Chapitre 3 : L'oiseau en cage
/DISCLAIMER/
Le personnage de Corbeau, propriété du collectif, ne m'appartient pas personnellement. je l'ai écrit avec la base que j'avais, seulement c'est un personnage très mystérieux pour qui il est très dur d'écrire un point de vue interne. Et comme je n'ai pas eu l'aval de son créateur, je préfère prévenir, il risque d'être out of character.
C'est un comble, certes. Mais je n'ai plus tellement le choix.
Corblanc, tu m'as dit il y a deux jours que tu le lirais le soir où je t'ai envoyé ce message avec le texte complet. J'ai ma rentrée demain. Je vais recommencer à avoir des horaires d'écriture extrêmement restreints. Je ne peux plus attendre.
Bon, bref, j'arrête de râler et je vous laisse avec ce chapitre. Il est long, et peut-être pas autant détaillé que les précédents, parce que je ne sais pas écrire Corbeau et parce que j'ai essayé de réduire un peu par rapport au texte du RP.
Louna
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Lorsque Miya l'avait pressé de se rendre à l'infirmerie, sans même lui dire bonjour où lui expliquer ce qu'il se passait, Corbeau avait tout d'abord été choqué. Choqué par la rudesse de Miya, qui était pourtant si calme et posée dans ses souvenirs. Mais choqué aussi qu'elle ait pu voir, en seulement cinq secondes, le mal qui le rongeait.
Après son départ, il s'était accordé un bref instant pour lever la manche de son bras droit, empêchant du mieux qu'il pouvait sa main de trembler, comme il l'avait fait si mécaniquement depuis une semaine. Et ainsi contempler la fleur aux cinq pétales noirs qui avait éclos sur sa peau, envahissant son membre et faisant fi de sa chair brûlée. Un hellébore noir, paraissait-il, il n'avait jamais été très versé en botanique. Mais aujourd'hui, ils étaient plusieurs. Plusieurs hellébores noirs qui avaient visiblement éclos dans la nuit, recouvrant un peu plus son bras. Et il ne connaissait que peu Hanahaki. Mais il pensait, non, il était certain, que du sang ne devait pas suinter des fleurs, et encore moins du sang plus noir que ses cheveux, reconnaissable seulement à sa forte odeur métallique.
Il avait soupiré, et s'était dirigé vers l'infirmerie. Quelques serviteurs paniqués le suivaient, discutant dans un langage rude de Miya faisant le tour du palais. L'un d'entre eux avait apparemment entendu le terme « épidémie ». Un autre disait que Kikol était la source de toute cette agitation. Tant de bribes d'informations qui faisaient plus ou moins sens alors que la troupe, que menait Corbeau sans s'en rendre compte, grossissait.
Lorsqu'ils étaient arrivés à l'infirmerie, quelques médecins leur avaient attribués des lis dans différents coins de l'immense pièce, certains portant des combinaisons intégrales, sans doute dans l'impulsion d'une immense paranoïa. Mais aucun n'avait cherché à s'approcher de Corbeau, et ce dernier en avait profité. Il s'était dirigé vers le seul lit fermé par des rideaux de la pièce, avant de les franchir et de fixer son occupant.
Il était bien là, le responsable de toute cette agitation, étendu sur les draps sans bouger, sans frémir, sans même cligner des yeux. Une perfusion le reliait à une sorte de mécanisme de filtration de la magie, faisant vibrer un peu l'illusion qui le recouvrait à chaque fois qu'une seconde s'écoulait. Ses cheveux bruns retombaient sur ses yeux, dissimulant un regard bleu glacé que dans un tout autre temps, Corbeau avait trouvé envoûtant. Même sa peau mate semblait avoir pâli. Son illusion avait plié à la maladie mieux encore qu'un corps humain, même s'il ne voyait pas de sueur, de fièvre ou de spasmes, juste un corps mort doté de vie.
Kikol avait relevé la tête, et s'était enquis de son état. Et sans doute n'avait-il pas pu s'en empêcher à ce moment-là, de relever théâtralement sa manche, de lui exposer, à la figure de l'auteur de tous ses tourments, ce qu'il avait causé. Est-ce qu'il devait lui en vouloir, est-ce qu'il pouvait même lui en vouloir ? Ses sentiments pour Lina étaient connus de tous, même avant que lui-même ne se rende compte qu'il était effectivement amoureux. Mais la maladie était bien là, et ses terribles conséquences aussi. Car comment Kikol, lui-même atteint, pourrait-il l'aimer lui ?
Corbeau, au bord du lit, poussa un profond soupir, s'arrachant à la contemplation du regard horrifié de l'homme qu'il aimait. Ce regard qui lui disait à quel point il regrettait. Mais il était trop tard pour les regrets. Bien trop tard.
« — On ne peut pas dire que j'ai vraiment été un chanceux...
— C'est de ma faute, pas vrai ? »
Oui, sans doute. Dans un sens. Mais avait-il vraiment le droit de lui dire ça ? Ou même l'envie ? Il poussa un profond soupir. Non, probablement pas.
