25 - 𝐒ix enfants et quelques inspecteurs

Regardez ! Tsuuki poste (presque) son chapitre à l'heure ! À votre avis, c'est parce que :
a) elle n'a pas beaucoup de devoirs.
b) elle est organisée.
c) elle préfère écrire que réussir son année.

évidemment : c'est la réponse c).

nON JE BLAGUE. en fait c'est b) avec un poil de cheveu de c).

bref, nouveau chapitre, nouveaux nœuds au cerveau, don't worry moi aussi je ne comprends plus rien à ce qui se passe.

comme je l'ai annoncé en story hier : je décale les publications au samedi soir ! à l'origine, je postais le vendredi parce que c'était ma journée la plus "calme" de la semaine (j'avais 3h de cours l'année dernière haha, quel bonheur révolu) ; malheureusement ce n'est plus le cas cette année donc j'opère un changement stratégique !

(j'aurais pu décaler au lundi, ma nouvelle journée ridiculement plus courte que le vendredi l'année dernière mais bon j'aime bien le samedi, j'ai du temps)

du coup, prochain chapitre le 17 octobre ! bonne lecture :)

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𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝐕𝐢𝐧𝐠𝐭-𝐜𝐢𝐧𝐪 — 𝐒𝐢𝐱 𝐞𝐧𝐟𝐚𝐧𝐭𝐬 𝐞𝐭 𝐪𝐮𝐞𝐥𝐪𝐮𝐞𝐬 𝐢𝐧𝐬𝐩𝐞𝐜𝐭𝐞𝐮𝐫𝐬

Un coup de tonnerre déchira le silence de la nuit et fit tressaillir le jeune homme aux cheveux bicolores qui fouillait avec attention les placards et les meubles de la chambre dans laquelle il se trouvait. Elle était bien différente de la sienne, moins épurée et plus personnalisée d'un autre côté, elle était occupée en permanence, pas comme la sienne qu'il n'occupait que provisoirement, et contre sa volonté.

Il n'aurait pas dû se trouver là, accroupi à même le sol pour fouiller les tiroirs, mais il voulait la confirmation d'une chose qu'il ne pouvait directement demander à sa tante, et n'avait pas trouvé mieux que d'entrer par effraction dans sa chambre pendant qu'elle était en entretien avec son propre supérieur. Si l'un ou l'autre l'apprenaient, il ne donnait pas cher de sa peau et de sa carrière.

Mais il n'allait pas repartir sans avoir trouvé ce qu'il voulait, pas maintenant qu'il s'était mis en danger. Il savait que ce qu'il faisait était moralement répréhensible mais c'était le cadet de ses soucis quand il pensait au reste. Et puis, il n'allait pas s'en servir à mauvais escient. Il voulait juste un moyen de pression pour faire comprendre à sa tante qu'elle ne se comportait pas de façon logique. S'il n'en avait aucun, comme actuellement, elle n'accorderait jamais aucun crédit à ce qu'il essayait de lui dire.

Il retourna un tiroir en devinant un double fond ce n'était pas dur à repérer quand on savait remarquer leur forme un peu surélevée comparée aux autres et mit ainsi à jour une pile de dossiers soigneusement étalée. Un mince sourire s'étira sur ses lèvres, un peu effrayant puisqu'on remarquait immédiatement qu'il ne souriait jamais en temps normal, mais il était satisfait de lui-même.

Il ouvrit le premier ils ne portaient aucune indication à son grand malheur et son sourire s'effaça aussi vite qu'il était apparu. Sur la première page, vierge comme toutes les autres, un post-it avait été accroché et portait une petite phrase moqueuse qu'il trouva dans chaque dossier.

Je ne suis pas aussi prévisible. Bien essayé :)

⋆✩⋆

J + 4
21 JANVIER

⋆✩⋆

Ryunosuke était calme. Très calme. D'un calme olympien même. Il ne s'était jamais senti aussi calme. Pas depuis des années en tout cas. Il était presque fier de son calme parfait à toute épreuve. Il allait le conserver encore un bon moment, il en était certain.

(Le pauvre stylo qu'il serrait dans son poing n'en était pas aussi sûr en revanche.)

