28.5 - 𝐋a ville de Lénine

wow ARE is getting historical.
(après le cours d'histoire du Japon pendant la week, je vous fait des cours d'histoire plus classiques dans ARE)
(et pourtant je n'ai aucune envie d'exercer le métier de professeure oups)

anyways j'espère que vous allez bien ! les cours, la situation, tout ça, j'espère que vous gérez assez bien et que vous êtes en bonne santé :)
je ne sais pas si vous aviez remarqué que je ne sais pas lire un calendrier, j'avais annoncé le prochain chapitre pour le 21 novembre alors que c'était le 28 novembre :')
(je vous le dit pour pas que vous croyez que je suis en retard 👀)
(la FSA l'est mais moi non 👀)

donc cette fois, je ne me trompe pas en vous annonçant le prochain chapitre pour le 12 décembre et je vous souhaite une excellente lecture ;)

ah, et ce chapitre est numéroté comme un bonus, mais il fait bien la longueur habituelle, et il aura une suite, parce qu'on ne peut pas résumer les catastrophes d'Atsushi à Oulianovsk en une seule fois ;)

⋆✩⋆

𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝐒𝐩𝐞́𝐜𝐢𝐚𝐥 - 𝐋𝐚 𝐯𝐢𝐥𝐥𝐞 𝐝𝐞 𝐋𝐞́𝐧𝐢𝐧𝐞
(première partie)

J+6
23 JANVIER

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Atsushi laissa échapper un petit hoquet de surprise lorsqu'il posa un pied en dehors de l'avion et que l'air glacial le frappa brutalement en plein visage. Avant qu'ils ne descendent de l'appareil, le commandant de bord leur avait signalé que la température extérieure était de moins treize degrés. Moins treize degrés. Le jeune inspecteur avait cru qu'il avait halluciné en entendant ce chiffre. Comment les gens pouvaient-ils survivre ?

Bien évidemment, Kunikida et lui s'étaient habillés en conséquence avant leur départ de l'avion, enfilant les manteaux et les pulls qu'ils avaient fourrés dans leurs bagages cabines avant le décollage, mais cela ne l'empêcha pas de frissonner lorsque son nez et la partie supérieure de son visage, qu'il ne pouvait pas dissimuler entièrement sous son écharpe, entrèrent dans cette atmosphère gelée.

Son premier instinct fut de faire demi-tour et de retourner se terrer immédiatement à l'intérieur de l'avion, pour profiter de sa chaleur. Mais Kunikida était déjà parti d'un pas déterminé dans l'escalier qui permettait de descendre de l'avion, alors il n'eut d'autre choix que de le suivre. Il parcourut rapidement les quelques mètres qui les séparaient de l'aéroport, bien plus chauffé pour ne pas se laisser distancer (et congeler).

Il était assez surpris de constater que personne autour de lui ne semblait trouver la différence de température dérangeante ― il y avait certes des russes qui devaient simplement rentrer chez eux, mais il avait aperçu un certain nombre de familles japonaises ou simplement d'hommes d'affaires étrangers qui voyageaient avec eux. Ils devaient cependant avoir l'habitude de venir en Russie, car il les voyait avancer sans ciller, emmitouflés dans des vêtements imposants et chauds.

Il rejoignit rapidement son supérieur qui l'attendait dans le hall réchauffé de l'aéroport, tout en balayant les environs du regard. Atsushi se demanda s'il vérifiait qu'il n'y avait aucun individu suspect, ou s'il cherchait l'homme envoyé par l'ambassade du Japon en Russie pour les guider dans les rues d'Oulianovsk. Ils auraient normalement dû recourir à un policier de la brigade des enquêtes criminelles russes, mais ils avaient préféré s'en méfier. Dostoevsky connaissait sûrement le visage des policiers de la région, et cela lui permettrait de les repérer plus rapidement si ce n'était pas déjà fait.

Ils avaient donc plutôt contacté l'ambassade du Japon à Moscou, pour que ceux-ci envoient un ou deux hommes les guider ― il fallait surtout leur servir d'interprète car ni l'un ni l'autre ne parlait russe, et leur anglais n'était pas forcément assez bon pour qu'ils puissent entièrement se débrouiller seuls.

« J'espère qu'on pourra lui faire confiance, marmonna l'inspecteur blond quand il le rejoignit, corroborant sa seconde hypothèse. On n'a pas besoin d'un traître de plus.

Je pense que ça ira. Dostoevsky n'a sans doute pas pu infiltrer une ambassade diplomatique aussi protégée, répondit le jeune homme aux cheveux argentés, en essayant de masquer son propre trouble.

Il vaut mieux, soupira son aîné. Sinon, on aura encore fait ça pour rien. »

Son pessimisme étonna son cadet, qui n'était pas habitué à voir celui qui le formait aussi découragé. Sans doute que lui aussi finissait par être las de toute cette situation. Même Atsushi, qui pensait pourtant être doté d'un optimisme assez difficile à ébranler, admettait qu'il commençait à en avoir assez de tout cela. Partir dans un pays étranger était excitant, mais il aurait bien aimé le faire sous sa véritable identité aux yeux de la loi, et sans devoir craindre sans cesse une apparition d'un allié de Dostoevsky bien décidé à les empêcher de mener à bien leur mission.

