Thérianthrope !
Depuis que je suis né, j'ai toujours été un homme-félin, même avant d'en avoir la peau. Il se trouve qu'une partie de moi s'est accouché avant l'autre, mais c'est un sujet sur lequel je reviendrai plus tard. Aussi, quand je dis naissance, je parle de mon deuxième accouchement.
Il y a dans toutes les cultures des hommes-animaux qui se métamorphosent. Le nom savant en est thérianthropes, "animal et humain" suivant la racine grecque de ce mot. Mais là où j'ai grandi, on nous appelait galipotes. Homme-chien, homme-cheval, homme-renard, homme-chèvre, homme-oiseau... il y en avait de toutes les espèces, et quantités d'histoires qu'on racontait sur eux les soirs de veillées.
Nous sommes rares. Un pour dix mille humains tout au plus. Et le mystère autour de nous a fait naître bien des affabulations.
En mon pays, dans l'ancien temps, il était de tradition que les galipotes portent pelage blanc sous leur forme animale. Sans doute une habitude prise en cette région pour susciter l'étrangeté et la sidération des humains et nous protéger en nous distinguant de notre animal source.
Je suis né à la bascule entre l'ancienne culture, celle des mythes et légendes et celle de la rationalité radicale qui ne nous fait pas de place. Pourtant, je suis là et j'appartiens autant à l'ancien monde qu'au nouveau.
Ni mon père, ni ma mère n'étaient galipotes. Ils les craignaient. J'ai voulu me convaincre que les gènes en viennent de mon grand père maternel. Mais pour dire la vérité, rien n'atteste nulle part que le fait d'être thérianthrope soit génétique. Il se peut aussi bien que ce soit un pur phénomène d'élection naturelle. Mais, pour en revenir à mon grand-père, des mystères entouraient son histoire, disparaissant pour de longues périodes m'a raconté ma mère pour finir par être absent presqu'en permanence. Certes, je ne le connus jamais. Il est mort bien avant ma naissance. Il fut, une nuit, renversé par un véhicule. Par ouïe-dire, il s'est dit qu'il était sous sa forme animale, ce qu'évidemment aucun rapport officiel ne peut attester. Il ne mourut pas sur le coup, mais quelques jours plus tard, sous sa forme humaine. Nous mourrons toujours sous notre forme humaine. Au moment du trépas, l'animal s'efface. Cette partie de notre âme, la seconde à naître est aussi celle qui part la première. C'est pourquoi, il existe tant d'histoires en mon pays où les hommes, croyant avoir tué une bête blanche avec leur fusil de chasse ou en l'écrasant de leur voiture, apprennent le lendemain que leur voisin est mort des suites d'un coup de fusil reçu pendant la nuit, ou bien encore écrasé sur le bord du chemin.
Je suis un thérianthrope dans ma chair et dans mon âme. Ainsi en est-il !
Mon cher lecteur, pense à cela : parmi tous les chats que tu as pu croiser et que tu ne connaissais pas, étaient-ils tous vraiment des chats ? Y en eut-il qui furent des thérianthropes, ? Et peut-être mon chemin a-t-il croisé le vôtre?
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