Chapitre 3
Le soir venu, Yuji referma l'immense porte de sa demeure non modeste. Un des nombreux majordomes vint le saluer, mais pas n'importe lequel.
Romi était son nom. Grand, les cheveux noirs dressés en pic sur sa tête, et de petites lunettes rondes, possédant un alter à la fois loufoque et inutile, qui est de faire pousser de la fourrure sur du cuivre, il a servi les Rikimura depuis une vingtaine d'années.
De tous les majordomes, c'était le plus compréhensif, et le plus amusant. Connaissant Yuji depuis sa naissance, ce dernier aimait le voir sourire et s'épanouir, ce qui contrastait avec son humeur lorsque ses parents étaient là. Car si ceux-ci le connaissaient pour être un voyou malpoli, c'en était tout autre, et Romi voyait sa véritable facette : une personne calme, gentil et généreuse, quoiqu'un peu fourbe et sournois sur les bords.
« Bonsoir, Yuji-sama, salua courtoisement le majordome en s'inclinant. Avez-vous passé une bonne journée ?
— Bof, comme d'habitude, répondit ce dernier en se déchaussant. Et vous ?
— Parfaitement, Yuji-sama.
Il l'accompagna jusqu'à la salle à manger, où un plateau de viennoiseries venait tout juste de sortir du four. Romi aimait faire des viennoiseries durant l'absence de ses maîtres, et celles-ci étaient un véritable délice.
Yuji observa le plateau, puis émit un léger rire avant de se tourner vers le majordome et lui dire :
— Je vous l'ai déjà dit, Romi-kun : les viennoiseries, ça fait grossir. Et puis, je peux m'en passer, vous savez !
— C'est vrai, mais ça ne m'empêche pas de vous faire plaisir quand même. »
Le brun soupira et prit un croissant, se retournant pour aller dans sa chambre, Romi sur ses pas.
« Les parents rentrent à quelle heure ? Demanda-t-il en montant les escaliers.
— Très tard pour votre père. Et votre mère est encore en exposition en Europe. Elle reviendra dans la nuit, apparemment.
— Je vois. »
Il ouvrit la porte de sa chambre, puis posa son sac contre son bureau.
Sa chambre était plutôt grande et sobre. Le mur était peint en beige clair, et le sol recouvert d'une moquette grise. Son bureau bien ordonné présentait un ordinateur portable, un pot à crayons et des cahiers et livres correctement triés. Au fond, il y avait une porte menant à une salle de bain et à des toilettes personnelles.
Il finit son croissant et se lava les mains, puis s'installa pour commencer à travailler.
Comme à son habitude, le jeune Rikimura ne suivait que très rarement les cours. Mais ça ne l'empêchait pas d'avoir des notes excellentes, en dépit de son caractère de façade au collège. Il préférait largement étudier seul que d'être entouré d'élèves ternis par la puberté. D'où le fait qu'il soit légèrement en avance par rapport à eux sur le programme.
Bloquant sur un exercice de mathématique trouvé sur Internet, il se pencha sur sa chaise et dit :
« Romi-kun ! Vous pouvez m'aider, s'il vous plaît ?
— Bien sûr, Yuji-sama. »
Debout aux côtés de Yuji, le noiraud lui expliquait ce qu'il fallait faire, sans pour autant lui donner la réponse.
Souvent, Romi oubliait son statut de majordome, tout comme Yuji oubliait son statut de maître en sa compagnie – même s'il le considérait déjà comme son égal - et ils en venaient tous deux aux familiarités, laissant place au tutoiement.
Une fois les devoirs finis et après s'être pris une tasse de thé, Yuji et Romi s'installèrent devant une petite table où était mis en place un échiquier. Tous deux aimaient s'affronter à ce jeu, et souvent, c'était le majordome qui gagnait.
« Donc, tu t'es fais un nouvel ami ? Conclut le plus âgé en sirotant son thé fumant, observant son adversaire jouer.
— Ami n'est pas vraiment le mot qualifié pour ça ! Je dirais plutôt un... camarade.
— C'est comme ça que tu appelles tous ceux qui te dérangent au collège, Yuji-sama.
— Bon ! Donc, c'est plus un ami, comme tu le dis si bien ! »
La porte s'ouvrit soudainement, interrompant la discussion et le jeu. Un homme aux cheveux châtains fit irruption dans la pièce ; Makoto Rikimura, le propriétaire des lieux, semblait assez énervé. Il jugea rapidement d'un regard méchant son fils, qui lui lança un regard similaire en perdant son sourire et sa bonne humeur, puis le reporta sur son majordome qui se leva prestement en s'inclinant respectueusement.
« Romi, tu n'es pas venu m'accueillir en bas, gronda-t-il sévèrement.
— Veillez m'excuser, Makoto-sama. Cela ne se reproduira plus.
— Je l'espère. Et tâche de ne pas rester trop proche de Yuji, il déteint sur toi.
— C'est pas comme si toi, tu étais aussi sympathique avec eux que tu l'es avec moi ! Lança le fils Rikimura juste pour le provoquer.
— Tais-toi ! Au lieu de jouer avec ce pauvre homme, tu devrais continuer tes cours de piano !
— N'insulte pas Romi-kun de la sorte !
Ils s'échangèrent un regard orageux, avant que Romi ne les interrompe en déclarant :
— Veillez m'excuser à nouveau, Makoto-sama. Je vais de ce pas retourner à mes occupations. Mais je vous prie de ne pas importuner Yuji-sama de la sorte ; il a eu une longue journée, et...
— Ne prend pas sa défense ou tu es viré, Romi ! Coupa le châtain en le fusillant du regard.
— B–bien, Makoto-sama.
Le noiraud se redressa et lança un regard désolé à Yuji, avant de se reprendre et descendre. Makoto, lui, se tourna vers son fils cadet, et lui dit :
— Après le dîner, on continuera l'entraînement de tes techniques de combat. Tu dois être prêt pour ton entrée à Yuei.
— Et si je ne veux pas ?
Cette fois, il avait ouvert la bouche uniquement pour lui dire son ressenti, et non pour le provoquer comme il en avait l'habitude. Car quelques semaines auparavant, durant le dîner, une discussion familiale sur l'avenir du jeune homme s'est transformée en une véritable dispute, simplement parce que Yuji voulait devenir professeur. De là, son père lui a craché qu'il était déjà inscrit à Yuei par recommandation, et qu'il voulait de lui qu'il devienne aussi talentueux que son fils aîné, lui étant déjà à sa dernière année à Yuei.
Le châtain lui lança un regard dédaigneux, et dit simplement :
— Ne me fais pas attendre, après le dîner, ou tu le regretteras. »
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