Chapitre 4
Chapitre Quatrième
Erasme Gelderman faisait de la danse classique depuis deux ans. Et en deux ans, son intérêt pour la pratique de cette discipline ne faiblissait pas. Bien au contraire. Erasme avait donc un cours de danse tous les mardis et vendredis soir qu'il ne loupait sous aucun prétexte ; et souvent le mardi, c'est Esmée qui allait le chercher. Elle s'était gentiment, et innocemment proposée en début d'année. Parce qu'elle savait que Simon aussi faisait de la danse dans cette école.
Ce premier mardi de novembre n'échappait pas à la règle ; donc, comme à l'accoutumée, Esmée s'était présentée quelques minutes avant la fin du cours. Son petit frère lui avait fait un petit signe de la main quand il l'avait vue arriver. Elle lui avait souri en retour.
« Pense à respirer Caspar, fit la voix de l'enseignant. Et fais un peu plus attention à tes pieds. C'est très bien comme ça ! »
D'autres conseils et consignes avaient été distillés au fil des dernières minutes et puis les enfants avaient été libérés. Erasme avait couru vers sa grande sœur pour lui dire bonjour. Il était parti dans un récit ultra-précis de la leçon qu'il venait d'avoir mais Esmée préféra l'arrêter avant qu'il ne soit trop tard :
« Va prendre ta douche Erasme. Tu me raconteras tout ça en rentrant.
— C'est parce que je pue ?
— Pourquoi tu dis ça ?
— Vicky quand elle vient me chercher, elle dit qu'il faut que je prenne vite une douche parce que je pue le sport...
— Non, tu pues pas. Mais tu viens de faire du sport et il faut que tu enlèves ta transpiration pour ne pas avoir froid. Va te changer.
— J'arrive tout de suite ! s'écria le petit garçon en courant vers le vestiaire. »
L'aînée de la famille le regarda s'éloigner en se notant mentalement d'échanger deux mots avec Victorinne à propos de sa vision du sport.
« Salut ! »
Esmée sentit une main se poser sur son épaule. Elle se retourna de surprise pour tomber nez à nez avec Simon. Simon qui portait un t-shirt bleu marine très - mais alors très - près du corps et des collants gris - eux aussi très moulants. Trop ? Peut-être... En tout cas, ils l'étaient suffisamment pour qu'elle ne remarque que ça.
« Qu'est-ce que tu fais ici ? »
Là. Normalement. C'est le moment où elle devait expliquer qu'elle venait simplement chercher son petit frère. La petite tête brune qui souriait tout le temps et qui tirait la langue quand il s'appliquait à faire un exercice. Mais à la place, Esmée avait sorti quelque chose du genre :
« J... Euh... Je... Tu... Hein ?
— C'est Esmée toi, c'est ça ? On est en cours de sciences ensemble, il me semble...
— Oui.
— Okay... Je suis Simon. ... Le copain de Vivian, rajouta-t-il devant le silence de son interlocutrice.
— Oui.
— Elle vous en a parlé peut-être... Je suis bête.
— Non. Enfin... Euh... Oui. Elle a parlé de toi.
— Super ! Enfin... Voilà quoi. Et tu fais quoi ici du coup ?
— Mon frère.
— Ah ! Il fait de la danse ? devina Simon. C'est génial !
— Ouais.
— Ils sont beaucoup dans son cours cette année.
— Ouais.
— Donc comme tu le demandes, précisa Simon en souriant. Je vais aider Watse jusqu'à la fin de l'année. Il trouvait que c'était mieux pour les enfants.
— Okay ! Super. »
C'est à ce moment-là qu'Erasme arriva tel un super-héros, pour sauver sa grande sœur.
« On y va, Mémé ? On va être en retard pour le ferry, dit-il en tirant la main de sa sœur. En plus, faut appeler Granny ! C'est son anniversaire aujourd'hui. Au revoir Simon !
— Salut Erasme. À vendredi.
— Ouais. À vend... Je... Allez Erasme, on y va ! Salut Simon, avait-elle dit dans la précipitation.
