Chapitre 5

Mois de décembre, dernière année de collège.

Période de Noël. Qui dit Noël dit fêtes, et qui dit fêtes dit vacances assurées.

Il n'était pas rare que la période scolaire s'arrête quelques jours avant la grande fête attendue par le monde entier. De ce fait, les vacances pour cette fois-ci, tombaient pile deux jours avant la fameuse fête qui réunissait nombre incalculable de familles.

Pour Yuji, ça se soldait aussi par une autre fête qu'il ne fêtait quasiment jamais : son anniversaire. Né le 23 décembre, ses parents préféraient le fêter en même temps que Noël pour faire des économies. Que des foutaises, puisque, pour le principal concerné, ils étaient juste radins quand on parlait de lui.

Vendredi 23 décembre. La neige tombait avec lenteur. C'était la dernière journée de cours avant la fin de l'année.

Comme chaque année depuis son entrée au collège, Yuji avait donné un cadeau au mendiant, et à Maria et Yoko, les deux femmes de ménage. De nature généreuse, il aimait faire plaisir à son entourage, s'il était proche d'eux, bien sûr.

Le midi vint. Dans la salle secrète, Yuji était allongé confortablement sur le futon, tandis que Murasaki lui parlait en continu, ou plutôt, se plaignait de ses camarades de classe.

Cela faisait quatre mois qu'ils se connaissaient et traînaient ensemble. Enfin, le plus jeune le suivait plus qu'autre chose ; disons que sa compagnie ne lui était pas désagréable. Et ce ne fut que lorsqu'il restait plus longtemps avec lui que le kohai s'était enfin rendu compte de sa naïveté concernant ses soi-disant amis.

« Si tu pouvais arrêter de te plaindre, ce serait juste le paradis, lâcha Yuji en soupirant.

— Mais tu ne m'as même pas écouté !

— Si, sauf que tu répètes la même chose depuis quinze minutes. Pour une fois dans l'année, au moins pour aujourd'hui, j'aimerais passer une bonne journée, alors évite de me la gâcher, s'il te plaît.

Murasaki se tut, et se tourna vers son senpai.

— Tu veux passer une... bonne journée ?

— Ça a déjà bien commencé, vu que personne n'est venu me faire chier. Pour une fois.

— Pourquoi aujourd'hui ? Pourquoi pas demain, par exemple ? Ou après-demain ?

— Parce que c'est aujourd'hui, c'est tout.

Yoshino réfléchit un instant, puis posant ses mains sur ses cuisses, il lui demanda :

— T'as eu un nouveau téléphone ?

— Non.

— Un nouvel ordi ?

— Non.

— T'es pris à Yuei par recommandation ?

— Je n'en suis pas fier mais oui. Et non, ce n'est pas ça.

— C'est parce que ce soir, c'est les vacances ?

— Mmh... ça joue dessus, oui.

— Parce que c'est Noël dans deux jours ?

— Bof...

— C'est ton anniversaire ?

Pas de réponse. Yuji ferma les yeux en retenant un soupir. Mais il savait que Murasaki avait deviné juste.

— Attend, c'est ton anniversaire, aujourd'hui ?

— C'est quand, le tien ?

— Ne pense pas pouvoir esquiver ma question ! Mais le mien, c'est le 7 juillet, senpai. Donc, c'est ton anniversaire ?

— Ouais... mais ne dis rien à personne, je suis sûr qu'ils viendront me déranger juste pour ça.

— Mais bon anniversaire, alors !

— Hum... merci. »

Celui aux yeux violets fit la moue, déçu. Rikimura lut inconsciemment dans son esprit, et se redressa en plantant son regard dans le sien.

« Pourquoi t'as l'air mécontent ?

— Je pensais que tu serais plus heureux que je te souhaite bon anniversaire, senpai.

— Oh ! Eh bien, je suis content que tu me le souhaites.

— Arrête d'être hypocrite et sois honnête.

Avec un air surpris, Yuji soupira ; il n'aimait pas l'hypocrisie, et c'était lui qui venait de l'être. Il releva la tête puis avoua :

— Tu as raison. Désolé, ça ne m'a jamais rien fait qu'on me souhaite un joyeux anniversaire. Ça me fait plaisir venant de toi, mais sans plus. D'ailleurs, t'es le premier de la journée à me le souhaiter.

