Un bruit de corps qui s'écrase vient me réveiller de mon sommeil profond et faire sursauter chacun de mes muscles, les tendant si fort qu'ils semblent s'être mués en pierre.

Steven vient de tomber du lit en voulant rouler sur le côté.

-Non de... Il... Je suis vraiment désolé Li, mais il faut que je rentre, me chuchote-t-il une détresse dans la voix et du regret jusqu'au bout des notes. Ma sœur, ma mère, si elles s'inquiètent... !

Encore à moitié endormie, je soupire, puis grogne. J'entends ses doux pas grincer contre mon parquet et s'approcher un peu de moi.

-Bonne nuit, Li...

Il m'embrasse sur le front, si fort et si passionnellement que je faillis me replonger directement dans les bras de Morphée. Mais j'ai quelque chose à lui dire.

-Attends ! je me redresse du lit en griffant mes paupières pour qu'elles restent ouvertes.

Je l'entends qui s'arrête, je vois ses yeux, même dans la nuit croiser les miens et les souder ensemble. Tout est beau cette nuit. Cette nuit, est notre parenthèse du temps. Ici, plus rien n'a d'emprise, nous sommes l'emprise. Et j'aime cette sensation de liberté à deux, je voudrais qu'elle dure jusqu'à la fin des temps... C'est peut-être pour cela que je le retiens encore un instant ?

J'inspire un grand coup pour tenter de me souvenir de la chose importante que j'avais à lui dire.

-Je comprends maintenant, dis-je simplement.

Il s'approche de moi, mon cœur loupe quelques battements frivoles.

-Qu'est-ce que tu comprends ?

-Ce que tu n'as pas cessé de vouloir que je comprenne.

-Et qu'est-ce que c'est ? insiste-t-il en continuant de s'approcher lentement.

Un frisson vient glisser sur ma colonne vertébrale et je me rends soudain compte que cela fait un bon moment que je n'ai pas repensé à Sharko. Ah ! Sharko, l'amante haïe et qui existe, bien qu'on la cache...

-Tu n'as pas cessé de vouloir que je comprenne le sens de la vie, que pourtant j'avais cru avoir trouvé. Mais je me trompais. Et j'ai compris. La vie, n'est pas un long fleuve tranquille tout beau et tout mignon où les oiseaux chantent et les pagaies nagent en rythme... Non, la vie, elle est pleine de remous qui nous secoue et nous blesse.

-En effet, me répond Steven en s'arrêtant au bord du lit, respirant lentement et d'une manière merveilleuse qui s'accorde parfaitement avec l'opacité qui nous entoure.

-Je n'avais pas compris que la vie, il fallait s'en servir pour combler ses envies. Je n'avais pas compris qu'il ne fallait plus laisser de regret derrière soit, que, quand arrivera le jour où il faudra la contempler, il faudra simplement se dire « Ouah ! Alors voilà ce que j'ai accompli ! Voilà donc ma vie ? Si tout était à refaire, je ne voudrais rien changer ! ». Et nous serons heureux de ce que l'on est et que pourtant, nous n'avons pas choisi d'être.

Je fais une pause pour pouvoir le contempler à moitié caché dans l'opacité de ma chambre, puis je reprends plus lentement :

-Je suis heureuse, Stev, vraiment et pleinement heureuse. Grâce à toi, je ne me retournerais qu'une seule fois sur mon chemin sans qu'aucun regret ne viennent hanter ma mémoire.

Il pose son front contre le mien. Il est chaud, agréable et terriblement familier. C'est l'apocalypse dans ma tête, je suis épuisée mais lutte pour les minutes qu'ils nous restent avant que Stev ne reparte chez lui et laisse avec lui, le temps refiler au travers de nos peaux séparées.

-Si tu savais, comme j'ai rêvé le jour où je trouverai quelqu'un comme toi, sans jamais que cette personne n'apparaisse... soupire-t-il en posant sa main contre ma joue et en la pressant aussi fort que son cœur en est capable. C'est presque... magique.

-Et maintenant ?

-Maintenant... Je ne rêve plus qu'éveillé.

Il presse ses lèvres contre les miennes une dernière fois, les yeux pétillants dans la nuit.

-Il est tard, tu peux rester tu sais... Tu pourrais avoir un accident de voiture si tu pars, tentais-je de le convaincre en sachant cela vain.

Il secoue la tête.

-Crois-moi, ça n'est pas l'envie qui m'en manque mais... Si tes parents me trouvent dans ta chambre au petit matin ou en train de courir dans le jardin à moitié nu, je ne suis pas certain qu'ils m'inviteront à rester dîner...

Un rire à demi étouffé par le sommeil vient gonfler mes joues rougissantes.

-D'accord, d'accord. C'est bon, j'ai compris. Vas t'en !

Il me lance une œillade entendue et je me rallonge dans mon lit soudain froid en fermant les paupières devenues si lourdes qu'il m'est impossible de les rouvrir.

