27 - 𝐋a perspicacité ne fait pas l'inspecteur (apparemment)

bonjour (:
j'espère que vous vous portez bien et que les annonces de mercredi n'ont pas été trop dures à encaisser pour vous.

j'ai pas mal de sel à balancer sur cette allocution présidentielle, mais je n'ai aucune envie de le faire ici et maintenant, donc je me contenterai d'un petit message pour mes compatriotes confinés : prenez soin de vous. pas seulement en prenant garde au COVID, mais aussi en prenant du temps pour vous. essayez de ne pas laisser les événements vous miner le moral, et surtout privilégiez votre santé mentale au reste, parce que c'est le plus important ❤
au moins un long mois nous attend, mais on va s'en sortir 💞

sinon, joyeux halloween ! en cette journée dédiée aux bonbons et aux farces, voici le cadeau que je fais à tous ceux qui viennent ce soir toquer à ma porte : un bonbon rare et précieux chez moi, que l'on nomme le fluff !
enfin, le mot est peut-être un peu ambitieux, mais ce chapitre est vraiment pauvre en angst, alors profitez-en :)

prochain chapitre le 14 novembre ! bonne lecture :)

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𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝐕𝐢𝐧𝐠𝐭-𝐬𝐞𝐩𝐭 ― 𝐋𝐚 𝐩𝐞𝐫𝐬𝐩𝐢𝐜𝐚𝐜𝐢𝐭𝐞́ 𝐧𝐞 𝐟𝐚𝐢𝐭 𝐩𝐚𝐬 𝐥'𝐢𝐧𝐬𝐩𝐞𝐜𝐭𝐞𝐮𝐫 (𝐚𝐩𝐩𝐚𝐫𝐞𝐦𝐦𝐞𝐧𝐭)

La jeune femme soupira avant de passer la porte du coiffeur installé au coin de sa rue. En entrant, elle observa pendant quelques instants son reflet dans le grand miroir installé dans l'entrée.

Il y avait longtemps qu'elle ne s'était pas regardée ainsi, et elle fut surprise de se trouver encore très similaire à l'enfant qu'elle était. Après le décès de sa mère et ses débuts compliqués d'inspectrice, elle avait eu l'impression de vieillir d'un coup de plusieurs décennies. Pourtant, avec ses longs cheveux noirs qui lui tombaient dans le bas du dos et ses joues encore enfantines, elle paraissait toujours identique à la lycéenne qui avait perdu sa mère dans les émeutes.

Subitement, elle s'arracha à son observation et avança dans la boutique. La commerçante la regardait avec un air étrange, comme si elle se demandait pourquoi sa cliente s'était ainsi observée dans son miroir pendant de longues minutes. Elle ne pouvait pas comprendre tout ce qui passait dans l'esprit de cette jeune femme, elle ne pouvait pas réaliser à quel point son apparence signifiait beaucoup, mais pas dans la dimension à laquelle on pouvait penser cependant.

La jeune femme ignora son regard interrogateur et se planta face à la coiffeuse avant de la saluer, puis de déclarer :

« Je veux couper mes cheveux. Courts. »

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J + 5
22 JANVIER.


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Akiko passa une main dans ses cheveux, les emmêlant plus que de raison ― mais elle avait la chance de posséder des cheveux raides et difficiles à emmêler ― et fit claquer ses ongles rouges contre sa table basse. Le vernis flamboyant qui les recouvrait comme toujours s'était écaillé, il y avait bien six jours qu'elle n'avait pas mis une couche fraîche. Elle le faisait fréquemment en temps normal, mais avec toute l'affaire Fitzgerald, on ne pouvait pas dire qu'elle avait eu beaucoup de temps pour ce genre de préoccupations.

Elle reporta ensuite son attention sur son écran d'ordinateur posé devant elle, et sur les notes de rapport qui y figuraient. Elle préférait habituellement lire les dossiers sous leur forme papier, mais ceux-ci provenaient directement d'un autre Bureau des Enquêtes Criminelles, et avaient été scannés pour accélérer l'envoi. Pour les parties textuelles comme celle qu'elle lisait actuellement, ce n'était pas très compliqué, mais les photos de surveillance et autres documents iconographiques étaient bien plus difficiles à déchiffrer.

Comble du malheur, elle ne trouvait pas de grandes informations dedans. Les dossiers concernaient plusieurs affaires irrésolues par leurs collègues de la région du Kantô, et elle cherchait une quelconque indication qui prouverait que Dostoevsky y avait mis son grain de sel, mais, étrangement, elle avait le sentiment que la plupart de ces affaires étaient trop sordides pour que le russe y soit impliqué. Toutes ces terribles affaires de viols et d'enlèvements dont les coupables n'avaient pas été retrouvés étaient glaçantes, mais la jeune femme avait une intuition inexpliquée que Dostoevsky ne s'était pas adonné à de telles bassesses. Voler des voitures était une chose, violer des jeunes femmes était une autre, malgré qu'il n'y ait qu'une unique lettre de différence.