« — Inutile de te culpabiliser pour ça... »
Sans doute Kikol voulait-il dire quelque chose, mais il n'en eut pas le temps. Un claquement sur le mur signalait l'ouverture à la volée de la porte, de laquelle venait de surgir Baku, menant une nouvelle pléthore de médecins chargés de matériel plus ou moins divers et tarabiscoté. Voyant le nombre de lits occupés, il écarquilla les yeux, avant de se diriger droit vers le lit de Kikol et de se décomposer en voyant Corbeau. Corbeau qui n'avait pas eu le temps de rabattre sa manche sur son bras.
Le médecin en chef et roi de Wattpadia serra les dents, avant de s'asseoir sur le lit et de prendre sa tête entre ses mains.
« — Pitié, dis-moi que c'est juste une implantation par mage des plantes. Dis-moi que tu n'es pas malade. »
Corbeau pinça les lèvres en voyant les traces noires sur son bras, mais ne pipa mot. Et se contenta de secouer doucement la tête, dans un geste sans la moindre équivoque. Un hurlement de rage s'échappa d'entre les doigts du médecin, et un bruit de goutte se fit entendre. Le général n'avait pas à baisser les yeux pour comprendre que c'était de la matière noire, et que le mage à l'origine ne s'était visiblement pas remis de son dernier coup de sang. Coup de sang qui semblait très récent, à en juger par les traces.
Quelques minutes s'écoulèrent, dans le silence le plus pesant uniquement interrompu par les bruits émanant de l'infirmerie, avant qu'enfin, Baku ne relève la tête, le visage toujours crispé, mais les yeux bleus indiquant qu'il avait retrouvé son calme.
« Bon. Je suppose que je n'aurai pas à refaire les explications que j'ai données à monsieur, et que ton choix est fait. Je vais juste t'ajouter à la liste. Dernier détail, que je répète aussi à monsieur parce que je ne suis pas sûre qu'il m'ait bien compris la première fois : N'arrache pas les fleurs. Ne les touche pas, ne tente pas de les détruire, ne leur fais rien. Elles agissent directement sur ton système de traitement de la magie, un peu comme un prolongement de ton corps. Ça reviendrait à t'attaquer toi-même. »
Corbeau hocha doucement la tête, ignorant le ton glacial qu'avait pris le médecin pour parler de Kikol.
« — Ne t'en fais pas. Je ne suis pas stupide. »
Le visage blafard du jeune homme s'assombrit, et il se redressa avant de manipuler la perfusion de Kikol en marmonnant.
« — Alors certains le sont. »
La liche s'était sans doute sentie visée, vu qu'elle grogna dans sa barbe :
« — Je suis mort. Ça ne changera rien du tout. »
Une horrible seconde s'écoula, durant laquelle Corbeau crut bien qu'il allait devoir empêcher Baku de provoquer Kikol en duel, ou tout du moins retenir la main qu'il avait levé au-dessus de sa tête. Mais l'instant passa vite, et leur cadet abaissa son bras, avant d'agripper sa blouse d'hôpital et de pousser un très, très profond soupir. Corbeau se détendit. Ce n'était vraiment pas le moment de se battre, et la lueur de rage qu'il voyait briller dans les yeux d'un des plus dangereux mages noirs de sa génération ne lui disait rien de bon sur l'ampleur que prendrait le combat. Autrefois patient et gentil, Baku, au fil des années, acquérait un caractère de plus en plus irascible et agressif, au point d'en inquiéter ses propres compagnes, qui savaient très bien que ce n'était pas anodin chez lui. Et il ne valait mieux pas accélérer l'inévitable venue d'un cauchemar vivant.
Le médecin prit un moment avant de grommeler, d'un ton qu'il voulait calme :
« — Kikol, pour la énième fois, ces fleurs agissent sur le traitement de la magie. Et encore pour la énième fois, ton corps dépend bien plus que les autres du traitement de la magie. Même sans avoir Hanahaki, je te l'ai expliqué des dizaines de fois. Maintenant je m'en vais. J'ai besoin de calme, sans quoi je vais donner le mauvais exemple à mes subordonnés. Demandez à Miya si vous avez un problème. Et toi, tu te tiens tranquille. Ce n'est pourtant pas compliqué. »
Kikol eut un léger marmonnement d'excuse, tandis que Baku se redressait sous le regard de Corbeau. Le même Corbeau eut un petit rire.
« — Ce n'est pas facile tous les jours d'être médecin, pas vrai ? Ne t'en fais pas, je veillerai à ce qu'il ne fasse rien de stupide. J'y ai aussi peu intérêt que toi. »
Un léger sourire dansa sur les lèvres de l'irascible médecin, avant que ce dernier ne le remercie d'un signe de tête et ne sorte, laissant sa blouse derrière lui. Corbeau avait une petite idée de l'endroit où il se rendait, mais il était inutile d'alimenter les commérages. Le comportement du couple royal avec Shera les alimentait déjà assez.
Kikol marmonna en le regardant sortir.
« — J'ai l'impression d'être un vulgaire gamin avec lui...
— Pourtant c'est bien l'impression que tu donnes, répliqua Corbeau du tac au tac. Même Baku ne s'énerve pas vite au point de délaisser une infirmerie pleine de malades comme ça, tu as forcément dû y mettre du tien. Et franchement, si l'opération est si délicate et emporte tant de choses avec elle, ce n'est pas en brûlant ou t'arrachant les fleurs que tu vas résoudre le problème... »
La liche se tut. Et l'expression de son visage se tordit en une moue agacée. Corbeau ne put s'empêcher de penser qu'il était très mignon comme ça. Avant de secouer la tête et de filer une petite tape à son amoureux, l'empêchant de porter les mains aux fleurs dans son orbite.