Dire que cet affaire le rendait absolument paranoïaque et malade était un mensonge aussi. Comme tous ses collègues, il était parfaitement serein vis-à-vis des piques du numéro inconnu, des suspects à n'en plus finir et de l'incompréhension générale. Tout allait parfaitement bien, cela ne faisait aucun doute. Cette affaire serait bientôt résolue...

Si Dazai arrêtait de n'en faire qu'à sa tête.

Le fait que son supérieur agissait bizarrement, il l'avait déjà remarqué depuis longtemps. Mais il fallait admettre que cela avait empiré avec la mort de Fitzgerald : ses agissements étaient passés de « incompréhensibles » à « même un narrateur omniscient ne les comprendrait pas ». À sa connaissance, plus personne dans leur bureau ne parvenait à saisir ce qui se passait dans son esprit ― mais il n'était pas sûr que quiconque y soit jamais arrivé.

Le jeune homme aux cheveux bruns n'avait pas mis un pied au bureau depuis plusieurs jours, plus exactement depuis qu'il avait été à la rencontre du deuxième suspect, Chuuya Nakahara. Tous leurs appels étaient restés sans réponse, et si Yosano et Ranpo avaient décrété que ce n'était pas la peine de s'inquiéter pour le moment, Ryunosuke se demandait quand même s'ils avaient bien raison d'être aussi passifs. Ils continuaient d'enquêter, et tenaient d'ailleurs plusieurs pistes qui donneraient peut-être quelque chose s'ils s'autorisaient à espérer un peu.

Tout d'abord, Mori était passé expliquer à Yosano les tenants et les aboutissants de la sombre affaire des joyaux et ses explications avaient apporté aux inspecteurs une aide considérable. Le fait que leur homme avait disparu sans crier gare après son méfait commis avait trop de ressemblance avec la disparition de Topaz après son propre crime. Ils avaient donc choisi de creuser la piste « Dostoevsky » sans trop d'espoir, et avaient trouvé leur salut dans cette simple recherche ― sans exagérer bien sûr.

Ils avaient déjà noté le lien possible entre tous les suspects et la ville d'Oulianovsk, et en poussant leurs recherches sur le passé du potentiel tueur d'Agatha Christie, ils avaient découvert qu'elle avait visité Oulianovsk.

Et la date correspondait au séjour de Dostoevsky en voyage scolaire.

Sur cette mince découverte, ils avaient centré leurs recherches sur cette période et les trajets d'Agatha Christie avec son chef de la sécurité et avaient trouvé un événement remontant à une dizaine d'années plus tôt. Une exposition sur Adolf Wolfli, artiste suisse connu pour sa folie et les œuvres qu'elle générait, avait été tenue à Oulianovsk, et sur la liste des visiteurs figurait le nom de Fyodor Dostoevsky, d'Agatha Christie, ainsi que d'Ivan Goncharov. Leurs recherches sur le barista ne leur avaient pas appris cette visite en Russie, mais la liste des invités était formelle : il s'y était rendu. Les inspecteurs se demandaient comment les deux hommes, qui n'appartenaient pas du tout au public de cet événement, avait pu s'y rendre mais c'était un problème secondaire face à ces preuves.

Ils avaient réussi à convaincre leurs supérieurs de la nécessité d'aller à Ouliankovsk interroger les organisateurs de l'événement ― beaucoup s'y étaient opposés, arguant que tout cela était vieux de dix ans, mais ils avaient obtenu gain de cause. Les chances qu'ils trouvent quelque chose étaient en effet maigres, mais ils ne pouvaient plus se permettre de négliger la moindre piste. Nakajima et Kunikida s'envolaient dès le lendemain pour la Russie, dans le plus grand secret ― ils l'espéraient.

Ils avaient pris toutes les précautions afin que l'information ne fuite pas, mais il était difficile de savoir dans quelle mesure Dostoevsky et ses potentiels complices les espionnaient. Depuis la visite de Mori, le moindre centimètre carré de leur bâtiment avait été passé au crible à la recherche de micros et tous leurs téléphones portables avaient été réquisitionnés. Ils utilisaient en remplacement des appareils sécurisés fournis par le bureau de Tokyo et avaient reçu l'ordre de ne les utiliser que pour le strict nécessaire. L'inspecteur aux cheveux bicolores n'avait jamais été du genre à personnaliser son téléphone portable, mais il se sentait un peu étrange lorsqu'il l'allumait et ne voyait pas la photo de lui et sa sœur qui avait toujours orné son fond d'écran.

