Chapitre 26

Chapitre Vingt-Sixième 

Chaque pays a ses traditions. Aux Pays-Bas, l'une d'entre elles est un immense vide-grenier dans tout le pays chaque jour du Roi. Et, sans mentir, Erasme adorait cette tradition presqu'autant que Vicky et depuis qu'il était en âge, il embarquait ses trois sœurs et aussi un peu ses parents dans la préparation des stands qu'ils mettraient devant la maison. Tout le monde triait ses affaires, Esmée s'appliquait même à trier ses toiles qu'elle stockait dans l'atelier de son père comme si l'espace y était extensible. Tout était ensuite mis dans des cartons selon une organisation que Martijn et Max géraient d'une main de maître. Il fallait que ce soit facile à sortir et facile à ranger. Honnêtement, c'était tout un art.

Comme la plupart des années, le jour du Roi tombait le 27 avril. Le matin même, la maison des Gelderman s'était réveillée de bonne heure. Même Victorinne s'était levée de bonne heure ; mais comme aimait le rappeler Magda : « Le jour du Roi pour Vicky c'est un peu comme Noël pour Charlie. ». Effectivement, Victorinne aidait Max à préparer le petit déjeuner, elle ne râlait pas quand il s'agissait de ne pas être la première à la salle de bain et aidait à installer les planches et les cartons devant la maison.

Ils avaient réussi à bien vider les cartons juste dans la matinée. Pour cela Vicky avait misé sur une arme secrète redoutable : Gifted. Elle l'avait fait couché juste devant le stand, avait même rapatrié sa gamelle d'eau et lui avait bidouillé un peu d'ombre pour qu'il reste bien là. Alors évidemment sa tête de peluche et ses poils vraiment trop doux - dû au bain auquel il avait eu le droit quelques jours plus tôt -, il attirait comme un aimant tous les enfants du quartier qui le connaissait déjà ; ces mêmes enfants qui convainquaient aisément leurs parents d'acheter les anciens jeux de la fratrie Gelderman. Victorinne avait le sens des affaires, sans aucun doute.

Pour le déjeuner, ils avaient partagé trois grandes pizzas et c'est juste après qu'Esmée avait reçu un message de Rianne.

De RIANNE :
Toujours okay pour cet après-midi ?

De ESMÉE:
Oui !
Je vous retrouve où ?

De RIANNE :
On avait dit chez Simon mais vu le monde, on peut se retrouver chez moi pour y aller ensemble ?

De ESMÉE:
Parfait ! Je pars de chez moi !

X+X+X+X+X

Arrivée dans le quartier de Simon, les filles avaient recherché Ji, Oswald et Eduard qui était aussi là. Il devait retrouver ses amis un peu plus tard au concert donné aujourd'hui au RAI et il avait accepté la proposition de Vivian de passer ce début d'après-midi avec eux. C'est ce que Rianne lui avait expliqué quand elles avaient réussi à l'apercevoir de loin.

« Il ne t'avait pas dit qu'il serait là ?

— Non.

— C'était pour la surprise... Regarde le sourire qu'il a depuis qu'il t'a aperçue, fit remarquer Rianne en adressant un petit signe de la main. Vous êtes ensemble avant la fin de la journée, j'en fais mon affaire.

— T'as toujours été une mauvaise entremetteuse. Ne t'en mêle pas steuplaît... Laisse-moi dans mon coin.

— Nope ! ... ... Salut les gars ! Qu'est-ce que vous faites ici ?

— Simon et Vivian sont encore là-haut, expliqua Ji. En les attendant, vous voulez des frites ? »

Esmée avait gentiment refusé le cornet que lui tendait Ji. Elle avait déjà mangé. Rianne lui en avait piqué deux ou trois puis en avait piqué régulièrement de nouvelles jusqu'à ce que les deux retardataires passent enfin la porte de l'immeuble.

« C'est pour cette coiffure qu'on vous a attendu aussi longtemps ? fit Ji avec un regard des plus sceptiques sur les deux bandanas qui coloraient les cheveux de Vivian et Simon.

— T'aimes pas ? s'étonna la jeune fille en repositionnant correctement le tissu orange sur la tête de son petit-ami.

— J'adore ! De toute façon, il est beau quoi qu'il porte, assura Ji en finissant sa dernière frite sans que personne n'arrive à déterminer s'il blaguait ou non. Oswald ? Ils sont où vos potes ? »

Pour l'après-midi, il était prévu qu'ils puissent profiter du bateau d'un ami d'enfance d'Oswald. Esmée n'avait encore jamais pu être sur les canaux pour la fête du Roi, elle était super impatiente même si la cohue habituelle due au bon millier de personnes dans les rues et canaux l'impressionnait beaucoup trop...

Oswald avait sorti son téléphone et avait dit à ses amis de le suivre. Petit à petit ils avaient suivi, Esmée avait été dans les dernières et Eduard avait aussi innocemment attendu que le groupe s'éloigne de quelques pas pour rejoindre Esmée. Ils avaient marché quelques pas en silence côte à côte. Il attendait qu'elle prenne la parole et elle ne comptait pas prendre la parole immédiatement. Alors ils avaient marché sans rien dire et elle l'avait vu rire.