« Touche pas à ça. »
Kikol ne dit rien, se contenta de soupirer. Corbeau grogna. De toute évidence, il en était réduit à faire la conversation. Lui qui appréciait tant son éloquence d'habitude... Et pourquoi devait-il parler ? Il n'avait jamais été doué pour ça. Il fallait bien trouver un sujet. Alors autant aborder ceux qui fâchaient.
« Ça ne va pas te manquer ?
— De quoi ?
— Tout ça. Lina, le château, partager des liens... »
La liche eut un léger rire incrédule avant de se redresser sur ses coudes, dégageant la couverture de ses jambes. Corbeau pouvait voir que partout sur son corps, son illusion fluctuait. Et au niveau de ses pieds, elle était presque inexistante.
« — Pourquoi ça me manquerait ? Je serais encore là d'ici des années. Cela me manquera lorsque vous serez tous morts.
— Les sentiments ne seront plus là d'ici deux semaines, d'après les médecins que j'entends. C'est de ça dont je parle. »
Silence. La liche pesait ses mots. Avant de finalement marmonner, ramenant ses jambes contre lui :
« — Devenir un monstre d'égoïsme me pèserait, mais si même Mairù arrive à contribuer à la communauté je suppose que je pourrai le faire aussi. Et comment tu peux croire que je ne serais pas heureux en me débarrassant de ce que j'éprouve pour Lina ? Je n'attends que ça depuis la malédiction d'Amour. Elle a assez joué avec sa stupide victime collatérale. »
Le regard de Corbeau se mit à dériver, soudain porté par l'envie de regarder le reste de l'infirmerie.
« — Pas faux. Pas faux. »
De nouveau, le silence s'installa. Quelques médecins vinrent faire un diagnostic à Corbeau, d'autres réglèrent les perfusions de Kikol. Le général n'eut pas le temps de se crisper en voyant l'air pincé des médecins à la vue des fleurs, que déjà ils étaient partis ailleurs. Certains infectés eurent droit à des prescriptions. D'autres furent emmenés à des chambres à part. D'autres enfin reçurent des visites de gens qui leur promettaient mille bienfaits, une discussion avec un prêtre d'Amour, n'importe quoi pour qu'ils guérissent de la méthode douce. Seul un sortit de l'infirmerie avec un immense sourire aux lèvres, les fleurs tombant en poussière à ses pieds alors qu'un jeune homme lui tenait le bras, la robe rouge des prêtres d'Amour le recouvrant. Et finalement, Corbeau et Kikol se retrouvèrent seuls. Plus personne ne s'occupait d'eux. Et c'est le moment que ce dernier choisit pour refaire partir la conversation.
« — Et à toi ? Ça te manquerait ? »
Corbeau eut un profond soupir. Il attendait cette question. Il l'attendait depuis que les médecins l'avaient informé de la progression anormale de la maladie. Que lui aussi, y perdrait gros. Très gros.
« — Oui. Ça me manquerait, l'amitié, la complicité, le partage, l'empathie, les moments à plusieurs. Ce sont autant d'expériences que j'aurais préféré garder. Mais je n'ai pas le choix. C'est ça ou mourir. Et je ne peux pas abandonner mes camarades. Tu imagines ce que ferait Anastasia si elle se retrouvait livrée à elle-même ? »
Il eut un petit rire, dans l'espoir de dérider son ami, la personne qu'il aimait. Mais loin de sourire, cette dernière se crispa, avant de se lever d'un coup.
« — Il y a forcément un moyen. Reste ici et essaie d'allonger ta durée de vie. Je vais chercher un autre moyen. Hors de question que je te laisse souffrir si je peux l'éviter. »
Le général écarquilla les yeux. Retint la chaleur qui lui montait aux joues. Se mit à gratter nerveusement ses brûlures, ne put contenir les tremblements de sa main. Sans le savoir, Kikol venait de prendre une telle allure, potence en main, les yeux tournés vers lui avec cette expression si appuyée de détermination... Mais il courait après une chimère. Comment y aurait-il un autre moyen ?
« — Qu'est-ce que tu comptes faire ? Chercher un médicament miracle ? Je doute que même Mairù y arrive dans les temps, alors toi ? Pardonne-moi, mais tu sais que ce n'est pas ton truc...
— Je ne vais pas chercher un médicament. Je vais parler à Amour. Et quitte à faire tout ce qu'elle voudra, je trouverai un moyen. »
Dans l'esprit de Corbeau, l'admiration se disputait à l'agacement. Même si l'agacement était bien près de l'emporter. Cet idiot... On parlait d'Amour, déesse vindicative, psychotique et narcissique. Pareille opportunité de piéger un être tel que Kikol ne se présenterait pas deux fois. Mais la liche refusait d'écouter les objections de son ami. Il se contentait de marmonner.
« Je me fiche de ce qu'elle voudra me faire faire. Toi, tu ne souffriras plus par ma faute. »
Il serrait sa perfusion fort dans sa main, tentant d'en décrocher le convertisseur de magie. Mais le système était trop bien fait. Et Kikol dut se contenter de la traîner jusqu'à l'entrée. Et de se traîner avec. Donnant tout le temps à Corbeau de se placer devant la porte, les yeux plissés par la colère.