Murasaki l'observa, puis lui fit un sourire.

— Tu déteins sur moi, senpai ! Mais je suis heureux que tu sois franc avec moi.

— Dis, Yoshino, je peux te demander quelque chose ?

Ce dernier se redressa pour être à l'écoute.

— Oui, Rikimura-senpai ?

Yuji s'assit sur le rebord du lit, les mains jointes devant lui, les coudes posés sur ses genoux. Il releva ses yeux noisette en direction de son ami, le regard sérieux, et lui demanda :

— Est-ce qu'un jour tu vas m'abandonner ?

.

.

.

.

.

.

.

.

— Je ne vois pas pourquoi je t'abandonnerais, senpai.

Visiblement, sa réponse n'avait pas convaincu l'aîné. Alors, Murasaki s'empressa de balbutier :

— En–enfin ! Je voulais dire... non, je t'abandonnerais pas, senpai !

— Pourquoi ?

Pris au dépourvu, le cadet fuyait son regard, les joues rouges, et bafouilla :

— T'es mon... meilleur ami... enfin, si tu me considères comme tel aussi... et... tu es toujours là pour m'aider... et...

« T'es quelqu'un qui compte beaucoup pour moi. Si seulement je pouvais te le dire... » pensa-t-il, sans se douter que Yuji lisait dans son esprit.

Ce dernier se redressa.

Murasaki l'aimait ? Il ressentait des sentiments pour lui, un garçon ? C'était impossible, ce n'était pas dans les règles de la nature.

— Tu es satisfait de ma réponse ? Demanda timidement Yoshino.

Rikimura sursauta, sortant de ses pensées, et répondit passant une main dans ses cheveux :

— Ouais... merci. »

Un silence gênant s'installa entre eux deux.

Yuji réfléchissait encore, lisant dans l'esprit du jeunot. Peut-être interprétait-il mal les choses ? Peut-être que Murasaki l'appréciait beaucoup, tout simplement ?

Ce dernier se releva soudain, puis s'exclama :

« Attends ! Je reviens !

Son aîné n'eut pas le temps de dire quoi que ce soit que celui aux yeux violets ouvrit la fenêtre et sortit.

— Yoshino ! On ne sort pas par la fenêtre !

— C'est bon ! On est au rez-de-chaussée !

Par flemme immense de se lever, Yuji s'affala à nouveau sur le futon en soupirant.

Il voyait mal Murasaki Yoshino être homosexuel ; c'était contre-nature, et très mal vu. Peut-être était-ce là l'éducation qu'il avait reçu : l'éducation clichée de parents riches et homophobes, qui veulent que tout aille de leur côté.

Et forcément, Yuji Rikimura était homophobe. Mais contrairement à eux, il n'allait pas le faire savoir à tout le monde sur cette planète. Non, tant que ça ne le concernait pas, il ne jugeait pas utile que les gens le sachent. En plus, il serait encore plus visé qu'actuellement, donc ça ne changerait rien à sa vie qu'on le sache.

Trouvé !! Entendit-il dehors.

Yuji se redressa et regarda par la fenêtre ouverte. Murasaki s'y engouffra à nouveau, un oiseau blanc entre les mains.

— Je t'ai dit de ne pas salir la salle, Yoshino, gronda son senpai.

— Je ne vais rien salir, t'en fais pas ! » Assura-t-il.

Ce dernier s'assit à la gauche de Yuji, et lui tendit le volatile.

« Tiens ! Joyeux anniversaire, Rikimura-senpai !

Celui-ci le fixa, étonné. Puis il reporta son regard sur l'oiseau, qu'il prit lentement de peur de le briser tellement il semblait frêle et fragile.

— C'est une colombe, expliqua le jeune garçon. Elle s'appelle Shiro.

— Pas très original comme nom, ricana-t-il.

— Tu peux la garder, comme tu peux la laisser partir. Elle m'a dit qu'elle acceptait de rester avec toi. Sauf si tu ne veux pas.

— Merci, ça me fait plaisir, vraiment. »

Là, par contre, il n'y avait pas plus explicite que ce geste.

Mais Yuji allait quand même la garder, même s'il ne partageait pas ses sentiments ; ce serait vraiment déplacé de le laisser partir.

___

[1 209 mots]

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top