Le ciel au-dessus de nous

Aucun réveil ne sonna ce matin, et ni Sean, ni le soleil ne me réveilla, alors mon corps le fit tout seul. J'avais l'impression d'être épuisée, comme si le sommeil ne m'avait pas aidée à reprendre des forces. Je voulais me rendormir et me reposer encore un peu. Juste quelques minutes de plus. J'ouvris les yeux doucement avant de les frotter, tout en soupirant. Je me tournai doucement vers les fenêtres, qui n'étaient pas cachées par mes rideaux, avant de découvrir une pièce inconnue, dans laquelle je n'avais aucun souvenir de m'être endormie. Je fronçai légèrement les sourcils. Je n'avais jamais posé les pieds ici toute seule, alors comment étais-je arrivée là ? La chambre était baignée par la lumière de la lune, qui traversait les grandes vitres, mais le silence était présent, il n'y avait pas un seul bruit, que ce soit celui d'un souffle ou du vent. Rien. Je repoussai la couverture pour me relever, mais je remarquai avec effroi l'état de mes jambes. De de longues traces rouges, comme des griffures, descendaient de mes cuisses jusqu'à l'entrée de mes chaussettes. Je n'avais aucun souvenir de chute ou de combat, qu'est-ce qu'il s'était passé ?

Je posai délicatement ma main sur ma peau, mais à son contact, j'eus une sensation désagréable, comme si je venais de me brûler. Je n'avais aucun souvenir de blessure, d'où venait cette impression d'avoir mal sans réellement souffrir ? J'ignorai la légère douleur et je me hissai hors du lit pour fixer la chambre inconnue. Il n'y avait que très peu de meubles, seulement le stricte nécessaire : un lit, une armoire, une baignoire. Pourtant, la pièce était immense, c'en était presque flippant. J'observai la vue par les fenêtres, mais étrangement, il n'y avait rien. Il faisait nuit, je voyais la lune dans le ciel, mais tout le reste était sombre, beaucoup trop pour que je puisse y distinguer quoi que ce soit, comme si, en fin de compte, il n'y avait aucun paysage, aucune vue. Rien. Le néant. Étais-je en plein rêve ? Je relevai mes mains pour fixer mes doigts, pour les compter, et même si je savais que cette technique était efficace dans les films, elle ne marchait pas sur moi. Dix. Si ce n'était pas un cauchemar, pourquoi ça y ressemblait ? Où est-ce que j'étais ?

Tic. Tac.

Une horloge se mit à annoncer les secondes qui passaient, le bruit résonnait doucement dans la pièce. Et beaucoup trop fort en moi. J'avais peur que quelque chose surgisse de la pénombre, je m'attendais à tout. À voir débarquer un proche, un monstre, un tueur. Je détestais le moment que je vivais. Je ne pouvais pas ouvrir ni la porte, ni les fenêtres, comme si j'étais piégée à l'intérieur, sans issue. Le sol grinçait sous mes pas, comme si le plancher était en mauvais état, comme s'il pouvait s'effondrer à chaque instant. J'entendais mon cœur taper un peu trop fort dans ma cage thoracique. La peur m'envahissait rapidement. Je détestais les ambiances sinistres, et je n'avais pas le choix d'être plongée en plein dedans, sans n'avoir rien demandé. Si mes rêves me faisaient vivre mes terreurs, je ne fermerai plus jamais les yeux pour dormir.

J'essayai de faire le vide et je me déplaçai dans cette grande pièce, que je connaissais maintenant par cœur. Soudain, je vis une petite étincelle près d'un mur, et je remarquai un grand miroir contre la porte, qui n'existait pas quelques minutes avant. S'il était là, ce n'était pas pour rien. J'eus la curiosité de me glisser devant, mais le spectacle qui m'attendait me donna des frissons. Mon reflet ne correspondait pas à ma silhouette, le corps était plus mince, presque maigre, trop blanc. Comme malade. Des entailles et des blessures parcouraient sa peau, et pas seulement sur les jambes, le même spectacle se trouvait sur ses bras, son ventre, ses joues. Comme blessée. Qu'est-ce qu'il lui était arrivé ? Est-ce que c'était moi ? Non. Je ne ressemblai pas à ça, pas à elle. Les cheveux de la jeune fille étaient coupés, contrairement aux miens qui tombaient sous ma poitrine. Les siens étaient plus sombres, plus abîmés, comme s'ils étaient brûlés, ou plein de saletés. Si ce corps me semblait étranger, son visage m'était pourtant familier, comme si je le connaissais. Elle avait les yeux bleus, comme moi, mais les siens étaient plus clairs, un bleu tirant vers le blanc, qui me donnait presque le vertige. Son regard ne brillait pas, il était vide.