« Messieurs Iwakuni ? » La voix masculine et grave qui résonna derrière eux fit tressaillir le jeune homme aux cheveux argentés, et il se retourna pour observer un jeune homme aux cheveux raides et noirs, dont la frange lui tombait légèrement devant les yeux.

« C'est bien nous. » répondit Kunikida.

Il s'agissait du nom d'emprunt qu'ils avaient choisi pour leur fausse identité, se faisant passer pour un père et son fils ― bien évidemment, ils n'avaient que quelques années d'écart, insuffisantes pour que le mensonge soit crédible naturellement, alors son pauvre supérieur s'était affublé de fausses rides dessinées avant de partir de chez lui le matin même, et d'une perruque proche de sa couleur naturelle, mais pourvue de quelques cheveux clairsemés.

Atsushi, lui, avait eu la chance d'être exempt de la moindre transformation, à l'exception d'une paire de lunettes factices, qu'il devait porter en permanence. Selon Yosano, cela renforcerait leur similarité au premier abord ― et Atsushi n'avait pas osé protester. En son for intérieur, il doutait que leurs accoutrements soient très crédibles et permettent de duper Dostoevsky ; mais ce n'était de toute manière pas le point sur lequel ils avaient concentré leurs efforts pour disparaître. Ils avaient impliqué bien plus de moyens dans leurs nouveaux téléphones et toutes les précautions prises pour que Dostoevsky ne les repère pas dès leur départ du Japon.

Le nouveau venu, vraisemblablement leur guide envoyé par l'ambassade japonaise en Russie, était plus jeune qu'il ne l'aurait imaginé ; il ne devait même pas avoir la trentaine. Il avait une mine fermée qui ne laissait aucune chance de deviner ce qu'il pensait réellement, mais il semblait plutôt sympathique de son point de vue.

« Je suis Shôsaku Katsura, se présenta-t-il ensuite sur un ton très professionnel. On m'a demandé de vous assister pendant votre séjour touristique. »

Toujours dans un souci de discrétion, ils n'avaient pas organisé leur voyage en assumant leurs fonctions d'inspecteur, mais plutôt en se faisant passer pour un père et un fils en vacances. Pour leur interlocuteur, ils n'étaient que des hommes importants qu'il avait reçu l'ordre d'escorter pendant les quelques jours qu'ils comptaient passer à Oulianovsk ― ils avaient longtemps débattu au bureau sur la question de l'éthique de leur démarche, et les risques qu'ils allaient peut-être faire courir à un pauvre homme qui ne ferait que son honnête travail, avant de prendre cette décision. L'importance de leur opération avait fini par l'emporter sur l'honnêteté, mais Atsushi se sentait un peu mal pour lui, et espérait que rien ne se produirait qui porterait atteinte à ce pauvre citoyen simplement professionnel.

« Enchanté, le salua Kunikida d'un ton tranquille. Je suis Tetsuo, et voici mon fils, Taka. » Atsushi hocha la tête en guise de salutations à son tour.

« Ravi de vous rencontrer, déclara ensuite le guide en s'inclinant à la manière japonaise ― il l'était sans doute de toute manière, vu son nom, son visage et son japonais impeccable. Vous avez une chambre qui vous attend à l'hôtel Venets. C'est un très bel hôtel pas très loin d'ici. Vous y serez bien pendant votre court séjour.

Les prix sont raisonnables j'espère ? s'enquit Kunikida, toujours très terre à terre.

C'est presque le moins cher de la ville. Les deux seuls autres qui ont des prix encore plus dans votre budget sont situés loin du centre. »

Le blond hocha la tête, satisfait par cette réponse. Il suivit ensuite le guide aux cheveux noirs dans les couloirs de l'aéroport, pour qu'ils aillent récupérer leurs bagages et puissent ensuite aller se poser dans leur hôtel. Ils n'avaient prévu de rester que pendant deux jours, préférant éviter au maximum de laisser le temps à Dostoevsky de préparer des actions contre eux. Ils ne pouvaient cependant pas faire moins, déjà pour se ménager ― entre le long vol et le décalage horaire, ils n'étaient pas exactement frais et dispos ― et aussi pour avoir le temps de bien enquêter.

« Avez-vous déjà un programme de prévu ? s'enquit poliment Katsura pendant qu'ils attendaient que leurs valises apparaissent sur le tapis roulant.

Oui. Nous avons prévu de visiter la galerie d'art d'Oulianovsk. » Il s'agissait de l'endroit où l'exposition qui avait potentiellement fait se croiser Agatha Christie et Dostoevsky s'était tenue des années plus tôt. « Et aussi tous les lieux touristiques majeurs de la ville. » ... qui étaient sans doute visités par les étudiants en voyage scolaire ou en vacances.

« Souhaitez-vous que je vous les liste ? J'ai passé plusieurs mois à Oulianovsk dans le cadre d'une formation. » Kunikida et Atsushi échangèrent un regard avant de décliner dans un même mouvement. Encore une fois, hors de question de laisser la moindre chance à un potentiel ennemi extérieur de les manipuler. Ils allaient tout faire pour enquêter dans la plus grande discrétion et efficacité.

