Chapitre 43
Chapitre Quarante-Troisième
La France. Esmée adorait venir en vacances ici. En fait elle adorait plus venir chez ses grands-parents qu'en France précisément. Elle adorait l'immense maison familiale. Elle adorait le dortoir qui servait de chambre pour tous les enfants au dernier étage. Elle aimait les souvenirs associés à chaque pièce. Elle aimait la plage en face. Elle aimait le chemin côtier où elle pouvait se balader tranquillement. Elle aimait affronter le vent sur la piste du cyclable du front de mer sur le vieux tandem avec Silena. Esmée adorait être ici, et elle l'avait un peu oublié.
Elle n'était pas venue depuis un an et c'était super long, un an. Elle a en avait déjà rêvé devant les photos que ses sœurs avaient laissées sur les réseaux et sur les groupes de leurs familles. Elles, Erasme et leur mère y étaient depuis trois semaines déjà. Trois semaines qu'Esmée avait passées seule avec son père à Amsterdam. Si au début, elle avait un peu eu peur de s'ennuyer, elle avait vite changé d'avis. C'étaient les meilleures trois semaines du monde, elle l'avait décrétée. Elle et son père avaient mangé des pizzas tous les deux jours et avaient donc eu la possibilité de quasiment gouter toute la carte de la pizzeria près de chez eux. L'avantage de ne pas être partie aussi tôt que d'habitude, c'était qu'Esmée avait pu aller à l'anniversaire de Barbara cette année. Ça avait été une chouette soirée avec beaucoup de monde qu'Esmée ne connaissait que de vue au lycée ou même pas du tout mais elle avait adoré. Barbara lui avait présenté tous ces nouveaux visages et Esmée n'avait pas joué sa timide. Il y avait même une certaine Chloë qui irait dans la même filière qu'elle à la rentrée. Esmée était restée dormir à la Péniche le soir ; et bien installée dans son matelas à même le sol, elle avait raconté à Barbara la visite de Simon chez elle quelques jours plus tôt. Elle lui avait aussi confié, qu'elle n'avait plus eu aucune nouvelle de Vivian et Isaya ; Rianne restait donc la seule à encore lui parler. Barbara, entre deux bâillements, lui avait conseillé de laisser tomber. Elles n'en valaient pas la peine. Même si elle n'avait probablement pas tort, c'était pas aussi simple que ça à avaler.
Le premier mardi après l'anniversaire de Barbara, Esmée avait prévu une après-midi avec Rianne. Elles avaient été faire du vélo dans le Vondelpark et s'étaient mises dans l'herbe pour un goûter ; Rianne avait tout prévu dans son sac. La discussion avait vite dérivé sur Vivian. Vivian qui s'était mise toute seule en tête que Simon l'avait quittée pour elle. Elle avait fait un rapprochement très simple entre la rupture entre Eduard et Esmée et Simon et elle. Du coup, elle avait pris la décision de ne simplement plus adresser la parole à Esmée.
« Non mais ne t'inquiète pas. C'est sûr que ça ne va pas durer. Elle va se calmer, avait certifié Rianne à son amie.
— Tu sais quoi ? C'est pas grave, avait assuré Esmée en se laissant tomber en arrière dans l'herbe verte du parc.
— Ça ne te blesse pas ? »
Esmée aurait bien voulu dire à Rianne plein de choses sauf que là... Là, elle n'avait pas osé. Elles avaient juste échangé un regard et Rianne avait souri avant de reporter son regard vers l'eau face à elles.
« Elle est pas super loin de la vérité, c'est ça ?
— Peut-être.
— T'es avec lui alors ?
— Non ! Il part.
— Et alors ? avait demandé Rianne comme s'il s'était agit de l'excuse la plus nulle au monde.
— T'es pas censé être du côté de Vivian ?
— Moi, je suis du côté de l'amour, avait répondu Rianne avec beaucoup de théâtralité ce qui avait bien fait rire Esmée.
Ce qu'Esmée avait surtout retenu de ces trois dernières semaines, c'est qu'elle avait arrêté de pleurer. Ce qui lui semblait être un bon de géant dans son existence. Son père avait quand même fait fondre des M&M's au micro-ondes les premiers soirs où ils s'étaient retrouvés tous les deux mais Esmée était certaine que c'était plus pour lui que pour elle.