Elle sentait pourtant qu'ils n'étaient pas loin de faire une grande avancée. C'était plus une intuition qu'une certitude reposant sur des preuves, mais elle avait l'impression qu'ils avançaient malgré tout à petits pas. Il s'agissait de tous petits pas, mais ils progressaient sur la piste de Topaz.

Elle porta à ses lèvres la tasse de thé fumante qu'elle s'était préparée et en prit quelques gorgées tout en réfléchissant. Plus tôt dans la journée, elle avait reçu dans son bureau Ryunosuke, de retour après une entrevue surprenante avec Chuuya Nakahara. Son subordonné lui avait résumé leur conversation, le lien de Dazai et ce qu'il avait obtenu comme informations du rouquin. Il avait également demandé au suspect de se présenter malgré tout à leur bureau - et il avait eu raison de le faire. Akiko en était satisfaite : elle aussi voulait s'entretenir avec le jeune homme. Elle avait son comptant de questions à lui poser. (Encore fallait-il qu'il vienne réellement...)

Elle soupira ensuite en pensant à Dazai qui ne donnait toujours aucun signe de vie. Elle l'appelait fréquemment en lui laissant des messages furieux - en exagérant un peu, elle n'avait pas l'intention de lui arracher les yeux, pas dans la réalité en tout cas. Ses menaces n'avaient cependant pas abouti du tout, et elle n'avait toujours aucune réponse même plusieurs jours après.

Son comportement l'agaçait d'autant plus que ce n'était vraiment pas le moment pour se la jouer solitaire. Ils travaillaient ensemble, surtout sur des affaires aussi techniques et complexes. Qu'il fasse cavalier seul alors qu'ils stagnaient autant la rendait furieuse.

Mais elle savait aussi qu'elle n'avait pas le « pouvoir » de pousser Dazai à revenir ; ce pouvoir, Oda était le seul à l'avoir eu un jour, et il avait emporté avec lui la façon dont il avait réussi cet exploit. Elle ne pouvait qu'attendre, et espérer qu'il revienne avec quelque chose de très concluant. Il avait plutôt intérêt d'ailleurs, s'il voulait ne pas prendre un trop gros sermon.

(Akiko n'aurait jamais pensé dire ce genre de choses un jour ; elle ne voulait d'ailleurs pas spécialement être mère, essentiellement parce qu'elle ne souhaitait pas devoir éduquer et sermonner ses enfants. Et maintenant qu'elle était chef du BEC et à la tête d'une équipe de brigade criminelle dont s'occuper lui donnait un bel aperçu de la maternité, elle était encore plus certaine qu'elle ne voulait pas devenir maman.)

Elle secoua la tête pour chasser les pensées parasites ― un vieux tic idiot et inconscient que tout le monde avait, alors que c'était parfaitement inutile ― et reprit une gorgée de thé. L'ultimatum était de plus en plus proche, en attestaient les coups de fils de plus en plus fréquents qu'elle recevait de Taneda. Dans quelques jours, s'ils n'étaient pas sur le point de coincer le tueur de Fitzgerald, les cadres supérieurs de Tokyo prendraient le relais, chose qui l'ennuyait et l'agaçait d'avance. Ils allaient devoir la jouer serrée pour les prendre de court et les empêcher de mettre leurs menaces à exécution ― menaces qu'ils n'avaient aucunement prononcées à haute voix, mais qui découlaient des mesures prises pour les surveiller de près et leur mettre un peu la pression. Ils avaient une belle épée de Damoclès au-dessus de la tête, songea-t-elle en soupirant.

Elle tira un petit dossier cartonné mauve et en sortit les nombreuses notes qu'elle avait prises pour essayer de mettre au point une stratégie et progresser. Dostoesvky se cachait, Topaz aussi ; parmi les plus importants suspects en lien avec leurs affaires, seuls Chuuya Nakahara et Mark Twain restaient libres de leurs mouvements. Sans oublier le fameux Nikolai du mail, dont ils ignoraient tout. Elle espérait que Nakajima et Kunikida reviendraient avec des progrès sur ce point.

Leur seul espoir était de parvenir à interpeller Topaz : Dostoevsky était trop malin et avait su dissimuler habilement tous ses preuves d'implication. Ils n'avaient pas assez pour prouver devant une cour d'honneur son implication, il leur fallait un véritable témoignage que l'homme avait participé à toutes ces affaires dans l'ombre. Topaz pourrait le leur fournir, mais deux conditions étaient à remplir : le trouver et le faire parler.

Peu importe comment ils regardaient l'affaire, il était certain que l'entièreté des réussites de Topaz, et par ce terme, elle entendait son évasion et ses apparitions décousues, reposaient surtout sur la présence de Dostoevsky à ses côtés ― littéralement ou non. Le profilage réalisé lors de l'ancienne affaire, mais aussi celui que Ranpo et Dazai avaient essayé d'esquisser pour le "nouveau" Topaz, celui qui avait passé trois ans en prison, semblaient tous indiquer que le jeune homme n'avait ni les nerfs ni l'intelligence pour se cacher ainsi pendant des mois.

