chapitre 8
Regarder. Pourquoi les aiguilles de l'horloge mettent autant de temps à avancer ? C'est une torture de rester à la boutique quand il n'y a personne. Voilà deux jours que je sors avec Jake et il est déjà absent pour quelque raison. Je m'ennuie, je ne peux pas danser et Dez fait un stage auprès d'un réalisateur que Jimmy Starr lui a trouvé, enfin Trish a étrangement choisi de travailler aujourd'hui. Elle a pris la résolution de prendre ses jobs au sérieux, pourquoi aujourd'hui ? Mon père s'est encore enfuie pour flâner quelque part et pour couronner le tout il pleut ! Le ciel me punit aujourd'hui ! Rien de mieux que la musique pour passer le temps. On frappe à la porte, un gars louche, caché sous une large capuche essaye d'entrer. Un voleur ?
- Ally !
Il connaît mon prénom ! Dans ce cas ... Un stalker ? Je m'empare d'une guitare, prête à riposter à chaque instant. Il continue de frapper frénétiquement contre la porte vitrée me priant de le laisser rentrer pour échapper à la pluie torrentielle.
Moi : Qui êtes vous !?
Il enlève sa capuche. Ah ... Blondinet ... Je déverrouille et le laisse entré lui interdisant de marcher hors du paillasson qui s'imbibe d'eau. Je reviens dans le magasin, serviette à la main que je lui balance à la tête.
Moi : Qu'est-ce que tu fais là ?
Austin : C'est une longue histoire ... Je me promenais seul quand il a plut ...
Waouh quelle histoire ! J'en suis toute remuée ... Je secoue la tête, désespérée, on ne pourra jamais rien faire lui, c'est un cas perdu. Il garde la serviette sur les cheveux et se déchausse avant de faire un pas à l'intérieur de magasin. Je suis bonne pour un coup de serpillière ...
Austin : Tu faisais quoi ?
Moi : Rien ...
Austin : Ah ... Et si on faisait de la musique pour passer le temps ?
Je le regarde silencieuse. Il peut avoir de bonnes idées de temps en temps. Je me dirige vers la batterie et m'empare des baguettes.
Moi : Je pense être capable de jouer de la batterie, après tout c'est comme la danse ! Il suffit d'avoir le rythme dans la peau !
Il acquiesce d'un mouvement de tête et prend une guitare électrique avant de se placer face à moi. Je tente quelques battements et il joue quelques notes. Le rythme vient naturellement et plus nous jouons, plus c'est intense. Comme la danse, ma tête est vide, il n'y a que la musique. Je lui jette de temps en temps un coup d'œil et quand il l'intercepte, il m'offre un large sourire. Je ris. Tout est tellement naturel quand il est là, c'est la magie de son idiotie je suppose. Le rythme s'intensifie quand une vive douleur à l'épaule me fait lâcher les baguettes. Je me tiens le dos avec la main droite calmant la douleur en la massant. Blondinet fait passer la guitare dans son dos et court vers moi.
Austin : Tout va bien ? Tu devrais faire plus attention ! Tu n'es pas totalement guérie.
Je souris, crispée. Je m'assieds sur le banc du piano. Le bleu est encore bien présent et mes nerfs sont toujours tendus le long de mon cou. Il s'assied à côté de moi et ouvre le capot révélant les touches blanches et noires de l'instrument. Un frisson me parcourt le corps.
Austin : Ca sera moins douloureux pour toi !
Moi : Je ne sais pas jouer ...
Austin : Mais si tu vas voir !
Il me prend la main droite et un courant électrique me traverse. Ce sentiment ... Je sers la mâchoire. Il me montre les touches que je dois frapper puis commence à jouer.
Moi : Ca ne sonne pas si faux que ça !
Austin : Ca me rappelle de nombreux souvenirs, et toi ?
Moi : ... Rien ...
On joue un de ses titres. Without you. J'ai écouté son album hier pour imaginer quelques chorégraphies pour son concert mais rien ne m'est venu. On dévie de plus en plus de sa chanson, il part en improvisation. Je me sens irrésistiblement attirée par le piano, il m'appelle. Mes doigts dévient des touches qu'Austin m'avait indiqué et je joue ma propre mélodie, les yeux fermés, inévitablement je me laisse emportée. Lorsqu'enfin je le remarque, je m'arrête et regarde mes doigts un instant avant de plonger mes yeux dans ceux d'Austin, bouche bée.