(Que les choses soient claires : il n'avait pas eu son mot à dire dans le choix de cette photo. Sa sœur lui avait forcé la main en arguant qu'elle avait le même fond d'écran à l'époque. Maintenant, elle avait remplacé le cliché par une photo de sa petite amie et elle, mais lui ne l'avait pas changé. Il ne savait pas quoi mettre d'autre de toute manière. )

Il n'avait aussi que ses collègues dans ses contacts et ne faisait rien d'autre avec son appareil qu'envoyer des messages et appeler. Les analystes de la capitale avaient été chargés de découvrir comment leurs portables avaient-ils pu être mis sur écoute (si c'était véritablement le cas) mais deux pistes étaient possibles : un micro directement intégré à l'intérieur ou un virus qui permettrait à son créateur d'accéder aux caméras et micros directs du téléphone. Ils leur avaient donc ordonné de ne rien faire d'autre qu'appeler et envoyer des messages avec leurs appareils provisoires pour conserver au maximum la discrétion.

Ces mesures, associées au fait que seuls les membres de l'équipe de Yosano connaissaient la destination des deux inspecteurs, devaient leur permettre d'arriver sans encombres à Oulianovsk et surtout sans craintes que Dostoevsky ait pris des mesures radicales dans l'hypothèse où on y trouverait des traces de son passage. (Ils avaient même obtenu de faux papiers d'identité pour réserver leurs billets d'avion, et Ryunosuke songeait qu'ils avaient beaux être les représentants de l'ordre, ils utilisaient exactement les mêmes méthodes que les criminels pour échapper aux regards trop curieux.)

De leur côté, Akutagawa, Yosano et Ranpo n'avaient pas prévu de chômer non plus sous prétexte qu'ils avaient enfin une piste. Elle n'aboutirait peut-être même pas, et il leur fallait autre chose pour progresser. Ils s'étaient tournés vers les relations de Mark Twain pour en apprendre plus sur lui, et avaient ainsi pu s'entretenir avec ses parents, son frère et sa sœur, ainsi que des amis proches. L'un d'entre eux, une vieille connaissance avec qui il était ami depuis le collège, leur avait fourni une information intéressante : le jeune homme se comportait bizarrement depuis son voyage à Oulianovsk. Il ne sortait presque plus et avait organisé un voyage au Japon sans leur donner la moindre explication.

Ils avaient organisé un second entretien avec cette personne, un jeune auteur indépendant du nom d'Edgar Poe, mais Ryunosuke n'y assisterait pas non plus : Ranpo avait été chargé de s'en occuper compte tenu de ses prédispositions pour déceler les mensonges de la vérité. Le jeune inspecteur en formation avait, lui, hérité d'une partie peu réjouissante de leur enquête.

Il devait trouver Chuuya Nakahara.

Le jeune homme était l'un de leurs principaux suspects en raison de la présence de son ADN sur la scène et l'arme du crime, mais il ne s'était jamais présenté à leurs bureaux et l'interpellation n'avait pas abouti ― Yosano avait semblé à deux doigts de la crise de nerfs lorsque les policiers chargés avaient révélé avoir été menacés par Dazai pour ne pas l'effectuer. Évidemment, compte tenu des antécédents de Topaz, ils le considéraient comme suspect prioritaire comparé à ce jeune homme dont ils n'avaient jamais entendu parler, mais ils avaient tous appris que négliger une piste sur ce prétexte était la pire erreur qu'un inspecteur puisse jamais commettre alors ils avaient décidé de creuser la piste aussi.

