Chapitre 3
Mes pensées hurlaient alors que les mots mouraient dans ma gorge. Ma bouche était aussi sèche que le désert malgré les vaines tentatives de ma langue d'y mêler un morceau d'océan.
Et entre Sunghoon et moi, il n'y avait que le silence qui régnait après la fin de l'appel, résonnant encore dans tout mon corps.
Machinalement, je jouais avec les anneaux accrochés à mes oreilles, pendant que Sunghoon enfonçait son téléphone dans sa poche sans se défaire de ma silhouette. Et cette fois, le sourire qu'il m'offrit, refermait sur moi la cage dans laquelle je pensais l'avoir poussé.
Il était fort, très fort.
Ses pas contre le parquet s'harmonisaient au rythme de ma respiration saccadée. Il s'approcha, se pencha à ma hauteur, et tout mon corps se tendit quand son souffle s'abattit sur mon oreille, brûlant. De la même chaleur de ses doigts qui effleuraient les miens.
Je rangeai aussitôt mes mains dans mes poches, et, par peur de me briser le cou (ou de me faire frapper par la foudre de son regard), ma tête se tourna dans une lenteur atroce pour trouver ses yeux qui me sondaient déjà.
Putain, personne n'avait pris rendez-vous pour se faire tatouer ou quoi ?
— Tu viens ? Je vais te montrer ce qu'on cache ici...
Son ton fit vibrer ses mots qui m'enlacèrent. Une douce étreinte qui me serrait fort. Si fort que je n'étais plus capable de bouger. Mis à part pour le suivre dans le couloir dans lequel il m'emmenait.
Je me laissai guider par lui, conservant tout de même une distance entre nous. De façon à ce que son parfum ne taquine plus mes narines et que mes yeux ne lèchent plus l'encre qui dégoulinait sur ses bras.
Notre simple présence activa d'elle-même la lumière tamisée qui illumina le couloir où nos ombres se projetaient sur les murs marron.
Désormais ce sont les chiffres sur le compte en banque de Jake qui m'intéressaient (en plus de la taille de sa queue).
Mes yeux vagabondaient sur les deux portes habillant le mur de droite, et celui de gauche subissait le même traitement. Pourtant, je n'eus pas le temps de pousser plus loin ma contemplation que Sunghoon s'arrêta, mes chaussures couinèrent sur le parquet en liège quand je l'imitai. Le blond ouvrit la première porte sur notre droite, se décalant sur le côté pour me laisser entrer le premier.
— À toi l'honneur, commença Sunghoon, ses bras m'invitant à avancer.
J'entrai alors, avec comme écho dans mes pensées, la tonalité égayée qui avait fait travailler ses cordes vocales.
La lumière s'alluma aussitôt, et je dus papillonner des yeux pour m'adapter à cette force qui me brûlait la rétine.
— Désolé, j'aurais dû te prévenir, s'excusa le blond, l'ombre d'un rictus sur les lèvres.
Son pardon invita mes sourcils à se froncer, et ma main balaya ses paroles avant que, habitué, je ne me focalise sur l'état de la nouvelle pièce.
J'osai un pas vers la table de travail dont le cuir noir brillait encore, et je ne pus empêcher mon index de savourer sa qualité. Puis j'y posai ma main plus fermement, appuyant même pour juger le moelleux caché sous le cuir épais.
Et un semblant de sourire apparut sur mes lèvres que je réprimai en y enfonçant mes dents. Je n'avais pas le droit à l'erreur, je devais bosser ici. Pour la renommée de l'ARCANUM, pour la qualité que le salon offrait...
... Pour Jake et son collègue au charme démesuré...
Une douce chaleur étreignait mon esprit à cette pensée, et mes yeux balayèrent la pièce à toute vitesse, trop effrayés de louper le moindre recoin que cette salle m'offrait.
Le froissement du plaid sur le canapé titilla mes oreilles et attira mon regard. Mes prunelles caressèrent alors Sunghoon qui s'était laissé tomber sur le sofa contre le mur d'en face, ses bras longeant le dossier.
J'avais envie de rouler des yeux face à la désinvolture qui l'animait, mais je n'en fis rien, faute à l'ambre qui colorait ses iris, transperçant presque mon âme. Et je pus lire dans ses yeux le jugement qu'il portait sur chacune de mes réactions.
— T'es bien à l'aise je trouve, remarquai-je, un poil dédaigneux alors que j'abandonnai la table de travail pour poursuivre ma découverte.
J'étais certain d'avoir vu ses pupilles se dilater malgré la distance qui nous séparait, mais je stoppai notre échange en lui tournant le dos, ouvrant les tiroirs de la commode.
Aiguilles, encre, machines à tatouer, compresses, gants... Chaque tiroir était étiqueté, tout était parfaitement rangé au détail près. Je n'osais même pas toucher le matériel du bout des doigts par peur de défaire cette organisation pointilleuse.