Austin : Ally ! Tu n'as pas perdu ton talent ! Ton corps se souvient que tu es une superbe pianiste !
Je détourne mes yeux et retire ma main de l'instrument que je sers contre mon torse.
Moi : Ca doit être ça ...
Je me lève et m'éloigne de l'instrument.
Moi : Et si on pensait aux chorégraphies pour ton concert !?
Austin : Mais tu ne peux pas danser ...
Moi : Il me reste un autre bras et deux jambes ! Je peux faire beaucoup avec juste ça !
Austin : Dans ce cas, je te suis !
Il sort son Ipod de sa poche, le branche sur l'enceinte derrière le comptoir et la musique jaillit de chaque coin du magasin. Le premier morceau est Heard it on the Radio. Je fais quelque pas, il en ajoute. Il exécute les figures que je ne peux pas faire et petit à petit on y arrive. On est sur la même longueur d'onde. Rapidement, les chansons défilent, les chorées s'enchaînent naturellement, simplement. On termine l'un contre l'autre sur Illusion. Je me décale rapidement de lui et monte dans le studio chercher à boire. Je vide d'une traite ma canette de soda et lâche un rot qui étonne la star.
Moi : Jaloux ?
Austin : Attend d'entendre le mien !
Il finit sa canette et se concentre en fixant un point sur le mur d'en face. Soudain, un son grave et caverneux sort de sa bouche.
Moi : Je m'incline pour cette fois !
On rit et il me passe un bras autour du cou, amicalement. Je ne dis rien.
Austin : Passé des moments comme ça avec toi, ça m'a manqué !
Moi : On faisait des concours de rot ?
Austin : Non ... Mais ça me plaît bien !
Je souris. Affalés dans le canapé, on regarde le plafond ne sachant plus quoi faire, plus quoi dire. Le magasin est fermé cet après-midi. Son parfum, je peux le sentir. Son bras devient plus lourd sur mes épaules, je le regarde du coin de l'œil. Il s'est endormi. Je me lève en veillant à ce qu'il ne tombe pas et redescends dans le magasin où mon père vient de rentrer par la porte de service. Je le prends dans mes bras pour lui souhaiter la bienvenue.
Lester : Ca va ma chérie ?
Moi : Austin est en haut.
Lester : Est-ce que ...
Moi : Non ne t'inquiète pas !
Il pose sa sacoche sur le comptoir et ouvre le tiroir-caisse pour compter le liquide.
Lester : As-tu réfléchis à ce que je t'aie dit il y a quelques jours ?
Ce qu'il m'a dit ? Ah ... J'étais tellement occupée que j'avais totalement oublié !
Moi : Donne moi encore un peu de temps pour y réfléchir ...
Lester : D'accord ma chérie mais ne tarde pas trop non plus !
Moi : Promis ! Merci pour tout ... Je sais que c'est difficile pour toi ...
Lester : Je comprends tu sais ... C'est toi qui endure le plus et qui devra encore subir toutes les répercussions, je ne peux qu'être patient et te soutenir !
Je le sers dans mes bras puis remonte au studio où blondinet dort encore. Je m'assieds dans un fauteuil et le fixe. Est-ce que j'attends qu'il se réveille ou bien dois-je lui jeter un sceau d'eau à la figure ? Le temps passe plus rapidement que je ne le pensais. Que vais-je faire ? Un filet de bave coule du coin de sa bouche. Il est dégoûtant ! Vraiment ! Je ris. Quel imbécile ! Je m'empare d'une serviette et m'approche silencieusement de lui. On dirait un enfant, je lui essuie le liquide tout en m'asseyant à côté. Sa tête tombe sur mes jambes, ses cheveux me chatouillent les cuisses. Ses cheveux blonds sont fins et souples. J'emmêle mes doigts avec sa tignasse, c'est amusant. Je jette un œil derrière moi, le ciel est noir, le vent souffle fort. La météo a prévu de violents orages pour la fin de semaine. Je soupir. Enfermée toute la journée, sans rien pouvoir faire ... Ca va être long ! La porte s'ouvre brusquement et je me lève laissant Austin s'étaler sur le sol. Kim entre les larmes aux yeux. Je cours la prendre dans mes bras et vois Mac et Chris derrière.
Moi : Qu'est-ce qu'il se passe ? Vous avez rompu ?