Sauf qu'il était absolument introuvable, depuis le même jour que Dazai de surcroît. Honnêtement, Ryunosuke avait beaucoup de mal à adhérer à la rumeur principale qui parcourait les couloirs de leur bureau et disait que le brun avait tout abandonné pour s'enfuir avec ce suspect qui était l'amour de sa vie et qu'il savait non coupable. Tout cela lui semblait trop romancé pour convenir au jeune homme brun insensible sincèrement qu'il côtoyait depuis des mois. Il y avait sans doute un fond de vérité ― il était impossible que l'inspecteur brun n'ait pas un lien avec l'absence évidente de leur deuxième suspect ― mais selon lui, il ne faisait nullement cela de façon irresponsable et par amour. On parlait d'Osamu Dazai. Ryunosuke n'était absolument pas son plus grand fan ― il garderait toujours en travers de la gorge l'histoire avec sa sœur ― mais il était absolument certain qu'il ne ferait jamais de choses aussi irréfléchie.

Le jeune homme aux cheveux bicolores était déterminé à faire ses preuves et à retrouver leur suspect, mais si son supérieur s'était mêlé de cette histoire, il doutait de ses capacités à le retrouver. De plus, il ne voulait pas se comporter comme si le brun était devenu leur ennemi. Il avait repensé à tout ce que le jeune homme avait fait ces derniers jours et était arrivé à la conclusion qu'il manigançait quelque chose depuis longtemps. Quand on y réfléchissait, il avait eu une attitude contradictoire à plusieurs reprises, témoignant successivement de la sollicitude bienveillante et de la froideur détachée de façon aléatoire.

Et Ryunosuke avait fini par se demander si, par ce comportement, Dazai n'essayait pas de tous les induire en erreur. Et par tous il incluait aussi bien l'entièreté de leur bureau que leurs ennemis dirigés par Fyodor Dostoevsky. Son revirement sur Oda lui avait mis la puce à l'oreille. Oh, son aîné avait été plus que crédible dans sa façon de se mettre à douter de son propre supérieur après avoir découvert qu'une personne dont il était proche était impliqué dans leur affaire ― d'ailleurs, il y avait sans aucun doute une part de vérité. Mais le fait qu'il se soit tourné vers lui sous le prétexte de son objectivité était bizarre. Très bizarre. Peut-être extrapolait-il trop les intentions cachées du brun, mais il ne voyait pas pourquoi il lui en avait parlé si ce n'était pour l'inciter à se renseigner encore plus en détail dessus.

Donc c'était ce qu'il faisait. Il avait été chercher le dossier de l'inspecteur décédé aux archives pour tout découvrir sur la vie de l'inspecteur défunt. Il l'avait fait en secret de ses supérieurs heureusement trop occupés avec d'autres points à éclaircir ― il ne désirait pas devoir expliquer en détail pourquoi il avait recommencé à enquêter sur l'histoire de l'inspecteur Oda.

Pour le moment, il n'avait pas appris grand-chose, ce dont il se doutait déjà. Si Oda avait bien eu un lien, quel qu'il soit, avec Dostoevsky ou sa troupe, cela n'allait pas être marqué en gras dans son dossier. Il avait relu en détail le rapport effectué par l'inspecteur Dazai après les événements ― étant le seul témoin, c'était lui qui avait dû s'en charger moins de vingt-quatre heures après le trépas de son mentor ― pour être certain de ce qui s'était produit et avait noté l'étrange ressemblance avec le meurtre plus récent de Fukuzawa. Les circonstances étaient différentes, mais la façon dont l'assassin avait procédé était similaire : une balle tirée en hauteur qui avait transpercé un poumon.

L'inspecteur Oda enquêtait à l'époque sur une affaire de disparition plutôt banale, en tout cas pour eux, inspecteurs de brigade criminelle. Un jeune garçon porté disparu depuis deux jours, dont le téléphone était éteint et qui était un peu trop jeune pour que ce soit normal. Il avait été retrouvé quelques jours après le drame par l'inspecteur Ayatsuji qui avait repris l'affaire, et le coupable du kidnapping, qui voulait extorquer de l'argent à ses parents, avait fini en prison, où il devait toujours purger sa peine.

Rien ne semblait relier cette affaire à Dostoevsky ― pour une fois ― aussi il laissa rapidement tomber l'idée d'y voir un lien. Il chercha attentivement la moindre mention de Topaz dans le dossier mais n'y trouva rien non plus, à part les rapports rédigés par l'inspecteur aux cheveux auburn sur l'affaire Topaz.