Interpeller Topaz, le priver du soutien du russe et l'interroger sur le meurtre de Fitzgerald et de Margaret Mitchell allait sans doute être une grande avancée pour eux. Mais, il fallait le trouver, cet homme qui se cachait sans cesse. Elle avait mis un bon nombre de policiers sur la piste, et hésitait encore à passer un appel à témoins. Officiellement, le nom de Topaz figurait encore sur un site de recherche de criminels avec un numéro à composer si on avait des informations, mais il était un peu tombé dans l'oubli malgré tout pour la population civile. Un rappel ne ferait pas de mal, mais indiquerait aussi à Topaz qu'il était toujours activement recherché et l'inciterait à être prudent.

Alors qu'elle tournait dans tous les sens la question, une notification de réception d'un mail surgit sur son écran de téléphone et attira son attention. Elle y accéda depuis son ordinateur pour le lire plus facilement et découvrit alors le nom de Dazai dans sa boite de réception.

Il ne manque vraiment pas d'air, songea-t-elle en cliquant dessus pour découvrir ce que l'inspecteur comptait dire. Il avait rédigé un petit message innocent en expliquant qu'il menait son enquête de son côté ― exactement ce qu'il ne devait pas faire en somme ― et qu'il avait une information intéressante donc il voulait lui parler de vive voix, en tout sécurité. Sans doute voulait-il éviter les oreilles indiscrètes de ce rat de Dostoevsky.

Elle lui répondit que oui, en lui demandant s'il avait un endroit en tête ; la deuxième réponse arriva sans tarder : Je viendrais te chercher. Soit. Son collègue avait apparemment vraiment décidé de ne pas se fier à l'informatique du tout. Elle ne pouvait pas le blâmer, même s'ils avaient justement pris des mesures pour renforcer leur sécurité.

Mentalement, elle dressa la liste de tout ce qu'elle avait à lui dire quand ils allaient se voir. Elle portait une attention toute particulière aux informations que Mori lui avait données sur ses suspicions de trahison. Enfin, informations... le mot était un peu ambitieux, il n'avait donné aucune vraie preuve, juste une « intuition ». Elle doutait d'être capable de faire parler son collègue avec une simple « intuition » de son père adoptif, mais elle n'allait pas le laisser mener la danse pour toujours non plus.

Elle décida de se préparer une nouvelle tasse de thé en sentant que ses nerfs reprenaient le dessus et qu'elle commençait à avoir de nouveau envie de frapper l'inspecteur brun. Cela ne contriburait pas forcément à l'apaiser, mais cela l'occuperait et l'aiderait à se reconcentrer... sans doute. Elle s'installa ensuite de nouveau devant son ordinateur et reprit sa « passionnante » lecture. Elle ne put cependant progresser que de quelques lignes avant d'être interrompue par la sonnerie de sa porte d'entrée.

Elle se redressa pour aller ouvrir à Dazai ― elle ne voyait pas qui d'autre pouvait bien venir sonner chez elle ― en soupirant ; cependant, elle tomba à la fois sur son collègue porté disparu et sur Ranpo sur le pas de sa porte.

« Tu ne m'avais pas dit que tu parlerais à Ranpo aussi, commenta-t-elle en guise de salutations.

Ce n'était pas prévu, soupira Dazai, je suis tombé sur lui en venant.

Je me doutais que tu finirais par mettre Akiko dans la confidence, sourit Ranpo avec malice. Tu deviens prévisible.

Je n'espère pas, rétorqua le brun. Je ne pourrais pas mener à bien ma mission si c'est le cas. » Sur ces mots ambigus, il leur désigna l'escalier qu'ils avaient dû monter tous les deux pour atteindre l'appartement d'Akiko et qui menait à l'entrée de son immeuble.

« Tu nous emmènes en balade ? » ironisa Ranpo tandis que Yosano posait sa tasse de thé dans l'évier, éteignait son ordinateur, attrapait ses clés et une veste avant de sortir de chez elle.

« L'endroit ne sera pas des plus touristiques, j'en ai peur. » ricana le brun.

Il descendit sans plus de cérémonies d'un pas vif dans l'escalier, et les deux autres inspecteurs le suivirent après avoir échangé un regard perplexe. L'attitude presque détachée de Dazai les laissait tous deux un peu intrigués ; il se comportait comme s'il n'avait pas déserté pendant plusieurs jours sans donner la moindre nouvelle. C'était un comportement habituel de sa part en soit, mais cela n'en restait pas moins déstabilisant.

La jeune femme se demandait aussi à quoi Ranpo pensait. Il se faisait plutôt discret ces derniers temps, entièrement concentré sur la tâche qui leur incombait, une fois n'était pas coutume. Sans doute voulait-il lui aussi éclaircir le mystère qui entourait Topaz, d'autant plus maintenant qu'il s'avérait que ce mystère avait coûté la vie à celui qui était son mentor et bien plus à ses yeux.

Depuis la dernière fois qu'il était venu chez elle, juste après la mort de Fitzgerald, son ami de longue date n'avait pas manifesté de nouveau ses doutes et inquiétudes. Elle doutait qu'il s'en soit totalement débarrassé aussi facilement, mais il semblait avoir repris confiance en ses capacités de profilage qu'il utilisait de nouveau à outrance. Cela la rassurait un peu de le voir de nouveau égal à lui-même.

