Chapitre 20
Chapitre Vingtième
Magdalena avait fait des wraps pour le dîner. Erasme s'était amusé à faire des visages avec la nourriture, il trouvait ça définitivement hilarant.
Pour le film de ce soir, Magda avait proposé le premier Spiderman du MCU. Et comme tout le monde aime Spiderman, il n'y avait pas vraiment eu de débat. Même Vicky avait dit oui. Donc après manger, ils s'étaient installés à six devant le rétroprojecteur à l'étage. Magda, Martijn et Esmée sur le canapé. Max assise à même le tapis, la tête de son petit frère sur les jambes pour qu'elle puisse jouer avec ses mèches brunes. Vicky avait monté un des immenses coussins habituellement dans le salon pour s'installer confortablement. Visiblement ça ne devait pas l'être assez car avant même que Ned découvre la vraie identité de son meilleur ami, elle avait déménagé pour s'installer juste entre Martijn et Esmée. Elle avait dérangé tout le monde mais ce n'était pas ce qui lui semblait le plus important.
Esmée avait reçu un message de Simon alors que Peter Parker abandonnait lâchement sa cavalière du bal pour aller sauver le monde. Seul. Comme le parfait superhéro qu'il était.
De SIMON :
Coucou Esmée. Je voulais juste m'excuser pour cet après-midi si ce que j'ai pu dire t'a fait de la peine ou quoi que ce soit. C'était vraiment pas voulu et je voulais pas gâcher ta journée. C'était cool que tu sois venue cet après-midi d'ailleurs. Voilà. Donc je te demander pardon...
Il était vraiment obligé d'en remettre une couche ? Peut-être qu'Esmée aurait du la jouer à la Parker l'année dernier : dire oui et partir en courant avant la fin de la première danse. Bon elle ne serait clairement pas parti pour sauver le monde mais tant pis. Elle aurait au moins sauvé son honneur. Ce qui était déjà pas mal selon elle. Elle n'avait pas répondu à Simon. À la place, elle avait juste lâchement balancé son téléphone sur le canapé.
« T'as failli me faire un bleu là ! s'exclama Vicky.
— Tout de suite, répondit l'aînée en levant les yeux au ciel. Regarde le film à la place.
— De toute façon, il meurt à la fin.
— N'importe quoi, souffla Erasme en repositionnant sa tête sur les genoux de Max.
— Tu vas voir s'il meurt pas à la fin...
— Vic'. Arrête. »
C'était fou l'autorité naturelle de Max sur sa jumelle... Si Esmée faisait ça, elle était sûre qu'elle repartait pour quinze minutes de remarques supplémentaires. Max elle avait fait taire sa sœur en deux mots. Vexant.
Le téléphone d'Esmée avait vibré trois fois supplémentaires sur le canapé mais elle n'avait pas réagi immédiatement.
« Tu comptes répondre à un moment où t'attend qu'il sature ton téléphone ? demanda Vicky en sentant les vibrations sur le coussin. »
De SIMON :
Tu réponds pas ?
Tu m'en veux à ce point ?
Franchement t'abuses... C'est pas si grave que ça...
Non. Pardon. Je suis con. Désolé. Vraiment.
Réponds STP.
« Non mais sérieusement là... réitéra Vicky en se redressant dans le canapé. C'est trop relou.
— Chut, se contenta de répondre Esmée en revérouillant son téléphone. »
Elle se concentrait de nouveau sur l'écran pour retrouver Peter Parker en fâcheuse position et sans son super costume. Vicky martela une nouvelle fois à son petit frère qu'elle savait que Parker allait mourir et Erasme finit par faire définitivement la tête jusqu'à la fin du film. Ce n'est qu'une fois la scène post-générique passée que chacun des membres de la famille Gelderman se dirigea vers sa chambre respective. Et ce n'est qu'une fois sous sa couette dans son pyjama préféré qu'Esmée se décida à répondre à Simon.
De ESMÉE :
Désolée. Soirée ciné en famille.
De SIMON :
Oh ! Désolé. Vous avez regardé quel film ?
De ESMÉE :
Je ne suis pas ce genre de personne Simon.
De SIMON :
Je sais. C'est pour ça que je voulais m'excuser. J'ai vu que ça t'avait un peu blessé et c'était pas du tout le but, ni quoi que ce soit. ... Je sais que t'es pas le genre de personne à faire du mal aux autres gratuitement. Et je pensais que tu savais que tout le monde était au courant... Je... Je raconte vraiment de la merde à cette heure-ci. C'est fou... Bref. Tu vois ce que je veux dire ?
