Chapitre 14
Mois de mai, première année de lycée.
Devant son miroir, Yuji nouait sa cravate verte autour de son cou. Il prit ensuite le pot de gel, et décida de s'en appliquer une couche, juste pour faire bonne impression ; c'était le premier jour de la rentrée, après tout.
Avec sa main libre, il visualisa la forme de ses cheveux, puis passa sa main pleine de gel dans sa touffe brune, relevant légèrement sa longue frange pour ne pas qu'elle se retrouve complètement plaquée contre son crâne. Lorsqu'il fut satisfait du résultat, il se lava les mains, saisit sa veste et son sac de cours, puis sortit de sa chambre en la verrouillant.
Une fois au rez-de-chaussée, il entra dans la salle à manger. Son père était attablé, une tasse de café fumante devant lui, une tartine à la main, et l'autre tenant son téléphone. Il regarda à peine son fils qui passa le plus loin possible de lui, s'asseyant également à une distance que ce dernier jugeait convenable.
Yuji aurait voulu manger seul en compagnie de son majordome préféré. Celui-ci lui aurait sans doute fait la conversation avec gaieté, lui priant de manger à sa faim.
En parlant du loup, Romi vint lui servir un petit-déjeuner assez copieux. Ils se lancèrent un bref regard complice, avant de faire comme d'habitude.
Son père était déjà attablé, un journal dans les mains. Il ne prit même pas le temps de lever le nez, sachant très bien qui venait d'arriver.
Aucun bonjour, aucun mot. C'était trop calme, trop pesant. L'adolescent ne se sentait pas à l'aise. Il voulait partir au plus vite.
Et c'est ce qu'il fit. Il salua gaiement le noiraud, ignorant royalement son père, et sortit rapidement avant que ce dernier ne lui fasse de reproches. Enfonçant ses écouteurs dans ses oreilles, il marcha assurément en direction de son nouveau lycée.
Cette fois, il était décidé à rayer son passé, et à tout reprendre de zéro. Même si c'était un lycée qu'il ne souhaitait pas intégrer, et en plus dans une filière où il ne voulait pas y être, il comptait bien faire de ses trois prochaines années une scolarité inoubliable.
Et c'est avec assurance qu'il arriva devant l'immense bâtiment du plus prestigieux lycée de super-héros du Japon.
C'était ici que tout allait commencer.
Après avoir monté une série de marches interminables, Yuji repéra enfin sa classe : la 1-A. Il s'y rendit lentement, puis ouvrit la gigantesque porte.
Plusieurs élèves étaient déjà présents. Certains discutaient entre eux, d'autres étaient assis à leur pupitre, regardant les autres. Quelques uns tournèrent les yeux vers la porte pour voir qui était le nouvel arrivant, avant de reprendre leurs occupations.
Yuji ne s'attarda pas plus longtemps, et chercha sa place activement. Il se situait au deuxième rang en partant du fond de la salle, et à au deuxième rang en partant de la fenêtre. Il posa son sac et tira sa chaise avant de se laisser tomber lourdement sur celle-ci.
Il sentit soudain un regard le fixer, et se tourna un peu partout pour savoir d'où il venait. Un jeune homme aux cheveux gris le dévisageait. Yuji n'eut pas le temps de lire dans son esprit qu'une jeune femme fit son apparition dans la salle de classe, et frappa dans ses mains pour intimer le silence.
Tous les élèves se levèrent en signe de respect, certains retournant vite-fait à leur place. Et sous les ordres de la femme, les jeunes gens se rassirent.
Elle n'était pas très grande. Des cheveux blancs lui arrivant au-dessus des épaules, attachés à moitié, avec une mèche rebelle rose se dressant sur sa tête, de grands yeux d'un bleu clair envoûtant, de longs cils souples, un visage fin et brillant, une peau mate, de fines lèvres et un visage enfantin. Son corps semblait être plutôt gâté par la nature, avec ses fines courbes et ses magnifiques formes pour lui donner une allure de déesse. Elle était la femme parfaite, masquant toute trace de vieillesse avec son visage reflétant la jeunesse ; le rêve de toutes les femmes.
Elle était vêtue d'un kimono sans manches rose clair aux bordures rouges, avec un décolleté dévoilant le début de sa poitrine assez rebondie, le vêtement lui arrivant à vingt centimètres au dessus des genoux, et noué par un double ruban, l'un noir, l'autre rouge. Elle portait de longues chaussettes beige clair atteignant la moitié de ses chevilles, et des paires de zori rouge et noir. Une écharpe bleue marine venait compléter le tout, de même pour un foulard noir dans ses cheveux.
Des ailes blanches se détendirent dans son dos, lui donnant un air encore plus angélique.