Trop concentrée par cette silhouette inconnue, je vis à peine l'obscurité envahir la pièce, et m'engloutir. Il y avait maintenant un second reflet dans le miroir, derrière moi. Je vis un visage se former, des yeux remplis de noirceur, et j'entendis un cri. Ou plutôt un hurlement, qui brisa toutes les vitres, une part une, projetant les verres au sol. Cette voix était de plus en plus forte, elle fit tressaillir chaque parcelle de mon corps. Je posai mes mains sur mes oreilles, ne supportant pas le bruit présent dans la pièce, et je fermai les yeux, ayant trop peur de cette ombre qui grandissait beaucoup trop vite. Je me laissai tomber sur le sol, priant pour que la fin de ce calvaire s'annonce.

Puis plus rien.

— Réveille toi petit ange, murmura une petite voix près de mon oreille.

J'ouvris les yeux en sentant mon cœur palpiter. Je regardai devant, à côté, partout autour de moi, avant de reconnaître ma chambre. Un cauchemar. Je sentis un grand soulagement m'envahir immédiatement.

— Mmmh Sean, laisse-moi dormir.

Je poussai sa tête à l'aide de ma main et me tournai dos à lui. J'avais besoin de repos, de sommeil. Surtout après ce que je venais de vivre. Ou de rêver. Sans compter que ces derniers jours avaient été épuisants puisque je passais la majeure partie de mon temps à m'entraîner, même en dehors des heures de cours. J'avais des crampes de partout, mon corps était épuisé. Pourtant, je savais que mon Choix approchait. Une semaine. Il ne me restait plus qu'une semaine. Il fallait que je leur prouve à tous que j'étais capable de garder tous mes pouvoirs, tous les éléments.

— Tu veux aller dans la prairie ? Me demanda-t-il.

— Maintenant ?

— Dans les minutes qui suivent, oui.

C'était une bonne idée pour commencer la journée en étant encore plus fatiguée qu'au coucher, mais je ne pouvais pas me reposer sur mes acquis, je devais travailler, encore et encore. Sept jours, et toute l'angoisse qui gonflait en moi disparaîtrait. Sept jours, et j'arrêterai de faire ces cauchemars, forcément liés à un stress que je refoulais depuis quelque temps. Sept jours. Je laissai mon esprit divaguer, et il se promena dans des endroits rassurants, que j'aimais. Il se mit à courir dans la prairie, un de nos endroits préférés. Je savais que y aller voulait dire passer un bon moment tous les deux avant les combats, et accueillir la matinée avec le sourire.

— Laisse-moi deux petites secondes alors, dis-je doucement.

Bien évidemment, il ne me laissa pas ces deux petites secondes. Je sentis ses lèvres chatouiller mon épaule nue, puis des baisers le long de mon cou. Il savait quoi faire pour me déconcentrer, pour me rendre faible. Son bras vint s'enrouler autour de moi pour me rapprocher de lui, et sa main descendit le long de mon ventre, tout doucement. Mon corps réagit immédiatement. Ce n'était pas comme ça qu'il allait me donner envie de quitter mon lit.

—Seaaan, dis-je à contre-coeur.

Je me tournai vers lui pour l'empêcher de continuer, et j'en profitai pour le regarder, pour l'admirer. Qu'est-ce qu'il était beau. Mes doigts se mirent à parcourir son visage avec délicatesse, le redécouvrant comme la première fois. À cause du peu de luminosité dans la pièce, je ne parvenais pas à le voir correctement, mais je connaissais chaque trait, chaque détail de sa peau, par cœur. Je caressai la courbe de ses lèvres, avant de les frôler délicatement avec les miennes. Il s'empressa de m'embrasser, tout en glissant sa main dans mes cheveux.

— Tu es magnifique, dis-je d'une petite voix, en reculant mon visage.

— Parle pour toi.