— À demain ! Mémé. »
Esmée lui avait adressé un petit signe de la main et avait suivi son frère pour sortir d'ici le plus vite possible. Elle venait clairement de vivre le moment le plus gênant de sa vie. C'était sûrement l'univers qui s'acharnait à lui faire vivre la pire semaine de sa vie. Suite logique.
X+X+X+X+X
« Mémé ? »
La voix qui se glissait dans son oreille était encore très loin dans l'esprit d'Esmée. Elle n'était même pas encore capable de dire de qui il s'agissait. Elle sentait bien qu'il y avait quelqu'un qui l'appelait mais c'était pas très net. Et puis il y avait ses cheveux qui bougeaient tout seuls et qui se dégageaient de son visage.
« Mémé ? C'est moi... Réveille-toi...
— Non... On est samedi.
— Je ne travaille pas aujourd'hui.
— M'en fiche. Le soleil, il est pas debout encore. Alors moi non plus. Je veux passer tout mon week-end sous ma couette. Laisse-moi.
— Si tu veux qu'on soit à l'ouverture de l'océarium il faut te lever maintenant. »
Au mot « océarium » Martijn avait réussi à capter toute l'attention de sa fille. Elle avait ouvert un oeil.
« J'ai encore quelques dizaines d'heures devant moi le temps que Vicky se prépare.
— On y va que tous les deux.
— Genre ? On va à La Haie sans personne ?
— Genre. Tu te lèves ?
— J'arrive.
— Dépêche-toi. Max nous fait du pain perdu salé. Avec ta mère, on va tout manger avant que tu descendes si tu fais pas vite. »
Esmée avait attendu que son père s'en aille pour enfin se lever. Elle avait été rapidement prendre une douche et avait opté pour son large pull gris et son jean pour la journée. Pas très à la mode mais confortable. Quand elle était descendue, l'odeur du pain perdu de Max embaumait dans tout le rez-de-chaussée. Elle avait déjà une part qui l'attendait sagement dans une petite assiette sur l'îlot. Elle avait aussi un jus de fruit et son yaourt préféré. C'était bête mais elle savait que c'était le dernier qu'il restait dans le frigo et que c'était aussi le préféré de Max, alors elle trouvait ça super chouette comme attention. Esmée s'était assise devant l'assiette en question après avoir dit bonjour à sa mère et sa sœur s'était approchée d'elle en passant ses bras autour de ses épaules.
« C'est pour que ta semaine se finisse mieux qu'elle a commencé. Je sais pas si ça va suffire mais... J'y ai mis plein d'amour.
— Tu manges pas avec nous ?
— J'ai déjà mangé et je dois rejoindre Noah à la salle de sport. Bonne journée ma Mémé, rajouta Max en l'embrassant sur la joue.
— T'es là ce soir ?
— Euh... Normalement non... C'est toujours okay pour la soirée avec John ? demanda Max à ses parents avec de grands yeux implorants.
— Et tes devoirs ?
— Je vais rejoindre Ivi pour un peu de shopping après la salle. On mange ensemble et on va travailler chez elle pour la fin de l'après-midi. Je reviens pour dix-huit heures et John passe me chercher.
— Vous mangez où ce midi ?
— Sûrement au Libertine. Sur Wolvenstraat.
— Toutes les deux seulement ?
— Oui. Ou alors avec Noah mais pas plus.
— Ok.
— Ok pour ? Pour la soirée ?»
Magdalena hocha la tête en signe de confirmation. Elle précisa même qu'elle resterait éveillée pour venir les chercher dans la nuit, alors que Martijn se lançait dans l'énumération des règles de base : pas d'alcool, pas de drogue, pas après minuit, pas de...
« Tu sais que je repasse ici pour me changer. John vient me chercher donc t'auras tout le loisir de lui rappeler les règles encore une fois. Allez bonne journée tout le monde ! À ce soir ! Je vous aime ! »
Max attrapa son sac de sport qui était sur le canapé et avait filé attraper son vélo direction le ferry.
