Chapitre 27

Chapitre Vingt-Septième

Le lendemain, Magdalena était la seule à travailler. Le vendredi, elle commençait à huit heures donc quand elle s'était levée, la maison était vraiment silencieuse. Alors qu'habituellement ça crie déjà dans tous les sens, et en particulier contre Victorinne qui ne prend pas forcément en compte les autres dans sa routine matinale. Là, pas un bruit. Même Gifted n'avait pas eu le courage de venir lui dire bonjour. Elle avait chauffé l'eau de son thé pour commencer sa journée, pendant qu'elle sortait de quoi manger. Elle avait profité de ce calme pour vérifier ses mails, puis elle avait échangé quelques messages avec son frère Charlie qui partait se coucher de l'autre côté du monde :

De CHARLIE :
Tu fais pas le pont ?

De MAGDALENA :
Non. Réunion pédagogique au lycée.

De CHARLIE :
Ça va ? Tu le vis bien ?

De MAGDALENA :
Je relativise : je suis la seule à travailler donc pas de cris au petit-déjeuner. Je le prends dans le calme. Il fait beau. La fenêtre est ouverte et y a pas un bruit dehors non plus. 
Je le vis très bien.

De CHARLIE :
Martijn s'est pas levé pour te faire le petit-déjeuner ?
Ariel se lève que c'est moi qui me lève le premier.

De MAGDALENA :
Menteur.
T'es jamais le premier à te lever. Jamais.

De CHARLIE :
C'est vrai. Mais je suis sûr que si j'étais le premier elle me ferait le petit-déjeuner.

De MAGDALENA :
Et on sait tous les deux que c'est complètement faux. Tu te fais des films...

Magdalena avait soudainement senti deux bras se glisser autour de ses épaules et le nez de Martijn se glisser dans son cou.

« Déjà debout ?

— J'ai mal à la tête, se plaignit Martijn.

— C'est que t'as plus vingt ans...

— Je vais peut-être aller me recoucher si c'est pour entendre ça.

— Tu trouveras du paracétamol dans le placard derrière. »

Martijn grogna encore une fois dans le cou de Magda avant de se séparer d'elle.

« Dis ?

— Mmh ? répondit distraitement Magdalena.

— À qui tu parles ?

— Charlie. Il va se coucher, il a un rendez-vous de je sais pas quoi demain matin beaucoup trop tôt pour lui.

— Oh... Je vois... fit Martijn en prenant sa gélule. Dis ?

— Mmh ?

— Tu l'as pas trouvée bizarre Mémé hier soir ?

— Laisse vivre ta fille, Marty. »

Le concerné laissa échapper un long soupir accompagné d'une petite moue.

« C'était qui le gars avec qui elle est allée au concert ?

— Le garçon de ses cours de français.

— Elle t'a parlé de lui.

— Il est venu une fois ici.

— Quoi ?! Pourquoi je suis pas au courant de ça ?

— Parce que t'étais au travail et qu'il est juste passé le temps qu'Esmée prenne quelques affaires.

— Mmmh...

— Marty... sourit Magda devant l'air très sceptique de son mari. Fais-lui confiance un peu. Et laisse la grandir. Elle nous en parlera si elle doit nous en parler. Dans deux mois elle est majeure.

— Oui. Alors ça, t'es pas obligée de le rappeler comme ça. Je la vois encore assise sur le carrelage avec le pantalon à fleurs que lui avait acheté Laura, et avec son gros nœud bleu sur la tête. Elle était toute petite et... C'était hier ? »

Magda fit non de la tête et Martijn répondit en soufflant et en reposant son verre sur le plan de travail.

« Bon bah si c'est pour entendre ça, je vais me recoucher. Tu finis à quelle heure pour le déjeuner ?

— Midi et demi. Treize heures. Je vous rejoindrai directement chez tes parents. Sinon on va vraiment arriver en retard.

— Okay... dit Martijn alors qu'il repartait déjà vers leur chambre. Bonne réunion ! »

X+X+X+X+X

La journée était passée vite et honnêtement Esmée l'avait adorée. Le matin, elle avait un peu trainé au lit. Vers dix heures, Max était partie rejoindre Ivi pour aller nager. Esmée en avait profité pour aller peindre dans l'atelier de son père. Vicky s'était plantée devant Netflix pour avancer sur une série dont personne n'avait retenu le nom. Erasme, lui, avait décidé d'accompagner son père en ville. Ce midi, ils déjeunaient tous chez ses grands-parents Anouk et Gregor - grande réunion pour l'anniversaire de sa grand-mère - et ils avaient commandé le déjeuner chez un traiteur en ville.