« Des amis à nous ont déjà programmé notre séjour. » répondit finalement le blond en observant leur interlocuteur droit dans les yeux.

Celui-ci ne cilla pas et hocha la tête, sans laisser transparaître le moins du monde si ce refus lui déplaisait ou non. Son visage était un masque de marbre semblait-il, et cela rappela au jeune homme aux cheveux argentés son collègue Akutagawa. Lui non plus ne montrait jamais ce qu'il pensait ― et c'était sans doute pour cela qu'Atsushi avait autant de mal à communiquer avec lui par moments.

Il semblait toujours tout trouver désagréable, même s'il témoignait parfois une surprenante attention à ce qu'on lui racontait ― Atsushi avait noté qu'il l'écoutait toujours se plaindre, même si la plupart du temps, il se contentait de darder sur lui son regard métallique inexpressif. Atsushi n'était pas mauvais pour lire les gens, mais Akutagawa lui restait complètement énigmatique.

Il soupira un peu en se décidant à chasser son collègue de ses pensées (« Je sais très bien que quelque chose a changé ! ») et à se concentrer sur leur mission. Cependant, en apercevant depuis la chambre panoramique qui les attendait à l'hôtel le superbe paysage qui s'étendait devant eux, il ne put résister à l'envie de faire une photographie et de l'envoyer à son collègue ― pourquoi à lui plutôt que qui que ce soit d'autre ? Il l'ignorait. (« Ne fais pas comme si j'avais tort ! »)

Kunikida et Atsushi posèrent tous les deux leurs valises sur les deux lits séparés qui avaient été prévus à leur intention, et firent patienter Katsura dehors pour pouvoir échanger tranquillement sur leur mission. Le jeune homme se plia à leur exigence sans ciller, heureusement. Il devait avoir l'habitude.

« Il a l'air à peu près fiable, bougonna le blond une fois que la porte fut refermée.

Je pense qu'il est professionnel, c'est pour ça qu'il a cet air distant.

Espérons-le en tout cas. Si une bombe explose à côté de nous dans trois minutes, tu sauras que ton hypothèse était fausse. » Le jeune homme aux cheveux argentés regarda son supérieur d'un air quelque peu paniqué, qui le fit s'esclaffer.

« Je plaisante. Je partage ton avis. Mais on ne peut pas non plus se relâcher. Qui sait combien de personnes ici nous ont déjà reconnues, et n'attendent qu'un signal de Dostoevsky pour nous assassiner ?

Oulianovsk n'est pas une ville où il a de l'influence, fit remarquer son subordonné. En tout cas, il n'a jamais passé beaucoup de temps ici, et ne semble pas avoir de contact avec la pègre du coin.

Bonne remarque. C'est ce que Ranpo a estimé aussi. »

Atsushi se sentit un peu rasséréné en entendant cela. Il essayait de moins douter de ses capacités, mais avait toujours du mal à se sentir parfaitement confiant lorsqu'il émettait une hypothèse. Savoir qu'un inspecteur aussi impressionnant que Ranpo approuvait cette idée le rassurait grandement.

« Prenons le temps de nous reposer un peu, reprit Kunikida. Ensuite, on ira à la galerie d'art. En espérant que le commissaire de l'exposition que nous cherchons ne sera pas à l'autre bout du monde, ou que quelqu'un pourra nous répondre à sa place.

Oui. D'après nos recherches, il vit toujours dans la région puisqu'il a organisé des expositions dans d'autres musées. On devrait pouvoir le rencontrer... » espéra Atsushi en croisant les doigts pour que la chance leur adresse un flamboyant sourire.

⋆✩⋆

La chance devait être de mauvaise humeur ce jour-là.

Le commissaire de l'exposition qu'ils cherchaient n'avait pas quitté la région, mais était en congés maladie pour une durée indéterminée. Une absence qui leur semblait bien louche. Trop louche. Ils ne remettaient pas en doute la véracité de la maladie, mais plutôt son côté naturel. De leur point de vue, il y avait clairement anguille sous roche.

Pourtant, il leur paraissait en même temps inconcevable que Dostoevsky soit déjà préparé à leur faire face. Ils avaient assez bien protégé leur venue pour qu'il ne puisse pas l'apprendre avant qu'ils ne partent. Si quelqu'un avait pu les repérer, cela avait forcément eu lieu à leur arrivée ― ils étaient même montés dans l'avion en dernier, juste avant le décollage et au dernier rang, pour s'assurer que personne ne pourrait passer un coup de fil après les avoir repérés. Mais l'homme qu'ils cherchaient était absent depuis trois jours, alors quelque chose s'était forcément produit.

« Peut-être que Dostoevsky comptait déjà éliminer cet homme avant que vous ne cherchiez à le rencontrer, fit remarquer Ranpo lorsque les deux inspecteurs l'appelèrent pour lui annoncer la nouvelle et leurs inquiétudes. Et que c'est juste un mauvais coup du sort.

Peut-on vraiment qualifier ça de coup du sort ? Il est possible que Dostoevsky ait eu vent de notre départ.

