Chapitre 16
Chapitre Seizième
Vivian avait élégamment glissé vers la sortie de la patinoire, elle avait glissé ses lames dans leurs protections et avait avancé d'un pas décidé vers le vestiaire des garçons. Eduard était assis sur le banc face à son casier en train de délacer ses patins.
« Tu m'expliques ?
— Quoi ?
— Eduard ! T'as patiné comme un manchot sans genoux. Je te rappelle qu'on est en compétition dimanche...
— Ça va Vivian. Détends-toi.
— Non, je ne me détends pas. Putain Euduard ! Tu sais ce que ça veut dire danser en couple ? Ça veut dire qu'on est deux, abruti ! Donc tu me dis ce qui va pas tout de suite ou à partir de la semaine prochaine tu te trouves une autre partenaire.
— Ça fait au moins huit fois que tu menaces d'arrêter de patiner avec moi. Et bon... T'es toujours là non ?
— C'est le vestiaire des mecs là non ? fit une voix derrière Vivian.
— Sors, toi. On t'as rien demandé. »
Le ton de Vivian avait été sacrément menaçant car le garçon était ressorti sans rien demander de plus.
« Alors ?
— Alors rien Vi'. C'est rien... Juste que gérer le patin et les cours en ce moment c'est... Un peu compliqué. Je suis fatigué. Je galère mais... Ça va passer.
— Tes parents t'ont dit qu'ils te feraient arrêter le patinage si ta moyenne remonte pas ?
— Je vais pas te laisser tomber si c'est ta peur.
— C'est pas une question de peur... Juste... Le patinage en couple toute seule..., répondait Vivian en s'asseyant à côté de ton partenaire.
— Au pire tu demanderas à ton mec.
— Vu ses talents en danse classique, c'est pas con. Méfie-toi que je ne te remplace pas trop vite.
— T'es con, sourit Eduard en bousculant gentiment sa partenaire de l'épaule.
— Mais en vrai, si t'as besoin pour les cours...
— Toi ? Tu vas m'aider, toi ?
— Pour pas patiner toute seule. Oui. Carrément.
— Bah tu devrais peut-être partir en France pour améliorer ton français... C'est là où je suis le plus en galère. Et j'ai un devoir de deux heures la semaine prochaine donc rapidement si possible.
— Si je te trouves un prof particulier tu crois que ça pourrait convaincre tes parents de te laisser patiner en paix ?
— Et tu vas trouver ça où ?
— T'inquiète. Réponds à ma question.
— J'aime pas ton sourire.
— Je souris pas.
— Si tu souris. Et j'aime pas ça. Ne fais pas ce que je pense que tu es en train de penser.
— Mais pourquoi ?!
— Mais parce que ! »
X+X+X+X+X
Ce matin, Rianne était arrivée au lycée avec une nouvelle couleur de cheveux. Blond platine. En toute honnêteté, Esmée avait préféré la période rose. Là... Là, c'était pas terrible. Mais l'enthousiasme de Rianne était tel qu'il était, comme à son habitude, extrêmement contagieux et Esmée avait donc affirmé à son amie que c'était très joli. De toute façon, discuter sur la meilleure couleur de cheveux de la jeune fille était toujours beaucoup plus intéressant que d'écouter le bla-bla de leur prof d'économie. Les deux heures étaient littéralement interminables. Elles avaient été suivies d'une heure de néerlandais, puis une heure de musique et enfin la libération !
Pour une fois, Rianne et elle étaient arrivées les premières au réfectoire de l'école. Elles avaient commencé leur repas du déjeuner en attendant Isaya et Vivian.
« Ah super Esmée ! T'es là !
— Ouais... répondit la jeune femme surprise d'un si soudain intérêt.
— Est-ce que t'as déjà pensé à donner des cours ?
— Pardon ?
— Est-ce que t'as déjà pensé à donner des cours d'aide en français ?
— Mais tu fais pas de français...