Ils suivirent tous les deux Dazai jusqu'au parking où les résidents garaient leur voiture et l'observèrent avec intérêt tandis qu'il marchait entre les voitures stationnées en les observant. La jeune inspectrice principale manqua ensuite de s'étouffer en le voyant s'approcher de l'une d'elle et commencer à essayer de la déverrouiller de force.

« Dazai, qu'est-ce que tu... » Elle commença, mais s'interrompit en voyant qu'il ne lui accordait pas la moindre attention. Il continua son petit manège et ouvrit la portière conducteur au bout de quelques secondes.

« Je nous trouve un endroit tranquille. »

La jeune femme aux cheveux noirs retint une nouvelle réplique agacée et soupira de consternation. Plus ça allait, plus ils ressemblaient aux méchants de l'histoire.

Elle monta cependant sans rien dire dans la vieille voiture qu'il avait choisie, prenant place sur le siège passager tandis que Ranpo montait à l'arrière en protestant et que Dazai s'installait du côté conducteur.

« Et qu'est-ce qu'on fait si le propriétaire arrive ? soupira Akiko en balayant le parking souterrain du regard.

On lui montre nos plaques de service ? répondit Dazai sur un ton faussement interrogateur.

Le pauvre propriétaire va croire qu'il est impliqué dans un trafic louche, s'amusa Ranpo. D'ailleurs, ajouta-t-il en observant ce qui l'entourait, c'est peut-être bien le cas...

Pas de détails merci. » le rembarra Akiko. Elle ne voulait pas savoir dans quoi son voisin trempait potentiellement. Elle avait assez de problèmes comme ça sans devoir se soucier d'un dealer pour le moment.

« On ne va pas rester longtemps de toute manière, lâcha Dazai avec une satisfaction non dissimulée. Je voulais juste vous dire que Topaz se cache vraisemblablement dans les égouts. » Le nez de l'inspectrice principale se retroussa quelques instants sous le dégoût inspiré par cette idée.

« Dans les égouts ? répéta-t-elle. Depuis tout ce temps ?

Oui. Je pense qu'il n'est remonté que pour assassiner Fitzgerald. Le reste du temps, Dostoevsky doit lui faire parvenir des provisions avec l'aide de commerçants soudoyés comme Ivan Goncharov. » Cela tenait la route... mais la jeune femme n'allait pas accepter ces explications aussi aisément.

« Comment le sais-tu ? s'enquit-elle en fronçant les sourcils.

J'ai des sources, répondit avec amusement le brun, ce qui ne l'amusa pas, elle.

Crache le morceau, Dazai, lâcha-t-elle sans douceur. Arrête de nous faire mariner

J'ai discuté avec Sôseki Natsume. »

La jeune femme n'avait pas entendu ce nom depuis longtemps, et n'en crut pas ses oreilles. C'était donc le retour de l'étrange homme qui connaissait Fukuzawa et Mori, qui l'avait mise en garde contre le marionnettiste dont elle ignorait encore l'identité exacte ― même si elle avait une bonne idée de qui il s'agissait ― et qui ne s'était pas manifesté depuis la mort de son mentor. Il semblait être enfin sorti de son silence, qui n'était sans doute pas désintéressé.

« Quand ? demanda Ranpo avec une lueur d'intérêt dans ses yeux émeraudes.

Hier. À Tokyo.

C'est là-bas que tu te caches de notre fureur ? plaisanta le jeune homme au gavroche.

Non, j'y ai juste fait un saut pour lui parler. C'est lui qui m'a dit que Topaz se terrait en profondeur.

On peut lui faire confiance ? » ne put s'empêcher de demander Akiko. Ils avaient tous appris à être prudents avec cette affaire, surtout maintenant qu'ils se rendaient bien compte d'à quel point Dostoevsky manipulait les informations.

« Ça m'en a tout l'air. Il n'a aucune raison de collaborer avec Dostoevsky, et il a l'air assez malin pour savoir où trouver des informations non « corrompues ». En plus, ça expliquerait pas mal de choses.

On n'avait pas fait fouiller les égouts ? réfléchit tout haut Ranpo, tout en observant Akiko.

Difficile de trouver des policiers désireux de s'y rendre. Ils ont dû faire une fouille rapide autour des entrées. » répondit-elle avec agacement en songeant qu'elle devait demander leur licenciement.

« Pas étonnant qu'on n'ait rien remarqué.

Mais, est-il dans les égouts de Tokyo ou ceux de Yokohama ? s'enquit Akiko.

Tu essayes de rejeter la faute sur nos collègues ? » se moqua gentiment Dazai. Elle lui renvoya un petit sourire.

« Toujours. Ils m'agacent avec leurs airs supérieurs. Et ça leur ferait les pieds, après s'être bien moqués de nous. »

Elle, rancunière ? Ce n'était pas du tout son genre voyons... C'était seulement quand on la prenait un peu trop de haut à son goût ― ce que le bureau de Tokyo se privait rarement de faire.

