16 - Retour au bercail

Je m'allonge, Wendy m'a prêté des habits grande taille qu'elle avait sous la main, je suis légèrement à l'étroit mais ça passe. Ici c'est pas le bruit de la ville qu'on entends, mais plutôt de la mer au loin, des pêcheurs qui rentrent chez eux, du vent qui fait claquer des portes et grincer des murs dans la maison. Ça a l'air angoissant de vivre seul ici, avoir la sensation d'être au bout du monde, livré à soi-même, sans personne qui sait où on est.

Je repense à tout ce que m'a dit Wendy, et je me dis que même après plusieurs mois elle ne s'est pas vraiment remise. Cette idée m'angoisse un peu. Combien il me faudra pour oublier, moi ? Déjà que je n'ai jamais eu de relations saines avec les filles... Peut-être que ce sera le cas avec elle ? Une relation d'amitié ? En même temps elle a essayé de m'embrasser, ce qui prouve qu'on était pas autant sur la même longueur d'onde que ce que je pensais. Ça me fait un peu de peine, je me demande avec combien d'hommes elle a pu le faire... Et les trucs « extrèmes » qu'elle a pu essayer... Certains ont dû profiter d'elle, et l'imaginer se faire du mal me dégoûte. Pour « Combler un vide » d'après elle...

J'essaye de me changer les idées, je regarde mon téléphone, ça fait longtemps que j'ai pas pensé à consulter mes messages. Miguel m'a envoyé un sms, je m'y attendais.

« Val est-ce que ça va ? Sergio m'a dit que t'étais parti sans explications, t'es pas trop comme d'habitude en ce moment... »

Il s'inquiète ce con, mais au fond ça me touche. Je lui réponds que je suis chez une connaissance, dans le sud et que je rentre demain, ça devrait lui suffire comme explication, non ? Après si je compte le trajet ce serait plutôt après-demain.


Le lendemain matin, je me réveille, l'esprit encore un peu embrumé. Le calme ambiant et le bruit lointain de la mer me font du bien, je dois l'admettre. Mais dès que je retrouve mes esprits, la réalité me frappe de plein fouet. Le retour à Valpo, l'enquête, cette vie que je dois reprendre en main.

Je me lève et me dirige vers la salle de bains, toujours habillé de ces fringues trop étroites. Sous la douche, l'eau chaude me réveille doucement, mais elle ne parvient pas à laver mes pensées. Wendy, ses secrets, tout ce qu'on a partagé me reviennent sans cesse. Je sors de la douche, m'enroule dans une serviette, et enfile mes vêtements, prêts à partir.

Quand je rejoins le salon, Wendy est là. Elle me regarde en souriant doucement, un sourire timide qui me fait chaud au cœur.

— Bien dormi ? me demande-t-elle doucement.

— Ouais, mieux que ce à quoi je m'attendais, je réponds en m'asseyant en face d'elle.

Le silence s'installe, lourd, comme une parenthèse qu'on n'ose pas refermer. On sait tous les deux que c'est le moment des adieux, mais avant ça, il y a quelque chose de plus urgent à régler.

— Il faut qu'on reste en contact pour cette enquête. Si la police m'a mis sur écoute après mon interrogatoire, on doit se méfier. Je pense qu'on devrait utiliser une messagerie cryptée, juste au cas où, dis-je en la fixant.

Elle hoche la tête, déjà dans l'action.

— Ouais, t'as raison, répond-elle, c'est plus sûr.

On échange nos numéros et mettons tout en place. On sécurise nos communications. Wendy s'assure que chaque détail soit réglé, et pendant un instant, je suis rassuré. Mais l'angoisse de devoir partir m'envahit déjà.

Je rassemble mes affaires, me préparant à quitter cet endroit. Wendy m'accompagne jusqu'à la porte, un léger sourire aux lèvres, mais je vois bien que quelque chose la tracasse.

— Tu sais, je vais devoir aller bosser. J'aurais aimé t'accompagner à ton bus, mais ça va pas être possible, dit-elle, visiblement déçue.

— Je comprends. Je vais te laisser alors, je rétorque en essayant de ne pas laisser transparaître ma propre déception.

Je fais mine de partir, mais avant de franchir la porte, elle m'interpelle.

— On reste en contact, d'accord ? lance-t-elle, avec une émotion qui se glisse dans sa voix.

Je me retourne. Merde, je peux pas partir comme ça. Je reviens vers elle, et sans trop réfléchir, je la prends dans mes bras. Un contact simple, mais lourd de tout ce qu'on a traversé ensemble, sans vraiment le dire.

— Wendy, je t'oublierai jamais. Merci pour tout... pour m'avoir écouté, je lui avoue, les mots sortant sans que je les contrôle vraiment.

Je m'éloigne légèrement, mes mains frôlant encore ses épaules. Y'a cette tension, presque palpable. Peut-être qu'elle sent la même chose. Mais on sait tous les deux que c'est pas le moment.

— Pour ce qui est de nous deux... je pense qu'on devrait se laisser un peu de temps. Ni toi ni moi ne sommes prêts. Seul le temps nous dira ce qu'on deviendra.

Elle hoche la tête, le regard sérieux mais apaisé.

— Tu as raison, Val. On a encore du chemin à parcourir.

Puis elle se tourne rapidement, comme si elle venait de se rappeler quelque chose.

— Attends, j'ai un truc pour toi.

Elle monte à l'étage et revient quelques secondes plus tard avec une feuille entre les mains. Un dessin.

— Je t'ai dessiné pendant que tu dormais hier après-midi, dit-elle, un mélange de fierté et de gêne dans la voix.

Je regarde le dessin. C'est beau, vraiment bien fait. Je ris doucement.

— Ha ha, tu m'as pris pour une muse ou quoi ?

— Mais non, arrête ! rit-elle, ses joues virant au rouge.

Soudain, quelque chose me revient en mémoire. Cette toile que j'avais vue à l'université, celle qui m'avait frappé en plein cœur.

— Wendy... est-ce que tu as peint une grande toile avec une femme, assise dans un océan noir ? Ça te parle ?

Elle fronce les sourcils, réfléchissant.

— Non, ça me dit rien... répond-elle.

Je me demande vraiment qui ça peut être alors.


Après nos derniers adieux, je quitte sa maison, laissant derrière moi cette vue sur la mer, à marée haute cette fois. Le paysage est magnifique, mais une partie de moi se sent lourd. Les pensées s'entremêlent dans ma tête alors que je fais le chemin vers l'arrêt de bus. Wendy, Lie Killer, ce tableau mystérieux... et cette relation étrange qui nous lie tous, d'une manière ou d'une autre.

Je sors le papier que Wendy m'a donné, avec les infos sur ce type qui pourrait être une piste. Je fixe les mots pendant quelques instants, comme si je pouvais déjà voir la suite se dessiner. Mais tout est encore flou.


Après 18 heures de trajet, j'arrive à Valpo aux aurores. Crevé. Je rentre chez moi, espérant un moment de répit. Mais en ouvrant la porte, je tombe sur mon père, et son regard en dit long. Il est en colère, ça se voit. Et ça sent pas bon.

— Hijo, il faut qu'on parle, dit-il sèchement.

Et merde...

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