— J'ai le droit, c'est ma salle.
Son ton abrupt dessina la surprise sur mes lèvres, j'avalai aussitôt mon émotion, hochant plutôt la tête. J'avais tiqué la sécheresse qui effritait ses mots, et lui aussi si j'en croyais ses lèvres pincées. Ma vie n'allait pas s'effondrer à cause d'un collègue un poil trop effronté en milieu de matinée, alors mes yeux continuaient de défiler dans cette salle. Dans sa salle. Et j'avais l'impression de sentir de plus en plus sa présence entre les murs.
Du papier peint noir aux photos de tatouages dont aucun relief n'était négligé. Le plus troublant restait les cadres disposés aux millimètres près. La radio installée sur la commode dans un angle précis qu'il avait lui-même défini.
Mais le pire restait son odeur qui flottait dans l'air.
Il me regardait j'aurais pu le parier. La brûlure qu'infligeait ses prunelles dans ma nuque, glissant le long de mon dos. J'osai un regard de côté et il s'enfonça plus profondément dans son canapé.
Je continuai la visite sans guide pour m'aiguiller, mes doigts couraient sur les étagères. Aucune once de poussière. Mais la course de mes phalanges s'arrêta quand j'entendis le son de ses pas rythmer le silence dans la pièce.
Ma tête pivota sur mes épaules. Bordel il est juste là.
Son épaule effleura la mienne quand il tendit son bras pour attraper le cadre que je zieutais depuis un moment.
— Ma salle que je partage avec Jake, précisa-t-il, les yeux rivés sur la photo entre ses doigts.
Curieux, je me hissai sur la pointe des pieds et découvris une photo de Sunghoon, les cheveux encore sauvés de sa décolo, aux côtés de Jake, une coupe courte et un sourire aux lèvres qu'il n'avait pas daigné m'accorder lorsque l'on s'était rencontré.
Il reposa le cadre à son exacte place avant de se retourner vers moi, désormais assis sur le tabouret à roulettes que je venais tout juste de tirer de sous la table de travail.
Ainsi, sa hauteur me surplombait mais mes yeux étaient verrouillés dans l'ambre des siens.
Et malgré la sueur froide qui s'infiltrait jusque sous mes os, je parvins à lui demander :
— Ça ne te dérange pas de partager cette salle avec quelqu'un d'autre ?
Sa langue cajola sa lèvre inférieure avant que la malice ne vienne étirer son sourire. Son bassin s'appuya contre la commode et ses bras se croisèrent sur sa poitrine.
— Pas vraiment. Jake sait comment respecter les limites.
De sa voix dégoulinante de mystère s'échappait des mots emplis de non-dits que je ne pouvais comprendre. Et un rire passa la barrière de ses lèvres quand mes sourcils se froncèrent et que je roulai plus loin de lui.
Pourtant, ça ne l'arrêta pas. Au contraire, il se redressa et s'approcha. Je l'imitai alors, quittant le tabouret presque aussi rapidement que la cadence de mon palpitant.
Je marchai autour de la table en cuir, fuyant son contact, mais Sunghoon me suivait à une distance bien loin de l'intimité. On se faisait face alors que ses yeux me cherchaient quand je regardais ailleurs. Son sourire s'agrandissait sur ses lèvres quand les miennes s'entrouvraient sans qu'aucun son ne daigne s'en échapper.
Peut-être que je rêvais, mais j'étais prêt à parier qu'encore une fois, ses prunelles hurlaient la provocation.
Devais-je parler ou juste observer ses pas de félins prêts à attaquer ?
Je menais un véritable combat contre mes pensées, mes poings se serrant et se desserrant le long de mon corps. Alors je pris une profonde goulée d'air, juste assez pour ralentir le débit dans mes artères qui faisait rugir mon cœur.
— Tu fais souvent ça, avec les nouveaux ?
Les mots avaient glissé de mes lèvres. Et je remerciai ma posture qui ne me trahit pas. Mes genoux tremblaient mais me supportaient. La chaleur m'irradiait tandis que mes joues s'efforçaient de ne pas se colorer.
— Et qu'est-ce que je fais précisément ? demanda-t-il, feignant l'ignorance.
Ses yeux sur moi criaient au prédateur qui surveillait sa proie. J'avalai bruyamment ma salive, tournant toujours autour de cette table de travail qui avait vu passer des centaines de peaux tatouées mais qui aujourd'hui était témoin de ma lutte contre un blond aux prunelles électrisantes.
— Tu joues, lâchai-je, mes mots sonnant comme un reproche.
J'avais parlé, j'étais celui qui avait mordu en premier.
Néanmoins, je ne le blessai guère. Au contraire, mes mots sonnaient comme des caresses qui avaient le don de dilater ses pupilles et libérer son rire.
