Chapitre 15
Chapitre Quinzième
Martijn avait été le dernier à aller se coucher. Quand il était rentré dans leur chambre, Magda était déjà installée dans le lit, en pleine lecture. Il avait négligemment jeté ses affaires salles sur celles de Magda qui traînaient par terre.
« Tu crois que ça va durer combien de temps ?
— Tu parles d'Esmée qui te fait la gueule ?
— Ouais. Quand je suis passé la voir avant d'aller chercher Erasme à la danse, elle m'a à peine regardé.
— Marty... Tu l'as privée d'un mois de sortie. Tu pensais quand même pas qu'en plus elle allait le prendre avec le sourire ? Bien sûr qu'elle t'en veut un peu, c'est une adolescente. Mais ça va lui passer. Laisse-lui un peu de temps.
— Ceci dit... J'ai peut-être été un peu... Démesuré ? Nan ? »
Cette fois-ci, Magda laissa tomber son livre sur ses jambes étendues devant elle. Ses lunettes avaient, depuis peu, tendance à glisser sur l'arête de son nez, elle passait son temps à dire qu'il fallait qu'elle passe les faire resserrer chez l'opticien mais elle n'avait pas encore trouvé quand y aller. Alors inlassablement, ses lunettes glissaient sur son nez, et ses pupilles pouvaient aisément passer par-dessus la monture. C'était exactement ce qui était en train de se passer alors qu'elle fixait Martijn.
« Honnêtement ?
— Bien sûr honnêtement ! Magda !
— Un peu. Ouais.
— Pourquoi tu ne l'as pas dit hier soir ?
— Parce que j'allais pas mettre en doute ce que tu disais devant les enfants.
— Y'avait qu'Esmée, fit remarquer Martijn en s'installant à son tour dans le lit conjugal.
— Parce que tu crois qu'ils étaient où les trois autres ? sourit Magda.
— Dans leurs chambres ?
— Non. En haut de l'escalier pour ne rien louper de ce qu'on allait lui dire. On faisait pareil avec mes frères.
— J'aurai pas dû crier c'est ça ? ... ... Je... J'ai juste eu peur. Elle nous a jamais fait ça.
— Je sais. Mais... C'était pas aussi dramatique que ça, Martijn. Et puis elle a pas tort quand elle dit qu'elle a plus de dix-sept ans. Que dans quelques mois, elle sera à l'université.
— Je l'ai pas vue grandir, confia Martijn en se glissant dans les bras de sa femme.
— Moi non plus.
— Je suis trop con. Ça fait dix-sept ans et j'ai l'impression de ne jamais sortir de ma période d'essai en tant que père.
— Je suis pareil. J'imagine que c'est normal... Mais Martijn ?
— Mmmh ?
— Tu devrais aller lui dire le pourquoi de ce que t'as fait.
— Tu crois ?
— Sûre. Et de toute façon, elle ne va pas t'en vouloir longtemps. Elle t'aime et ça risque pas de changer ça.
— Tu sais quoi ?
— Dis-moi ?
— Je suis très heureux d'avoir fait ça avec toi.
— Fait quoi ?
— Une famille. »
Magda avait souri et avait posé un baiser sur les cheveux de son mari.
« Moi aussi, Marty. Si tu savais comme moi aussi. »
X+X+X+X+X
De SIMON :
Y'a un problème ?
De ESMÉE :
Euh... Non ? Pourquoi y aurait ?
De SIMON :
Pourquoi c'est ton père qui est venu ce soir ?
De ESMÉE :
Je suis punie.
Rapport au retard d'hier soir...
De SIMON :
Même en la jouant profil bas, ça n'a pas marché ?
De ESMÉE :
Je l'ai pas vraiment joué profil bas... :/
De SIMON :
Oh. Je vois.
Et... On pensait aller bosser l'oral chez Rianne demain après les cours, tu vas pouvoir ?
De ESMÉE :
Je sais pas... Je vais demander demain matin.
De SIMON :
Okay. Tu nous diras.
Mais bon, au pire, on viendra tous les trois chez toi ! T'inquiète ;)
X+X+X+X+X
Au plus grand étonnement d'Esmée, Martijn avait dit oui pour la séance de travail chez Rianne. Elle devait juste lui envoyer l'adresse, il viendrait la chercher lui-même le soir. Du coup, après leurs cours de physique, ils avaient tous les quatre pris la ligne 12 du tramway pour remonter dans le vieux centre-ville. L'accès au loft des parents de Rianne se faisait uniquement par une voie interdite aux véhicules.
Ils s'étaient tous les quatre installés autour de la table de salon puis s'étaient mis à sortir leurs cahiers et différents livres alors qu'Oswald s'essayait à l'allumage d'un feu à la demande de Rianne. La température en ville dépassait difficilement les trois degrés en ce début du mois de janvier.
Durant tout le reste de l'après-midi, ils s'étaient dispatché les différentes parties et recherches à faire. Ils avaient décidé, enfin Rianne avec absolument voulu, organiser un petit quizz pour impliquer leurs camarades. C'est ce qu'elle avait prétendu et ils avaient trouvé que ce n'était pas une si mauvaise idée que cela. Ils avaient dû s'arrêter après qu'Esmée ait reçu un message de son père pour lui signaler qu'il était arrivé.
« Je vais y aller aussi, signala Simon en commençant à ranger ses affaires comme sa camarade. Oswald ?