Pas réponse. Ca m'exaspère quand on ne me dit pas ce qu'il se passe. Les garçons baissent les yeux, Kim tente de parler mais ses mots sont engloutis par ses sanglots. Austin s'approche.
Mac : C'est Jake ... Il est à l'hôpital ...
Je ne bouge plus. Je ne calme plus Kim qui explose de nouveau en larme dans mes bras. Je regarde juste mon ami droit dans les yeux, l'obligeant à répéter de nouveau ce qu'il vient de me dire.
Mac : Il est dans le coma.
Les battements des machines résonnent dans la chambre d'hôpital. En retrait, je la regarde. Assise à côté de son lit, lui tenant la main, silencieuse. Ses amis sont en face, silencieux eux aussi. Je grince des dents, sers les poings. Ma poitrine se compresse anormalement. Plus je me rapproche d'elle plus j'ai l'impression qu'on s'éloigne ! Le temps passe et sa mémoire n'est pas de retour ... Elle va finir par partir sans se souvenir de nous ! Elle pose sa tête sur le matelas, est-ce qu'elle pleure ? Je fais un pas vers elle, croise les regards de ses amis, m'arrête, me contentant de serrer un peu plus la mâchoire. Il n'y a pas que ça qui m'énerve ... Je ne sais pas pourquoi ... Mais il y a comme un orage en moi, quelque chose que j'essaye de contenir, que je dois contenir. Par impulsion, je me rapproche d'Ally et pose une main sur son épaule. Elle ne bouge pas.
Moi : Il va s'en remettre ne t'inquiète pas ...
Elle tremble sous ma main. Je m'accroupie, mon visage au niveau du sien. Je lui dégage quelques mèches de cheveux. Ses yeux sont clos mais aucune larme ne coule. Elle ne me repousse pas, elle s'est endormie. Du moins ça en à tout l'air. Je devrais la ramener chez elle avant que ce ne soit trop tard.
Moi : Je vais rentrer avec Ally, elle a aussi besoin de repos.
Mac : Attends !
Je regarde le danseur qui me fait signe de le suivre hors de la chambre. Une fois la porte refermée, il s'adosse contre celle ci et croise les bras. Je cache mes mains dans les poches arrière de mon jean et fais quelques pas.
Mac : Qu'elle est ta relation avec Ally ?
Je manque de m'étouffer. Je ne m'y attendais pas à celle là ! Ses yeux se plissent légèrement et ne me quittent pas. Je copie sa position sur le mur d'en face et lui rend son regard.
Moi : Ally est ma meilleure amie et ma compositrice, c'est tout.
Mac : Qu'est-ce que tu faisais chez elle ?
Moi : Pourquoi toutes ces questions ? Où veux-tu en venir ?
Mac : Réponds juste.
Je soupir, exaspéré.
Moi : On mettait au point les chorégraphies pour mon concert, c'est tout.
Mac : Tu la fais danser alors qu'elle est blessée ?!
Moi : iBen sure que non, elle donnait juste quelques idées ! Et puis ça ne te regarde pas ce que je faisais ou pas avec elle !
Mac : Bien au contraire ! Ally est aussi mon amie, notre leader et la petite amie de Jake ! Le passé ne compte pas pour elle !
Je grince des dents.
Moi : Je lui ferais retrouver la mémoire quoi qu'il arrive ! Rien ne vous empêche de continuer à trainer avec elle par la suite ! Maintenant tu m'excuseras mais je dois la ramener chez elle.
Je fais se décaler le danseur et entre dans la chambre. Je prends Ally dans mes bras et sors. Je ne la laisserai pas partir sans qu'elle se souvienne de moi, de Trish et de Dez.
Jake ouvrit les yeux. Chris et Kim se tenaient à côté de lui. Mac restait dans un coin, à l'écart.
Mac : Tu as ta réponse maintenant !
Kim : Il est clairement amoureux d'elle !
Jake serra ses poings. La rage s'empara de lui et elle n'était pas causée par le chanteur mais par sa petite amie. Elle n'avait pas pleuré, pas une fois. Elle n'avait rien dit. Elle lui avait juste tenue la main comme l'aurait fait n'importe quel ami. La porte s'ouvrit de nouveau, Kira Starr entra. Kim se releva étonnée, posant ses yeux alternativement sur la jeune fille et son ami d'enfance.
Jake : Je t'attendais.
La jeune fille sourit et s'avança, bouquet de fleur à la main.