En rentrant, Martijn avait un peu dû presser les filles entre l'une qui sentait le chlore, l'autre qui sentait la peinture, et celle qui n'était toujours pas habillée, il avait vraiment fallu accélérer le pas. Quand ils étaient finalement arrivés de l'autre côté de la capitale néerlandaise, la voiture de Magdalena ainsi que celle de sa tante Suzanne et son oncle Tim étaient déjà garées devant la maison de leurs grands-parents et ça avait fait sourire Esmée parce qu'elle adorait le type de journée qui s'annonçait. En rentrant dans la maison, la table était en train d'être dressée, sa grand-mère s'affairait dans la cuisine alors que ce sont eux qui apportaient le repas, son grand-père était déjà embauché pour réparer le jeu de leur cousin Lukas. C'était un vendredi qui sentait le dimanche.

Pendant le repas, Faustine leur avait parlé de sa vie à l'Université et Magda leur avait raconté des souvenirs de sa vie dans cette même Université. Et ce qui plaisait le plus à Esmée, c'était de voir son petit frère regarder sa mère avec des étoiles dans les yeux parce que ça avait l'air quand même super cool la vie à l'Université. Puis Anouk avait demandé à Esmée si elle s'était enfin décidée pour une Université à la rentrée.

À vrai dire, Esmée en avait parlé avec ses parents un soir de mars. Un vendredi soir comme les autres, où après le dîner tout le monde était parti se mettre en pyjama ou finir ce qu'il y avait à finir avant de regarder un film en famille. Esmée se souvenait même que le film c'était Men In Black - celui avec Chris Hemsworth et pas avec Will Smith. Esmée avait traîné un peu plus que ses trois frères et sœurs, et une fois qu'il ne restait au rez-de-chaussée plus qu'elle et ses parents elle leur avait parlé de sa nouvelle idée. Esmée était passé par plein d'idées pour son avenir sans qu'au final ça la préoccupe énormément ; elle avait juste des idées... École d'art comme son père ? Dans la santé comme sa grand-mère ? Travailler avec les enfants aussi lui aurait bien plu... Et c'est sûrement l'idée qui était restée la plus longtemps. Et puis comme les autres, c'était passé. Toujours était-il que ce vendredi, Esmée leur avait dit qu'elle avait réfléchi et qu'elle voulait aller en fac de langue parce qu'elle voulait être traductrice. Ça lui était apparu pendant le cours qu'elle avait donné à Eduard dans la soirée. Et elle l'avait assuré à ses parents, c'était du sérieux.

Donc c'est avec tout autant de sérieux qu'elle l'avait expliqué à toute sa famille qu'elle avait envoyé sa candidature pour la fac de langue de l'Université d'Amsterdam. Son grand-père avait immédiatement cherché à délimiter une zone où elle pourrait se trouver un petit appartement, ou un plus grand qu'elle pourrait partager avec sa cousine. Esmée avait tenté de gentiment lui glisser qu'elle n'avait pas du tout envie de partir de chez ses parents. Son père et son frère avaient souri, elle aurait pu y mettre sa main à couper.

Les Gelderman étaient partis juste avant le dîner, en même temps que Suzanne, Tim, Faustine et Lukas. Avec tout ce qu'ils avaient avalé dans la journée, ils s'étaient naturellement exempté de dîner et après une bonne douche, Esmée avait fini sa soirée dans sa chambre. Elle avait un peu avancé le puzzle qui attendait patiemment qu'on le complète dans un coin de sa chambre. Esmée n'avait jamais particulièrement adoré les puzzles mais quand elle était allée chez Simon, elle avait remarqué une collection de boîtes plus ou moins abîmées sur une étagère du salon ; en rentrant elle en avait trouvé un vieux dans la chambre de son frère. Il était sur celui cinq cents pièces depuis plus de deux mois... Elle avait aussi continué son bouquin du moment : un recueil de poèmes trouvé au fond de la bibliothèque. Son téléphone avait sonné aux alentours de vingt-et-une heures.

« Sissi ? avait-elle fait sans prendre le temps de vérifier le nom de son interlocuteur sur l'écran.

— Salut ma Mémé, fit la douce voix de sa cousine de l'autre côté du fil. Je te dérange pas ?