Avec un sourire radieux, elle se présenta :
« Je suis Fuyuka Sumire, votre professeure principale pour cette année ! Bienvenue, chers élèves de 1-A !
Sa voix était divine, enfantin sur les bords, mais professionnelle à la fois.
Elle fit d'abord l'appel, puis fit ensuite un petit discours où elle expliqua le fonctionnement des cours, la présentation de leurs professeurs dans chaque matière, et le test d'alter qu'ils devront effectuer dans l'heure.
— Bien ! Si vous avez des questions, ou des remarques à me faire, n'hésitez pas !
À cette dernière phrase, plusieurs mains se levèrent, et lui posèrent différentes questions, auxquelles elle y répondit patiemment et avec un sourire : ainsi, ils surent que son nom de code était Griffin, avec pour alter Furie du Griffon, qu'elle avait 27 ans, et qu'elle était célibataire.
Au bout d'un moment, l'adolescent aux cheveux gris leva expressément la main. Étant la dernière question auquel elle allait répondre, la jeune femme l'interrogea, et celui-ci demanda :
— Sumire-sensei, pourquoi un lycée formant des héros accueille-t-il des vilains dans son enceinte ? »
Cette question refroidit immédiatement la classe. Tous se tournèrent vers celui qui avait posé la question, situé au premier rang, excepté Yuji.
En entendant ça, ce dernier posa ses coudes sur sa table, et prit sa tête entre ses mains. C'était impossible. Il ne savait même pas qui c'était.
« Yuei accueille tout élève en capacité de pouvoir devenir un héros un jour, expliqua la professeure, pensant que le sujet serait clos par la suite.
— Mais vous avez fait une grossière erreur d'accueillir un élève qui peut potentiellement devenir un vilain, sensei.
Nouveau silence. La jeune femme cligna des yeux, puis reprit :
— Supposons que l'élève dont tu parles se trouve dans cette classe. Il ne le montrera pas, et puis, ses agissements nous alerteront immédiatement de ce qu'il...
— Le collège Natsuma à Tokyo, ça vous parle ?
Les élèves se mirent à chuchoter entre eux. Bien sûr qu'ils connaissaient ce collège, il est passé à la télévision lors de l'incident.
— Je viens de ce collège, et l'élève qui a causé cet incident était dans la même division que moi.
Yuji commençait à trembler. De la sueur coulait de son front, et sa respiration s'accélérait petit à petit. Il ne voulait pas en entendre plus. Il avait décidé de rayer cette partie de sa vie...
— Cet élève possède deux alters, l'un de télépathie, et l'autre plus dangereux. Vous savez ce qu'il nous a fait ?
Non... Il ne voulait pas...
— Avec son deuxième alter, il a rendu fou tout le collège. Certains sont même morts en tentant de fuir du bâtiment. Et moi ? J'ai encore un suivi psychologique à cause de ça.
Il voulait qu'il s'arrête... Qu'il se taise...
— Vous voulez savoir son nom, je suppose ? C'est Yuji Rikimur...
— Ça suffit !! »
Yuji venait de hurler ça sans s'en rendre compte. Tous les yeux bifurquèrent vers lui, le fixant avec surprise et mépris. Le brun releva lentement la tête, et sans même avoir le besoin de lire dans leur esprit, il comprit qu'ils avaient compris : c'était lui l'élève accusé de devenir un potentiel vilain.
***
Enfin rentré, Yuji ferma la porte mollement derrière lui. Son majordome favori, Romi, vint l'accueillir en s'inclinant, et lui demanda :
« Bienvenue chez vous, Yuji-sama. Comment s'est passé votre première journée de cours ?
— Une catastrophe, répondit ce dernier en se déchaussant.
— Ah bon ? Pourquoi donc ?
— Ils savent que je suis celui qui a plongé tout un collège entier dans la folie. Ils me prennent pour un vilain, me méprisent et n'osent même pas s'approcher de moi.
— Allons, ça se calmera dans les semaines à venir. Venez prendre un croissant, c'est moi qui les ai confectionné.
— Merci Romi-kun, mais j'ai besoin d'être seul pour le moment.
— Si vous voulez parler, je suis là, n'hésitez pas. »
Yuji acquiesça puis monta dans sa chambre. Il s'assit à son bureau en soupirant, et passa ses mains dans ses cheveux, les ébouriffant au passage.
Ce garçon avait étudié au collège Natsuma. Il savait qui il était. Et il n'avait pas hésité à le dénoncer à tous.
D'un côté, Yuji le comprenait ; il était le traumatisme de presque deux cents personnes. Donc, la réaction de ce garçon était totalement normale.
Mais le fait est qu'il l'avait dénoncé aussi facilement et méchamment.
Dans tous les cas, Yuji Rikimura ne pouvait plus fuir son passé, qu'il devrait le subir désormais tous les jours pendant trois ans.
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