Non, c'est impossible, Kunikida, trancha fermement l'inspecteur au gavroche. Nous avons pris toutes les précautions. Alors, à moins d'être l'un d'entre nous, Dostoevsky n'aurait pas pu le savoir. J'en suis convaincu. » Kunikida, lui, ne semblait pas l'être, nota mentalement Atsushi, et lui-même avait quelques doutes persistants. Il était difficile pour eux de croire au hasard, après avoir été témoins de tout ce que leur ennemi pouvait faire et prédire. « Concentrez-vous sur les lieux autour alors, reprit Ranpo après quelques minutes.

Cela ne nous aidera pas autant, soupira Kunikida avec exaspération. C'était cette exposition qui nous intéressait le plus, et qui unissait nos suspects.

Demandez à votre guide s'il sait des choses dessus alors. S'il a fait sa formation à Oulianosvk, comme il vous l'a assuré, il sait peut-être quelque chose.

Nous ne sommes pas certain qu'il soit fiable, objecta Atsushi.

S'il ne l'est pas, vous êtes déjà des hommes morts de toute manière. Ne lui racontez pas tout, mais continuez de vous faire passer pour des passionnés d'art, et demandez-lui s'il était à cette exposition.

Mais, intervint une nouvelle fois Atsushi, s'il répond « oui » , est-ce que cela ne reviendra pas à laisser entendre qu'il est vraiment complice de Dostoevsky ? »

Un long silence pensif accueillit sa question. Kunikida l'observa avec stupéfaction, et le jeune homme aux cheveux gris crut, pendant quelques instants, qu'il avait dit une immense bêtise.

« C'est loin d'être idiot, commenta finalement Ranpo à l'autre bout du fil. Mais s'il vous répond qu'il y était, vous allez le soupçonner. Donc, si c'est vraiment un complice de Dostoevsky, il vous dira que non.

Donc, on est supposés le soupçonner s'il répond que « non » ? releva Kunikida. Mais il pourrait tout aussi bien juste avoir été ailleurs à l'époque. » Ils gardèrent le silence tous les trois une nouvelle fois, l'esprit embrouillé par la psychologie inversée dont ils essayaient de faire preuve.

« Posez-lui juste la question, trancha Ranpo au bout d'un instant, on avisera ensuite. »

Les deux jeunes hommes opinèrent de la tête avant de raccrocher. Kunikida laissa ensuite échapper un soupir d'agacement tandis qu'Atsushi récupérait son téléphone pour en consulter les messages ― regardait-il si Akutagawa lui avait répondu ? Peut-être bien. Il était un peu désemparé par les récentes nouvelles, et de plus en plus frustré de ne pas progresser. Il savait que, de leur côté, les inspecteurs restés à Yokohama travaillaient pour arrêter Topaz, mais cela ne faisait que renforcer sa frustration. Il ne voulait pas être inutile.

Il attendit le feu vert de Kunikida pour se redresser et aller interroger leur guide. Celui-ci les attendait patiemment dehors, comme précédemment, en train de fumer une cigarette sans se soucier de la température extérieure. Atsushi l'admirait ― surtout qu'il y avait une salle fumeur pour les résidents de l'hôtel peu désireux d'affronter les températures basses d'Oulianovsk.

« Monsieur Katsura ? » l'interpella Kunikida en allant le chercher dehors, tandis qu'Atsushi restait cloitré dans le hall chauffé du bâtiment. L'homme se tourna vers lui et éteignit d'emblée sa cigarette.

« Oui ? » Il suivit son client jusque dans l'hôtel, son visage toujours de marbre.

« Vous avez fait votre formation à Oulianovsk c'est cela ?

Oui, il y a quelques années. » Atsushi lui tendit un prospectus pour l'exposition sur Wolfli qu'ils avaient trouvé sur Internet.

« Est-ce que cette exposition vous évoque quelque chose ? » Il y eut quelques secondes de silence, avant que le jeune homme ne hoche la tête positivement.

« Oui, elle avait fait grand bruit à l'époque. Beaucoup de beau monde était venu. Il y avait même des étrangers je crois. » Kunikida et Atsushi échangèrent un regard.

« Vous y étiez ? » demanda poliment le plus jeune. Katsura s'esclaffa.

« Je devais y aller, pour tester mes compétences linguistiques en conditions réelles, mais mon supérieur a annulé le rendez-vous, alors non. Pas que ça m'intéressait vraiment en soi. Les œuvres de ce type sont aussi perchées que lui. »

Atsushi admettait qu'il n'avait pas tort ― du peu qu'il en avait vu, c'était incompréhensible. D'un autre côté, Wolfli étant fou, cela n'avait rien de très surprenant. C'était dans cette dimension que résidait toute la beauté de son art selon certains ; d'autres estimaient que c'était juste stupide de considérer ces gribouillages comme artistiques.

« Je vois, lâcha Kunikida.

Pourquoi vous intéressez-vous à cette exposition ? s'enquit le jeune homme aux cheveux noirs.

Nous sommes très amateurs d'art, mentit Atsushi, en espérant que cela ne se verrait pas. Nous aurions voulu parler avec le commissaire de cette fantastique exposition dont nous avons beaucoup entendu parler.

Il n'est pas là ? » S'il jouait un rôle, il le jouait bien, il fallait l'admettre.