— C'est pas pour moi, répliqua Vivian comme s'il s'agissait de la plus évidente des vérités. C'est pour un pote. Tu veux bien répondre à ma question ?
— Euh... Non... Pas vraiment. J'aide parfois un pote de ma sœur quand j'ai le temps et pas elle. Mais genre... Vite fait.
— Tu pourrais le faire ? Disons de façon plus régulière...
— Pas actuellement non.
— Pourquoi ?
— Parce qu'elle est punie, rappela Rianne.
— Et hier mon père m'a à moitié laissé entendre que je pourrais probablement espérer une réduction de peine donc cette fois-ci, je la joue vraiment discret.
— Mmmh...
— Me regarde pas comme ça Vi'. Je te jure que c'est tendu là.
— Bah je trouve que c'est quand même une bonne idée...
— Tu dis ça parce que c'est ton idée ? demande Rianne.
— Non. Je dis ça parce que Esmée parle couramment français et que c'est bête de pas utiliser ce don pour aider les autres et se faire de l'argent de poche.
— C'est pas un don Vivian... C'est ridicule.
— Tu peux y réfléchir s'il te plait ?
— Je peux voir ce que je peux faire mais ça sera pas avant deux semaines. Minimum.
— Après ça coute rien d'en parler à tes parents, fit remarquer Isaya. Tu dis ça discrètement et tu vois comment ils réagissent.
— Mouais, fit simplement Esmée plus pour avoir la paix que par conviction. Ça sera pas ce soir, ils sont pas là. On est jeudi. »
X+X+X+X+X
Le jeudi était toujours un peu particulier chez les Gelderman. Depuis quelques années, Martijn et Magdalena avaient repris l'habitude de prendre leur fin d'après-midi et leur dîner pour eux. Rien que pour eux. En effet, maintenant que les filles étaient grandes et qu'elles pouvaient prendre en charge leur petit frère tout s'était rapidement réglé : Esmée et Victorinne qui terminaient leurs cours aux alentours de quinze heures, prenaient une heure de libre pour diverses activités ; alors que Maxellende terminait vers seize heures, allait chercher son petit frère à l'école avant de rejoindre les deux autres de la fratrie au ferry à seize heures vingt. Mais ça, c'était d'habitude. Et ce jeudi, comme le précédent, n'était pas habituel puisqu'Esmée était punie alors elle n'avait pas traîné en ville après les cours et elle avait pris le premier ferry pour remonter vers le nord de la ville. Elle avait un peu avancé sur ses devoirs avant de s'installer devant la télévision avec Gifted qui avait posé sa tête sur ses jambes. Il adorait les caresses entre les deux oreilles. Le calme avait duré une petite heure dans la maison et puis ses sœurs et son frère étaient rentrés à leur tour ; Gifted s'était levé et Erasme était arrivé en courant vers le canapé avec le téléphone de Max dans les mains.
« Mémé ! Mémé regarde !
— Quoi ?
— Regarde le chien, expliqua son petit frère en tendant l'écran devant le nez de sa sœur.
— C'est qui ce chien ?
— C'est le nouveau chien de Prim et Annabeth ! Il a mis une photo sur le groupe de la famille. T'as pas vu ? Il est trop mignon ! Il s'appelle Lou. Vous pensez qu'on peut demander aux parents pour en avoir un aussi.
— On peut demander mais ça sera non direct, signala Vicky en récupérant la télécommande sur l'accoudoir du canapé. Et un Gifted c'est déjà bien. Après ça va faire trop de poils.
— Et Vicky ça la soule, vu que c'est elle qui fait le ménage... Evidemment, rétorqua Max alors que sa jumelle lui tirait la langue.
— Trop nul, soupira Erasme en s'asseyant à côté de son aînée.
— Ça va Mémé ?
— Hein ?
— Je te demandais si ça allait, répéta Max. Ça a pas l'air.
— Si, si. Je suis dans mes pensées. C'est tout, répondit-elle. Alors ? Vous voulez faire quoi ce soir ?
— Je veux manger un truc bon.