De ESMÉE :
Oui.
De SIMON :
Tu m'en veux vraiment ?
De ESMÉE :
Pourquoi ça t'importe tant que ça que je t'en veuilles ?
Seconde question qu'Esmée aurait voulu lui écrire était : « Pourquoi tu mets autant de temps à répondre ? » mais elle n'avait pas le courage. Là, elle donnait déjà beaucoup... Elle avait son petit intestin qui se tordait dans tous les sens. Il n'était pas habitué à autant d'émotion d'un coup.
De SIMON :
Parce que je t'aime
bien* !
Parce que je t'aime bien. Vraiment. Et je veux pas qu'il y est un quiproquo entre nous.
J'adore ce mot. Quiproquo.
De ESMÉE :
Moi aussi.
Double nœud dans l'intestin.
De SIMON :
Toi aussi tu m'aimes bien ?
De ESMÉE :
Moi aussi, j'aime bien ce mot ;)
De SIMON :
Bien joué Gelderman... Bien joué.
C'était quoi le film ? Tu m'as pas dit.
De ESMÉE :
Homecoming.
Bonne nuit Simon.
De SIMON :
Bon choix.
Bonne nuit !!!
Et je te rappelle dans la semaine pour l'expo ! Tu vas encore m'avoir sur le dos !!!
X+X+X+X+X
Il s'était mis à pleuvoir d'un coup. Vraiment d'un coup. Comme un claquement de doigts. Esmée et Eduard étaient en chemin vers la donutserie (c'est comme ça que l'appelait Erasme parce qu'ils n'y vendaient que des donuts) qu'elle voulait lui faire découvrir et ils avaient dû courir se mettre à l'abri sous un porche un petit peu plus large que les autres ; un qui serait susceptible de pouvoir les couvrir tous les deux. En courant Eduard avait réussi à étendre sa veste au-dessus de leurs deux têtes pour éviter qu'Esmée ne soit trop trempée.
« C'est une pluie d'orage, affirma la jeune fille une fois qu'ils étaient à l'abri. Y'en a pas pour très longtemps.
— Comme tu peux savoir ça ?
— Ma mère dit toujours que ce genre de pluie, c'est une pluie d'orage.
— Elle travaille dans la météo ta maman ?
— Du tout. Mais elle fait du bateau. ... ... Elle s'y connaît en nuages. »
Cette dernière phrase eut le mérite de faire rire Eduard. Il la fixait avec ses yeux noirs et elle, elle ne savait plus trop où poser les siens. Elle n'arrivait même plus à savoir pourquoi elle avait dit oui quand il lui avait demandé si elle était libre.
« Et toi aussi tu t'y connais en nuages ?
— J'ai le mal de mer... Donc pas vraiment, en fait.
— J'ai jamais fait de bateau, confia soudainement Eduard.
— Comment ça jamais ?
— Jamais. Jamais. L'eau, je la préfère définitivement. en forme solide. Je suis beaucoup plus à l'aise.
— C'est fou.
— Pas autant que ça en a l'air. Je te jure...
— Bah si ! Quand même ! Je prends le bateau tous les jours et toi jamais.
— Je croyais que t'avais le mal de mer ?
— Le ferry ça va. C'est stable. Moi, c'est les petits bateaux qui me posent problème. Et en plus, la traversée du ferry, y en a pour trois minutes à tout casser.
— D'ailleurs à quelle heure tu dois le prendre le ferry pour rentrer avant la soirée chez Rianne ? »
La soirée chez Rianne. Voilà pourquoi elle avait dit oui à Eduard. Parce qu'il fallait qu'elle pense à autre chose.
