Chapitre 25
Chapitre Vingt-Cinquième
Esmée avait vraiment dû négocier sec pour que Max accepte de lui faire des gâteaux. Et encore Max avait dit quelque chose du genre « Je vais voir... Si j'ai le temps... ». Mais comme dans le fond, Max faisait partie des gens qui ne savent pas vraiment donner un non indiscutable, elle avait fait des gâteaux. Ça avait embaumé le cookie dans toute la maison et Erasme avec son fidèle Gifted était resté dans le coin. Erasme avait dit que c'était « au cas où Max y arrive pas toute seule ». Toujours prêt à aider. Et Gifted... Disons que sa réputation de « trou sans fond » que Louis lui avait fait n'était pas à prendre à la légère. Du coup, Esmée avait donc ramené un nouvel essai culinaire de Max. Des frites-cookies qu'elle avait dit. Autrement dit simplement des cookies en forme de frites. C'était original dans la présentation. Assez pratique à manger. Esmée et ses amies validaient.
Au début, Esmée avait vraiment douté de l'utilité de cette soirée. Sans rire. C'était sur-réagir. Et en plus, elles pourraient toutes les quatre en profiter pour fêter comme il se doit les dix-huit ans de Rianne. Mais comme disait Barbara : « Sur-réagir c'est la spécialité de Vivian. ». Du coup, elles étaient vraiment toutes les quatre chez Rianne à regarder Vivian qui elle, était en train de pleurer un coussin bien serré dans ses bras, une boîte de mouchoirs avec la moitié des mouchoirs encore dedans et l'autre moitié en boule tout autour d'elle. Isaya qui tentait de la réconforter. Rianne qui lui assurait que vouloir quitter Simon pour ça, c'était vraiment n'importe quoi. Vivian se mettait soudainement à trouver exaspérant tout ce qu'elle trouvait si adorable chez lui, il y avait encore deux semaines de ça. Simon devenait soudainement trop gentil, trop enfantin, trop passionné, trop proche de ses deux frères et encore plus d'Oswald et Ji. De toute façon, tout devenait trop chez lui à ses yeux.
Esmée écoutait d'une oreille distraite ce qui se passait entre ses amies. Elle s'était trouvée une place stratégique à côté de la boîte de cookies et se servait en se demandant si c'était normal ou pas de rien ressentir à l'idée que Simon redevienne célibataire. Est-ce que ça faisait d'elle une mauvaise amie ? Ou même est-ce que ça faisait d'elle une mauvaise personne ? On peut changer d'avis une fois qu'on est sûre d'avoir rencontré son grand amour à dix ans ? On peut être amoureuse de quelqu'un pendant des années et arrêter de l'aimer en quelques semaines ? Ou peut-être qu'en fait elle n'avait jamais été amoureuse de Simon... D'ailleurs Simon ne lui avait jamais tenu les cheveux pour vomir... Et il ne le ferait probablement jamais... À quel moment sa mère avait-elle bu à un point où elle avait vomi ? Ses parents étaient vraiment ce genre de personne ? Granny était-elle au courant de cette histoire ? Si un jour, elle buvait au point de vomir aux toilettes son père la tuerait. C'est sûr. Est-ce que les filles avaient remarqué qu'elle n'écoutait plus un mot de ce qu'elles racontaient ? Elle pouvait prendre le dernier cookie ? Est-ce Max en avait fait suffisamment pour qu'il en reste demain à la maison ? Connaissant sa mère et son frère, peu de chance...
Les réflexions d'Esmée avaient continué sans qu'elle prête une réelle attention à ce que disaient les filles. Ça avait fonctionné toute la soirée. Réellement. Parfois, elle hochait tout de même la tête et assurait être entièrement d'accord avec Rianne à chaque fois. De toute façon, elle était quasiment sûre de réellement être d'accord avec Rianne.
Quand Isaya et Vivian étaient parties, il n'était plus d'actualité de quitter Simon. Vivian avait pris le dernier cookie qu'Esmée avait laissé pour Rianne sans rien demander mais bon... Elle avait les yeux si rouges d'avoir pleuré que personne n'allait lui en tenir rigueur.
Esmée, ellen avait prévu de rester dormir chez Rianne. Alors, pendant que son amie se changeait dans la salle de bain, elle avait changé son pull rose pâle contre un vieux t-shirt qu'elle avait acheté dans une boutique de souvenirs à côté de chez ses grands-parents en France. Sa taille XXXL lui permettait presque de le qualifier de robe. Puis elle avait sorti le paquet cadeau qu'elle avait fait pour Rianne et l'avait simplement déposé sur son oreiller avant d'aller se brosser les dents dans la salle de bain. Quand elle était revenue dans la chambre, Rianne l'attendait la tête penchée sur son téléphone, son cadeau sur les genoux.
« Tu ne l'ouvres pas ? demanda Esmée en s'asseyant sur le matelas qu'elle venait de gonfler.
— Je t'attendais ! s'exclama Rianne en jetant distraitement son téléphone sur le matelas derrière elle. C'est pourquoi ?