Tout cela semblait conforter sa seconde hypothèse que le nom de l'inspecteur décédé n'était là que pour brouiller les pistes et jouer sur une corde sensible auprès de ses supérieurs. Dostoevsky avait très bien pu profiter du mystère conféré par son logo étrange pour ordonner à Topaz de placer ce papier avec son nom et juste les détourner de lui. Cela semblait d'ailleurs très probable lorsqu'il y repensait à tête reposée, car cela collait avec le portrait psychologique du criminel qu'ils avaient pu établir à force de confrontations.

Mais, il ne baissa pas les bras tout de suite pour autant, et se mit à chercher le moindre nom qu'il avait déjà vu depuis le mois de novembre dans les rapports et les dossiers de l'inspecteur. Cela lui prit un temps phénoménal ― l'inspecteur Oda avait eu une carrière brève mais bien remplie en matière de criminels arrêtés ― mais il parvint à trouver ce qu'il cherchait, en plus grande quantité qu'il ne l'espérait.

Tout d'abord, l'auburn avait fréquenté pendant quelques temps un dentiste dont le cabinet se trouvait à une dizaine de minutes à peine du domicile de Chuuya Nakahara. La période correspondait théoriquement à celle où le rouquin avait quitté le pays ― ils avaient trouvé ces informations en usant de leur privilège d'inspecteurs ― mais les frères du jeune homme étaient restés au Japon pendant tout ce temps et avaient donc pu hypothétiquement croiser Oda.

Il avait trouvé un autre point intéressant : l'inspecteur Oda avait participé à l'interpellation des Tanizaki lors des protestations qui avaient suivi l'arrestation de Topaz. Il n'y avait rien de spécial de mentionné à ce sujet dans son dossier, mais Akutagawa estimait que c'était un début de lien qu'il ne pouvait pas négliger s'il comptait réellement exploiter la piste de l'auburn jusqu'au bout. Fort de ces deux découvertes, il décida donc de quitter le confort de son espace de travail ― il était ironique, il détestait leurs chaises raides et le peu de place octroyé par leurs bureaux ― pour mener une enquête plus poussée sur le terrain en se rendant au domicile des Nakahara.

Une vingtaine de minutes en voiture plus tard, il posa un pied devant la maison habitée aux dernières nouvelles par la famille, et se retrouva immédiatement espionné par quatre têtes rousses qui émergeaient de derrière la haie soigneusement entretenue. Les quatre enfants le fixèrent avec attention, si bien qu'il faillit leur adresser une remarque désagréable pour les faire fuir ― mais il se retint parce qu'il avait potentiellement besoin de ces enfants. De toute manière, un cinquième garçon sortit de la maison pour invectiver ses frères et leur ordonner de cesser de le fixer ainsi.

Ryunosuke observa avec attention les cinq enfants qui lui firent face ensuite : ils partageaient tous les mêmes cheveux flamboyants. C'était le seul élément qui indiquait leur parenté, les traits du visage quelque peu similaires mis à part. Trois des garçons avaient les yeux verts, deux autres les yeux noisettes. Les deux plus jeunes avaient les joues constellées de tâches de rousseurs ― c'étaient eux qui le fixaient le plus d'ailleurs, et sans ciller.

« Excusez-les, déclara celui qui devait être le plus âgé de la troupe ― Ryunosuke lui donnait environ dix-sept ans, ils font ça avec tout le monde. On ne dirait pas mais ils aiment bien rencontrer des nouvelles personnes. » Non, on ne dirait pas en effet, pensa le jeune inspecteur tout en s'efforçant de rester professionnel et de sortir sa plaque officielle.

« Je suis l'inspecteur Ryunosuke Akutagawa, se présenta-t-il. J'aimerais parler à Chuuya Nakahara. » Il se doutait très bien que ce dernier n'était pas présent, mais il tenait à faire passer cette visite pour une visite peu importante pour ne pas interpeller Dostoevsky plus que de raison s'il se trouvait en train de les espionner.

« Oh... » L'aîné resta décontenancé quelques instants avant de répondre : « Mon frère est sorti il y a une dizaine de minutes. »

La réponse interloqua l'inspecteur. Il s'était imaginé que le lycéen allait lui répondre quelque chose ressemblant à « Désolé, mon frère n'est pas rentré depuis plusieurs jours. » puisqu'il était évident que le rouquin essayait au maximum d'éviter une quelconque interpellation, mais il ne s'attendait pas à ce qu'il soit resté chez lui. Il se sentait presque idiot d'être parti de ce principe sans même vérifier précisément les faits.