« Tu es si mesquine, lui sourit Dazai.

Tu es pareil. Ne mens pas, ajouta-t-elle en voyant sa mine offusquée. Je te connais. »

Il finit par admettre qu'elle avait raison en hochant la tête. L'espace d'un instant, ils avaient oublié leurs différends et cette affaire qui les rongeait, pour redevenir les collègues proches qu'ils étaient, à l'époque où tout allait bien et où ils n'avaient pas à faire face à Fyodor Dostoevsky. Que cette époque semblait lointaine ― alors qu'elle ne remontait même pas à un an plus tôt.

« Donc, reprit-elle finalement avec sérieux de nouveau, on doit s'intéresser aux égouts.

Sans doute ceux de Yokohama actuellement, lâcha Dazai. Le dernier crime de Topaz a eu lieu ici. Et le prochain aussi peut-être.

Le prochain ? » répétèrent Akiko et Ranpo d'une même voix.

Était-il en train d'insinuer ce qu'ils pensaient ? La jeune femme aux cheveux noirs avait l'impression de tomber de plus en plus des nues. Le fait que Topaz veuille commettre un nouveau crime n'avait en soit rien de surprenant considérant l'immunité dont il avait disposé les fois précédentes, mais tout cela commençait sérieusement à ressembler à une mauvaise parodie d'une série policière.

« Je manque encore de détails, admit le brun, mais je pense que Topaz va en avoir assez de rester cacher sans recevoir de contrepartie. Selon mes informations, Dostoevsky ne compte pas l'impliquer dans un nouveau coup, mais lui a encore des choses à faire.

Tu penses qu'il va désobéir sciemment à Dostoevsky pour n'en faire qu'à sa tête ? lâcha Ranpo.

Quelque chose du genre. »

Akiko admettait que l'hypothèse semblait plutôt plaisante et fiable. Topaz ne suivait pas entièrement le russe de son plein gré, contrairement à certains autres, comme Goncharov ou Twain. (Eux ne semblaient pas avoir été particulièrement réticents à l'idée de mentir et de commettre des crimes. Même si dans le cas du premier, cela avait eu d'importantes conséquences.)

Quelque chose l'embêtait cependant dans la formulation de son interlocuteur. Elle échangea un regard avec Ranpo, cherchant dans ses yeux émeraudes une approbation muette du profilage fait par Dazai de leur coupable. Il semblait plutôt d'accord, elle le devinait à la façon dont son visage bougeait imperceptiblement comme pour hocher la tête. Mais il semblait aussi suspicieux, et elle devina que c'était pour les mêmes raisons qu'elle.

« Tu es en contact avec Dostoevsky ? » lâcha-t-elle d'un ton ferme malgré la tonalité interrogative de sa phrase. Dazai la regarda quelques instants, incrédule, avant de se fendre d'un sourire.

« On vous a mis au courant ? » Au moins, il n'essayait pas de nier.

« Mori m'a dit qu'il te suspectait de lui parler. Je n'accorde en général pas de crédit à ses dires, mais c'est la seule explication que je vois pour expliquer comment tu comprends aussi bien Dostoevsky.

Ne puis-je donc pas simplement être perspicace ?

Non, répondirent en cœur les deux inspecteurs sans même se concerter.

Soit, râla-t-il en levant les yeux au ciel. On s'est envoyés des messages au début de l'affaire, mais plus maintenant.

Messages dont tu ne nous as jamais parlé, rétorqua Akiko d'un ton aigre.

Je savais que ça ne vous plairait pas.

Normal ! Tu discutais avec notre ennemi. »

Elle ne pouvait pas croire qu'il avait été aussi idiot. Discuter avec Dostoevsky comme s'ils étaient deux bons amis, franchement. Elle se demandait s'il avait laissé échapper des informations importantes. Enfin, connaissant Dazai, il n'aurait jamais rien laissé échapper à proprement parler. Il aurait volontairement donné les informations. C'était bien le problème.

« J'essayais d'apprendre à mieux le connaître pour qu'on puisse enfin l'arrêter. Grâce à ça, je suis en mesure de prédire un peu mieux ses actions. C'est une bonne chose non ?

Incontestablement. » approuva Ranpo en sortant enfin du silence.

« Toi aussi tu penses qu'il a eu raison ? s'offusqua-t-elle légèrement.

Le profilage, ça se fait avec des informations. Il nous en fallait absolument. Et, en passant, tu ressembles de plus en plus à l'inspecteur Fukuzawa. »

Akiko resta sans voix quelques secondes devant cette réplique. Il était vrai que depuis toujours, c'était l'inspecteur Fukuzawa qui leur remontait les bretelles quand ils agissaient de manière stupide et inconsidérée. Puisqu'elle avait hérité de son poste d'inspectrice principale, elle avait aussi hérité de sa « mission »... et apparemment aussi de certaines de ses habitudes.

« N'essaye pas de m'amadouer en me disant cela. Je pense toujours que c'était idiot.

