Chapitre 7

Chapitre Septième

Cette semaine, Maxellende était en voyage scolaire en Grèce. Ce qui faisait que toute la famille Gelderman s'était préparée à avoir une Victorinne d'une humeur massacrante. Parce que si de base Victorinne n'était généralement pas la plus souriante de la famille, quand sa jumelle n'était pas là, c'était pire. Les premiers jours de la semaine avaient confirmé les prévisions.

Alors quand Esmée s'était rendue compte qu'elle finissait une heure plus tôt que Victorinne ce mercredi et qu'elle serait tranquille pendant une heure à la maison, ça lui avait égayé toute sa mâtinée. Même le fait de voir Vivian littéralement collée à Simon tout le déjeuner n'avait pas suffi à entacher son beau temps intérieur. En arrivant dans son salon elle s'était immédiatement installée sur le canapé avec Gifted - qui profitait largement de l'absence de Martijn et Magdalena pour s'octroyer de lui-même une place sur le canapé. Blanc le canapé.

Esmée s'était arrêtée sur un programme télé quelconque, son ordinateur sur les genoux quand Victorinne était rentrée. En râlant. Evidemment.

« Pourquoi Amsterdam ? Non mais sans déconner ! Pourquoi on peut pas vivre en Californie nous aussi ?! Putain ! Il pleut !

— À peine, soupira l'ainée en regardant par la fenêtre le temps.

— Facile à dire quand on est avachie sur le canapé. Tu regardes quoi ?

— Rien de particulier.

— Passe la télécommande.

— Non.

— Mémé ! Vas-y ! Passe la télécommande !

— Non. Tu vas encore mettre un truc débile là. Non. Et va enlever tes chaussures.

— Pousse toi Gifted, ordonna Victorinne en enlevant rapidement ses chaussures. Allez... Descends. Plus vite ! »

Le labrador avait regardé Victorinne d'un air las pas décidé pour un sous de bouger d'ici.

« Descends ou je te jure que moi aussi, je t'interdis le canapé. Bouge ! s'était énervée Victorinne en claquant dans ses mains. »

Gifted avait peut-être compris la menace parce qu'il s'était péniblement relevé pour descendre du canapé. Victorinne avait immédiatement entrepris d'épousseter le canapé, histoire de mettre le moins de poils blancs possible en contact avec sa petite jupe rouge bordeaux.

« Parfait... Bon Mémé. La télécommande.

— Nan. Toujours pas.

— Tu regardes même pas ! D'ailleurs tu fais quoi sur ton ordi ?

— Rien qui t'intéresse.

— Ça m'intéresse forcément. C'est moche ce truc. C'est un... Pull ?

— Tu trouves ? J'aime bien.

— Non mais vert comme ça... Meuf. Y a que Grand-Pa pour porter cette couleur. Et je te rappelle qu'il a soixante-seize ans. Ohlala... Je te vois déjà mettre ça avec tes Doc Martins dégueulasses. Non. C'est pas possible.

— Okay... accepta Esmée en changeant de page internet. J'oublie le pull vert. ... Et celui-ci ? En gris ?

— Zéro forme. Oublie.

— Et celui en dessous ?

— Pour moi, de ouf. Mais toi, ça va pas t'aller. Je peux récupérer la télécommande ?

— Tiens. Et le sweat blanc, là ?

— T'en as quoi ? Quinze des comme ça dans ton armoire...

— Et ça ?

— C'est quoi que tu cherches ? Une grille pour faire un morpion ou un pull ?

— Et ce gilet là ?

— Rika a le même.

— Bah c'est sympa comment elle s'habille Rika. ... ... Nan ?

— Non.

— Ah...

— Tu nous fais quoi la Mémé en fait ? finit par demander Vicky en zappant de chaine en chaine. Une crise de la dix-septaine ?

— J'ai envie de changer de style. Un peu...

— Ah... Mais tu sais pas du tout comment faire.

— Pourquoi tu dis ça ?

— Parce que ça se voit avec ce que tu me montres. C'est tout pourri. »

Esmée ne répondit pas et se contenta de faire défiler les photos de vêtements sur son écran d'ordinateur. Vicky avait raison. Avec ce que Barbara lui avait dit, Esmée avait commencé à laisser germer l'idée qu'elle pourrait peut-être se battre ; qu'elle pourrait peut-être être l'héroïne. Et pour cela, elle avait besoin de confiance en elle. Avec raison ou pas, elle avait imaginé que changer un peu l'aspect extérieur l'aiderait à faire grandir l'aspect intérieur. Alors ce matin, devant son armoire et son ensemble de sweats et pulls en dégradés de gris, Esmée avait eu envie de changer tout ça. Alors en rentrant de cours, elle avait pris son ordinateur et avait utilisé internet pour commencer un renouveau de sa garde-robe et regarder ce qui pouvait lui plaire. Les remarques de Vicky avait piétiné les petites germes dans son esprit en quelques secondes.

« Je dis pas ça méchamment, hein.

— Avec toi, on sait jamais, lança sèchement Esmée en fermant violemment son ordinateur. »

Elle attendit quelques minutes des excuses qui ne vinrent pas. Alors elle était partie. Vicky n'avait rien dit.

X+X+X+X+X

Magda était venue toquer à la porte de la chambre d'Esmée peu de temps après le déjeuner.

« Ouais ?

— Tu as quelque chose de particulier à faire ce midi ? Un truc de prévu ? Tu veux aller chercher ta sœur à l'aéroport ?