Martijn et Esmée avaient donc débarqué d'Amsterdam le 28 juillet en fin de soirée. C'était le jour de l'anniversaire d'Ambroise et Alban, les deux plus jeunes fils de Charlie. Quatre années d'écart. Tout pile. Pour le dîner Matthieu avait fait des huîtres en entrée. Après autant d'années, il espérait encore convertir Annabeth à ce coquillage. C'était peine perdue, elle avait gentiment fait passer les siennes à Primaël qui avait déjà englouti celles de son assiette. Les jours suivants ressemblaient beaucoup plus à de vraies vacances d'été : grasses mâtinées, baignades dans la mer, bronzage étalé sur le sable, vélo, soirée avec ses cousins et cousines, jeu de société sous ordre de son petit frère, parties de Cluedo pour combler les fins de soirées. Les parties de Cluedo en fin de soirée, c'était sacré chez les Valencourt ; Esmée adorait autant les regarder qu'y participer. Il y avait aussi les descentes nocturnes dans la cuisine. Parfois il y avait déjà du monde, parfois elle était seule.
Ce soir, elle était juste la première à descendre. Silena était arrivée dans la cuisine peu après elle. Silena et Raphaël étaient arrivés dans la soirée de Paris par le TGV. Ils restaient une semaine ici, et secrètement Esmée avait eu très envie que sa cousine descende avec elle ce soir. Elle savait qu'elles auraient d'autres soirées et après-midis entières pour se raconter toutes les petites anecdotes de ces derniers mois, mais Silena lui avait trop manqué pour attendre plus longtemps.
« Je t'ai entendu descendre, dit-elle en se dirigeant directement vers la boîte à thé.
— Je t'ai réveillée ? s'inquiéta faussement Esmée.
— Du tout, je dormais pas encore.
— Raph' va descendre ?
— Non. Lui, il dort, rit Silena. Il était de garde la nuit dernière et avec le voyage... Il était fatigué. Et toi ?
— Bah... Je dors pas...
— Je vois bien ça, Mémé. Mais toi, ça va ?
— Oui. Super.
— T'as grandi cette année.
— Ouais. Je vieillis. Comme toi. »
Comme première réponse, Silena lui lança les quelques feuilles de tilleul qu'elle tentait de faire rentrer comme elle pouvait dans la vieille boule à thé de leur grand-mère.
« Sale gosse.
— Tout le monde me dit ça en ce moment... Je suis pas bien sûre de comprendre ce que ça veut dire, je dois être honnête.
— Ça veut dire que t'as grandi dans ta tête, banane, expliqua-t-elle. Et à ton âge, c'est bon signe ! Et sinon... Tu me racontes comment tu t'es retrouvée au commissariat le mois dernier ?
— On devrait vraiment évoquer ça à table, soupira Esmée en attrapant un carré de chocolat dans la boîte qu'elle avait sortie du placard. Tout le monde me pose toujours la même question.
— Personne n'ose. Vu les messages que ton père à laisser sur le groupe de la famille après que la police ait appelé... On a trop peur qu'il fasse une attaque. ... Mais franchement de vous quatre le premier à se retrouver au commissariat ça aurait dû être Vicky. ... Alors ? »
Esmée attrapa un nouveau carré de chocolat et répéta ce qu'elle avait déjà raconté à Charlie, à Léandre, à Annabeth, à Camille et à Alexandre. Silena n'en loupa pas une seule miette, elle s'était à son tour mise à piquer dans la boîte de chocolats. Elles allaient réussir à la vider à elles deux et il sera difficile d'expliquer à Agnès, dès demain, la disparition de ses plaquettes.
« Mais alors vous vous êtes embrassés ?
— Bien sûr que non ! T'es folle ?!
— Euh, non. Je suis romantique. Rien à voir.
— C'est pas romantique d'embrasser un garçon alors que t'es en vacances chez ton copain, fit remarquer Esmée. C'est déplacé et méchant. Surtout méchant d'ailleurs.