« — Tu n'iras nulle part, Kikol, je te l'interdis. Amour ne veut que notre perte. Comment tu peux imaginer qu'elle fera ce que tu lui demandes ?
— Elle le fera. »
Kikol avait beau tituber, il maintenait son regard bleu fixé sur Corbeau. Avec une détermination froide qui aurait fait bouger n'importe qui. N'importe qui n'étant pas au courant du projet imbécile ce de dernier.
« Elle le fera si... Je lui promets ce qu'elle veut. Ma servitude, mon corps, mon âme, ce qu'elle voudra. »
Et Corbeau ne put empêcher ses poings de se crisper.
Oh, comme il comprenait Baku, prêt à frapper Kikol tout à l'heure ! Lui-même aurait également eu du mal à résister à tout un diagnostic entrecoupé de cet imbécile essayant de s'envoyer droit à la mort. Pour « le plus grand bien ». Idiot. Il était à deux doigts de perdre son légendaire calme, de l'envoyer valser et de l'attacher sur son lit. Il était tellement en colère qu'il pouvait sentir ses jambes trembler, sa tête tourner, un vertige lui monter au cerveau.
Ou bien était-ce vraiment sa colère ?
Il eut sa réponse lorsqu'il sentit ses yeux se révulser, et le monde se retourner sous ses pieds. Sans même comprendre que qu'il lui arrivait, il était au sol, le dos en contact avec le carrelage froid, et l'esprit plongé dans un soudain monde noir.
A en juger par la nuit tombée, plusieurs heures s'étaient écoulées lorsque Corbeau reprit conscience. Il sentait un objet mou sous son crâne, et un poids... Non. Deux poids sur son lit lui révélaient la présence de quelqu'un. Il entrouvrit un peu plus les yeux, les tourna vers le devant, se força à relever la tête. Son crâne pesait si lourd... Mais ses efforts eurent néanmoins la satisfaction de le faire rencontrer les deux visages de Kikol et de Baku, assis à côté de son lit, les yeux agrandis pas l'inquiétude. Le voyant émerger, Baku poussa un soupir de soulagement.
« — Créateur merci, tu es encore en vie... »
Corbeau eut un faible sourire. Oui, il était encore en vie, et épuisé aussi. Pourtant, il ne sentait plus la moindre fleur. Était-ce normal ? Ses yeux se baissèrent doucement vers son corps. Non, ce n'était pas normal. La couche de glace qui recouvrait les hellébores ne lui faisait rien, pas même une sensation de froid. Pourtant, Baku lui avait bien dit que c'était dangereux... Un léger sourire déforma ses lèvres alors que l'hypothèse qu'il avait en tête se formait doucement. Hypothèse que confirma Baku, quelques secondes plus tard.
« — Un prêtre de Glace est passé, je l'ai appelé en voyant que tes fleurs s'étaient cristallisées. C'est vraisemblablement sa bénédiction. Je ne la savais pas si zélée envers ses fidèles mais apparemment tu n'es pas le premier cas à avoir été ramené du bord de la mort par elle... »
Le sourire de Corbeau s'élargit un peu.
« — Ses fidèles sont rares et j'en suis le plus puissant. Elle ne pouvait risquer de me perdre. »
Il y avait autre chose, aussi. Une vieille histoire de famille. Mais Baku n'avait pas besoin de savoir ça. Personne n'avait besoin de savoir ça.
Ce dernier ne chercha pas à en savoir plus. Ce qu'il apprécia.
« — Peu importe. L'intervention de Glace te sauve la vie. Ta condition est rare et particulièrement dangereuse pour toi et les autres médecins m'ont dit qu'ils craignaient que tu ne tiennes pas jusqu'à l'opération. Mais maintenant, je vais peut-être pouvoir t'arracher ça avec moins de dégâts. »
Kikol, à ses côtés, grommela.
« — Et quels seraient les dégâts dont tu parles ?
— Je ne peux pas tout empêcher, Kikol, soupira Baku, surtout dans l'état où est Corbeau. La capacité d'aimer au moins viendrait avec les fleurs. Peut-être plus. Mais certainement pas moins, au risque qu'il meure. »
Un long silence s'installa. Puis Kikol poussa un profond soupir, avant de grincer des dents et de marmonner :
« — Je préfère encore ma solution. »
Baku avait entendu, se disait Corbeau. Baku entendait toujours tout. Pourtant, il ne réagit pas plus à cette « solution ». Il se contenta de se lever et de se diriger vers son bureau, refermant derrière lui les rideaux du lit de Corbeau. Ne laissant que Kikol et lui dans l'infirmerie. Kikol qui eut un large sourire.
En proie à un immense doute, Corbeau se crispa avant de marmonner :
« — Tu es sorti, pendant que j'étais inconscient ?
— Je suis allé voir Redemane. »
Le sourire écarta encore un peu davantage ses lèvres, alors que Corbeau se figeait. Redemane était le Cardinal de l'Amour, mais aussi et surtout son petit-fils. Si Kikol était allé le voir, dans son état, ce n'était certainement pas pour une visite de politesse... Et il était allé au Temple de l'Amour de Wake'li tout seul avec sa perfusion ? Mais il voulait vraiment mourir ?