« Et nous ? On part à quelle heure ?
— Neuf heures ?
— Parfait ! assura Esmée en mordant dans le pain perdu fait par amour par sa sœur. »
X+X+X+X+X
Il y avait eu un peu de monde sur la route. Plus que ce que Martijn avait imaginé. Du coup, l'océarium était déjà ouvert quand ils étaient arrivés mais ce n'était pas encore bondé. Loin de là. Du coup, ils avaient pu vagabonder entre les aquariums librement.
Esmée n'avait jamais pu expliquer pourquoi elle aimait autant venir ici. Mais c'était cas. Le plus vieux souvenirs qu'elle possédait était les après-midi, quand elle était toute petite et que sa Oma Anouk les emmenait ici avec sa cousine Faustine. Elle avait rapidement remarqué qu'à chaque fois qu'elle revenait chez elle, elle pouvait passer des heures devant une toile pour peindre et avait cette sensation si agréable de bien-être. Elle n'avait pas trouvé de logique à cette relation de cause à effet mais elle l'avait observée tellement de fois qu'elle l'avait prise pour acquise... C'était vraiment étrange quand elle y pensait parce qu'elle n'aimait pas particulièrement l'océan. Elle détestait faire du bateau avec sa mère. Ça, c'était le truc de Max. Elle avait fini par se dire qu'elle aimait simplement voir les poissons, et les méduses surtout. Plus même. Elle adorait les voir se laisser porter par les courants artificiels et être illuminées par toutes les couleurs des LED qui éclairaient par le dessous le bassin. C'était apaisant. Vraiment apaisant.
DE PA :
Je t'attends devant la grande vitre qui donne sur l'aquarium avec le requin-marteau.
Esmée s'était arrachée à la contemplation des corps gélatineux devant elle et avait traversé quelques salles pour arriver devant l'aquarium principal. Elle avait tout de suite remarqué son père qui s'était installé sur un des bancs face à la grande vitre.
« Tu t'étais perdue devant les méduses ?
— Elles sont beaucoup trop mignonnes. »
Il avait ri puis n'avait rien ajouté.
« On fait quoi ici ?
— On regarde des poissons nager.
— Non mais en vrai. Pourquoi on est venu qu'à deux ? C'est une idée de maman ?
— T'avais pas le moral toute la semaine, on s'est dit que ça pourrait peut-être t'aider à retrouver le sourire. Et puis... Et puis comme il n'y a ni tes sœurs, ni ton frère... Si tu veux parler de ce qui ne va pas. Je suis là. Et si tu préfères en parler à ta mère, elle est là aussi. »
Esmée trouvait ça mignon. Vraiment. Depuis qu'ils étaient montés dans la voiture, elle n'arrêtait pas de se dire que tout ça sonnait bizarre ; mais en une phrase son père venait de faire basculer cette matinée de la catégorie « idées cheloues de mes parents » à « actes familiaux mignons ». Il rejoignait le pain perdu de sa sœur.
« Je sais, avait-elle répondu en se laissant tomber contre l'épaule de son père.
— Okay...
— C'est cool d'être venu ici. Merci.
— Ça faisait longtemps qu'on était pas venu. Et ça faisait longtemps qu'on avait pas fait quelque chose tous les deux.
— On pourra peindre en rentrant ?
— Pourquoi crois-tu qu'on est ici ?
— Cool. J'ai pas aimé ce que j'ai fait pendant les vacances. Je voudrais essayer des trucs pour les finir avant Noël. Tu pourras me donner ton avis ?
— Bien sûr ! Tu me montreras. »
Esmée réfléchissait déjà pleinement à ses prochains dessins quand son ventre se mit à grogner bruyamment.
« On peut manger à La Haie. J'aurai pas vraiment la patience d'attendre la route vers Dam.
— C'était pas prévu de prendre la route dans cet état.
— Et je peux conduire sur la route retour ?
— Tu peux.
— Cool ! »
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