En effet, on était vendredi et Rianne avait décidé d'organiser une soirée. Comme Esmée avait déjà refusé la soirée d'Halloween, elle n'avait pas réussi à trouver une excuse suffisamment valable pour refuser une fois de plus. Alors ce soir, elle était de soirée. Et puis sur le groupe WhatsApp qu'elle partageait avec Rianne, Isaya et Vivian, cette dernière avait prévenu qu'elle et Simon ne seraient pas présents parce que ce soir était LE soir. C'était ça qu'elle avait écrit : « Ce soir, c'est LE soir. ». Esmée n'avait pas compris tout de suite de quoi elle voulait parler. Ou peut-être que si mais que son inconscient se refusait obstinément à imaginer une telle idée. mais elle n'avait pas voulu poser de questions supplémentaires de peur de paraitre un peu trop naïve, ou de peur que la vérité lui apparaisse devant les yeux. Blanc sur noir. Et puis Vivian avait complété d'elle-même : « Ce soir on le fait avec Simon. Donc là, je sors de la patinoire et je vais acheter de nouveaux sous-vêtements. ». Rianne avait dit que ce n'était pas une bonne raison pour ne pas venir du tout à sa soirée ; que d'ailleurs ses soirées finissaient toujours bien pour eux - malgré le fait que cette affirmation ne soit étayée que par un unique exemple ; qu'ils pourraient faire un effort ; que même son copain passait une tête une petite heure ; que même Esmée venait et que c'était vraiment moche de ne pas venir du tout. Dix minutes plus tard, Vivian avait dit qu'ils viendraient mais qu'ils partiraient tôt. Et quatre minutes plus tard Esmée avait reçu un message d'Eduard en demandant si elle était libre cet après-midi. Elle avait dit oui. Direct. Zéro réflexion.
C'est pour cette raison qu'elle se retrouvait là, sous un porche de la maison de parfaits inconnus parce qu'il pleuvait à torrents jusqu'à côté d'elle, à parler mal de mer avec un mec à qui elle avait mis un râteau l'année dernière. C'était la description de vie la plus improbable qu'il lui était donné d'imaginer.
« Je sais pas trop... Et toi ? T'as une heure pour rentrer ?
— Je comptais pas repasser chez moi, avoua Eduard.
— Tu gardes ton sac avec tes patins et tout ?
— Je le garderai pas tout la soirée. Je leur trouverai une petite place à côté du radiateur.
— Et tu gardes ta tenue ?
— T'aime pas ?
— Si ! s'exclama Esmée qui ne voulait surtout pas vexer son interlocuteur. Si. Mais... C'est une soirée chez Rianne. »
En disant cela, elle avait un peu plus détaillé la tenue d'Eduard : un simple t-shirt blanc avec une veste noire, jean noir, bottines noires.
« Bah justement... C'est pas une soirée avec la famille royale, et encore moins le Gala du MET. Donc pour une soirée chez Rianne ça ira parfaitement. Et toi aussi, ça irait parfaitement.
— Ma sœur ne me laissera jamais aller à une soirée habillée comme ça. Je te jure.
— Ta petite sœur t'habille ?
— Elle s'y connait bien mieux que moi en mode, justifia Esmée en tendant son bras vers le trottoir à sa gauche. Il ne pleut plus.
— On va les mangers ces donuts ? fit Eduard en s'éloignant avant même de vérifier qu'Esmée le suivait bien. »
Ils avaient fini par arriver et avaient opté pour la boîte de six donuts surprises. Ils avaient décidé de les manger attablés à une des tables disponibles. Et même si Esmée détestait s'asseoir sur un tabouret, elle avait fait un effort et ils s'étaient installés à l'intérieur. Ils avaient discuté. Il lui avait parlé de ses compétitions de patins, elle lui avait parlé de sa passion pour la peinture. Il lui avait parlé de sa petite sœur, elle avait idolâtré ses sœurs et frère. Ça l'avait sourire. Il lui avait expliqué avoir grandi dans la ville de Westkapelle à l'extrême ouest du pays. Ses parents ayant déménagé trois ans plus tôt pour qu'il puisse continuer le patin à glace de manière plus sérieuse. Elle lui avait expliqué d'où lui venait son français presque parfait. Et quatre donuts plus tard, Esmée avait fin par décréter qu'il était temps qu'elle remonte prendre un ferry pour rentrer chez elle. Il s'était proposé pour faire le chemin avec elle et ils étaient rentrés vers Centraal en mangeant les deux derniers donuts.
Ils avaient dû attendre deux minutes tout au plus avant qu'un ferry arrive.
« Tu montes ?
— Pardon ? s'étonna-t-il en regardant Esmée qui s'était surprise elle-même.
— Tu montes ? T'es jamais monté sur un bateau, tu vas pas t'arrêter sur le quai aujourd'hui, tenta-t-elle comme pauvre justification.
— Okay... se laissa-t-il tenter après quelques secondes d'hésitation. Trois minutes t'as dit... »
La tête soudainement très peu rassurée d'Eduard avait bien fait rire Esmée. Elle lui avait attrapé le bras et avant que la bateau n'accepte plus de nouveaux voyageurs, ils étaient montés.
