20 - Plus jamais

Je quitte le bâtiment principal, un bloc gris qui paraît encore plus terne face aux murs peints de Valparaíso. En me dirigeant vers les casiers, je vois un tag sur le mien. Une énorme queue, dessinée au feutre noir. Super. En ouvrant la porte, un papier glisse et virevolte avant de retomber près de mes pieds. Je le ramasse : Retourne chez toi, sale conquistador avec ton accent de merde.

Reste calme, Val. Je prends une profonde inspiration, écrasant le papier dans ma main de toutes mes forces. S'ils avaient eu les couilles de me le dire en face, j'aurais déjà repeint les murs avec leur sang.

En refermant le casier d'un coup, je me retrouve face à une silhouette. Daniela, là, tout près de moi, sans que j'aie entendu le moindre bruit. Son expression entre curiosité et provocation est un peu trop directe pour un lundi matin.

— Alors ? T'es allé la voir, Wendy ?
— Toi ! Préviens quand tu t'approches de moi comme ça ! Oui, je l'ai vue, la semaine dernière.
— Et elle... elle va bien ?
— Elle va... mieux, je pense.

Elle hoche la tête d'un air grave. Mais elle semble vouloir creuser, et finit par balancer sans détour.

— Vous avez couché ensemble ?

Sérieusement ? Cette question fuse comme une claque.

— Quoi ? Mais non ! C'est quoi ton problème ?
— Ça me paraissait évident. T'es le genre à sauter sur tout ce qui bouge, et elle... depuis ce qui lui est arrivé, elle aussi.

La réplique est cinglante, et même si elle n'a pas tout à fait tort, ça m'énerve. Elle me fixe avec son air mi-accusateur, mi-blasé. Mon regard se plante dans le sien, plus dur. Depuis quand je laisse les autres dicter ce que je suis ? Je pose ma main brutalement contre le casier juste derrière elle, mon avant-bras frôlant son épaule. Elle sursaute légèrement, mais garde son regard accroché au mien.

— Jalouse parce que t'as jamais eu cette chance ? je lui murmure à l'oreille, un sourire provocateur en coin.

Elle ne baisse pas les yeux, mais je vois bien que je l'ai déstabilisée. Elle n'a aucune idée de qui je suis et encore moins de ce que j'ai traversé. Je me penche un peu plus, la coinçant presque contre les casiers.

— Écoute, dis-je en adoucissant le ton, tu sais pas tout de moi. Je sais quand c'est pas le moment, quand il faut laisser les choses tranquilles. Avec Wendy, c'était pas ce que tu penses. Si t'avais vraiment peur pour elle, pourquoi m'envoyer chez elle ? Mais rassure-toi : je sais qu'elle mérite mieux. Alors, respecte-moi un peu plus.

Je remarque des têtes qui se tournent, des oreilles qui traînent autour de nous.

— Et pour vous tous là-bas ça vaut aussi pour vous ! Je crie en frappant du poing sur un autre casier, mes nerfs complètement à vif. Vous avez un problème ? Venez donc me le dire en face !

Les silhouettes se figent, puis des ricanements nerveux disparaissent, certains reculent dans le couloir, d'autres détournent les yeux. Daniela reprend son assurance et me pousse pour se dégager.

— Recule, murmure-t-elle sèchement, avant de s'éloigner sans un mot de plus.

Est-ce que j'y suis allé un peu fort ? Je referme mon cadenas et me dirige vers ma salle de cours. Certains sont déjà assis mais la prof n'est pas encore là. Monica... Est-ce qu'elle va me dire quelque chose ? Peu importe, je me contente de m'asseoir à une table et de sortir le papier plié dans ma poche en attendant. Avec un crayon gris, je colorie délicatement ma feuille pour finir par voir apparaître l'écriture de l'inspectrice Flores. Et là, c'est le choc... Il y a clairement écrit le nom de Wendy avec des informations sur son ancienne classe. Merde... La PDI est maintenant sur la même piste que moi ? Impossible... ça veut dire qu'ils vont essayer de la contacter ?

Monica entre et débute le cours en me lançant un regard furtif et un sourire caché par sa main. Elle lit un passage du livre au programme, déambulant entre les rangs, ses doigts glissant sur les bureaux comme de petites pattes d'araignée. Elle est si concentrée sur sa lecture qu'elle semble presque inconsciente de ses doigts qui effleurent les cahiers, les crayons et les bras des élèves, jusqu'à ce qu'ils arrivent à mon bureau. Ses doigts montent jusqu'à ma manche, s'arrêtent un instant. Sa main reste posée sur moi, presque imperceptiblement. Mon souffle se fige. Les murmures s'élèvent derrière moi.

Monica s'interrompt, sa voix tranche :

— Chut silence ! On peut savoir de quoi vous parlez ? Demande Monica en arrêtant sa lecture.

Les filles ne semblent pas être décidées à partager leur bavardage à leur professeur. Mais Monica insiste, t'es bête ou quoi ? Crois-moi t'as pas envie de savoir de quoi elles parlent... Finalement la plus audacieuse d'entre elles finit par balancer :

— Et vous madame on peut savoir ce que ça fait de se taper un élève ?

Monica se fige, son visage vire au rouge sous les rires étouffés. Elle tente de reprendre le contrôle de la situation, mais elle est secouée.

— C'est faux ! Ça suffit ! s'étrangle-t-elle. Allez immédiatement dans le bureau de la directrice !

La fille hausse les épaules, provocante, et insiste :

— Vous êtes sûre ? Ce serait un peu embêtant pour vous et votre réputation si je lui balançais tout, nan ?

Le regard de Monica vacille. Elle déglutit.

— Mais... tu n'as aucune preuve de... de ce que tu dis !

La fille ricane, triomphante :

— Aucune preuve ? Ha ! « Han, Valentino ! Imagine quelqu'un nous surprend ! Han ! »

Voilà, mon nom lâché comme une grenade en pleine classe. La salope... Tout le monde se tourne vers moi, leurs regards avides de spectacle. Je peux pas rester silencieux comme jusqu'à maintenant.

Je me lève, fixant la fille d'un regard glacial, la voix basse mais tranchante.

— Toi, tu fermes ta gueule et tu te mêles de ton cul. Surtout qu'il doit en avoir des trucs à dire, vu tous les mecs qui y passent. Ta pote est au courant que tu te tapes son mec ? je contre-attaque aussitôt.

Le rouge lui monte au visage, elle blêmit sous le poids de ses propres secrets révélés. Ses amies la fixent, dégoûtées. Je me retourne et quitte la salle en silence, mes pas résonnant comme des coups de marteau.

Ils peuvent tous aller se faire foutre. Plus jamais je laisse quelqu'un prendre le contrôle comme ça. Mes priorités sont ailleurs. Il y a des vies à sauver, des monstres à affronter.

Et un tueur à démasquer.

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