— Pour ton anniversaire, banane.
— On avait dit qu'on le fêterait toutes les quatre en août ! Pour qu'on puisse toute aller en boîte ensemble.
— N'empêche que depuis hier t'as officiellement fait dix-huit fois le tour du soleil et que je t'ai acheté un cadeau.
— T'es trop chou, Mémé... »
Esmée avait appuyé son menton sur ses genoux pour regarder son amie ouvrir son paquet et elle s'était fait la réflexion que Rianne ne l'avait plus appelée Mémé depuis des années. Bien avant que Barbara quitte leur groupe d'amies. Vraiment longtemps. Et juste avec ces deux syllabes, c'est un peu comme si le fil abimé qui les reliait reprenait un tout petit peu de consistance. C'est dingue les pouvoirs d'un surnom.
« Bien commencer ma vie de végétarien, lut Rianne avec le sourire.
— Comme ça tu feras pas d'erreur de débutante. Tu respecteras les règles de l'art.
— Merci beaucoup ! fit Rianne en allant s'asseoir à côté d'elle sur le matelas gonflable pour coller un baiser sur la joue de son amie. Et ça va toi ?
— Oui. Bien sûr que ça va.
— Je t'ai vu manger tous les cookies dans ton coin ce soir. Tout va bien ?
— Oh oui. Oui, vraiment. Ça va.
— Tu pensais à Eduard ? sourit Rianne.
— Bah non. Pourquoi Eduard ?
— Rhoo. Arrête. Je vous vois bien vous tourner autour depuis quelques semaines... Il se passe quoi entre vous ?
— Rien de spécial. Je te jure ! Me regarde pas comme ça... Vraiment. On est amis. On apprend à se connaître. C'est tout.
— Mmhmmh. Et tu te rends bien compte que lui, il veut plus que ça ? »
Esmée avait préféré regarder ses doigts se triturer entre eux plutôt que de répondre ou de regarder Rianne.
« Non. Tu te rends pas compte. Bah je te le dis, Mémé. Il veut plus. ... Et toi ? »
Haussement d'épaule.
« Tu sais pas, résuma Rianne avant un soupir. Je peux te donner mon avis, Esmée ?
— Mmmh ?
— Tu devrais prendre le temps de réfléchir à ça et à lui. Parce que lui, ça fait longtemps qu'il s'intéresse à toi. Au moins depuis qu'il est arrivé au lycée, ce qui si je compte bien fait plus de deux ans. Et il s'accroche vraiment à toi mais en même temps, il a la délicatesse de te laisser prendre le temps qu'il te faut. Sauf que je vois le coup venir qu'on va finir le lycée, tu vas partir à la fac, il va continuer son patin. Et vous allez plus vous revoir. Et ça serait dommage parce que je pense que ça peut valoir le coup. Ou en tout cas, il mérite que tu réfléchisses à lui laisser une chance. ... Et ce joli sourire me dit que l'idée te plait non ?
— Barbara me dit aussi que je suis bête de pas en profiter.
— Je la vois bien te dire ça, sourit Rianne. Mais t'es pas bête de pas en profiter. Je pense que t'as un peu peur, et que c'est compréhensible. Mais n'oublis pas que prendre des risques c'est parfois plus cool que ce que tu peux imaginer. »
À ce moment-là, Esmée aurait pu dire tout ce qu'elle ressentait à Rianne. Parce qu'il y a un truc magique dans les conversations du milieu de la nuit qui nous font nous livrer tellement plus facilement, tellement si simplement. Un peu comme si chaque mot qui se disent à ces heures tardives allaient être oubliés et disparaitraient en même temps que la lune et les étoiles. Il y a vraiment un truc particulier avec la nuit. Esmée aurait donc pu se confier à Rianne sur Simon, sur Eduard, sur la tempête d'émotions dans sa tête, et les nœuds dans son ventre. Elle aurait pu. Mais Esmée ne s'était pas laissée aller, parce qu'Esmée ne se laissait pas aller. Même au milieu de la nuit. Du coup elle avait tenté de recentrer la conversation sur quelque chose qu'elle maîtrisait un peu mieux.
« J'ai jamais fait ça.
— Et ? fit Rianne quelques secondes plus tard comme si cette phrase appelait nécessairement une suite.
— Et rien. C'est tout. J'ai jamais ça.
— Tout le monde à une première fois Esmée, rit Rianne. À un moment faut se lancer. Je veux dire que... Évidemment que t'as zéro garantie de vivre le grand amour du premier coup, mais parfois même si tu vis une histoire pourrie et bien ça entraînera une belle histoire après. Et ça t'apprendra beaucoup de choses. ... ... Je suis pas en train de dire qu'Eduard est pourri !
— C'est exactement ce que tu as dit.
— Non ! Tu as très bien compris ce que j'ai dit, assura Rianne en prenant l'oreiller à côté d'elle pour le lancer sur son amie qui se laissa tomber lourdement en riant sur le matelas. »
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