« Non, malheureusement. Nous sommes très embêtés, nous repartons bientôt et nous n'allons pas pouvoir le voir. » Kunikida en faisait un peu trop, mais au moins l'autre semblait les croire sur parole. Il les dévisagea avec un air contrit très crédible ― et sans doute vrai de toute manière, Atsushi n'avait vraiment pas l'impression qu'il jouait la comédie en s'adressant à eux.

« Je comprends votre déception. J'espère que vous pourrez accomplir sans encombre le reste de votre séjour. » Il garda le silence quelques secondes avant de reprendre : « Si vous le désirez, je peux essayer de voir s'il n'y a pas quelqu'un à l'ambassade qui saurait quelque chose sur cette fameuse exposition. Je crois que certains de mes collègues avaient eu l'opportunité d'y aller. »

Kunikida et Atsushi échangèrent un nouveau regard avant d'hocher la tête de concert. Au moins ne perdraient-ils pas leur temps entièrement. Peut-être qu'ils s'embêtaient pour rien, et que personne ne savait quoi que ce soit sur les deux invités sur lesquels ils enquêtaient. Mais ils devaient en avoir le cœur net pour pouvoir repartir en paix, en sachant qu'ils auraient vraiment tout essayé.

Katsura s'éloigna donc pour aller passer un coup de fil, tandis que le faux père et son fils tout aussi faux attendaient avec impatience le bilan de leur guide. Atsushi gardait à l'esprit qu'ils tombaient peut-être ainsi dans un vulgaire piège, et que Katsura donnait actuellement des informations à Dostoevsky pour qu'il agisse d'une manière ou d'une autre. Mais ils ne pouvaient pas s'en sortir en doutant de tout et de tout le monde, aussi ils préféraient encore prendre le risque ; et l'argenté était de toute manière de plus en plus convaincu que l'autre ne mentait pas.

« Alors, déclara justement le jeune homme aux cheveux noirs en revenant vers eux, j'ai bien un collègue qui y a travaillé. Il est sur Moscou actuellement, alors il ne pourra pas venir assez vite pour s'entretenir avec vous oralement, mais on peut organiser une conférence vidéo si vous le souhaitez. » Ils hochèrent une nouvelle fois la tête. Un entretien oral aurait été plus sûr, mais une rapide recherche sur Internet confirma à Atsushi les dires de son interlocuteur : plus de huit cent kilomètres séparaient Moscou d'Oulianovsk, et les temps de trajets étaient bien trop longs.

« La chance tourne peut-être en notre faveur, soupira Kunikida, tandis que Katsura repartait téléphoner.

Puisque nous en sommes réduits à nous adresser aux ambassadeurs, ne pourrions-nous pas également demander à l'ambassade du Royaume-Uni s'ils avaient envoyé quelqu'un pour la visite d'Agatha Christie ? Si cette personne existe et travaille encore là-bas, elle pourra peut-être nous apprendre des choses utiles également. »

Kunikida le dévisagea pendant de longues secondes de suspense, puis hocha la tête et lâcha un assentiment presque impressionné. Cela mettait le jeune inspecteur mal à l'aise ― sa timidité le rendait complètement incapable d'être à l'aise face à ses supérieurs, peu importe la proximité qu'il pouvait avoir avec eux ― mais avait quelque chose de satisfaisant, car cela lui permettait de réaliser qu'il progressait et devenait un inspecteur de plus en plus chevronné ― et il se prenait ainsi à rêver de cette promotion que sa grand-mère ne cessait de lui réclamer quand elle le voyait.

(Mais l'instant suivant, ses insécurités lui revenaient en bloc, et il doutait de nouveau de lui-même et de tout ce qui l'entourait. Il n'était jamais complètement parvenu à se débarrasser de sa manie de douter de lui au moindre accomplissement qu'il réalisait.)

« Pourquoi ne les contacterais-tu pas toi-même ? fit ensuite remarquer son formateur. C'est ton initiative après tout. »

Si le blond avait sans doute une bonne intention derrière cette proposition, le jeune homme aux cheveux argentés tressaillit. Cela l'angoissait plus qu'autre chose, honnêtement. Mais il hocha la tête malgré tout. Il fallait bien qu'il s'endurcisse un peu, non ?

Il s'éloigna donc à son tour dans la direction opposée à celle de Katsura pour aller passer à son tour un coup de fil à l'ambassade du Royaume-Uni en Russie. Il réalisa un peu tard qu'il allait devoir parler anglais ― son niveau n'était heureusement pas trop mauvais, mais il n'avait pas vraiment pratiqué depuis la fin du lycée, et espérait qu'il parviendrait à se faire comprendre sans trop de mal.

Fort heureusement, son interlocuteur devait avoir l'habitude de décrypter les accents anglais pitoyables et les phrases aux constructions médiocres, car il put lui répondre sans trop de mal ― même si Atsushi dut lui demander de répéter plusieurs fois lentement ce qu'il disait, car le débit et l'accent britannique de l'homme étaient très prononcés.

« Ils avaient bien envoyé quelqu'un aux côtés d'Agatha Christie, mais elle a refusé d'être accompagnée par lui parce qu'il n'avait pas passé tous les contrôles de sécurité qu'elle réserve habituellement à ses employés, informa-t-il Kunikida en revenant ensuite.

