Chapitre 37
Chapitre Trente-Septième
Simon avait fait un signe à Oswald pour prévenir qu'il accompagnait Esmée dehors et il avait suivi la jeune fille à l'extérieur. La rue était exigüe et Esmée ne s'y sentait pas beaucoup mieux qu'à l'intérieur, elle avait pris d'elle-même la direction de l'église. Elle s'était appuyée sur le petit muret qui délimitait le parterre d'herbe autour du bâtiment de la route pour vomir.
« C'est mieux là ? demanda Simon en lui tendant des serviettes en papier qu'il avait dû ramener du bar. »
Esmée les avait attrapées et s'était rapidement essuyée la bouche avant de se retourner vers Simon.
« Je sais pas.
— Ça a pas l'air en tout cas. Je pense que tu devrais encore profiter de l'air extérieur. Esmée ! Esmée reviens ! »
Mais Esmée ne l'écoutait pas vraiment. Là, actuellement, elle s'écoutait surtout elle. Si l'envie de vomir commençait à passer, c'était l'envie de pleurer qui arrivait. Pleurer de colère - une colère venue de nulle part lui semblait-il et qui avait une irrépressible envie de s'exprimer. Et pour se calmer, Esmée ne connaissait rien de mieux que la mer. Donc elle était partie sans regarder derrière elle, sans vérifier si Simon la suivait ou pas. Elle s'en doutait un peu quand même parce qu'elle l'entendait l'appeler derrière-elle. Mais elle avait continué droit devant elle sur cinq cents mètres tout au plus ; juste histoire d'arriver face à la mer. Elle avait débarqué sur une sorte de plate-forme qui donnait une vue imprenable sur une plage sans fin : la marrée était basse. Montante de mémoire.
« Putain Esmée ! Attends-moi !
— Pourquoi t'es pas retourné avec les autres ?
— Parce que je vais pas te laisser toute seule dans les rues en pleine nuit.
— Y a personne ici.
— Raison de plus. »
Esmée avait haussé les épaules avant d'entreprendre l'escalade de la barrière pour enfin atteindre le sable.
« Si tu continues par là, y a un vrai escalier pour descendre sur la plage, fit remarquer Simon dans le vide en désignant les planches de bois sur leur gauche. C'est plus sécur'. ... Mais tu t'en fous, visiblement... »
Effectivement, le chemin conventionnel passait clairement au dernier plan pour Esmée qui commençait à enjamber la barrière pour passer côté sable. La barrière n'était pas haute mais comme l'équilibre d'Esmée était bien plus que précaire, elle avait mis du temps. Simon avait maugréé des paroles comme quoi elle était complètement inconsciente et qu'elle était en train de péter un câble mais ça aussi, elle s'en fichait pas mal. Il l'avait tout de même suivie en escaladant à son tour la barrière. Ils avaient marché dans le sable en évitant tant qu'ils le pouvaient les plantes protégées qui avaient été plantées ici très certainement pour éviter que le sable ne bouge de trop. Enfin c'est surtout Simon qui avait fait attention parce qu'Esmée traçait son chemin en se fichant éperdument de la flore locale.
« Tu sais que c'est interdit de passer par là.
— Tu sais ce qui est interdit aussi ?! s'exclama soudainement Esmée en se retournant vers un Simon interloqué. Tu sais ce qui est interdit, Simon Mudler ?!
— Euh... Non ?
— C'est interdit d'autant mentir ! T'es qu'un sale menteur égoïste ! Depuis le début, tu ne penses qu'à toi ! Toi et ta petit gueule et tout le mal que tu peux faire autour de toi t'en absolument rien à foutre !
— Bah Esmée...
— Esmée, elle en a ras-le-bol de toujours tout prendre pour elle ! Esmée, elle en a ras-le-bol de toujours tout accepter pour ne blesser personne ! Esmée, elle en a marre qu'on prenne son cœur et ses sentiments pour les piétiner comme je viens de le faire avec cette fleur de merde ! s'écria Esmée en joignant le geste à la parole. Elle en a ras-le-bol de passer plus de temps à recoller les morceaux qu'à vivre sa vie ! Esmée, elle en a marre, okay ?!
— Je crois que t'as un peu trop bu Esmée. Tu n...
— Non ! Non, j'ai pas trop bu ! J'ai juste bu assez pour pouvoir te dire ce que je pense. Parce que tu sais quoi ?! Si j'avais pas bu, je t'aurai dis que c'est vraiment génial cette histoire de voyage à l'autre bout du monde organisé en cachette ! Je t'aurais souhaité bon voyage en ajoutant que j'espérais sincèrement que tu allais faire des rencontres extraordinaires, ou un truc dans le genre ! Alors que c'est même pas vrai ! J'espère que ton voyage sera vraiment pourri et que tu reviendras par le premier avion ici ! Et je trouve que c'est nul d'avoir organisé ça en cachette de Vivian ! Parce que c'est nul de lui faire croire à un truc qui n'existe pas et qui ne pourra jamais exister !