— Je ne joue pas, je guide. Mais je ne peux pas m'empêcher d'apprécier le spectacle.
Alors, audacieux, lui volant la malice qui brillait au fond de ses yeux, c'est avec un sourire effronté que je répondis :
— Le spectacle tu dis ? mon sourire grandissant sur mes lèvres, j'espère que t'as les épaules pour supporter ce que t'es en train de provoquer.
Sunghoon passa une main dans ses mèches blondes sans que ses prunelles ne s'éloignent des miennes. Son rire fit de nouveau vibrer l'air autour de nous, et je crus même le ressentir au creux de mes os.
Néanmoins, je ne cillai pas. Pas même mes lèvres ne s'autorisaient à frémir sous le son de sa joie.
Mais cette mélodie fut remplacée par le tempo de ses semelles contre le parquet. Il s'éloigna de moi, me laissant les bras ballants dans cette pièce que je qualifiai désormais comme étant sienne.
Il m'offrit un léger mouvement de tête avant de s'emparer de la poignée, la porte grinça avant que le blond ne disparaisse dans le couloir.
Je m'autorisai un instant, gonflant mes poumons, et essuyant la sueur accumulée sur mes paumes avant de suivre ses pas, fermer la porte derrière moi, et de retrouver Sunghoon adossé contre l'un des murs du couloir.
La lumière tamisée se projetait sur sa peau qui avait l'air encore plus claire sous la lumière, plus fragile, m'implorant de le secourir. Pourtant l'éclat de ses yeux me hurlaient le contraire, un doux ambré qui me dévorait.
Ses prunelles s'évadèrent des miennes pour caresser mes joues et rebondir sur le bout de mon nez, avant que son regard ne s'agrippe aux anneaux à mes lobes.
Lui, ne portait aucun bijou, enfin si je ne comptais pas toutes les bagues autour de ses doigts. L'encre sur ses bras et ancrée dans son cou ne laissait pas la place à la moindre trace d'or ou d'argent.
Le rictus qui courait sur ses lèvres rappela mes yeux, les invitait à venir s'aventurer sur sa bouche rosée, s'égarant quelques instants sur sa mâchoire ciselée. Et instinctivement, la mienne se contracta quand, du bout de la langue, il vint cajoler une à une chacune de ses dents.
Je crois que je suis en train de merder.
Je secouai la tête, essayant de faire voler au loin mes idées, bonnes comme mauvaises. Alors que du coin de l'œil, je le vis se redresser, et peut-être que j'avais rêvé mais j'aurais pu jurer qu'encore une fois, Sunghoon retenait un énième rire de passer la barrière de ses lèvres.
Voulant le devancer dans ma visité guidée, j'osai un pas en avant et attrapai la poignée de la porte face à moi.
Pourtant, j'eus à peine le temps d'y déposer ma force que celle de Sunghoon se matérialisa autour de mon poignet.
Un hoquet de surprise se bloqua dans ma gorge quand la chaleur sur ma peau se propagea dans tout mon corps, tel un millier d'aiguilles me transperçant la chair. Je sentais sa présence dans mon dos, toute sa hauteur me surplombait. Alors que mes yeux étaient verrouillés sur ses doigts enchaînant mon poignet. Il me fallut un temps fou pour trouver son regard juste au-dessus de mon épaule pour finalement m'y perdre à nouveau.
C'est officiel, je suis en train de merder.
Ma salive eut du mal à rouler dans ma gorge lorsque son souffle brûlant s'abattait sur ma joue alors que ses bagues gelées s'enfonçaient dans ma peau fine.
J'aurais pu couiner de douleur, mais le frisson courant le long de ma colonne vertébrale me devança lorsque sa voix grave cajola mes tympans.
— Je ne rentrerai pas là dedans si j'étais toi.
Mes sourcils se froncèrent, et j'ouvris la bouche, prêt à parler mais aucun son n'en sortit. J'aurais voulu le pousser, m'arracher de son toucher, mais la surprise était si forte que je ne parvenais même pas à lever le plus petit de mes doigts.
Mon attention allait et venait entre ses paroles et sa prise autour de mon poignet, comme s'il s'était immiscé à l'intérieur de ma tête pour faire de moi son jouet.
Au fond de moi, j'avais peur de bouger. Sunghoon avait quelques centimètres de plus, ses bras étaient plus épais que les miens. Mais j'étais certain que Heeseung ne m'aurait pas envoyé sur un terrain dangereux. Pourtant, je ne connaissais pas le blond qui m'agrippait, et honnêtement, je crois que je ne voulais pas le faire. Alors dans un geste de trêve, je lâchai la poignée de porte, espérant qu'il en fasse de même avec moi.
Mais au contraire, sa prise se resserra.