Quand on aura attrapé Dostoevsky, tu admettras que j'avais raison. » La confiance de Dazai l'agaça mais elle ne dit rien. Elle savait très bien qu'il constituait leur meilleure chance de trouver le russe s'il avait bien réussi à le profiler.

« Et comment tu comptes faire ça ? Tu nous as parlé de Topaz, pas de lui.

En se préoccupant de Topaz justement. Je ne peux pas trop vous en dire, mais gardez l'œil ouvert. Topaz va finir par sortir de son trou pour poursuivre sa vengeance.

Et à ce moment-là ?

On ne fera rien. » Elle leva les yeux au ciel devant l'absurdité de la réponse.

« On n'a pas besoin d'un troisième crime pour sceller notre fermeture, Dazai.

On fera semblant de ne rien faire. » rectifia-t-il.

Ranpo et Akiko échangèrent un nouveau regard perplexe. Mais le plan que leur expliqua ensuite le brun acheva de les convaincre en grande partie, et leur permit d'espérer être réellement en mesure d'attraper rapidement les deux hommes qui se moquaient d'eux depuis trop longtemps.

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« Tu penses que le plan de Dazai va réussir ? » Elle posa cette question à Ranpo alors qu'ils étaient de retour chez elle. Dazai était reparti aussi vite qu'il était venu, sans dire où il se rendait désormais.

« Bonne question, répondit le jeune inspecteur au gavroche. Je dirais que oui. S'il a bien cerné, Dostoevsky, alors ce plan réussira.

Mais si ce n'est pas le cas, il échouera ? »

Le silence fut équivoque. Elle s'en doutait de toute manière. Dostoevsky était un adversaire haut en couleur, qu'on ne pouvait coincer qu'une fois avec la même stratégie. S'ils échouaient, que ce soit parce que le profilage de Dazai était incomplet ou que le plan se déroulait mal, ils devraient tout reprendre du début.

« Au moins, commenta Ranpo, les chances que l'on ne parvienne pas à attraper Topaz sont nulles. Donc on pourra donner ce qu'ils veulent au Bureau de Tokyo et rester ouverts. C'est le plus important.

Plus que réussir à coincer un dangereux russe qui a apparemment l'intention de mettre le bazar dans notre ville ? » Elle était volontairement un peu critique, mais en son for intérieur, elle pensait de même.

« Oui, parce que ce Bureau, c'est l'œuvre de l'inspecteur Fukuzawa. » répondit son ami avec sérieux.

Elle aussi partageait cette façon de penser. Elle aurait détesté que le Bureau de Yokohama soit fermé, et pas seulement parce qu'elle aurait dû se trouver un autre emploi ou un poste dans un autre bureau, peut-être loin de cette ville où elle avait toujours vécu. Elle aurait haï ce fait parce que ce bureau fonctionnait depuis sa création grâce à l'inspecteur Fukuzawa. Ne pas le laisser fermer, c'est un devoir qu'elle sentait reposer sur ses épaules, parce qu'ils n'avaient rien pu faire d'autre pour lui, et qu'ils avaient à peine eu le temps de le pleurer.

« Je me suis toujours demandé, déclara-t-elle soudainement après qu'ils furent restés silencieux quelques minutes, pourquoi est-ce que tu l'appelles toujours « l'inspecteur Fukuzawa » ? Vous étiez plus proches que simplement deux inspecteurs.

Toi aussi tu l'appelles ainsi, railla-t-il avec son insouciance enfantine habituelle.

Oui, mais nous étions simplement mentor et disciple. Vous deux étiez plus que cela. »

Elle ne connaissait pas tous les détails, mais Ranpo lui avait un jour expliqué que l'inspecteur Fukuzawa était la seule figure parentale qu'il ait réellement connue. Même en fouillant dans ses plus anciens souvenirs, il ne se souvenait pas de ses parents. Il avait toujours vécu dans un foyer pour orphelins, un point commun qu'il partageait avec Dazai. Mais lui n'avait jamais pu retrouver ses vrais parents pour être honnête, la jeune femme soupçonnait qu'il ne les avait jamais cherchés réellement. Ranpo adorait l'inspecteur Fukuzawa, et était heureux de l'avoir lui comme figure parentale.

« Cela aurait été bizarre si je l'avais appelé par son prénom, non ? rétorqua Ranpo. En tout cas, moi ça me faisait bizarre. Et il n'aurait pas voulu que je lui donne un quelconque surnom affectueux. Il ne m'a pas « choisi » comme enfant à adopter tu te souviens ? Je l'ai juste rencontré, un peu après les émeutes, et j'ai décidé de le suivre. Je n'avais rien d'autre à faire, et il avait été le premier à me dire que je ferais des ravages à la brigade criminelle avec mon esprit.

D'accord, d'accord, lâcha-t-elle, mais vous étiez quand même proches. Il s'est rendu à ton chevet quand tu t'es fait tirer dessus. » Elle se mordit la lèvre après avoir prononcé ces mots. Ce jour-là était aussi le jour où il avait été assassiné. Ranpo ne releva cependant pas sa maladresse et se contenta de répondre :

« Oui, mais on n'a pas forcément besoin des mots pour exprimer de l'affection. »

L'inspecteur au gavroche sourit en prononçant ces mots, avec un sérieux décrédibilisé par son petit sourire arrogant. Elle lui asséna un petit coup sur l'épaule pour lui signifier qu'il l'agaçait avec son attitude prétentieuse, même si c'était plus un mensonge qu'autre chose.