Kira : Je ne pensais pas que nous pourrions nous entendre.
Le danseur lui rendit son sourire complice et accepta les fleurs qu'elle lui tendait.
Affalée dans le canapé, un pot de cornichon entre les jambes, je regarde la télé en marmonnant dans ma barbe inexistante. Il me poursuit. Partout je vais il est là, Austin Moon. Ses clips passent sur toutes les chaines. Mon père entre dans la pièce, cartons pizza dans les deux mains, il m'en donne une et s'installe à côte de moi.
Lester : Comment va Jake ?
Moi : Il est dans un coma léger, les médecins disent que ce n'est pas trop grave.
Lester : Tu n'as pas l'air d'être trop inquiète pour lui, pourtant c'est ton petit-ami non ?
Moi : Je n'ai pas le temps de m'inquiéter ... J'ai pas mal de chose en tête ces derniers temps ...
Je zappe de nouveau et tombe sur interview d'Austin, je mange un cornichon pour faire baisser ma tension.
Présentatrice : Austin Moon, votre concert approche ! J'ai entendu dire que vous alliez interpréter une chanson inédite ! Est-ce votre producteur ou votre ancienne compositrice Ally Dawson qui l'a écrite ?
Je fronce des sourcils, mon père me regarde. Je pose la pizza sur la table basse et me rapproche de l'écran en prenant appui sur mes genoux.
Austin : À vrai dire, je l'ai écrite ! Ally m'a toujours encouragé à écrire moi-même et j'espère qu'elle sera réussit et plaira à mes fans ! De plus, Ally fera partie du concert comme danseuse !
Je lâche mon cornichon. Il l'annonce comme ça à tout le monde ?! Je saisis mon portable et lui envoie un SMS avec mes ressentiments. Il me répond de suite.
De Blondinet à Ally, 20h32, jeu.16
" Je vois pas où est le mal ? C'est bien non ? Ca va faire décoller ta carrière de danseuse ! "
Je fronce des sourcils.
D'Ally à Blondinet, 20h33, jeu.16
" Et c'est quoi ces histoires de compositrice ?! "
Je reste agrippée à mon portable. J'aperçois du coin de l'œil une main autre que les miennes s'approcher de ma pizza.
Moi : N'y pense même pas Papa !
Il se renfonce dans le canapé nonchalamment. Je vibre.
De Blondinet à Ally, 20h35, jeu.16
" Tout ce que j'ai dit est vrai ! Je ne me retiendrai pas de parler de ton passé ! Je vais te faire retrouver ta mémoire ! "
Ca sonne comme une déclaration de guerre. Il est vraiment sérieux ... Un sourire en coin se dessine sur mes lèvres. Ce gars est un idiot !
D' Ally à Blondinet, 20h36, jeu.16
" Fais ce que tu veux ! "
Je saisie une part de pizza et regarde de nouveau la télé, je suis de bonne humeur maintenant.
Lester : Je ne comprends pas pourquoi tu sors avec Jake alors que tu aimes Austin.
Moi : Il me semble qu'on en a déjà discuté, je n'aime pas Austin.
Lester : Ta mère disait la même chose à propos de moi et regarde ...
Moi : Toi tu vends des instrument de musique à Miami et elle vit en Afrique pour étudier le comportement animal ... Vous n'êtes pas un exemple de premier choix sans vouloir te vexer !
Il rit et je lui donne une part de ma pizza. Je n'ai plus faim. Je le salue et monte prendre une douche. Je passe devant ma chambre dont la porte est ouverte, j'aperçois le piano électrique dans un coin de ma chambre, je m'arrête. Je plisse mon nez et tord ma bouche. Je repense à ce qu'il s'est passé aujourd'hui puis secoue la tête de droite à gauche. Je saisis mon portable envoie un message à Kim pour qu'elle me tienne au courant de l'état de Jake. Je ne sais toujours pas comment il s'est retrouvé à l'hôpital. Je fais couler l'eau dans la douche, attendant qu'elle devienne chaude. Je prends appuie sur le rebord du lavabo et me regarde dans la glace, droit dans les yeux. Face à moi même. Ma conscience, mon âme, se reflètent dans la vitre. J'affronte mon double, hideux. Cette partie de moi que je suis la seule à connaître. La seule à voir. Je reste un moment debout, immobile. Captivée par une conversation silencieuse avec moi-même. Regarder.
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