Comme tout à l'heure, la colère fit trembler encore davantage sa main droite, et il ne put s'empêcher de porter la main à sa brûlure, qui s'était remise à le démanger. Mais Kikol ne réagit pas d'un pouce, tout juste se pencha t'il un peu davantage vers lui.
« — Tu sais que je vois très bien à quoi tu penses ? Ne t'en fais pas, je ne suis pas allé voir Amour. Elle refuse même ma présence. Mais avec un coup de main de Redemane, je crois être en bonne voie pour un remède pour toi. »
Son regard était étrange. Presque... Amusé ? Pétillant de joie, en tout cas. Et il semblait aller bien mieux que tout à l'heure. Et puis.... Un remède ? Comment ? Et pourquoi ? Et comment il a fait sans voir Amour ? Corbeau en avait les larmes aux yeux. Kikol eut un sourire un peu désolé en voyant son trouble.
« — Patience, je ne suis encore sûr de rien. C'est un marché... Par correspondance, vois-tu ? Mais en tout cas, on dirait que ça va mieux. Tu veux de la compagnie, ou je retourne à mon propre lit ? »
Pris de court par la question, Corbeau ne put s'empêcher de détourner le regard, contenant du mieux qu'il pouvait ses rougissements. Un peu de tenue, que diable. Il était général et le plus puissant mage cryomancien de sa génération. Il ne manquerait plus qu'il tombe en pâmoison devant un homme comme une adolescente en chaleur. Même si l'homme s'avérait être Kikol, objet de ses pensées, assis au bord du lit avec un regard qui tenait plus de l'amusement qu'autre chose.
Malgré tout, la proposition était on ne peut plus alléchante. Alors Corbeau soupira, avant de se décaler un peu pour lui laisser de la place... Non, pas dans le lit ! Au bord du lit. Pour qu'il s'y assoie. Rien de plus.
Kikol prit son mouvement pour un oui, et se posa au bord du lit, juste à côté de la cage thoracique de Corbeau. Qui, mécaniquement, tourna la tête vers la ville, qu'on pouvait apercevoir de sa fenêtre. Elle était belle, la ville, le soir, illuminée autant par l'électricité que les luminaires magiques. Une chance que Baku ait placé son lit à côté de la fenêtre. Ainsi, il pouvait voir les derniers rayons du soleil s'étendre sur les toits des maisons les plus éloignées. Et se distraire un peu de l'entêtante présence à son côté. Présence qui posa sa main sur les draps, à deux centimètres de la peau de Corbeau.
« — Qu'est-ce que tu regardes ? »
Oh. Vite, une excuse. Heureusement, vraiment, qu'il y avait la ville à côté.
« — La ville. Les dernières lueurs du couchant qui se mêlent aux luminaires artificiels. Le contraste entre naturel et civilisation... »
Il n'avait pas prévu de partir dans une telle envolée lyrique, mais Kikol ne s'en formalisa visiblement pas. Il se contenta de lancer, dans un ton plus amusé qu'il ne le voulait sans doute :
« — On est bien poétique aujourd'hui !
— Ce doit être l'ennui, répondit Corbeau avec précipitation, ravi de son potentiel pour se trouver des excuses. L'ennui et la fatigue. Ça nous rend souvent plus poétiques. Tu n'as jamais remarqué ?
— Je ne sais pas, fit Kikol avec une petite moue. Je n'ai pas tellement eu l'occasion de m'ennuyer ces dernières années. »
Corbeau n'en revenait pas de l'opportunité qui se présentait juste sous son nez. Et de la volonté qu'il avait à la saisir. Après tout ce n'était pas comme s'il allait perdre tout sentiment d'ici peu de temps, pas vrai ? Ou bien c'était à cause du remède de Redemane ? Mais était-ce vraiment Redemane derrière tout ça ? Tout ça pour en revenir à l'ouverture immense que Kikol lui laissait. Une idée naissait dans son cerveau. Après tout, ça ne pourrait pas faire de mal...
« — Tu devrais essayer de t'ennuyer, parfois. C'est dans l'ennui qu'on trouve les meilleures idées. Et si tu es malade, tu ne pourras pas faire grand-chose d'autre, pas vrai ? »
Kikol sembla sur le point de dire quelque chose, avant de se raviser, et de soupirer.
« — Je ne comprends pas trop pourquoi il faudrait s'ennuyer, mais bon, comme tu veux. Je suppose. »
Le sourire qui déchira les lèvres de Corbeau n'était pas de son fait. Mais il ne fit rien pour le retenir. La meilleure partie de son plan, de l'opportunité ouverte par Kikol, approchait à grands pas.
« — En effet, il vaut mieux que tu expérimentes. Tu viens t'installer ? Je vais te mettre sur la voie... »
Kikol eut un léger sursaut de surprise, mais il ne dit absolument rien. Au contraire, il ne se fit pas prier pour se caler bien plus confortablement dans le lit, allongé près de Corbeau avec un léger soupir, les yeux tournés vers la fenêtre. Et comme Corbeau était entre lui et la fenêtre, il pouvait sentir le poids de son regard sur lui. C'était perturbant. Mais comme à son habitude, il n'en montra rien.