« Je vais porter plainte pour maltraitance, geignit le jeune homme aux cheveux de jais.

Je ferais disparaître les preuves, répliqua-t-elle.

Tu deviens un véritable tyran.

Pas le choix, avec toutes vos bêtises.

J'ai l'impression de revoir l'inspecteur Fukuzawa. Y a-t-il une malédiction qui transforme tous les inspecteurs principaux en vieux grognons ? » Elle le frappa de nouveau en affichant une mine offusquée.

« On a le même âge tu sais ?

Plus maintenant. » soupira-t-il dramatiquement.

Elle le fusilla du regard, avec une pointe d'amusement malgré tout. Elle savait qu'il ne faisait que la taquiner, et cela parvenait à lui changer les idées, alors cela lui convenait. Elle ne demandait que cela.

C'était sans doute pour cette raison qu'elle s'était un peu trop éprise de Ranpo. Il savait toujours comment lui remonter le moral , même quand personne ne semblait pouvoir le faire. Il était idiot, puéril et insouciant, en plus d'avoir un sens de l'humour discutable, mais il pouvait quand même lui faire oublier l'épée de Damoclès au-dessus de sa tête.

(Elle se demandait d'ailleurs par quelle magie.)

« J'ai hâte que tout cela soit terminé, soupira-t-elle en s'affalant sur son canapé. Je pense que je vais prendre des vacances ensuite.

Donne-nous à tous des vacances.

Il faut bien qu'il y ait une permanence.

On laissera Ayatsuji et Tsujimura. Pour nous remettre de cette fichue affaire, il nous faudra deux mois de vacances à tous. » Elle laissa échapper un petit rire.

« Rien que ça ? Si on obtient deux semaines, ce sera déjà beaucoup.

Que de radinerie.

C'est toi qui ressemble à l'inspecteur Fukuzawa là. »

Elle ne l'avait jamais entendu râler explicitement contre le manque de congés qu'on leur donnait, mais cela se voyait dans son attitude lorsqu'il conversait avec leurs supérieurs au téléphone au sujet de ses congés.

« Je suppose qu'on lui ressemble tous, fit observer Ranpo en ajustant sa gavroche. Il nous a tous formés.

Sauf Nakajima et Ryunosuke. Et Dazai aussi, seulement partiellement.

C'est pour ça qu'ils sont impossibles à gérer. » Elle s'esclaffa ; ils étaient si mal placés pour dire cela...

« On devrait renommer le bureau à son nom, lâcha-t-elle finalement, avec un sourire témoignant de sa plaisanterie.

Bureau des Enquêtes Criminelles Fukuzawa ? Ça sonne bien. » répondit Ranpo, goguenard.

Elle imaginait la tête de leurs supérieurs si elle venait leur demander de renommer le bureau ainsi. Quoique, elle était certaine que Taneda approuverait. L'inspecteur principal du bureau de Tokyo était un vieil ami de l'inspecteur Fukuzawa, et il le respectait énormément. La jeune femme avait même entendu dire qu'il avait été invité à la cérémonie privée qui s'était tenue peu de temps après sa mort, à laquelle Ranpo, lui, n'avait pourtant pas été convié. Eux avaient décidé de repousser l'hommage qu'ils voulaient organiser pour se concentrer sur les affaires Topaz et Fitzgerald, mais avaient bien l'intention de le tenir dès que tout serait résolu.

« On devrait l'annoncer lors de son hommage, déclara justement Ranpo, et mettre les tokyoïtes devant le fait accompli. Je pense que tout le monde au bureau serait d'accord.

Tu ne les laisseras de toute manière pas protester, le taquina-t-elle.

Tu dis ça comme si j'allais les menacer.

De révéler tous leurs secrets que tu aurais découverts par profilage ? Oui. » Il l'avait déjà fait avec des témoins de crime pour les forcer à collaborer elle était la seule au courant, et il valait mieux qu'elle le reste.

« Je ne fais pas cela aux collègues ! » Akiko l'observa avec un air qui signifiait J'y crois moyennement et qui le fit bouder.

« Bref. Tu comptes squatter mon appartement longtemps ? reprit-elle en le dévisageant.

Peut-être bien, lâcha-t-il sur un ton malicieux.

Alors reste silencieux, je dois travailler. » le rembarra-t-elle avec un immense sourire.

Elle récupéra son ordinateur pour rouvrir les dossiers qu'elle lisait avant d'être interrompue par Dazai. Ranpo se rapprocha d'elle pour voir ce qu'elle faisait un peu trop près au goût de son bon sens et de son professionnalisme, qui perdirent un peu de leur superbe et parcourut d'un regard intéressé les documents envoyés.

« Tu cherches des affaires où Dostoevsky pourrait être impliqué ?