Il déposa sa main libre sur ma joue et la caressa sans me quitter des yeux. Je glissai mes doigts contre les siens pour les lier ensemble, et je profitai de ce doux contact entre nos peaux. On se fixa silencieusement pendant de longues minutes, laissant nos regards parler à notre place. J'étais bien quand il était là, proche de moi, quand son regard me faisait oublier tout le reste, comme si rien n'était plus important que nous.

— Donne-moi une bonne raison de mettre fin à ce moment, lui demandai-je malgré moi.

Je n'avais aucune envie de quitter ce lit, de m'en aller loin de ses bras, mais si je m'écoutais, je resterais à jamais contre lui. C'était mon endroit préféré dans ce monde. C'était ma maison.

— On pourra peut-être observer des étoiles.

Je le vis sourire un peu plus et je m'étirai avant de me tourner sur le dos, gardant nos mains l'une contre l'autre. Je fixai le plafond, cherchant de la force. Nous étions dimanche, et il n'y avait aucun cours de la matinée, seulement des combats dans l'après-midi pour clore la semaine. J'avais hâte d'y être pour prendre ma revanche, pour prouver que je n'étais pas une incapable. Mais avant ça, j'avais toute une matinée à tuer. Quand il faut y aller, il faut y aller. Je pris mon courage à deux mains et me redressai, pour vérifier quelque chose qui commençait à me tracasser. Je poussai lentement la couette hors du lit, pour regarder l'état de mon corps. Était-il en si mauvais état que dans ce rêve ? Je soupirai, rassurée de voir que ce n'était pas le cas, il n'y avait rien du tout. Aucune trace. Aucune blessure. Rien. Je me mis debout et attrapai des vêtements de sport, tandis que Sean m'imiter en silence. Une fois prêts, on sortit de la pièce, et je fermai la porte derrière nous, la claquant en plein nez au cauchemar.

And I was running far away
Et je courais loin
Would I run off the world someday?
Fuirais-je le monde un jour?
Nobody knows, nobody knows
Personne ne sait, personne ne sait

La caresse matinale du vent me faisait frisonner, mais j'essayai de penser à autre chose, ou de penser à rien. Je me concentrai sur chaque foulée, sur le sol dur sous mes pieds, sur le bruit de la nature autour de nous, qui se glissait à mes oreilles malgré la musique. Je sentais la magie se réveiller à son tour, glissant le long de mes membres, partout en moi. Bonjour. Je fermai les yeux quelques secondes, avant de courir un peu plus vite, pour rejoindre la prairie, qui n'était plus très loin maintenant. En tournant la tête, je remarquai que Sean était à une centaine de mètres derrière moi. Il me fit un coucou de la main et je m'arrêtai, pour l'attendre. Il allait toujours à son rythme et ne voulait pas entrer en compétition avec moi, alors on courait ensemble, mais chacun de notre côté. Lorsqu'il arriva à ma hauteur, je glissai mes écouteurs dans ma poche.

— Le temps annonce de la pluie, me dit-il en levant la tête vers le ciel bleu foncé, qui virait au gris.

Il le savait mieux que quiconque, puisqu'il était traversé par l'élément eau. J'aurai pu facilement le deviner aussi, mais j'essayai de focaliser mon attention sur lui, et non sur toute la magie qui vivait en moi et qui souhaitait se plonger dans la nature en ce moment-même.

— Profitons de ces quelques minutes alors, pendant que la lune et les étoiles sont encore présentes au-dessus de nos têtes, lâchai-je.

Je me laissai tomber dans l'herbe, et il m'imita. On venait souvent là pour se détendre, faire nos devoirs, s'entraîner. Ce n'était pas très loin du campus, mais assez pour qu'il ne soit pas envahi constamment d'élèves. C'était notre endroit à nous, celui qui avait vécu en même temps que nous nos premiers rendez-vous, nos premières courses, notre tout premier baiser. Il me tenait à cœur, il gardait entre ses bras la naissance de notre amour.

— À quoi tu penses ?

— À nous, murmurai-je timidement.

Je tournai la tête vers lui, qui me fixait avec un doux regard. Comme à son habitude. Je ne me souvenais pas d'une fois où ses yeux étaient vides lorsqu'il m'apercevait. Malgré les disputes, les avis divergents, et des moments difficiles ou douloureux, cette petite lueur était toujours présente, qu'importe la situation ou les circonstances. J'espérais qu'il trouvait la même dans mon regard, parce que je n'avais jamais cessé de le contempler avec amour, chaque jour. Chaque seconde.

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