« Et maintenant, regarde. Les lumières dehors, le ciel, les arbres des places agités par le vent. Les couleurs. La beauté du paysage. Ne pense plus à rien d'autre, contente-toi de te laisser emporter... »
Les traits de l'illusion de Kikol se détendaient au fur et à mesure que son ami parlait. Il était près de s'endormir, mais Corbeau ne pouvait plus s'arrêter. Il se sentait tellement bien, là, dans un lit, ne pensant plus qu'à son confort actuel et à la compagnie qu'il avait. Plus rien ne l'atteignait. Plus rien ne le dérangeait. Il parvenait sans mal à s'en convaincre, et sentait ses prises sur sa conscience se relâcher petit à petit, prêt à se laisser emporter dans un doux sommeil. Les yeux fixés sur Kikol. Qui le regardait aussi. Quoi de mieux ?
Oui. Quoi de mieux, songea t'il alors que ses yeux se fermaient, sa conscience emportée par le doux vent frais balayant la pièce.
Le soleil était à peine levé lorsque ses yeux s'ouvrirent. Mais ce ne fut pas la faible lumière de la pièce qui avait fait émerger Corbeau, ni le léger brouhaha du passage des médecins dans les chambres des autres atteints. Non, on pouvait plutôt dire que c'était le contact de sa joue contre ce qui ressemblait fort à un vêtement de velours bien connu, passé sur un torse dont il pouvait sentir les côtes. Et la sensation de ses propres bras, refermés sur la manche de ce même vêtement.
Il leva les yeux. Et cette fois, toute la bonne volonté du monde ne parvint pas à empêcher ses joues de rougir. Oui, c'était bien le visage de Kikol, détendu comme celui d'un enfant endormi, la fleur frémissant toujours dans son orbite, bien que semblant un peu plus faible. Il avait bel et bien passé la nuit dans ses bras.
Quelques mouvements précis suffirent à le faire se dégager, et mort de honte, il se leva de son lit, avant de s'étirer par réflexe. Une pluie de cristaux tomba sur le sol, dans un tintement angélique à ses oreilles, et il se crispé. Était-ce bien le bruit de cristaux de glace ? Mais alors, qu'en était-il des...
Il baissa les yeux. Plus la moindre fleur. Elles étaient toutes en poussière au sol, mêlées à des cristaux de glace et quelques gouttes de sang. Il ne sentait plus la moindre douleur. En fait, il était même au summum de sa forme.
Le miracle lui força sur le visage un large sourire. Le remède de Kikol, quel qu'il soit, avait fonctionné. Il était guéri, guéri, et au jugé des battements de son cœur à la vue de l'homme étendu sur le lit, paisible et endormi, il n'y avait rien perdu du tout. Il fallait en informer Baku immédiatement. Est-ce que ce dernier était seulement dans son bureau ? Autant aller vérifier, non ?
D'un pas leste, il se dirigea vers le bureau du soigneur, et poussa la porte sans difficulté pour y trouver un Baku avec des cernes impressionnants, le nez enfoui dans une liasse de rapports médicaux, un bâillement au coin des lèvres mais aussi un air incroyablement satisfait. Il releva à peine les yeux en entendant Corbeau arriver, grommelant :
« — Corbeau, j'ai du travail en retard, ça a intérêt à être de bonnes nouvelles ! »
Malgré le grognement, le général de Wattpadia avait bien saisi la nuance joueuse du ton de son roi. Quoi qui l'ai mis en retard cette nuit, il y avait pris du plaisir. Et ça avait visiblement calmé sa mauvaise humeur coutumière, vu qu'il n'avait même pas attendu une nouvelle phrase de Corbeau pour reposer ses dossiers et se tourner vers lui, souriant.
« Alors dis-moi tout ? »
Essayant du mieux possible de ne pas déborder de joie, Corbeau releva sa manche, dévoilant son poignet vierge de fleurs. Les yeux de Baku s'écarquillèrent.
« — Mais... Que... Quand.... Comment ?!? Il s'est passé quelque chose avec Kikol pendant que j'étais occupé ?!? »
Corbeau remarqua qu'il avait légèrement buté sur le terme « occupé ». Et aussi qu'il n'avait rien entendu. Et Baku qui n'avait rien entendu de ce qu'il se passait dans la pièce à côté...
Oh, seigneur Créateur. Que s'était-il passé pour lui ?!?
Son visage refroidit d'un coup, avant d'atteindre une température au-delà du supportable. Sans aucun doute, ses joues avaient pris une couleur plus vermillon que les yeux du soigneur énervé. Cacher ça, vite. Il ne fallait pas que Baku devine sa rougeur. Sa tête trouva une place toute naturelle entre ses mains, un abri de fortune qui serait néanmoins suffisant. Mais pas assez rapidement pour surprendre le sourire en coin du médecin, l'air ravi d'avoir trouvé un terrain d'attaque.
« Eh bah alors ? Il s'est passé quoi, dis ? La seule solution que je voie étant une preuve d'amour sincère... Et on connaît tous ses classiques, pas vrai Corbeau ? »
Ce dernier se mit à marmonner pour lui, espérant que Baku n'entendrait pas ses borborygmes inintelligibles. Et son image alors ? Quelle image il allait donner à son roi s'il ne conservait pas cette maudite façade qu'il avait passé tant d'années à élaborer ! Mais dans sa panique, il avait oublié un détail : Baku entendait tout.
« Tiens tiens, donc il s'est bien passé quelque chose. Me cacherais-tu des détails croustillants ou bien Kikol a-t-il fait sa petite affaire pendant que tu dormais ? »
Sa petite affaire ?