-Rêves bien de moi, ma douce petite Li, entendis-je au travers des songes.

Je m'écoutais répondre :

-Toi aussi... Ne te perds pas en chemin...

★★★

Quand je me réveille, ce matin, je me souviens avoir rêvée.

Le rêve en question était plus doux que tout ce à quoi j'ai pu penser depuis cette année. Dans ce rêve, tout explosait en bulle de bonheur ! La vie avait prit une tournure puissante, à en faire se déchirer le mal, à le faire disparaître à jamais dans les limbes de l'oubli éternel.

J'ai cru dans ce songe inoubliable que je chutais vers un bonheur inespéré. J'ai connu le bonheur, celui qui réchauffe les cœurs perdus en les solidifiant jusqu'à les rendre imbrisables.

Et en ouvrant les yeux, j'ai compris que mon esprit n'avait rien imaginé. Tout était vrai et s'était vraiment passé.

Alors, un sourire esquisse mes pommettes et tout se colore dans des couleurs gaies qui m'explosent au visage comme un merveilleux arc-en-ciel lumineux.

Je suis remplie par une certitude plus belle encore que l'irréalité d'un rêve. Celle de retrouver les vivants : Steven, papa, maman, Noah, Élisabeth, Azriel, Kevin, Justine, Janine, Jade et tous ces visages que je ne croiserais qu'une seule fois, qui ne me croiseront qu'une seule fois et qu'à jamais ensemble nous oublierons. Je me rends alors compte que Jade aurait pu faire partie de ces gens, qui ne sont que de passage dans une vie et qu'on oublie aussi vite qu'un passant dans la rue.

Il me reste encore tant de temps à passer avec eux, à pester contre ma maladie. Pester jusqu'à ce que Sharko m'emporte, car il est bien là le prix de la vie ! Être capable de se plaindre de son vivant.

En parlant de plainte... Ce soir...

Un gémissement s'extirpe de ma bouche que j'empresse d'étouffer. Je secoue mes cheveux ébouriffés et remplis de nœuds difformes à cause de l'oreiller. Quand je regarde les couettes d'un violet devenant légèrement rose avec le temps, les couleurs semblent s'illuminer autour de moi. Tout devient beau, en cet instant rien ne peux effacer la joie suprême qui fait tant battre mon petit cœur innocent.

Quand je regarde mon téléphone, j'ai un message de Steven, comme presque tout le temps.

De Steven à Line, le 08/06/18 à 12:27
J'espère que tu as bien dormi 😇

De Line à Steven, le 08/06/18 à 13:48
La meilleure nuit qu'il m'est arrivée de passer et toi

De Steven à Line, le 08/06/18 à 14:23
Aussi la plus belle, à jamais ! Tu vas bien aujourd'hui ?

De Line à Steven, le 08/06/18 à 14:31
Rien de mal aujourd'hui et toi ?

De Steven à Line, le 08/06/18 à 14:37
Très bien si tu vas bien.

De Line à Steven, le 08/06/18 à 14:38
Il y a bibliothèque cet après-midi ?

De Steven à Line, le 08/06/18 à 14:39
Bien sûr que oui ! Pourquoi il n'y aurait pas ? Il faut que nous continuons nos musiques, tu viens rassure moi ?!

De Line à Steven, le 08/06/18 à 14:42
Très certainement que je viens ! À quelle heure ?

De Steven à Line, le 08/06/18 à 14:42
16h ?

De Line à Steven, le 08/06/18 à 14:45
Si nous sommes chez moi avant 19h ça devrait aller, oui

De Steven à Line, le 08/06/18 à 14:47
Ce soir...

De Line à Steven, le 08/06/18 à 14:49
Ne stresses pas, tout ira parfaitement bien Stev, je te sens tendu d'ici !

De Steven à Line, le 08/06/18 à 14:51
Comment tu peux sentir mon stresse d'ici toi ? Tu as développé un super pouvoir dans la nuit ?

De Line à Steven, le 08/06/18 à 14:54
Peut-être..., tu n'as pas mis beaucoup d'émojis aujourd'hui...

De Steven à Line, le 08/06/18 à 14:55
💪✌👌😝😎☺😏🤨😈😁😄😍🤯😏😀😁😀😁🤓😑🤪😱😆😉😊🧐🙃🤡👻😜🙄🤫😉🤣😂🤗💩💩💩💩💩💩💩💩💩

De Line à Steven, le 08/06/18 à 14:56
N'importe quoi !!

De Steven à Line, le 08/06/18 à 14:56
Quoi ? c'est toi qui m'a dis d'en mettre plus !!

De Line à Steven, le 08/06/18 à 14:58
...

De Steven à Line, le 08/06/18 à 14:59
Toi aussi tu stresses ?

De Line à Steven, le 08/06/18 à 15:00
Non.

De Steven à Line, le 08/06/18 à 15:02
AH. AH. AH. AH. Menteuse🤣🤣