C'est vrai qu'elle faisait très attention aux profils de ceux qui l'entouraient, soupira le blond en levant les yeux au ciel. Elle n'avait pas tort, en soi.

Oui, opina Atsushi. Même si cela ne l'a pas sauvée au final...

Malheureusement, à force d'exhiber sa richesse sur tous les toits, elle a dû s'attirer de trop gros ennemis.

C'est regrettable que sa mort n'ait pas été élucidée... » Même si cette femme avait sans doute eu de nombreux défauts, le bon cœur de l'inspecteur aux cheveux argentés se serrait en pensant à la fin terrible qu'elle avait connue, et à son tueur dont ils ignoraient toujours l'identité.

« Peut-être qu'un jour, on trouvera quelque chose. » déclara Kunikida en lui souriant légèrement, même si on devinait qu'il n'y croyait pas vraiment.

Ils attendirent ensuite en silence que Katsura achève la planification de leur réunion par visio-conférence. Atsushi en profita pour consulter ses messages, et y répondre. Sa mère lui avait écrit pour lui dire de faire attention ― franchement ! il n'avait plus dix ans ― et il trouva aussi un message de Lucy, à sa grande surprise.

Elle lui disait simplement de lui ramener les affaires qu'elle avait laissé chez lui quand il aurait le temps. C'était du Lucy tout craché, songea-t-il. Il savait qu'il lui avait sans doute un peu brisé le cœur en rompant avec elle ― oui, contrairement à ce que tout le monde croyait, c'était lui qui avait rompu ― mais il avait trouvé cela préférable à continuer une relation qui leur faisait plus de mal que de bien. Il aimait toujours la jeune femme, mais peut-être plus comme il le fallait ― et elle pouvait dire tout ce qu'elle voulait, son regard à elle aussi avait changé après tous ces mois de relation. (« Je sais que quelque chose a changé ! »)

Leur séparation avait au moins été cordiale ― honnêtement, il avait beaucoup appréhendé ce moment car sa petite amie avait toujours eu un caractère assez... impulsif ? Ils s'étaient souvent pris la tête sur des idioties, parfois même sans savoir vraiment pourquoi ― et ils continuaient de se parler par messages de façon à peu près amicale. Atsushi admettait, à sa grande honte, qu'il aimait mieux cette fin qu'une fin faite de cris et de reproches, même si Lucy aurait peut-être préféré lui crier ses quatre vérités.

Il lui répondit rapidement qu'il était à l'étranger pour une mission mais qu'il s'en occuperait dès son retour. Il précisa aussi que s'il y avait des choses qu'elle voulait récupérer « vite », elle pouvait aussi aller les chercher en demandant à sa mère de lui prêter le double des clés qu'elle gardait, mais Lucy lui répondit que cela pouvait attendre. Elle lui souhaita aussi, étonnamment, bonne chance, ce qui le fit sourire.

« Mon collègue sera libre dans deux heures environ, à quatorze heures. Je prépare tout, alors vous pouvez simplement aller vous promener en ville pour passer le temps. » annonça finalement Katsura en revenant à leur rencontre. Les faux père et fils hochèrent la tête et consultèrent les lieux qu'ils voulaient visiter en priorité.

« Commençons par faire le tour du quartier, proposa Kunikida, pour prendre nos points de repères. »

Atsushi opina, et ils s'éloignèrent tous les deux après avoir salué leur guide d'un signe de tête. Ils avaient établi une petite liste des points « touristiques » d'Oulianovsk, mais ils devaient admettre qu'elle était plutôt courte. La principale raison pour laquelle des voyages scolaires ou des touristes venaient résidait dans la présence du Mémorial de Lénine qui y était installé, et de tous les autres points d'intérêt en rapport avec l'ancien dirigeant qui y étaient liés.

Au moins, même s'ils ne retiraient de ce voyage aucun indice pour avancer dans leur enquête, Atsushi aurait enrichi sa culture : il ne connaissait que peu l'histoire de la Russie, n'ayant jamais vraiment été très assidu sur ce sujet en classe. Et puis, à part les participations aux divers conflits qui avaient aussi concerné le Japon et l'historique communiste du pays, on ne leur enseignait que peu de choses dessus.

Oulianovsk étant la ville natale de Lénine, le nombre de lieux qui tournaient autour de l'ancien homme politique était impressionnant : musée, maison natale, statues un peu partout dans la ville ; il était difficile de passer à côté du visage de l'homme quand on se baladait dans les quartiers de la ville. Le musée de l'aviation civile était aussi un point phare pour les touristes qui passaient par là.

Ils avaient prévu de visiter tous ces points en un temps record, sans trop savoir ce qu'ils cherchaient. Ils étaient évidemment en quête d'une trace quelconque de Dostoevsky, Goncharov, Twain, ou même Agatha Christie. Mais ce qu'ils espéraient précisément obtenir... C'était un mystère. Ils se doutaient intérieurement qu'ils n'allaient pas tomber sur un message clair et précis du type Fyodor Dostoevsky a parlé avec Mark Twain ici de la mort de Fitzgerald. Atsushi en tout cas s'en doutait, mais il devait en être de même pour son aîné. Si tout était aussi simple, ils ne passeraient pas plusieurs semaines à enquêter sur une seule affaire ― dans le cas de celle-ci, cela se comptait même en mois.