Pendant que Corbeau dormait ?
Était-il possible de seulement rougir davantage ?
Etonnamment, cette gêne donna une nouvelle force à Corbeau. Baku voulait des détails croustillants ? Il allait en avoir pour ses frais.
« — Je doute qu'il n'ait pratiqué avec moi la même activité que toi lorsque tu dis mettre tes dossiers en retard, votre Majesté. A quelle heure est passée Lina cette nuit, dis-moi ? »
Loin d'être gêné, le soigneur eut un petit sourire, qui fit perdre tout espoir à Corbeau de faire tomber le sujet. Il soupira, et serra les pans de ses manches entre ses doigts. Foutu Baku.
« — Oups, grillé ! Dans tous les cas, tu m'as l'air de ne pas être très au courant, je vais donc poser la question au principal intéressé, tu veux bien ? »
Le sourire s'élargit encore, et Baku se releva de sa chaise, l'air tout guilleret, avant de se diriger vers la porte de l'infirmerie, suivi par un Corbeau vaincu. Il avait déjà vu ce comportement, des années auparavant, lors de cette nuit horrible où il avait dû se confesser à Kikol suite à un caprice de sa reine. Il savait qu'il était inutile de protester lorsque Baku avait cet air-là. Il ne cèderait pas.
Et peut-être que cette fois, ce serait pour le mieux.
Toujours guilleret au possible, Baku alla secouer Kikol, plissant simplement les yeux à la vue de la fleur toujours enfoncée dans ses orbites. Corbeau, lui, préféra regarder de loin. Ses joues chauffaient toujours, et il ne pouvait empêcher sa main de trembler. Particulièrement lorsque le médecin réveilla enfin l'endormi, et que ce dernier se redressa sur ses coudes, balayant la pièce du regard. Le cherchant, lui.
Baku eut un très, très grand sourire.
« Enfin debout, prince endormi, pas trop tôt ! Tu vas pouvoir m'aider à résoudre un petit mystère ! »
Il eut un large geste de la main en direction de Corbeau, le large sourire toujours sur son visage angélique.
« Notre ami commun que voici est de toute évidence guéri, et ça m'étonnerait beaucoup que ce soit grâce à Glace à en juger par la rougeur de son visage ! Peux-tu éclairer ma lanterne ? Pour le bien du diagnostic ?
Kikol plissa les yeux, semblant se demander qui il préférait entre le Baku énervé et celui qu'il avait sous ses yeux, en quête permanente de ragots. Avant de souffler, l'air de bien comprendre qu'il ne fallait pas trop lutter avec ce Baku-là. Corbeau, lui, était suspendu à ses lèvres. Mine de rien, il voulait savoir.
« — Il se pourrait, finit par marmonner Kikol, que Redemane m'ait aidé à établir un marché avec Amour. Mes fleurs devraient se faner d'ici peu. C'est tout.
— Et quel était cet accord ? »
Baku, malgré la lueur rieuse qui dansait au fond de ses yeux, venait de perdre son sourire. Et Corbeau le comprenait. Qu'avait bien pu promettre Kikol à Amour en échange de sa santé ? Et si c'était quelque chose qui poussait le royaume à sa perte ? Stupide crétin qu'il était ! Il lui avait pourtant dit non !
« — Assez simple. Elle redirigeait mon amour sur Corbeau, ce qui annulait automatiquement les effets de la maladie. Et en échange, elle disposera de mon âme à ma mort. Rien de plus. »
Baku se détendit un peu, alors que Corbeau lui se crispait de la tête aux pieds. Est-ce qu'il venait bien d'entendre ce qu'il venait d'entendre ? Est-ce qu'on pouvait voir ça comme... Une déclaration indirecte ? Et il était vraiment prêt à aller jusque-là, lui qui détestait tant l'amour ?
Un soupir du soigneur brisa ses réflexions confuses. Il l'aurait presque remercié. Presque, perce qu'il avait enchaîné sur une phrase qui n'était pas tellement à son goût :
« — Et pour en revenir au plus important, quelle est la preuve d'amour que tu as donnée à Corbeau pour que ses fleurs tombent, mais pas les tiennes ? »
Il avait recommencé à sourire, un sourire encore plus taquin que tout à l'heure, prêt à tirer l'information de Kikol par tous les moyens possibles. Kikol qui s'était crispé d'un coup.
« — Ce n'est pas ton affaire, seulement la nôtre. A ce que je sache, je ne t'ai jamais demandé à quel genre de jeu immonde tu t'adonnais avec le... Matériel que tu gardes dans ta chambre, si ? »
Aie, trois coups au but, se dit Corbeau en voyant que Baku avait fait silence. Mais ce dernier balaya d'un geste la remarque très claire sur ses apparentes pulsions sadomasochistes, son sourire toujours aux lèvres.
