Chapitre Huitième

    Quand Simon était arrivé avec Oswald pour s'asseoir à leur table pour le déjeuner, Esmée avait tenté de paraître la plus naturelle possible. Elle avait trouvé que comme technique qui marchait pas mal, il y avait le fait de se répéter inlassablement et tant qu'on ne lui adressait pas la parole : « Simon est avec Vivian. Simon est avec Vivian. Simon est avec Vivian. ».

« Et au fait Vi', ça te dérangerait qu'on fasse autre chose que le ciné vendredi soir ?

— Ça dépend, sourit-elle. Tu voudrais faire quoi ?

— En fait... Voilà. Dans un bar où il nous arrive d'aller en famille, ils organisent un quiz et... Je... Je me suis dit que ça serait une bonne idée d'y aller.

— Tu préfères aller à un quiz qu'au ciné avec moi ? s'étonna Vivian.

— On ira samedi ! Et puis, ils offrent les burgers à l'équipe gagnante.

— C'est par équipes en plus ?

— De trois. Ji est déjà super emballé par l'idée.

— Il est surtout emballé par l'idée des burgers gratuits s'il gagne, corrigea Oswald. Et les filles peuvent venir aussi. Si ça leur dit.

— C'est de la culture gé' ou y a un thème précis sur le quizz ? demanda Isaya en s'essuyant les mains dans sa serviette.

— C'est Marvel le thème. On peut pas louper ça... Chérie. S'il te plaît.

— Okay. Mais je joue avec toi. Et... Avec Oswald.

— Okay ! Parfait ? Les filles ça vous dit ?

— Moi, je passe mon tour, prévint Isaya. J'y connais rien. »

    Esmée fixa Rianne en l'interrogeant du regard. Elle, elle y serait bien allée à cette soirée. Mais hors de question d'être la seule fille avec Vivian et les garçons. Son amie replaça une mèche rose un peu rebelle derrière son oreille et sourit à Esmée en lui adressant un clin d'œil.

« Eh bien, Esmée et moi, on jouera avec Ji. Un mec surmotivé et une connaisseuse du genre... On va bien manger ! Vendredi soir c'est ça ?

— Oui ! s'exclama Simon en se frottant les mains. Je vous enverrai l'adresse par message ! Ça va être génial ! »

X+X+X+X+X

    Pour le dîner, Max avait fait des patates douces farcies. Erasme avait adoré. « C'est chaud mais c'est bon ! » qu'il avait dit. Au cours du repas, tout le monde avait raconté sa journée. Martijn avait prévenu Magda qui râlait depuis des semaines, qu'il avait enfin pris rendez-vous chez le coiffeur. On avait demandé à Erasme s'il voulait y aller aussi mais il avait secoué énergiquement la tête, ce qui avait fait tomber une mèche devant ses yeux - signe qu'il était pourtant temps pour lui d'y aller. Max avait dit que le retour à l'école après une semaine à arpenter les vestiges de la Grèce Antique c'était vraiment trop dur, du coup, elle hésitait à retourner au lycée demain. Magda l'avait regardée en haussant un sourcil, Max avait rajouté qu'elle blaguait.

« Ah si ! se souvint soudainement Esmée. Est-ce que je pourrais sortir vendredi soir ?

— Avec qui ? demanda immédiatement Martijn alors que Magda leva les yeux au ciel.

— Les filles et... Et des potes.

— C'est qui ces potes ?

— C'est... Personne, commença Esmée.

— Ça va pas être suffisant ça Mademoiselle.

— C'est le mec de Vivian et ses potes, confia Esmée en surveillant la réaction de sa mère qui Dieu merci ne sourcilla pas.

— On le connaît le mec de Vivian et ses potes ? demanda Martijn à sa femme.

— Oui.

— Okay. Pas d'alcool, commença à énumérer Martijn.

— Pa... soupira Esmée. T'inquiète pas. C'est juste un jeu où on va entre amis. C'est tranquille. Et je ne rentrerai pas tard. Et même si c'est vraiment trop tard pour le ferry, j'irai dormir chez Rianne ou à la Péniche.

— Tu préviendras Louis et Rika avant quand même.

— J'ai les clefs.

— De ?

— Bah de la Péniche. Louis me les a données l'année dernière.

— Ah bon ?

— Mais si Mémé, elle est pas là. On pourra pas essayer le nouveau jeu que j'ai eu pour mon anniversaire, se plaignit Erasme.

— C'est pas très grave Erasme, le rassura Magda. On essayera ton jeu la semaine prochaine. Mémé ne sortira pas avec ses amis la semaine prochaine.

— Mais on fera quoi à la place ?

— Si tu veux, on pourra regarder Le Roi Lion au rétroprojecteur là-haut, proposa Max.

— Trooooop cool, assura Erasme en enfournant une énorme bouchée de patate d'un coup. Ça va être trop bien vendredi.

— Ouais ! Super ! ironisa Victorinne.

— Si tu préfères un autre dessin animé tu peux aussi Vicky, proposa gentiment Erasme.

— Trop mignon mais non. Je suis sûre que je vais trouver bien mieux à faire. »

X+X+X+X+X

«  Vicky ? avait tenté Esmée en frappant délicatement à la porte de la chambre de sa sœur. »

    Vicky avait daigné à peine relever la tête pour regarder sa sœur.