« Apparemment, ils vont procéder à l'arrestation de Topaz. » Kunikida accueillit son subordonné sur ces mots, lorsqu'ils se retrouvèrent dans un parc, après s'être séparés pour visiter en même temps la maison de Lénine et le mémorial. Il avait dû appeler leurs collègues en l'attendant.

« Vraiment ? s'étonna Atsushi. Ils l'ont trouvé ?

Yosano m'a dit que Dazai avait échafaudé un plan.

Il est de retour ? » Aux dernières nouvelles, l'inspecteur aux cheveux bruns s'était volatilisé avec l'un des suspects principaux.

« Oui. Yosano m'a fait un résumé rapide : Chuuya Nakahara et Dazai ne sont jamais partis ensemble, et Dazai bosse en secret sur un moyen de coincer Dostoevsky. Ils ont un plan qu'ils vont bientôt mettre en route.

S'il marche, cela nous permettrait d'avancer considérablement, déclara Atsushi, songeur.

Oui. Ce serait une bénédiction pour nous. Surtout vu nos médiocres avancées. » Cette remarque rappela à Atsushi qu'il avait aussi quelque chose à dire à son supérieur blond ― pour lui remonter un peu le moral en plus !

« J'ai trouvé une trace de Twain ! » Son aîné écarquilla les yeux.

« Vraiment ? »

Le jeune homme aux cheveux argentés hocha la tête, et tira de sa poche son portable pour lui montrer une photo prise avec. C'était une photographie d'un cadre accroché sur un mur, la visibilité était donc assez mauvaise, mais on voyait l'essentiel dessus, à savoir un jeune homme aux cheveux auburn qui ressemblait comme deux gouttes d'eau à Mark Twain.

« Où as-tu trouvé ça ? s'étonna Kunikida après l'avoir longuement observée.

Dans le hall de la maison de Lénine, là où ils gardent les photographies des visiteurs importants. Lorsque j'ai demandé au propriétaire de qui il s'agissait, il m'a dit que c'était un visiteur qui avait grandement contribué à la rénovation de certains meubles.

Twain n'est pourtant pas issu d'une famille particulièrement riche, souffla le blond en réfléchissant apparemment intensément. Mais...

Dostoevsky semble l'être, et il a l'habitude d'acheter ses alliés, conclut Atsushi.

On manque d'informations, mais c'est un excellent début, lâcha Kunikida. Tu as pu demander au propriétaire plus de détails ?

Il ne se souvient pas de grand-chose malheureusement, mais il m'a assuré que c'était un bon garçon très sympathique, et passionné par l'histoire apparemment. Il a visité la maison avec attention avant de verser une somme considérable pour encourager la conservation de cette maison.

Il était seul ?

Apparemment. »

Atsushi avait demandé ça aussi à l'homme qui lui avait aimablement répondu, avec bon espoir de continuer à progresser sur la piste du jeune homme, mais avait été bien déçu. Enfin, il était déjà satisfait d'avoir trouvé une preuve que Twain était vraiment venu à Oulianovsk. Kunikida aussi semblait avoir repris du poil de la bête, et réfléchissait tout haut.

« Il faudrait qu'on enquête sur cette maison, pour savoir si Dostoevsky ou Goncharov n'y seraient pas venus aussi. N'y a-t-il pas un livre d'or ? » L'inspecteur en formation réalisa qu'il n'avait pas posé la question.

« Il faudrait se renseigner, mais je ne pense pas que Dostoevsky aurait commis la grossière erreur de signer et de laisser une trace de son passage, fit-il remarquer.

Sauf s'il a laissé un message à l'intention de quelqu'un. On sait que tous nos suspects ne sont pas venus à la même période à Oulianovsk : seules les dates de voyage de Dostoevsky et Christie concordaient. Mais ils auraient pu se laisser passer des indications. »

Atsushi écarquilla les yeux à cette hypothèse en réalisant que, toute invraisemblable qu'elle paraissait, elle collerait parfaitement aux stratégies employées par le russe jusqu'alors. Il n'avait eu de cesse de se moquer d'eux, et cela pouvait parfaitement passer par des indices laissés juste sous leur nez, à mots couverts.

« Allons voir, décida le blond finalement en se redressant. Il faut qu'on en ait le cœur net.

Mais la réunion avec le collègue de Katsura est pour bientôt, le retint son subordonné. On en a besoin aussi. » Kunikida soupira et croisa les bras sur sa poitrine avant de déclarer :

« Bon, alors séparons-nous encore une fois les tâches. Je vais à la réunion, toi tu retournes dans la maison de Lénine pour demander s'ils ont un livre d'or ou je ne sais quoi. »

Atsushi opina, intérieurement soulagé de continuer sur le terrain et non de rentrer se coltiner une réunion à distance probablement longue ― même s'il admettait qu'il n'aurait pas été contre l'idée de se réchauffer à l'hôtel. Il faisait toujours un froid de canard dehors, et même la maison n'était pas très chauffée pour préserver son état d'époque.

