder la situation.
— Oui... vous êtes Marco, c'est bien ça ?
Il acquiesce sans sourire.
— Je crois que... c'est vous qui avez secouru une amie à moi. Wendy, ça vous parle ?
Marco plisse les yeux en entendant le nom de Wendy, ses doigts se crispent légèrement sur le bord de la porte. Il se racle la gorge, comme pris au dépourvu, et détourne le regard.
— Écoutez... Je suis un peu occupé là, j'ai pas vraiment le temps de discuter, dit-il d'une voix pressée, jetant un coup d'œil rapide vers la porte de sortie comme s'il calculait déjà comment se faufiler dehors.
— Attendez, c'est important, dis-je, le cœur battant, alors qu'il commence déjà à s'éloigner vers l'entrée.
— Je sais, mais j'ai un rendez-vous, lâche-t-il en ajustant nerveusement le col de son costume froissé. Sans un mot de plus, il pousse la porte et sort à grandes enjambées.
Une pointe de frustration me traverse, mais je me lance à sa poursuite. Une fois dans la rue, je le rattrape et me place juste devant lui pour bloquer son chemin.
— S'il-vous-plaît c'est vraiment important, j'ai des questions à vous poser.
Il soupire, passe une main dans ses cheveux et jette des coups d'œil autour de lui, visiblement mal à l'aise d'avoir attiré l'attention. Il murmure, plus pour lui-même que pour moi :
— J'ai rien à voir avec ça moi. Je l'ai aidée par hasard, parce que je passais par là.
— Justement ! Vous l'avez aidée quand elle en avait besoin. Vous pourriez faire pareil pour moi... et pour elle, d'une certaine manière, dis-je en essayant de capter son regard, qui s'échappe constamment vers le trottoir.
Marco prend un instant, comme s'il pesait mes paroles. Finalement, il se décide, mais son ton reste tendu, presque tremblant.
— D'accord... mais pas ici. Pas au milieu de la rue, murmure-t-il d'une voix presque inaudible.
Il se dirige vers une ruelle étroite, à quelques pas, et me fait signe de le suivre.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top