— Mais tu as su ce qu'il y avait sur cette liste au moins ? Tu y es ?
— Pourquoi tu penses ça ?
— Bah parce que c'est la première chose que je veux savoir maintenant. Et parce que ça paraît tomber sous le sens. »
Esmée laisse un léger sourire se dessiner sur son visage.
« Tu bouges pas ?
— Tu vas où ?
— Je reviens. Bouge pas. Prépare des tartines de Nutella si tu sais pas quoi faire, proposa Esmée en repartant vers les étages de la maison.
— Bonne idée ! »
Silena avait sorti le Nutella du placard au-dessus du vieux robot de cuisine. Matthieu avait dû faire les courses récemment car elle avait vu plusieurs pots qui attendaient sagement d'être vidés. Elle avait ensuite coupé des tartines de baguette, elle avait fait attention à laisser les moins cuites intactes : c'était les préférées de Magdalena. Elles avaient été achetées exprès pour elle. Silena terminait tout juste quand Esmée était revenue.
« T'es partie chercher quoi ?
— Il est venu à la maison y a un mois.
— Qui Simon ou Eduard ?
— Les deux en fait. Eduard est venu me larguer à la maison. Et Simon est passé quelques jours après. Il a quitté Vivian et est venu me donner ça.
— Euh... Tu développes ou pas ? Tu prends des raccourcis de dingue là, Mémé !
— Okay, t'as raison, concéda Esmée en s'asseyant sur un tabouret face à sa cousine. »
Elle prit alors le temps de raconter à Silena la visite d'Eduard et la ballade de Gifted qui était allée avec. Elle avait avoué à sa cousine sa tristesse, mais elle n'avait pas pleuré. Sa gorge s'était un peu serrée mais elle n'avait pas pleuré. Silena l'avait senti, elle lui avait fait un joli sourire compatissant et lui avait re-tartiner un bout de baguette. Esmée avait continué avec la visite de Simon.
« C'est ça le papier qu'il t'a laissé ?
— Yes.
— Je peux ?
— Si je suis allée le chercher... Banane.
— Mémé... Mes bases de néerlandais ça remonte un peu trop là... Mais c'est sa liste ?
— Mmhmmh.
— Et t'es dedans !
— Je croyais que tes bases de néerlandais remontaient trop ? se moqua gentiment Esmée.
— Sauf qu'il y a écrit Esmée juste ici. Ça, je peux le lire. »
Esmée reprit le papier des doigts de Silena avec beaucoup de délicatesse.
« Tu lui as dit ce que tu ressentais ? Maintenant que tu sais que c'est réciproque...
— Il le sait pas besoin de lui dire.
— Y'a le savoir et l'entendre, Mémé. C'est deux choses bien différentes.
— De toute façon c'est trop tard.
— Quoi ?! Mais non ! Pourquoi ?
— Il part en Inde, je te rappelle. C'est super loin l'Inde !
— Attends... Pause. Tu l'as pas revu depuis qu'il est passé chez vous parce qu'il part en Inde ?
— Non. Je lui ai dit que je voulais pas de ce genre de relation.
— Mais tu sais qu'il va revenir à un moment ?
— Ça on en sait rien. Il peut aussi ne jamais revenir.
— Tu lui as demandé de rester ?
— Bah non. Je suis personne pour faire ça. Sissi... C'est son rêve !
— Mais t'as envie qu'il parte ?
— Non. Bien sûr que non. Mais là n'est pas la question. Il est question de sa vie. Le fait que je sois amoureuse de lui, n'est pas une raison suffisante pour gâcher ses rêves. Je peux pas faire ça. Donc, on...
— Vous vous quittez en sachant que chacun est amoureux de l'autre. Qu'aucun des deux n'a jamais eu le courage de l'avouer à l'autre et vous vous loupez. C'est l'histoire d'amour la plus pétée que j'ai jamais entendue, soupira Silena en commençant à ranger tout ce qu'elles avaient sortis des placards. C'est nul comme fin.
— Sissi !
— Quoi « Sissi » ?!
— Tu peux pas dire que mon histoire d'amour est pétée ! C'est pas gentil !