« T'en dis quoi cette tenue ?

— On me demande mon avis maintenant ?

— Arrête tes conneries. C'est toi qui as choisi ma tenue de Noël.

— Ouais. C'est vrai.

— Alors ? réitéra Esmée.

— Horrible, soupira Vicky en jetant négligemment sa tablette sur son lit. Viens. »

    Esmée avait suivi sa sœur qui retournait directement dans la chambre de l'aînée de la famille. Victorinne avait ouvert l'armoire en grand et avait commencé une scène digne d'un dessin animé. Elle avait vidé l'armoire jusqu'à trouver ce qu'elle cherchait.

« Tu vas mettre ça, lui expliqua-t-elle en lui tendant son sweat beige. Il est où ton jean bleu. ... C'est le truc en boule là ?

— Euh... Ouais ? confessa Esmée

— Formidable. Bon tu vas l'enfiler. Tu mettras des baskets blanches et tu vas demander à maman pour mettre son long manteau vert.

— Okay. Ça sera bien ?

— Beaucoup mieux que de ressembler à un croque-mort comme actuellement. Compris ?

— Je crois. Oui.

— Ok. Maintenant... Ravalement de façade.

— Hein ? s'étonna Esmée alors que sa sœur la trainait déjà dans la salle de bain qu'elle partageait avec sa jumelle. »

    Vicky avait attrapé sa pochette de maquillage et avait ordonné à sa sœur de ne plus bouger. Elle avait observé ses jolies pupilles bleues avec beaucoup d'attention avant de se mettre à farfouiller.

« Ferme les yeux. »

    Esmée avait obéit puis avait sentit de petits coups de pinceau sur sa paupière. Un œil. Puis le deuxième.

« C'est bon ?

— Non. »

    Esmée avait gardé les paupières closes. Fini les coups de pinceau. À la sensation, Vicky était passée au crayon. En haut puis en bas.

« C'est bon ?

— Non. »

    De nouveau la douce sensation du pinceau à l'extérieur de sa paupière. Un oeil puis le deuxième.

« C'est bon ?

— Non. Desserre les lèvres Germaine. »

    Une texture grasse fut appliquée sur ses lèvres.

« Vas-y mollo quand même.

— T'inquiète.

— C'est bon ?

— Non. »

    Visiblement Vicky en avait fini avec ses yeux car c'est dorénavant sur ses joues qu'un pinceau qu'elle sentait disproportionné vint caresser sa peau.

« Voilà. Beaucoup mieux. T'es en état de sortir.

— Je peux aller m'habiller ?

— Tu peux. Mais tu fais attention. Enfile pas ton pull comme un gros bourrin... Merci. »

    Esmée n'avait même pas pris le temps de regarder dans le miroir ce que sa sœur avait fait d'elle. Beaucoup trop peur qu'elle décrète soudainement que ce n'était pas assez. Elle avait filé dans sa chambre pour enfiler avec délicatesse son sweat beige. Elle allait le tâcher, c'était sûr - avec son maquillage mais surtout en mangeant les burgers qu'ils allaient gagner. Parce qu'ils allaient gagner. Il était hors de question que ça se passe autrement. Esmée avait ensuite tenté d'aplanir son jean qui avait passé quelques jours sur sa moquette en boule, puis l'avait enfilé.

« Maman ! avait-elle crié en descendant les escaliers.

— Dans la chambre, signala Martijn qui enfilait ses baskets pour aller chercher Erasme à la danse. Qu'est-ce que t'as fait à tes yeux ?

— J'ai servi de cobaye à Vicky, expliqua rapidement Esmée en frappant à la porte de la chambre de ses parents. »

    La voix de sa mère paraissait assez lointaine mais l'autorisait quand même à rentrer. Magda était dans la salle de bain qui dépendait de la chambre. Elle était, face au miroir, en train de se démaquiller et avait troqué son jean de la journée contre le vieux jogging de Martijn qu'elle aimait mettre le vendredi soir.

« Maman ?

— Oui ?

— Je peux te prendre ton manteau vert pour la soirée s'il te plaît ?

— Oui. Si tu veux, assura Magda après avoir fixé le reflet de sa fille dans le miroir. Il est dans le dressing. Tu peux aller le prendre.

— Merci.

— C'est sympa ton maquillage, Mémé.

— C'est Vicky.

— Tu lui as demandé ?

— Non.

— Mais t'es pas partie en courant, non plus.

— Ouais. Possible. ... C'est vrai que c'est pas mal ce qu'elle a fait, concéda Esmée en se regardant enfin dans le miroir. »

    Vicky avait opté pour un fard à paupière d'un beige très clair avec l'extérieur des paupières légèrement plus foncées. Elle avait souligné le tout avec un trait de crayon d'un violet foncé au ras de ses cils. Esmée avait pensé qu'elle avait opté pour un rouge à lèvres bien rouge mais pas du tout. C'était plutôt beige à peine rosé. Ses joues avaient une teinte à peu plus rosée avec le blush qui y avait été posé.

« Si tu veux qu'on vienne te chercher ce soir tu nous appelles. Ou tu nous envoies un message pour nous dire chez qui tu dors.

— Promis. Je t'aime, maman.

— Placard en face de la porte le manteau vert.

— Merci ! »