« Vous savez quand il va revenir ?

Sans doute dans pas longtemps, s'exclama un autre enfant, aux cheveux en bataille qui lui tombaient tant devant les yeux que l'inspecteur se demanda s'il voyait bien devant lui, il a oublié sa carte bleue ici.

Dis plutôt que tu lui as volé sa carte sans qu'il ne s'en aperçoive, le tança l'aîné supposé.

Du coup c'est de sa faute pour ne pas avoir été attentif ! clama son cadet, qui voulait apparemment absolument avoir le dernier mot.

Cela vous dérange si j'attends ici qu'il revienne ? reprit Ryunosuke pour recentrer la conversation.

Pas du tout ! Vous pouvez entrer aussi si vous voulez. »

Le jeune garçon l'invita d'un geste de la main à se diriger vers leur maison et l'inspecteur finit par opiner de la tête. Il suivit l'étrange petite troupe qui l'assaillit immédiatement d'une multitude de questions et de présentations en vrac qu'il eut du mal à démêler une fois installé dans leur salon, une tasse de thé fumant devant lui. Heureusement, il avait déjà consulté le dossier de Chuuya Nakahara avant de venir et avait pris connaissance du nom de ses cinq frères ― il plaignait légèrement leur mère qui avait dû gérer six garçon à la maison pendant si longtemps.

L'aîné, Arô, avait dix-sept ans en effet et était en dernière année de lycée ― il découvrit alors qu'ils avaient fréquenté le même. C'était de loin le plus calme des cinq tornades rousses qui ne semblaient pas tous connaître la signification de « rester inactif sur une chaise ». Sans doute avait-il pris l'habitude de gérer les autres puisqu'il était le deuxième plus âgé.

Le suivant dans la famille s'appelait Kôzô et, vingt minutes après son arrivée, Ryunosuke ne l'avait pas entendu ouvrir la bouche à part au début pour signaler son vol de carte bleue. Le jeune garçon qui avait apparemment quinze ans le dévisageait simplement avec un regard fixe tout en s'occupant de ses frères cadets pour ne pas qu'ils courent partout et renversent les décorations sans doute fragiles de leur maison. Si Ryunosuke ne le qualifiait pas de plus calme des cinq frères, c'était parce qu'il le voyait malgré tout courir partout pour divertir ses frères, au grand désespoir de leur aîné qui ne cessait de s'excuser.

Venait ensuite Shirô, douze ans, suivi de près par Girô, onze ans, qu'il aurait pris pour des jumeaux si Arô ne lui avait pas signalé leur différence d'âge minime. Les deux garçons se ressemblaient comme deux gouttes d'eau avec leurs visages constellés de tâches de rousseur et leurs yeux verts. De plus, ils jouaient apparemment tout le temps ensemble, ce qui accentuait la méprise.

Le plus jeune enfin se nommait Jurô et avait huit ans. S'il avait aimé les enfants, Ryunosuke l'aurait trouvé mignon. Malheureusement, il avait une sainte horreur des jeunes enfants qui étaient plein d'énergie et impossibles à fatiguer, même après avoir joué avec eux pendant des heures. Peut-être était-ce parce que sa sœur n'avait jamais été ainsi, et qu'il n'avait donc jamais dû faire face à des enfants de ce type. (Ou peut-être que c'était juste son caractère.)

Ne manquait donc pour parfaire le tableau que l'aîné de la fratrie, Chuuya ― qui était le seul à avoir un nom avec une sonorité différente, sans qu'il ne sache s'il y avait une raison. Vingt-deux ans d'après ses informations et diplômé sans emploi stable. Il avait passé trois ans en France chez des amis de leur famille avant de revenir au mois de septembre au Japon ― le système scolaire étant décalé, ce retour s'était effectué tardivement.

Ryunosuke s'interrogea aussi sur l'absence apparente des parents des six garçons, et obtint la réponse au détour d'une conversation épiée un peu après : le père était en voyage d'affaire et leur mère était partie quelques jours plus tôt rendre visite à sa propre famille en les laissant aux bons soins de leur frère aîné, le seul adulte restant de la maison. Il n'était pas étonnant finalement que le rouquin ne soit pas parti loin ― il devait trop craindre que les enfants détruisent sa maison en son absence.