« Quoi ? s'exclama-t-elle.

— Tu me fais rire...

— Cool...

— Ça s'est bien passé ce matin ? T'étais avec ta famille ?

— Oui. On a fait le vide-grenier et c'était trop bien. Ma sœur me fait trop rire d'ailleurs parce qu'elle adore cette journée, et qu'habituellement quand on est ensemble elle nous trouve toujours des trucs à faire pour rendre cette journée la plus rentable possible.

— Elle sait qu'elle est la seule de tout le royaume à prendre ce truc au sérieux ?

— Oui mais elle s'en fiche, sourit Esmée en pensant à Vicky qui devait toujours au chevet de Gifted pour s'assurer qu'il attirait le plus de personne possible. ... Et toi ? Ce matin ?

— On a fait un tour au marché aux puces du Vondelpark avec mes parents et ma sœur.

— T'as trouvé des trucs sympas ?

— Mmhmmh.

— Ça veut dire quoi ça ? s'étonna Esmée en voyant Eduard farfouiller dans sa poche pour en sortir un petit paquet en papier mousseline.

— Tiens, fit-il en lui tendant rapidement l'objet.

— Qu'est-ce que c'est ?

— J'ai pensé à toi en voyant ça. Je... Je me suis dit que ça te ferait plaisir.

— T'as pensé à moi ? s'étonna sincèrement Esmée. »

Eduard avait tourné lentement la tête vers elle en se demandant si elle était sérieuse ou non. Mais elle l'était, à le regarder avec ses yeux bleus tout grand ouvert et remplie d'interrogation.

« Je pense souvent à toi, Esmée. »

Il avait murmuré. Elle avait entendu. Mais elle avait préféré faire comme si de rien n'était. Esmée n'avait aucune idée de comment réagir à ce genre de phrase.

« Je peux ouvrir ?

— Bien sûr ! C'est pour toi, rappela Eduard. »

Avec une très grande délicatesse, Esmée avait déplié le papier. À l'intérieur, il y avait une bague qui représentait une fine branche de laurier couleur or.

« J'ai remarqué que t'en mettais souvent alors... Voilà. J'ai pensé à toi.

— Merci, souffla-t-elle en la faisant glisser sur son index gauche.

— Ça te plaît ?

— Ouais...

— Ça a pas l'air.

— Si, si ! s'exclama soudainement Esmée avec plus d'enthousiasme. C'est juste que... C'est la première fois qu'on m'offre quelque chose comme ça. Je suis... surprise ?

— Mais c'est bien ?

— Oui.

— Okay... ... ... Bon... Allez viens, on va les perdre si on ne se presse pas plus. »

Eduard n'avait pas tort. La marée orange vers laquelle ils avançaient allait sans aucun doute rapidement avaler leurs amis qui marchaient quelques mètres devant eux. S'ils les perdaient, il ne fallait plus espérer les retrouver.

L'après-midi sur le bateau avait été inoubliable. Ils avaient dansé, rit, crié, chanté, et s'étaient mêlés à l'armada de bateaux qui avait envahi les canaux de la ville. Et même Esmée avait fini par se laisser gagner par l'enthousiasme général. Et quand Simon l'avait prise par la main pour l'inclure à la danse improvisée à l'avant du bateau, elle s'était laissé faire ; sans doute d'abord surprise par la soudaine proximité du garçon et au fait qu'elle ne s'était même pas sentie rougir. Comme si tout était enfin normal pour elle. Ça avait été drôle mais comme toutes les bonnes choses ont une fin, il avait bien fallu finir par accoster.

Une fois sur la terre ferme, le petit groupe d'amis avait déambulé encore un peu dans les rues. Eduard avait reçu un coup de téléphone, quelques minutes avant de les quitter. Il s'était un peu éloigné d'eux et surtout d'Esmée et Rianne en avait profité pour prendre sa place.

« T'as même pas besoin de moi en fait... Fais voir, fit la jeune femme en prenant la main de son amie. Elle est jolie...

— C'est vrai, concéda Esmée. Mais, je crois que ça me gêne un peu...

— Te gêne ? Vraiment ?!

— J'avais rien à lui offrir en retour... Je sais même pas ce qui lui ferait plaisir...

— Tu sais très bien ce qui lui ferait plaisir, rectifia Rianne juste avant qu'Isaya et Vivian s'approchent à leur tour.

— De quoi vous parliez ? demanda Isaya. Oh Esmée ! Elle est trop mignonne ! Tu l'as trouvé au marché aux puces ?

— Eduard l'a trouvée pour elle, expliqua Rianne sans que personne ne lui ait rien demandé. »

Avant même qu'Esmée n'ait pu rétorqué quoi que ce soit, les filles étaient parties dans une description précise du bijou et du pourquoi c'était si adorable.

« Je vais y aller moi, si je veux être à l'heure au RAI...

— Ça va ? demanda immédiatement Vivian devant l'air de son partenaire de patinage.