— Nope. Je vais attendre que Pa et Erasme rentrent avec elle.

— Okay. Est-ce que tu veux venir en ville avec moi ?

— Euh... Pour quoi faire ?

— On va faire les magasins avec Vicky. Enfin... J'accompagne ta sœur qui veut faire les magasins.

— Je vais rester toute seule. Je crois que c'est mieux pour ma santé mentale et en plus... Faut garder le chien.

— C'est Vicky qui a demandé si tu voulais venir, glissa Magda comme une confidence.

— Et pourquoi elle n'est pas venue elle-même me demander ?

— Parce que c'est ta sœur. ... ... Tu veux venir avec nous ou pas ?

— Elle est vraiment pas douée pour les « je t'aime », soupira Esmée en fermant son bouquin. J'arrive. »

X+X+X+X+X

Au fond de sa cabine d'essayage, Esmée se maudissait. Parce qu'elle savait depuis le début que faire les magasins avec Victorinne était une mauvaise idée. Pourtant, pour une raison qui lui échappait totalement à présent, elle avait accepté. C'est pour ça qu'elle était actuellement en train de se contorsionner pour rentrer dans sa robe. Non. Dans la robe que Victorinne avait choisie pour elle dans son magasin préféré à elle.

« Ça y est ?! s'impatienta soudainement sa petite sœur.

— Jamais de ma vie je mets ça dans la rue, prévint Esmée à travers le rideau. T'es prévenue.

— Tu l'as mise ?

— Oui.

— Ouvre ! Banane.

— Sérieux Vicky... Y'a pas moyen. J'ai déjà cédé sur le pull à dentelles... Là, tu vas trop loin. Tu pousses le bouchon, Léon.

— Arrête avec tes expressions pourries et elle te va trop bien ! Regarde ! Avec mes collants à pois ça serait parfait.

— Pardon ? En plus t'avais dit pas de vert.

— Non. J'ai dit pas le pull vert moche que tu m'as montré. Ça, c'est joli. »

Victorinne avait assuré ça en forçant Esmée à se retourner vers l'immense miroir du fond. Elle lui avait donné à enfiler une robe vert malachite à manches longues qui lui arrivait quelques centimètres au-dessus du genou. Elle avait un col rond sur le devant et des boutons qui la fermaient du bas au milieu du dos ; ce qui laissait le haut et une partie de ses épaules libres, juste recouvert par ses cheveux noirs.

« Vicky... C'est non.

— T'es reloue ! Comment tu comptes avancer dans la vie avec des discours comme ça ?!

— Et pourquoi tu ne la prendrais pas pour Noël ? proposa Magdalena qui était restée assise sur une banquette et qui ne voulait pas voir Vicky s'énerver maintenant.

— Mmmh... Mouais... Non.

— Oh ! Bonne idée ! contredit immédiatement la plus jeune. En plus ça fera une paire de collants en moins pour moi, donc du poids en moins dans ma valise. ... Pourquoi tu fais la tête ? T'avais mieux de prévu comme tenue ?

— Mon haut blanc avec mon jean noir, expliqua Esmée en voyant Vicky lever les yeux au ciel.

— Il te faut des chaussures avec cette robe, avait-elle asséné pour faire comprendre à son aînée qu'il n'y avait plus aucune discussion possible. »

Et puis Victorinne avait disparu sans plus de détails. Encore une fois.

« Elle est sérieuse ?! s'indigna Esmée à sa mère.

— Elle est très heureuse de t'aider pour ça.

— Ah ouais ? Bah heureusement... Sinon qu'est-ce que ce serait...

— Mémé... sourit Magda.

— Elle me va vraiment bien ?

— Oui. Vraiment bien.

— Essaye avec ça ! s'exclama Victorinne en arrivant avec des talons dorés - qui brillaient tant il y avait de paillettes dessus - dans les mains.

— Elle est pas sérieuse ?

— Si. Je suis super sérieuse. C'est bien trente-huit ta pointure ?

— Oui.

— Parfait ! C'est ce que j'ai pris. Mets.

— Mets. S'il te plait ma grande sœur préférée. Répète.

— Mets, ordonna de nouveau Victorinne en tendant les chaussures devant elle.

— Tu me saoules, soupira Esmée en les prenant plus par obligation qu'autre chose. »

Elle s'appuya grossièrement sur sa sœur pour pouvoir enfiler la première chaussure.

« Te gène pas surtout.

— C'est ce que je fais, la rassura la jeune brune. Bouge pas. Y'en a une autre.

— Faut pas deux heures pour mettre deux chaussures.

— Vicky. Je vais tomber. C'est sûr.

— Mais non. Tu vas apprendre à marcher avec. T'inquiète. On apprends vite. En plus y'a même pas cinq centimètres. T'en dis quoi maman ?

— C'est parfait.

— C'est normal. J'ai beaucoup de goût. Franchement ça te va super bien. T'es presque belle.

— Presque, releva Esmée. Merci...

— T'es très belle, Mémé, assura Magda. Tu seras superbe à Noël comme ça. Je te prends la tenue complète.

— Et en plus c'est offert ! Donne-moi une seule raison de dire non ? Y'en a pas. Et Mémé ?

— Ouais ? fit Esmée encore surprise qu'on se mette soudainement à lui demander son avis.

— À présent, toute décision d'achat de tes vêtements passera par ma personne.

— Et si je le fais pas ? Tu vas faire quoi ?

— J'en ferais la nouvelle couverture préférée de Gifted. »

Le pire ? Elle en était capable.

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