Il dut attendre une trentaine de minutes pour finalement entendre une moto se garer dans l'allée de la maison et voir la foule des enfants qui s'était un minimum calmée courir dehors pour accueillir leur aîné... lequel leur rendit leur amour par une flopée d'insultes adressée au voleur de sa carte bancaire.

« Je vous déteste. » fut la première phrase construite qu'il l'entendit prononcer en entrant dans leur maison. Chuuya Nakahara posa ensuite ses clés et son casque avant de réaliser qu'il y avait une autre personne à leur domicile ; leurs regards se croisèrent et il haussa un sourcil en direction de Ryunosuke. « Bonjour ?

Je suis l'inspecteur Ryunosuke Akutagawa. » se présenta le jeune homme aux cheveux bicolores en se levant.

« Oh. » Une lueur de compréhension passa dans les yeux bleus de son interlocuteur. « Je sais pourquoi vous êtes là.

Cela facilitera les choses je suppose. » Le rouquin vint s'asseoir face à lui et l'observa quelques secondes sans ciller. « Vous avez ouvertement contourné les convocations qui vous ont été adressées.

C'est la vérité, admit le rouquin, mais j'avais une raison.

Vouloir dissimuler votre crime ? »

Ryunosuke ne put retenir la réponse sarcastique qui lui vint immédiatement. L'autre posa sur lui un regard neutre et lui tendit une feuille. L'inspecteur aux cheveux bicolores la saisit, la déplia, et lut les quelques mots griffonnés dessus.

Je m'attendais à mieux de votre part, franchement. - Dazai.

Ryunosuke ferma brièvement les yeux avec exaspération. Il était impossible. Vraiment. Il allait tous les rendre fous et leur faire regretter l'époque où il était parti après la mort de son mentor. Comment étaient-ils supposés résoudre ce mystère impossible si même les inspecteurs se mettaient à s'exprimer par énigmes et à leur compliquer la tâche ? Son exaspération devait être palpable, parce que Chuuya Nakahara déclara, après l'avoir observé quelques secondes :

« Je sais, il est insupportable. Je lui ai dit que c'était stupide.

Mais vous l'avez écouté. » commenta l'inspecteur aux cheveux bicolores. Son interlocuteur le dévisagea encore un moment avec sérieux, puis dit :

« Vous savez, je comptais me rendre à cet interrogatoire. Vraiment. Même si j'ai des choses à me reprocher, elles ne concernent pas ce qu'il s'est passé lors du gala de Fitzgerald.

Ce n'est pas ce que semblent indiquer les preuves, fit remarquer malgré lui Ryunosuke, mais l'autre l'ignora superbement pour continuer sur sa lancée :

Dazai m'a dit de ne pas le faire.

Vous avez été en contact avec lui depuis votre convocation donc.

Comme si vous ne vous en doutiez pas, répliqua le rouquin en haussant les épaules. On s'est vus le soir même du jour où vous avez appris que mes empreintes figuraient sur l'arme et la scène du crime. » Ryunosuke grimaça en l'entendant évoquer des informations confidentielles ― Dazai n'en avait vraiment fait qu'à sa tête.

« Et donc ? Il a décidé qu'il allait vous faire confiance et vous protéger ? » La remarque sonnait plus sèche qu'il ne l'aurait voulu, mais le rouquin se contenta de hausser les épaules une nouvelle fois.

« Cela ne s'est pas exactement passé ainsi. D'ailleurs, si vous tenez à tout savoir, il m'a plutôt laissé en plan avant de disparaître. Si vous comptiez sur moi pour vous dire où il est, je n'en sais rien. »

L'assurance affichée par le jeune homme jusqu'alors se fendit légèrement sur ces derniers mots. Ryunosuke admettait que cet entretien s'avérait plutôt décevant, sur tous les points. On lui avait assigné la tâche de retrouver Chuuya Nakahara et Dazai en même temps, alors que toutes les preuves indiquaient qu'ils étaient partis tous les deux ; mais il s'avérait désormais qu'ils n'étaient pas absolument pas ensemble, que Nakahara n'avait jamais quitté la région et que Dazai était toujours introuvable.