Esmée n'avait pas menti : 3 minutes de trajet et elle n'était pas malade sur les ferrys. Eduard non plus d'ailleurs. « Pour repartir on en reprend un ? » avait-il demandé avant même d'avoir remis le pied sur la terre ferme. Elle avait répondu par la positive. Il avait lâché un : « Cool ! » à peine audible et ils avaient continué leur chemin à pied vers la maison des Gelderman.
Quand ils étaient rentrés, c'était un vrai vendredi de vacances dans la maison. Par la baie vitrée juste en face, ils avaient pu voir Max en tenue de sport qui tentait vainement d'initier Victorinne au yoga avec Gifted qui venait les voir parce que le jardin, c'est fait pour jouer à la balle et pas pour faire des postures étranges. Erasme était en train d'écrire un mail à ses grands-parents. C'était une obligation que Magda imposait à ses quatre enfants pour entretenir leur français à l'écrit depuis des années et à chaque vacance. Mais Erasme devait être le seul à trouver trop cool de raconter ses vacances à Granny même s'il ne faisait rien de ses journées. Et Magda devait être devant un documentaire quelconque, ils pouvaient entendre la télévision en fond sonore.
« C'est moi ! avait crié Esmée en enlevant ses chaussures. Fais comme chez toi. »
Elle avait ensuite rangé soigneusement ses baskets dans le meuble à côté de l'escalier et Eduard l'avait imitée.
« Ah ! Mé... Bonjour, se coupa soudainement Erasme en regardant d'un drôle d'œil l'inconnu à côté de sa sœur.
— Bonjour... Erasme, c'est ça ?
— Oui.
— C'est Eduard, expliqua Esmée en collant en baiser dans les cheveux de son frère. Le garçon de mon lycée à qui je donne des cours de français.
— Ah ! D'accord. Salut ! »
Esmée fit signe à nouveau venu de ne pas faire attention et passa dans la pièce principale pour voir sa mère.
« Hey. Eduard est rentré avec moi. Je me change et on va ensemble à la soirée chez Rianne après.
— Bonjour, salua Magda en mettant son programme en pause. Max avait prévu un goûter pour quand tu serais rentrée.
— On a déjà pris un truc. C'est gentil. Tu veux quelque chose à boire ? demanda Esmée en sortant des verres du placard.
— De l'eau. C'est gentil, remercia Eduard alors que la baie vitrée coulissait pour faire rentrer une Max pleine d'énergie comme d'habitude et une Vicky grognon comme d'habitude. »
Esmée lui servit ce qu'il avait demandé alors que ses sœurs le saluaient à leur tour.
« Par contre, nous on va prendre une douche maintenant.
— Non les filles ! Faut que j'y aille ! On va être en retard après...
— Fallait rentrer plus tôt. »
Esmée jeta un regard noir à Vicky avant de demander à sa mère si elle pouvait utiliser la salle de bain de ses parents.
« Super. Bon, je vais me préparer rapidement et j'arrive.
— Je bouge pas, la rassura Eduard. »
Esmée lui sourit et monta en quatrième vitesse dans sa chambre. À quel moment Eduard s'était-il retrouvé dans sa cuisine au juste ?
En arrivant dans sa chambre, elle trouva Victorinne, la tête dans son armoire à déranger toutes ses piles de vêtement.
« Tu fais quoi là ?
— C'est avec lui que tu vas chez Rianne ?
— Non !
— T'as dit « on va être en retard », ce qui sous-entend forcément toi et quelqu'un d'autre. C'est avec lui que tu vas chez Rianne. »
À quel moment Eduard l'avait invitée à la soirée ? À aucun moment. Ils allaient juste à la même soirée.
« Il voulait prendre le bateau. »
Ce qui était partiellement vrai.
« Ça va pas mieux toi... soupira Vicky toujours la tête dans le placard. Bon du coup, changement de programme, tu vas mettre ce pull blanc cassé hyper lâche avec ton jean noir qui te fait des jambes de trois mètres de long.
— Non. Et blanc cassé ça existe même pas comme couleur.
— Si ça existe, assura Vicky en sortant le dit pull de l'armoire. Et tu penses bien à un peu rentrer ton pull dans le jean. Mais pas trop non plus. Juste ce qu'il faut. Et tes baskets blanches. C'est bien. Okay ? Super ! Et viens me voir avant de partir pour le ravalement de façade, hein. »
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