39. Couleur Pervenche

Je ne me souviens plus de combien de jours sont passés, de combien d'instants ont filés entre mes longs doigts crochus tant les nouveaux médicaments m'assomment et m'épuisent.

Le temps, dans son intemporalité, m'a fait prisonnière, me fait perdre la raison du présent. Je suis bloquée dans une chambre d'hôpital à attendre que les heures passent et défilent comme le soleil qui se lève avant de chavirer pour mieux se relever.

Plus que jamais auparavant je vois des médecins en blouse blanche qui parlent même si j'oublie ce qu'ils me disent, je passe des tests parfois douloureux mais jamais inutiles, mon corps subit plusieurs fois par jour des exercices stricts ayant pour but de ralentir Sharko autant que possible...

Et pourtant... Pourtant malgré ma fatigue qui s'accroît de jour en jour et de toute cette tristesse, j'ai espoir. Un espoir qui a dépassé la peur de la mort, devenant si démesurément grand, qu'il m'oblige à ouvrir les yeux et à lutter, à accepter ces médicaments encore et encore.

L'espoir n'a pas de raison concrète si ce n'est celle de vouloir vivre et de ne jamais abandonner. Je l'ai détesté mille fois par le passé, mais c'est parce que je n'avais pas compris sa puissance et que j'avais peur de cette force invisible qui nous maintient dans tout ce que l'on croit véridique ! Maintenant, avec tout ce que j'ai vécu, je crois aux avancées scientifiques, je crois qu'un remède contre les Sharko du monde est encore possible.

Rien n'est trop tard.

Bientôt ! Bientôt, répète en boucle mon cerveau en attente du mieux.

Et cela me rempli d'espoir brillant, à jamais hors d'atteinte du mal et de ses propres flammes.

Satan peut bien aller se faire voir dans ses Enfers les plus profonds, ma conviction à propos de mon état ne changera plus. Mon espoir produit sa propre lumière doucereuse sur moi. Je suis remplie par la croyance certaine que je peux vivre, rester avec Noah, mes parents, mes amis et Steven aussi, surtout. Je peux lutter si je le décide, peu importe de quelle manière, je peux lutter, au fond je l'ai toujours su, je suis forte, je peux résister. Je suis forte face à Sharko.

Je crois en l'avenir, j'y crois comme si j'y vivais déjà, je me vois courir dans les prés fleuris par le printemps prochain et je sais que cet instant arrivera.

Je le sais comme on est certain que la Terre est ronde.

Je vois presque tous les jours mes parents et Jade. Le groupe de Steven est moins voyant à cause de leurs répétitions pour la fête de la musique qui aura lieu très prochainement et qui leur prend également un temps monstrueux, d'après ce que m'a dit une sympathique fille aux cheveux mauves. Presque tous les soirs pourtant, avant que l'heure des visites ne s'arrête, Steven passe, des fleurs de différentes couleurs à la main. Malheureusement, la plupart du temps je suis trop épuisée pour me concentrer pleinement sur sa douce présence et je retrouve bien souvent ces fleurs dans un petit vase dans ma chambre, seul signe de sa venue...

Chaque fois que Jade me rend visite, elle a toujours un livre de la part de sa grand-mère que de temps à autre elle me lit lentement. À chaque fois, cela m'arrache une sorte de sourire.

Je lui ai très peu parlé à cette Janine, pourtant, elle m'apprécie plus qu'elle ne le devrait ! Tout chez cette femme apporte le bonheur ! Son look m'a toujours surpris et je sais que derrière celui-ci, se cache un cœur immense. Si empathique qu'il semble soigner les plus grands malheurs. Cette femme, sans même lui parler, je la sais être une force de la nature, qui sourit, vie au rythme des rides qui creusent son doux visage. « Sa vie est belle et cela la faire rire », disent, répètent, chantent à tue-tête ses craquelures de l'âge.

Jade est la personne qui me rend le plus de visites après mes parents et Steven. Noah est venu me voir quelques fois, mais le reste du temps il est à l'école, dans ce monde normal, loin de l'hôpital.

Je me souviens de la première fois que Noah est passé avec mes parents. Il tenait fort la main de mon père, comme pour se donner du courage ou pour piquer l'espace d'un instant celui de notre papa.

Il s'est approché de mon lit et j'ai vu de petites larmes translucides, d'une légère teinte bleue, quitter ses beaux petits yeux d'enfant. Il était mignon avec ses cheveux noirs bien coiffé par maman.

-C'est à cause du gâteau que tu es ici maintenant ? m'a-t-il demandé, la voix tellement brisée par le remord que j'ai de suite secoué la tête en tentant un sourire.

Ma mère s'est approché de Noah, l'a serré dans ses bras lui a répondu, à ma place.

-Bien sûr que non ce n'est pas ta faute, Noah ! Nous te l'avons déjà dit. Tu sais bien, ta sœur est malade et... Et sa maladie a un petit peu progressé, c'est tout.

Noah a froncé ses petits sourcils si fort qu'on pouvait aisément voir sa concentration s'épanouir entre eux. Il a levé sa tête, a essuyé ses joues et le regard convaincu.

-Alors... Alors quand tu iras à nouveau mieux, je te refairais mon gâteau rien que pour toi, m'a dit Noah en serrant ses petits doigts autour de mon bras. Et tu pourras le manger entièrement si tu veux ! Rien que pour toi !

J'ai hoché la tête, me promettant de goutter à ses fraises prometteuses au goût exquis si sucré qu'il me fera voyager dans ma propre enfance lointaine. J'ai vu mes parents s'échanger un regard que je n'ai pas pris le temps d'analyser mais j'ai compris qu'ils étaient terrifiés.

Pas moi, plus maintenant que j'étais certaine de pouvoir bientôt rentrer.

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