— C'est bien ce que tu fais avec Eduard, non ? Lui faire croire à un truc qui n'existe pas, rétorqua très calmement Simon. Alors Esmée... C'este vraiment ce que je fais avec Vivian le problème ? »
Esmée avait ouvert la bouche pour ajouter quelque chose mais rien n'était sorti. Du coup elle avait soufflé et était partie à grandes enjambées en direction du restaurant de plage qui était sur leur droite. Il faisait noir dans tout le bâtiment, ce qui signifiait très probablement que l'établissement était fermé, pour autant les transats avaient été laissés à l'extérieur. Oubliés serait surement le terme exact d'ailleurs. Esmée s'était assise sur un de ces transats en plastique blanc en remontant ses jambes contre sa poitrine. Elle sentait son cœur qui battait très fort, et sa respiration qui ne voulait pas se calmer. On aurait pu croire qu'elle venait de courir un semi-marathon à la voir comme ça, sauf qu'Esmée savait que ce n'était que toutes ses émotions enfouies qui voulaient ressortir. Elle les sentait dans ses entrailles. Pour tenter de calmer tout son petit monde intérieur, Esmée fixait les vagues en face mais la marrée était vraiment basse, et la mer était vraiment loin. Très loin. Trop loin pour qu'elle puisse entendre le rythme régulier des vagues et qu'elle puisse caler sa respiration dessus. À côté d'elle, elle entendit Simon attraper un autre des transats blanc pour le faire rouler difficilement jusqu'à côté du sien. Ils étaient restés un long moment l'un à côté de l'autre ainsi. Suffisamment longtemps pour que quelques larmes coulent sur les joues d'Esmée - deux ou trois pas plus - qu'elle puisse retrouver une respiration normale avec l'aide de la mer qui commençait à se rapprocher.
« Pourquoi c'est à moi que tu racontes tout ça ? »
Esmée avait demandé ça tout doucement pour une fois. Elle avait toujours ses jambes contre elle, et avait posé sa tête sur ses genoux. Son regard se dirigeait vers Simon toujours sur le transat d'à côté. Elle n'attendait pas de réponse particulière à sa question parce qu'il avait les yeux fermés et qu'elle pensait qu'il dormait. Et pourtant...
« A ton avis ?
— Je sais pas. Je te suis pas. Tu m'évites depuis des semaines et là d'un coup tu m'avoues quelque chose que tu n'as dit à personne. »
Simon ouvrit un œil pour regarder Esmée. Il faisait nuit mais il faisait assez clair pour qu'il puisse remarquer ses yeux bleus qui le fixaient avec beaucoup d'intensité et d'attente. Il avait un petit sourire en coin sur le visage. Un petit sourire qui faisait presque disparait ses lèvres déjà très fines.
« Je ne t'évite pas Esmée.
— Ah.
— Enfin si... T'as raison. Faut que j'arrête de mentir. Je t'évite. Mais pas pour les raisons que tu imagines.
— Parce que tu sais ce qu'il y a dans ma tête ?
— Oui ?
— Non. Même moi, je ne le sais pas. ... Mais... Simon, pourquoi c'est à moi que tu racontes tout ça ? »
Simon haussa les épaules en se mettant à regarder l'océan devant lui. Le soleil allait pas tarder à se lever, il devait être aux alentours des cinq heures. Ils étaient ici depuis des heures.
« J'ai des listes, commença t-il. Des listes de ce que je veux accomplir dans ma vie. J'ai une pour ce que je dois faire dans l'année. Une liste pour les cinq prochaines années. Une liste pour la prochaine décennie. J'ai des listes donc. Et dans ma liste de la décennie, je me suis promis de voyager. De partir. Et aujourd'hui, je me rends compte que j'en peux plus de vivre ici. J'ai besoin de vibrer, de vivre des choses fortes ailleurs, de m'enrichir par les autres.
— Tu l'as écris quand cette liste ?
— Ma liste de la décennie ? Y'a huit ans.
— Y'en a combien des objectifs ?
— Quatre.
— Y'a quoi d'autre ?
— Finir le lycée avec Oswald. Avoir un chien. J'avais clairement des objectifs atteignables à dix ans.
— Ça fait trois, compta aisément Esmée. C'est quoi la dernière ?
— Je pense que tu le sais. »
Esmée n'insista pas plus que ça. Principalement parce qu'elle savait que Simon ne lui répondrait pas.
« Tu veux pas qu'on rentre. Ils vont s'inquiéter à pas nous voir rentrer. Je suis même pas sûre qu'ils nous ait vu partir.
— Oswald nous as vu. Perso, je resterais bien dormir ici.
— C'est interdit de dormir sur la plage.
— Genre c'est quelque chose qui te dérange. Braver les interdits.
— Si on se fait arrêter je dirais que tu m'as forcé à dormir ici.
— On ne se fera pas arrêter, Esmée. Dis pas n'importe quoi, soupira Simon en se tournant sur le côté dans une position un peu plus confortable.
— Si tu le dis... »
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