« — Heureusement que tu ne me demandes pas parce que je n'aurai rien à y répondre. En attendant, je trouve qu'il y a une petite différence entre savoir ça et savoir ce qui a pu guérir Corbeau, sauf si tu considères avoir fait un acte particulièrement sale ? »
Douché, Kikol ne pipa mot. Il se contenta de marmonner quelques mots plus ou moins rudes, élargissant encore le sourire de Baku. Il avait de toute évidence très bien compris le message. Mais par pur esprit sadique, il se pencha vers Kikol avant de lancer :
« — Pardon ? Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris ! Tu peux répéter de manière intelligible ? »
Kikol grommela, avant d'articuler, cette fois très clairement :
« — Il se pourrait bien que je l'aie embrassé possiblement... »
Silence. Rougeur de Corbeau qui ne savait plus du tout où se mettre. Sa main tremblait plus que jamais et son regard se fixait n'importe où. Sauf sur Kikol. Il ne voulait pas y penser. Seigneur Créateur, Baku allait le poursuivre avec ça pendant des semaines... Et en plus, il n'était même pas conscient ! Enfin, est-ce que ce n'était pas mieux ? Il n'aurait pas été sûr de ses actes s'il avait vraiment été conscient... Peut-être aurait-il fourni encore plus de matériel de ragots à ce soigneur forceur.
Soigneur qui se leva d'un coup, l'air absolument ravi par la tournure des évènements.
« — Eh bah voilà ! Je n'en demandais pas plus, moi ! Bon, c'est pas tout ça, mais j'ai des dossiers à finir, et de vos nouvelles à donner à Lina. Je vous laisse tranquilles pour la matinée, profitez-en bien !
— Tu vas reprendre tes activités nocturnes ? »
Baku haussa les épaules, son sourire toujours sur le visage.
« — Mais c'est qu'on est curieux ! Pour répondre à ta question, probablement pas, n'exagérons rien non plus ! Contente-toi de faire disparaître ces fleurs de Kikol en vitesse, tu connais la méthode maintenant, pas vrai ? »
Et il sortit, avant même que Corbeau ait eu le temps de lui jeter le sort qui le démangeait. Bon. Il aurait essayé, au moins.
Kikol était toujours assis sur le lit, l'air un peu gêné, que ce soit par sa confession ou par le sans-gêne de Baku qui planait encore dans l'air. Corbeau soupira. Il fallait bien qu'il prenne un peu les devants. Alors, il alla s'asseoir, le regard fuyant, juste à côté de Kikol. Laissa le silence s'installer. Réfléchissant à ce qu'il devait faire, maintenant. Comment se comporte un homme de quarante-quatre ans amoureux déjà ? Est-ce qu'il fallait avoir l'air sûr de lui ? Il n'avait plus eu de relations depuis Anaël, et c'était pendant son adolescence... Il avait peut-être l'air expérimenté comme ça, et bien plus mature que les autres voyageurs de son âge, mais il n'avait toujours aucune expérience en relations amoureuses adultes. Et on ne pouvait pas dire qu'il ait beaucoup de modèles ici, malgré le nombre de couples qui fourmillaient. Le plus sûr était limite Baku, mais il ne voulait pas prendre exemple sur lui après ça. Sinon... Tiens, que faisait Asura lorsqu'elle était assise à côté de Nru ? Ça, peut-être ?
Sa main se posa avec hésitation sur la cuisse de Kikol, mais contrairement à ce qu'il s'attendait ce dernier eut un sursaut de surprise, augmentant la rougeur des joues de Corbeau et lui faisant retirer sa main par réflexe. Ce dernier marmonna une excuse balbutiante, qui lui aurait fait honte en n'importe quelle autre occasion. Kikol répondit sur le même ton marmonnant.
« — Non... Ce n'est pas grave... J'imagine... »
La confusion et la honte imprégnaient l'atmosphère à un point tel que Corbeau n'aurait pas été étonné de les voir suinter sur les murs. Et il ne faisait rien pour les empêcher de s'installer, maintenant un silence pesant dans sa honte et sa confusion. Comment est-ce qu'on pouvait faire d'autre ? Et pourquoi Kikol ne disait rien ?
Il poussa un profond soupir. Autant dire ce qui était.
« — ...Merci. »
Le mot eut du mal à sortir tant il était crispé. Mais il savait que Kikol l'avait entendu, au jugé de son regard adouci. Ça le rassurait.
« — Je t'en prie, voyons ! Je n'allais pas risquer de perdre ton sale caractère pour ça ! »
Kikol pouffa, laissant l'atmosphère se détendre alors que Corbeau trouvait enfin le courage de le fixer dans les yeux. La fleur toujours dans l'orbite le fit tiquer.
« — Tu es sûr que ça va disparaître, ça ? »
Kikol haussa les épaules. Son sourire se fit plus taquin.
« — Baku a dit, preuve d'amour sincère. Donc je suppose que tu sais ce qu'il te reste à faire ? Ne t'inquiète pas, mon illusion est bien tangible ! »
Corbeau eut un petit rire. Avança doucement sa main, pour la glisser sur sa nuque. Il avait raison : C'était de la peau qu'il sentait sous ses doigts, de la peau froide et pétillante de magie, mais de la peau quand même. Il eut un sourire. Attendit un peu, histoire de se tester, de savourer le moment. Et enfin, s'avança.
Personne ne vint les troubler dans leur bulle de quiétude, pas même les bavardages des médecins s'occupant de malades encore atteints. Rien d'autre que la paix et la sérénité. Enfin.
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Voilà, Hanahaki Disease s'achève sur cette note de joie ! Je réécrirai peut-être la fin un jour, ou alors je rajouterai un chapitre bonus, moui, ça me semble bien un chapitre bonus. Mais pas de suite. Il va falloir se contenter de nos joyeux tourtereaux et se rappeler que le ship ne sera jamais canon..... :)
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