J'éteignis la faiblesse qui avait pris d'assaut mes orbes sans mon consentement, reprenant le dessus sur mes pensées et mes genoux tremblants, avant de balancer mes quelques mots :
— Et pourquoi je ne pourrais pas rentrer ? C'est Jake, le patron qui t'a dit de me faire visiter.
Ses lèvres se redressèrent de nouveau.
Encore et toujours ce foutu sourire, maestro de notre échange.
C'était comme s'il anticipait chaque geste, chaque mot que j'osais. Et ça me rendait fou de savoir que jusqu'à présent, il ne s'était jamais trompé.
Mon cerveau fumait tant que j'aurais à peine été choqué qu'une odeur de cramée se mélange à celle de son parfum. J'espérais seulement que Sunghoon ne le sente pas, ne le remarque pas. C'était beaucoup demandé, je le savais, nous étions si proches que je pouvais voir sa pomme d'Adam rouler dans son cou tatoué.
— Mon collègue n'est pas là, et il déteste qu'on touche à ce qu'il lui appartient.
J'hochai la tête, les lèvres pincées. J'essayai de m'éloigner, mon poignet roulant entre ses doigts pour se défaire de sa prise, mais tout mon corps se figea, prêt à céder sous son poids, quand la douceur de son pouce caressa ma peau rougie par sa propre pression.
Mille et unes questions coururent dans mes yeux, finissant leurs courses dans ses prunelles ambrées dans lesquelles ils n'y trouvèrent aucune réponse. J'aurais pu tenter d'y lire sa vérité, celle cachée sous la poussière, trouver la moindre trace d'émotions, si ses mèches blondes ne tombaient pas sur ses paupières qu'il ferma plus longtemps cette fois.
D'ailleurs d'ici, ses cheveux n'étaient pas réellement blonds. Ils viraient à l'argent, comme celui des anneaux à mes oreilles ou ceux autour de ses doigts. Peut-être même qu'ils étaient gris, similaire à la cendre que je laissais tomber de mes cigarettes en fin de journée. C'est ça, de la cendre. Sunghoon était cendré.
Mes orbes dégringolèrent, louchant désormais sur ses lèvres desquelles s'échappa un léger souffle qui fit voler ses cheveux, libérant ses yeux qui reprirent de nouveau entièrement possession des miens.
J'osai un soupir quand mon poignet respira à nouveau, bougeant entre ses doigts qu'il avait desserré autour de moi. Et son pouce cajola de nouveau ma peau, une excuse silencieuse pour la violence qui l'avait soudainement pris.
Sa bouche s'entrouvrit, mais ses mots restaient noués sur le bout de sa langue, se déliant alors en un sourire que j'étais certain de ne jamais oublier. Je l'aurais qualifié de carnassier, étant prêt à m'arracher la chair, mais ses yeux étaient bien trop brillants, scintillant d'un éclat nouveau qui aurait pu faire pâlir les étoiles.
À cet instant, je me détestais de trouver l'ambre dans ses prunelles attirant. Mais pire que tout, sa simple présence me brûlait les veines. La solitude qu'on partageait, cette proximité qu'on échangeait, durcissait tous les os de ma mâchoire.
Et j'aurais pu jurer que le monde venait de me gifler, reposant mes pieds sur terre ou mes yeux sur ses doigts encore liés à mon poignet, puisque soudainement, je m'extirpai de sa prise, titubant presque sous ma force que je n'avais pas contrôlé.
Sunghoon me regardait sans ciller, pas le moins du monde déçu que je me sois échappé. Au contraire, son foutu sourire décorait inlassablement ses lèvres.
Pitié ce que j'aurais voulu le lui arracher, au même titre que mon cœur que j'espérais pouvoir faire taire ainsi.
Ses yeux léchaient chaque parcelle de mon visage, trainant volontairement sur ma bouche entrouverte qui tentait d'attraper de l'air par goulées.
Ce type était bizarre, et je l'étais d'autant plus en le laissant m'approcher.
Mais avant que mes mots ne puissent s'échapper de mes lèvres pour effleurer ses tympans, le ding de la porte d'entrée déchira le silence.
***
Hello :p
J'update un peu plus tard que d'habitude mais Sunghoon me donne du fil à retordre :')
2 chap de suite que vous partagez avec sunoo et hoon, j'espère que les deux ont su vous conquérir même si j'ai bien compris que Heeseung est encore le roi 😭
J'espère que ce chapitre vous aura plu et un peu plus aiguillé sur le personnage de Sunghoon qui est très important pour moi !
Et comme vous l'avez lu dans le titre, et vaguement dans ce chapitre un troisième invité va pas tarder à arriver 🤭
Sur ces belles paroles, je vous dis à bientôt pour la suite, merci pour votre lecture <33
• Adiaaa •
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