— Okay Erasme... Mais encore...
— Moi je vais prendre une douche avant de manger, prévint Vicky qui n'avait rien trouvé a regarder à la télévision.
— Et tes devoirs ?
— Joue pas la maman Mémé, ça te va pas du tout, fit Vicky en s'éloignant. Et pour le dîner... Faites comme vous voulez. Si Erasme aime, je vais aimer aussi !
— Super, soupira Max. Je vais chercher le livre de recettes et on choisit ce qu'on mange ? »
Erasme avait acquiescé en restant assis sur le canapé alors qu'Esmée à côté de lui avait déjà reporté tout son intérêt sur la télévision. Max avait sorti son gros livre de cuisine du placard et l'avait lourdement fait tomber sur la table de salon. Elle s'était agenouillée dos à la télévision pour feuilleter l'ouvrage. Une salade ? À la tête de son frère, elle avait rapidement abandonné l'idée. Blanquette de veau ? Trop long. Tajine ? La photo ne plaisait pas du tout à Erasme.
« Pourquoi on fait pas des galettes ?
— On en pas mangé la semaine dernière ? fit remarquer Esmée.
— Parce qu'il y a un délai à respecter pour manger les trucs bons ?
— Non. Mais j'ai pas envie de manger des galettes.
— Pourquoi on commande pas des pizzas ?
— Tu vois Pa quelque part ?
— Non...
— Voilà. Donc pas de pizzas à commander. Trouve une autre idée.
— Des pizzas faites maison ? proposa alors Erasme et on pouvait voir des étoiles dans ses yeux.
— Okay pour les pizzas, céda Max en voyant le regard de son petit frère et en faisant claquer le livre pour le refermer. On fait la pâte et tu vas faire tes devoirs après ?
— Cool ! s'exclama le petit garçon en sautant déjà sur ses pieds et en courant vers la cuisine. »
Il y avait eu du bruit, beaucoup de farine qui avait atterri à côté du saladier, un peu d'huile aussi mais Max et Erasme avaient fini par obtenir une jolie pâte qu'ils avaient laissé reposer. Le plus petit avait, sur ordre de sa sœur, filé dans sa chambre faite ce qu'il restait pour demain et Max avait rejoint sa sœur dans le canapé.
« T'as rien à faire toi ?
— Qu'est-ce qui va pas ?
— Bah rien. Je t'ai dit. Ça va.
— Okay. Tu me l'as dit. Mais je te crois pas. Raconte à ta petite sœur. »
Max s'était assise en tailleur en travers du canapé. Ses cheveux blonds agrémentés de quelques mèches brunes étaient libérés sur son blazer à rayures gris. Habituellement, elle l'enlevait quand elle était à la maison, mais en ce moment, Max se plaignait constamment qu'il faisait trop froid dans le salon. Quand elle regardait la télévision, il lui fallait toujours une voir deux couvertures sur elle. Ce qui lui valait bon nombre de remarques de sa jumelle. Evidemment. Toujours était-il qu'à ce moment-là, si on ne connaissait pas les Gelderman, il était facile d'imaginer que c'était Max qui était l'aînée. Elle avait un air sérieux et fixait Esmée avec ses grands yeux verts, ceux qu'elle partageait avec Victorinne, Erasme et leur mère.
« Je pensais juste à un truc que m'a dit Vivian aujourd'hui.
— À propos de ?
— Elle m'a demandé si j'étais intéressée pour donner des cours de français à un de ses amis.
— Tu l'es ?
— J'en sais rien. Je me dis que ça serait pas mal pour me faire un peu d'argent de poche.
— C'est vrai. Et puis t'étais pas trop mauvaise quand t'avais aidé Noah l'année dernière. En tout cas il avait réussi à valider sa matière donc c'est que tu devais être douée pour ça. »
Esmée tourna son regard amusé vers sa sœur. Toujours le mot pour rassurer et pour voir le côté positif. Miss Le-Verre-À-Moitié-Plein. C'est comme ça que leur oncle Charlie l'appelait parfois. Louis avait même dit que ce surnom relevait du génie.