Il s'y dirigea cependant en puisant la motivation au fin fond de sa conscience, et retourna discuter avec le propriétaire, lequel semblait ravi d'avoir un peu de compagnie de toute manière. Il parut amusé par l'excuse vaseuse que lui servit Atsushi pour justifier son retour ― quelque chose à base de Finalement, mes plans avec mon père ont été annulés alors j'ai eu envie de revenir parce que j'ai adoré ma visite ― et opina quand le jeune inspecteur lui demanda s'il y avait un livre d'or.

« Malheureusement, il n'y a pas tant que monde que ça qui le signe, soupira l'homme en le tirant d'un tiroir. Mais, le jeune homme dont je vous ai parlé tout à l'heure l'avait signé aussi. Un brave gars ce petit... »

Son accent russe gênait un peu la compréhension du jeune inspecteur, dont l'anglais n'était pas le point fort, mais il comprit aisément qu'il était peut-être sur le point de concrétiser l'hypothèse de Kunikida. Il retint son souffle en ouvrant la première page. Certains visiteurs avaient eu l'excellente idée de dater leur commentaire ― et par conséquent, leur visite ―, ce qui permit à Atsushi de passer les premières pages, assez certain qu'elles ne comporteraient pas d'indice important.

Lorsqu'il arriva à la période où ils avaient évalué la visité de Dostoevsky, il s'arrêta et consulta les mots inscrits. La plupart des messages étaient en anglais, et Atsushi bénit ce fait, même s'il n'était pas capable de tous les comprendre. Certains malheureusement étaient en russe, et il dut demander à son interlocuteur s'il pouvait les lui traduire. Il avait l'impression d'abuser un peu de la gentillesse et de la solitude de cet homme, qui ne se doutait pas qu'il était en train de mener une enquête policière de la plus haute importance, mais ne pouvait pas faire autrement.

Quelque chose en lui lui soufflait qu'ils étaient en train de progresser. Peut-être était-ce que ce Dazai et Ranpo appelaient l'instinct d'un inspecteur, ou peut-être n'était-ce qu'une conséquence de tous les espoirs qu'il mettait dans ce petit livre. En tout cas, il avança petit à petit, page après page, lisant les mots de ces inconnus, prenant en photo ceux qu'il jugeait intéressant à explorer, ou juste ceux que ni lui ni l'homme à ses côtés ne pouvaient comprendre.

Alors qu'il atteignait la fin du livre, il sentit ses espoirs fondre petit à petit. Il avait largement dépassé les dates de visites des suspects, sans pour autant trouver quoi que ce soit d'intéressant réellement. Il avait des pistes, mais elles étaient tellement floues qu'il n'était même pas sûr qu'elles aboutissent quelque part.

Lorsqu'il tourna la page qu'il lisait précédemment et tomba sur une double page blanche, suivie de nombreuses autres, il poussa un soupir désemparé. Mais, mu par l'intuition étrange qui ne le quittait pas, il continua de tourner les pages, de plus en plus vite.

Et alors, il le remarqua.

C'était si petit, si bien caché qu'il était passé à côté depuis le début de sa lecture. Il aurait même pu ne jamais le voir, s'il n'avait pas prêté attention aux pages restantes, et s'il ne les avait pas fait défiler à toute vitesse en les feuilletant.

En haut de chaque page figuraient deux caractères cyrilliques. En faisant défiler les pages rapidement, il avait entraîné l'action habituelle d'un folioscope ; mais puisqu'il ne s'agissait pas de dessins, mais simplement de lettres, aucune animation n'avait été créée, et il avait simplement vu apparaître dans sa vision un bloc flou noir.

Il avait remarqué les caractères depuis longtemps, mais pensait qu'il ne s'agissait que de marques esthétiques. Cependant, plus il les regardait, plus il constatait qu'ils étaient tous différents les uns des autres.

« Tiens donc, s'étonna l'homme qui l'accompagnait en se penchant pour observer les deux caractères sur lesquels Atsushi s'était arrêté. C'est étrange ça.

Qu'est-ce que ça dit ?

Ce ne sont que deux lettres, je ne peux pas vous traduire ça. » Atsushi tourna les pages suivantes et lui montra les autres symboles :

« Et avec ça en plus ? » L'homme les regarda quelques instants, avant de déclarer :

« Je crois que ce sont les lettres du mot « ambassade ». » Le cœur d'Atsushi rata un battement à ces mots.

« Ambassade ? » Il répéta.

« Je crois bien que c'est ce que la personne qui a écrit cela voulait dire. »

Sans perdre une minute, le jeune homme attrapa un papier et un stylo qui traînaient dans sa poche, et reprit le cahier depuis le début. Il reproduisit les caractères qui figuraient sur chaque page le mieux possible, avant de les montrer à son interlocuteur :

« Est-ce que cela veut dire quelque chose ? » L'homme garda le silence quelques instants, déchiffrant son écriture approximative.

« Je ne suis pas sûr de bien lire certains symboles à cause de votre écriture, mais je le traduirai par « Va à l'ambassade pour trouver des informations. » Et il y a un nom ensuite. Katsura ? »

Et, à ce moment précis, Atsushi réalisa que tout s'était trop bien passé jusque-là.

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