Oui. Cela nous permettrait de mieux cerner ses objectifs, et ce sont plus de preuves pour le faire inculper au tribunal.

Tu vois déjà loin, il n'est même pas encore arrêté.

Je fais confiance à Dazai, pour une fois. » Son plan avait des chances de réussir. Elle se raccrochait à cela, parce que c'était infiniment plus réjouissant que la perspective de devoir classer ces deux affaires dans les affaires non classées, et de laisser Dostoevsky continuer ses petites manigances de charlatan tranquillement.

« Tu penses qu'il a révélé des informations confidentielles à Dostoevsky pendant leurs échanges ?

Ce serait étrange, lâcha-t-elle, parce que ce n'est pas son style. Sauf si cela lui apportait un avantage.

Donc il l'a probablement fait. » conclut Ranpo dans un haussement d'épaules, avant de fermer les yeux.

Son ami de longue date pensait probablement lui aussi au retour miraculeux de Gin Akutagawa, et à la perquisition ratée de l'entrepôt, alors que l'inspecteur au gavroche était si sûr de lui. Il y avait trop de choses étranges dans ces deux événements, qu'on pouvait aisément expliquer en partant du principe que Dazai avait monnayé des informations confidentielles contre la libération de Gin Akutagawa.

Sans preuves ― et même avec ― la jeune femme ignorait comment réagir à cette information. Ce qu'avait fait Dazai était sans nul doute un « crime » mais s'il permettait ensuite d'attraper Dostoevsky... Elle ignorait quelles mesures elle devrait prendre. Pour le moment, elle décida de faire comme si elle ne savait rien, et d'attendre que le plan de Dazai ait lieu, sans accroc ou non.

« Dis, Akiko... » Elle tourna vers Ranpo un regard intrigué en l'entendant prononcer son nom. Il avait toujours les yeux fermés et dirigés vers le plafond de son appartement, mais il paraissait être en train de l'observer malgré tout.

« Oui ? demanda-t-elle songeant qu'elle n'était pas prête de travailler tant qu'il serait avec elle, que ce soit parce que sa concentration était mise à l'épreuve par sa présence ou parce qu'il ne cessait de lui poser des questions.

Est-ce que quelqu'un t'intéresse en ce moment ? »

La jeune inspectrice manqua de s'étouffer avec sa propre salive en entendant cette question. Elle le fixa intensément, cherchant à savoir s'il avait posé la question par pure malice, tout en connaissant la réponse grâce à sa perspicacité, ou s'il était vraiment plus idiot qu'elle ne le pensait.

À son grand désarroi, il semblait avoir posé cette question en était complètement sérieux. Oh, bon sang..., songea-t-elle en secouant la tête avec consternation.

« Qu'est-ce qu'il te prend ? s'enquit-elle avec un soupir.

Je veux juste savoir, se défendit Ranpo. Pure curiosité. » J'espère que non, songea-t-elle en répondant :

« Oui.

Je le connais ? Il est au Bureau ? »

Elle avait le sentiment d'être projetée dans une série ridiculement clichée où les deux personnages se parlaient de leurs béguins respectifs sans se rendre compte qu'ils se décrivaient l'un l'autre. Elle qui craignait pourtant jusqu'il y a peu qu'il ne la perce à jour avec ses talents de profilage, elle réalisait qu'elle s'inquiétait apparemment pour rien.

« C'est un interrogatoire policier ? demanda-t-elle avec un léger amusement palpable.

Peut-être ? Nous en sommes.

On ne s'interroge pas entre collègues : c'est la règle d'or du métier.

Tu viens de l'inventer. » Akiko afficha une mine innocente. « Et donc ? Je le connais ? » revint-il à la charge. Elle soupira en répondant :

« Oui, c'est toi gros malin. »

Elle n'avait originellement pas l'intention de le dire aussi abruptement, mais l'agacement lié à toutes les fois où elle avait pris des gants ces derniers jours alors qu'elle n'était pas douée pour cela et à l'idiotie de son ami avait pris le dessus. Son ami resta, une fois n'était pas coutume, sans voix.

« Alors, monsieur perspicacité, quelque chose à dire pour votre défense ? » le taquina-t-elle, pour dissimuler la crainte de sa réaction. Il semblait avoir complètement « bugué ».

« C'est moi ? répéta-t-il au bout d'un instant.

Oui. C'est si surprenant ?

J'essaye juste de me convaincre que je ne rêve pas. » répondit-t-il avant d'ouvrir les yeux pour l'observer. Elle soutint son regard sans ciller.

« Je peux prendre ça comme un « Moi aussi je suis intéressé par toi » ? souffla-t-elle.

Qui n'est plus perspicace maintenant ? » se moqua-t-il.

Elle le frappa une nouvelle fois ― la combientième de la journée ? ― tout en songeant que cet idiot avait bouleversé ses plans d'attendre la fin de tout ça pour lui avouer ses sentiments. Elle estimait toujours que profiter de leur relation en ces temps troublés était une mauvaise idée, mais elle garda cette opinion pour elle en embrassant le jeune homme pour la première fois ― mais certainement pas la dernière, les dieux en étaient témoins.

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