— C'est pas gentil ?!
— Tu vas tout répéter comme ça ?
— Mémé ! Un garçon a quitté une fille avec qui il était depuis des mois pour toi. Il est venu jusqu'à chez toi en piratant des données. »
Esmée aurait bien fait la remarque qu'il s'agissant des données du club de danse d'Erasme et pas du Pentagone non plus, mais ce n'était clairement pas le moment d'arrêter sa cousine sur sa lancée.
« Tout ça pour te dire qu'il t'aimait aussi depuis des années. Et toi, tu te refuses à vivre une probablement jolie histoire pendant les jours qu'il t'offrait parce que t'as peur d'avoir mal. Tu sais que tu ne peux pas vivre ta vie entière sans souffrir, Esmée. C'est pas possible ! Je sais plus si je te l'ai déjà dit mais... Vis Mémé ! Vis ! Les histoires d'amour ça marche pas toujours du premier coup, parfois ça a une date de fin avant la date de début mais dans tous les cas, c'est quelque chose que tu dois vivre. Parce que ça a beaucoup à t'offrir même si pour l'instant tu ne t'en rends pas compte. Il faut que tu l'appelles, que t'aille le voir avant qu'il parte ou... Ou je sais pas ! Il faut que vous vous disiez les choses ! »
X+X+X+X+X
Max adorait aller aux halles du marché à pied. Ce matin, elle y avait traîné Magdalena - qui détestait de plus en plus aller au marché - Esmée, Silena et Raphaël. Au début Erasme avait voulu venir, mais il avait abandonné la mission quand il avait compris qu'il fallait qu'il quitte son pyjama pour pouvoir aller dans la rue. Esmée non plus n'aimait pas trop les marchés, mais elle n'avait eu aucune réponse pertinente à donner quand Max lui avait demandé un bon argument pour ne pas venir ; donc elle était venue. Silena était surtout là pour être avec Raphaël. En tout cas, c'est ce qu'elle avait voulu au départ, mais tout ne s'était pas exactement passé comme prévu.
En passant les portes des halles, Max avait demandé à Magda ce qu'elle voulait manger. Et après quelques idées dans le vague, Max s'était mise en quête de produit frais pour le déjeuner. Raphaël l'avait complètement suivie pour lui donner toujours plus d'idée. Alors de loin, ça donnait vraiment envie parce qu'ils parlaient de plats qui avaient l'air succulent juste avec le nom, mais passer d'étale en étale rendait ce passage par le marché interminable. D'autant plus avec les touristes qui bloquaient surtout devant le poissonnier à regarder les poissons qui attendaient dans la glace un cuisinier assez téméraire pour les faire cuire.
Silena et Esmée étaient restées un peu derrière traitant plus facilement du côté des fruits et légumes.
« J'ai rêvé de toi cette nuit, avoua Silena en souriant.
— Quoi ?
— J'ai rêvé que tu vivais une scène de comédie romantique.
— Arrête tes conneries...
— C'est vrai ! C'était le jour où Simon devait prendre l'avion et tu courais de chez toi jusqu'à l'aéroport pour le rattraper. Tu le trouvais devant la porte de l'avion et tu lui demandais de rester avec toi et il disait oui et vous vous embrassiez et vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants.
— Moi, j'ai cauchemardé qu'il mourrait dans un accident d'avion.
— Quoi ?! Mais c'est horrible !
— Mmmh. J'étais trop mal en me réveillant ce matin. J'ai mis du mal à me rappeler de mon rêve et ça m'est revenu tout à l'heure. Hyper perturbant.
— Tu devrais aller le voir à l'aéroport... Au cas où l'un des deux soit prémonitoire...
— Dis pas ça ! Ça va pas !
— Mémé ?
— Mmh ?
— Va le voir avant qu'il parte.
— Non.
— Dis lui.
— Il le sait !
— Mais dis lui ! ... S'il te plait... »
Esmée avait évité de répondre en s'intéressant soudainement à ce que racontait sa petite sœur un peu plus loin. Elle s'était accrochée au bras de sa mère pour éviter Silena. Elle avait un peu honte de son comportement mais c'était efficace donc ça compensait.
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