— Du tout ! On était chez Opa et Oma aujourd'hui, on a mangé comme six. D'un commun accord, on a décidé de pas manger ce soir. Du coup, j'ai passé la soirée dans ma chambre.

— Je vois, rit Silena. Pire que chez Granny, le déjeuner ?

— Non. Ça pourra jamais être pire que chez Granny mais... On a bien mangé quand même. Et toi ? Ta journée ?

— Je travaillais. Donc comme d'habitude. On vient juste de finir de manger avec Raph' et je t'appelle de mon balcon parce qu'il a commencé une série qui me branche pas du tout. ... Bon ma Mémé... Pourquoi tu voulais que je t'appelle ?

— Tu te souviens de ce qu'on s'était dit sur la plage à Noël ?

— Mmh... À propos du garçon qui te plaisait ? Simon ?

— 'ais...

— Oui. Je vois. Alors ? Ça bouge ? Il a quitté sa copine ?

— Non, non. Je... Y'a un garçon qui m'a invitée au bal de fin d'année.

— Un autre garçon ?

— Oui.

— Pourquoi tu me parles de Noël, alors ? Je suis un peu perdue là...

— Ouais. Pardon... Je reprends tout alors ?

— Fais ça. Ça m'a l'air d'être une bonne idée. »

Alors Esmée avait tout repris, tout ce qui s'était passé depuis Noël. La soirée au Winterparadijs. Leur travail de groupe chez lui. Puis la proposition pour les cours de français avec Eduard. Elle avait alors dû aussi lui raconter l'histoire du bal de l'année dernière et du fait qu'elle avait appris que toute l'école était au courant. Elle était ensuite passée aux quelques après-midi qu'elle avait passée avec Eduard. Puis elle avait raconté la première soirée chez Rianne celle avec beaucoup de pleurs. Puis leur sortie à quatre. La distance que Simon avait peu à peu mise entre eux. La seconde soirée chez Rianne et la discussion qu'elle avait eue avec son amie pendant la nuit. Et enfin la journée de la veille avec le concert avec Eduard, sa demande pour le bal et son baiser.

« Bah dis donc ma Mémé... Je pensais pas que tu irais aussi vite quand je te disais de regarder ce qui se passe autour de toi.

— C'est bête ce que je te raconte. Tu dois tellement avoir des problèmes beaucoup plus importants...

— Mémé ? Moi aussi j'ai eu dix-sept ans. Et moi, non plus j'avais pas de grande sœur. J'avais même pas de cousine super cool pour en parler. Et je suis très contente que tu m'en parles.

— Vraiment ?

— Vraiment. En plus quasi toutes mes amies sont en couple, et j'adore l'idée d'avoir de nouvelles histoires de cœurs. Alors ce Eduard, il te plait ?

— Je crois ?

— Et Simon alors, tu penses toujours autant à lui ?

— Un peu moins... Peut-être... Mais... C'est étrange sa façon de réagir quand il y a Eduard avec moi... C'est

— C'est un peu comme s'il était jaloux ? compléta Silena sentant bien que sa cousine ne trouvait pas les mots.

— Ouais ? Quelque chose comme ça...

— Tu veux que je te dise Mémé ? Je pense, avec ce que tu me racontes, qu'il a bien senti qu'il te plaisait et cette sensation lui allait bien parce que ça boostait un peu son égo. Et là, il s'en rendu compte que tu t'intéressais à un autre garçon et ça lui plait pas du tout de savoir qu'il est remplaçable.

— Mais il n'est pas remplaçable !

— Ah bon ? Tu vas pas aller au bal avec Eduard.

— Bah je sais pas trop... Parce que... Bah... Euh...

— Hé Mémé ? Arrête de réfléchir deux secondes. T'as envie d'aller au bal ?

— Oui, mais...

— Mais rien. T'aime bien Eduard ?

— Oui, mais...

— Mais rien ! Tu vas au bal avec Eduard et tu vas passer une super soirée et t'acheter une robe de princesse.

— Les robes de princesse, c'est pas moi.

— Vicky va te trouver un truc sublime. Je lui fais confiance pour ça...

— T'es sûre que mettre Vicky dans la boucle est une bonne idée ?

— Oui ! C'est une super idée ! Par contre là Mémé faut que je te laisse, il commence à pleuvoir...

— Bien sûr ! Rentre te mettre à l'abri. Merci d'avoir appelé quand même Sissi.

— C'est normal... Tu me tiens au courant ?

— Promis.

— Je t'aime.

— Je t'aime aussi. »

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top