— Juste un pote qui nous lâche pour le concert... Du coup, on se retrouve avec une place sur les bras. Mais bon, je pense qu'on trouvera quelqu'un pour la vendre là-bas. À moins que quelqu'un ici veuille venir ?

— Esmée, indiqua immédiatement Rianne en poussant un peu son amie dans le dos.

— Euh...

— Je pensais pas que tu serais intéressée, fit Eduard avec un sourire. »

« Moi non plus » eut envie de rétorquer Esmée mais à la place elle sourit. Parce que la vérité c'était que même si ce concert ne l'emballait pas plus que ça, l'idée d'y aller avec Eduard, suffisait à la convaincre.

« Bah si. Si, ça me dit bien.

— Super alors. On y va ?

— On y va. »

À la suite d'Eduard, Esmée avait salué tout le monde. Simon avait été le seul à ne pas répondre.

X+X+X+X+X

Les parents d'Esmée avaient dit oui pour le concert et Eduard s'était engagé à la ramener jusqu'au ferry. Et comme c'était un homme de parole, il l'avait fait. De toute façon, Esmée était persuadée que même s'il ne s'était pas engagé, il l'aurait tout de même fait. Parce que l'un autant que l'autre aimait bien ce petit trajet, parce que quand ils marchaient, Esmée ne se sentait pas obligée de toujours faire la conversation. Non pas que là, elle se sente obligée de quoi que ce soit. Elle avait adoré ce concert et était intarissable. Ce n'est qu'une fois arrivé au quai qu'elle s'était enfin arrêtée.

« Désolée.

— Je t'ai jamais autant entendu parler.

— J'ai adoré.

— J'avais compris, rit Eduard avant qu'un silence s'installe entre eux. ... Et Esmée ?

— Oui ?

— Tu accepterais de venir au bal de fin d'année avec moi cette année ? »

Il avait dit ça super calmement, super naturellement et Esmée aurait adoré pouvoir répondre aussi naturellement. Mais à la place elle n'avait rien dit. Le bal c'était dans trois semaines, il s'y prenait tard. Tellement tard qu'elle s'était persuadée qu'il avait trouvé quelqu'un d'autre pour y aller.

« T'as pas le droit de me mettre deux râteaux pour la même raison.

— Ah bon ?

— Ouais. C'est interdit, assura Eduard en la fixant droit dans les yeux. En plus tu ne peux pas me faire louper mon dernier bal. Tu ne veux pas être responsable de ça, n'est-ce pas ?

— Evidemment que non. Et puis si c'est interdit en plus alors...

— C'est oui ? préféra-t-il confirmer surpris qu'elle est cédée aussi vite.

— Oui. »

Pour une fois, il avait détourné le regard vers le lac sur sa droite. Au pire, il pourrait dire que c'était pour surveiller l'arrivée du ferry. Et il arrivait.

« Mais en amis, préféra préciser Esmée parce que dans les films quand ils veulent y aller en amis, ils précisent toujours et surtout parce que soudainement, ça la rassurait.

— En... amis ?

— Oui. En amis, affirma-t-elle avec beaucoup plus d'assurance.

— T'es dure en affaires, Gelderman. Franchement.

— C'est ça où tu loupes ton dernier bal de fin d'année, rappela-t-elle alors que la corne de brume du ferry se faisait entendre.

— Okay. Va pour le « en amis ».

— Parfait.

— Mais ce « en amis » là alors. »

Sur le coup, Esmée n'avait pas compris ce qu'il voulait dire puis quand elle avait sentit les lèvres d'Eduard se poser sur les siennes, c'était devenu beaucoup plus clair. C'était son premier baiser, et quand elle y avait pensé, elle avait clairement imaginé autre chose qu'elle avec un garçon sur le quai pour le ferry. Et elle avait aussi imaginé quelqu'un d'autre qu'Eduard. Mais c'était bien comme c'était en train de l'être. C'était même très très bien comme ça. Et en se rendant compte de ça, Esmée s'était laissée aller. Elle avait décroisé ses bras et l'avait laissé poser sa main sur sa joue. Il avait les mains chaudes, ça avait contrasté avec le froid de ses joues dû au vent marin qui soufflait un peu. Quand il avait voulu s'écarter, elle s'était mise sur la pointe des pieds pour grappiller quelques millièmes de secondes supplémentaires. C'était tellement mieux que ce qu'elle avait imaginé.

« En amis alors. On est d'accord ?

— À lundi, Eduard, avait-elle soufflé en partant vers le ferry. »

Cette fois-ci, elle était restée à l'arrière et il était resté sur le quai pour la regarder partir. 



--- NDA ---

🐣❤️

Je viens de mettre le point final à cette histoire. Il est actuellement 3h du matin, mais ça va. Quand je me réveillerais, il sera toujours dimanche. 

Je suis trop contente et ne pouvais pas attendre de partager ça avec vous !!!

A mardi mes pioupious d'amour, 😏


Uthopie détentrice de ce roman dans son intégralité. 🐥❤️📚

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