— Si Rianne est d'accord, on peut peut-être commencer nos recherches ?
— Ouais ! Parfait ! assura-t-elle.
— Okay... Bon bah on vous laisse, fit Simon en rejoignant Esmée vers la porte d'entrée. À demain les gars !
— À demain ! lança à son tour Esmée en claquant la porte derrière eux avant de suivre Simon dans les escaliers.
— Dis Esmée ?
— Mmmh ?
— Elle a un mec Rianne ?
— Ouais. Pourquoi tu demandes ça ? Vivian t'en as pas parlé ?
— Je dois avouer qu'on ne parle pas beaucoup de ça avec Vi'... Du coup je te demande à toi, reprit-il avec son plus beau sourire. Et alors elle a un mec ?
— Mmmh. Il est en première année de médecine. Donc toutes les rencontres sont prévues à l'avance. Il travaille comme un malade et ils s'accordent qu'un vendredi soir sur deux. Elle en parle pas beaucoup.
— Okay... Je vois...
— Pourquoi tu demandes ça ? réitéra Esmée alors qu'ils arrivaient au rez-de-chaussée. Il pleut là ?
— Oui, il pleut, assura Simon en basculant sa capuche sur sa tête. Je disais ça, parce qu'Oswald pense qu'il a une chance. Et maintenant j'hésite à le laisser découvrir tout seul que ça va pas être possible ou à le prévenir...
— Rianne va rapidement le tenir au courant.
— Super. Je déteste faire ça. Briser des rêves.
— Des rêves. Carrément, rit Esmée.
— Je te jure. Il est... Ouais. Des rêves, c'est une bonne expression. Tu rentres en métro ?
— Nope. Y a mon père qui m'attend là-bas, expliqua Esmée avec un petit mouvement de tête vers Martijn qui était au téléphone un peu plus loin. D'ailleurs tu veux qu'on te dépose à Grand Centraal ?
— Non, pas la peine. Si tu prends pas le métro, je vais rentrer en tram. Ça me fait un peu moins à marcher ; et vu le temps..., expliqua-t-il en levant les yeux vers les nuages gris dans le ciel. Je suis pas complètement contre l'idée.
— D'acc'. On se voit demain ?
— Mmmh. Quelque chose comme ça ouais..., sourit Simon en s'approchant pour lui dire au revoir. Rentre bien Esmée. Bonne soirée.
— Bonne soirée. »
Esmée s'était rapidement éloigné de Simon. Hors de question qu'il la voit rougir. Elle avait avancé jusqu'au niveau de son père.
« Je suis garé un peu plus loin. Tout va bien ?
— Ouais.
— Il a pas besoin qu'on le dépose quelque part ton ami ? demanda Martijn en souriant au signe de la main que lui adressait Simon.
— Non.
— Sûre ?
— Oui.
— Tu lui as demandé ?
— Oui ! C'est bon ?! On peut y aller ?!
— On peut y aller, confirma Martijn en suivant sa fille qui remontait déjà la rue. »
Esmée avait trouvé toute seule la voiture blanche de son père. Martijn l'avait déverrouillée à l'avance et elle avait pu jeter son sac dans le coffre avant de prendre place sur le siège passager. Quand son père avait pris place derrière le volant, elle était déjà attachée en fixant obstinément le paysage urbain derrière sa vitre. La voiture avait démarré et ils s'étaient engagés dans les rues de la capitale. À cette heure-ci, il valait mieux passer par le tunnel le plus à l'est. Mais même avec cette précaution, ils avaient un peu été bloqués dans des embouteillages. Résultat : ils n'avançaient pas et il régnait un silence de mort dans le véhicule. Quand Martijn avait demandé si elle voulait mettre de la musique, elle n'avait pas répondu, il avait pris ça pour un non.
« Je suis désolé Esmée. »
Mémé et Esmée c'était un peu comme Magda et Magdalena. Son père n'utilisait que très rarement ces prénoms au complet. Quand il le faisait, l'heure était toujours sérieuse.
« Je suis désolé, répéta-t-il. J'ai eu peur pour toi, lundi. Je sais que tu es plus grande que ce que je veux bien voir mais tu restes ma petite fille et j'ai peur pour toi. Quel que soit l'âge que tu as. J'ai eu tort de crier lundi soir. Je sais, ou en tout cas, je veux bien te croire quand tu me dis que tu as simplement pas vu l'heure passer mais... Mais Esmée tu te rends bien compte qu'avec ta mère on ne peut pas tolérer que chacun vive sa vie sans prévenir qui que ce soit.
— C'est à ce moment là où te me sors que comme je suis l'aînée je dois montrer l'exemple ?
— C'est pas une question d'exemple Esmée. C'est une question de vivre ensemble. Tu crois que Granny elle laissait tes oncles et ta mère sortir comme bon leur semblait sans savoir combien il y aurait de personne à table pour le dîner ? Non. Elle connaissait les emplois du temps de chacun, elle savait où ils étaient. Et quand on est en France c'est toujours le cas n'est-ce pas ?
— Ouais...
— Bon bah ici, c'est pareil.
— Je sais. Mais... Un mois quand même.
— Je sais.
— On peut en rediscuter ou pas du tout ? »
Martijn avait esquissé un sourire avant de répondre à sa fille :
« On en rediscute la semaine prochaine ?
— Okay... soupira Esmée en allumant le poste de radio de la voiture. »
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