« C'est qui son ami à Vivian ?
— Je sais pas.
— Mémé ! Tu t'es pas renseignée ?
— Euh non...
— Si ça se trouve, il est super mignon son ami. C'est un point positif en plus si c'est le cas.
— C'est pour des cours Max.
— Oui, oui. Enfin tu vois ce que je veux dire...
— De toute façon, les parents voudront jamais. Je suis punie.
— Ça va. Pa s'est bien calmé quand même. Et puis tout va dépendre de ta façon de présenter le projet. Dis leur que... Que ça va te permettre de gagner en autonomie, que ça sera un vrai plus dans ton dossier pour l'Université, que tu ne rentreras pas tard, qu'il n'est question que d'une heure ou deux par semaine. Enfin voilà. Présente un truc cool !
— Tu trouves que c'est une bonne idée ?
— Tu veux savoir ce que je ferais moi ?
— Carrément.
— Déjà, je me renseigne sur la personne en question. S'il est pas trop con, je dis que je confirme avec les parents. Et là je leur parle du truc comme si c'était le projet de ma vie. Tu dis à maman que l'enseignement c'est peut-être une vocation pour te la mettre dans la poche comme ça, même si Pa est pas trop chaud, elle achèvera de le convaincre. Voilà ce que je ferais.
— Tu réfléchis trop Max.
— En attendant j'ai toujours réussi à avoir tout ce que je voulais. Enfin presque tout mais t'as compris l'idée.
— Je vais appeler Vivian alors.
— Yes ! Bonne idée ! s'exclama Maxellende en se levant du canapé. »
Un tel enthousiasme avait presque convaincu Esmée que ses parents allaient dire oui et qu'en plus Vivian avait eu une vraie bonne idée.
X+X+X+X+X
Esmée détestait débarrasser la table. Vraiment. Ça la dégoûtait. Quand il s'agissait de la dresser, aucun problème. Mais débarrasser ? Impossible. Quand les parents étaient là, elle n'avait pas trop le choix, mais elle se contentait clairement du strict minimum. Mais le jeudi soir... Le jeudi soir : pas de parents. Donc là c'était très simple à peine avaient-ils fini de manger qu'Esmée se précipitait, presque en courant, sur la laisse de Gifted et lâchait un simple « Je vais promener le chien ! » et elle claquait la porte d'entrée avant que Vicky ait pu se plaindre de quoi que ce soit. Comme d'habitude, elle avait simplement fait le tour du parc un petit peu plus haut de leur maison. Ça lui permettait de rapidement détacher le labrador et de le laisser aller comme bon lui semblait. Ce soir-là, elle en avait profité pour envoyer un message à Vivian. Max avait raison, avant de prendre une décision, il fallait qu'elle se renseigne un peu plus sur l'idée de son amie.
De ESMÉE :
Dis... Je voulais juste savoir... C'est quoi ton histoire de cours de français ?
Genre clairement.
De VIVIAN :
Tes parents ont dit oui ?!
De ESMÉE :
Ils sont pas encore rentrés. Je verrais ça sûrement demain avec eux.
Mais ils vont me poser des questions. Genre où ? Qui ? Quoi ?
De VIVIAN :
Ça, ça sera à toi de voir où, quoi, quand. Je vais pas faire tout le boulot quand même. Je vous mets déjà en contact...
Mais ça peut pas attendre demain du coup ?
De ESMÉE :
Au pire ouais mais juste... Qui ?
De VIVIAN :
Mon partenaire de patinage. Il galère en ce moment et si ses notes ne remontent pas, fini le patin.
De ESMÉE :
Je vois.
De VIVIAN :
Au pire réfléchis-y encore un peu mais donne ta réponse vite quand même. Si ça t'intéresse pas, on essayera de trouver une autre solution.
De ESMÉE :
Ouais, bien sûr. Je fais au plus vite !
À demain Vi' !
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