« Dazai et vous vous êtes disputés mais vous avez suivi son indication de ne pas venir comparaître ?

Il m'a dit qu'un inspecteur finirait par venir dans tous les cas. Et que je n'aurais qu'à tout lui expliquer à ce moment-là. D'autant plus que cela diminuerait les risques d'écoute. » Ryunosuke voulut relever cette remarque en demandant si Dazai avait deviné qu'ils se prémuniraient contre les micros avant de venir, mais se ravisa. Cette maison par contre était potentiellement sur écoute aussi et il ne tenait pas à révéler la nature exacte de leurs mesures au cas où Dostoevsky écouterait.

« Vous n'avez aucune idée de ce que Dazai pourrait bien être en train de faire ?

... » Chuuya réfléchit quelques instants avant de répondre : « Honnêtement, non. Mais je ne pense pas que ce soit intelligent. »

Ryunosuke ne savait pas trop si la remarque témoignait d'une certaine inquiétude ou tenait plus du reproche agacé, mais décida qu'il n'avait aucune envie de se mêler de cette histoire d'amour probablement complexe et se contenta de hocher la tête. Il consulta ensuite son téléphone, puis observa de nouveau son interlocuteur.

« Venez au BEC dès que possible, déclara-t-il, ma supérieure a des questions importants à vous poser et vous devriez y répondre pour vous innocenter une bonne fois pour toutes si vous n'avez vraiment aucun rapport avec toute cette histoire. » Chuuya leva un sourcil, sembla vouloir soulever une interrogation, puis se ravisa et hocha la tête. « J'aurais aussi voulu poser une question à vos frères. Je peux ? »

Il aurait pu le faire avant le retour de leur aîné, mais avait préféré attendre de voir ce qu'il ressortirait de son échange avec lui avant de prendre la moindre décision. Le jeune homme hocha de nouveau la tête et le suivit alors qu'il ressortait de la maison pour aller voir les cinq enfants qui jouaient dehors ― les trois plus jeunes surtout, tandis que les deux aînés essayaient de les empêcher de faire n'importe quoi.

« Eh ! les invectiva Chuuya en sortant, venez par ici. » Il se fit obéir immédiatement, ce qui surprit un peu l'inspecteur, qui imaginait qu'ils étaient impossibles à gérer quand ils étaient aussi excités comme des puces. « L'inspecteur Akutagawa a des questions à vous poser.

Une seule, corrigea le jeune homme aux cheveux bicolores pour rassurer les enfants. Je voudrais juste savoir si l'un d'entre vous avait déjà entendu parler d'un Sakunosuke Oda. »

Il avait adressé sa question uniquement aux frères de Chuuya Nakahara, en partant du principe qu'il n'y avait qu'une infime chance que l'aîné l'ait croisé compte tenu des dates qui ne coïncidaient pas. Malgré tout, il jeta un coup d'oeil au jeune homme pendant qu'il posait sa question et le vit clairement se raidir lorsqu'il prononça le nom de l'homme. Finalement, ils se connaissaient peut-être bien...

« Moi je le connais ! déclara soudainement Arô. Je l'ai croisé une fois chez le dentiste. » Il se tourna vers Kôzô et poursuivit : « Tu te souviens de la fois où on est venus pour ta grosse carie ? » L'autre le fixa avant de secouer la tête négativement, ce qui fit lever les yeux au ciel à son aîné. « Bon, bref, on est allés chez le dentiste une fois pour soigner la carie de Kôzô et il était dans la salle d'attente. Il lisait un gros livre, ça m'avait surpris !

Vous lui avez parlé ?

Non. Mais j'ai entendu son nom quand on est partis et que le dentiste l'a appelé à son tour. Il avait l'air gentil ! »

Ryunosuke dut se retenir de soupirer. Cela ne lui apprenait pas grand-chose. Même s'il n'était pas complètement inutile d'apprendre que l'inspecteur était capable d'inspirer la confiance au premier coup d'oeil, cela n'allait pas faire avancer ses recherches. Il remercia les enfants et se tourna une dernière fois vers Chuuya Nakahara. Il le fixa longuement, sondant son visage à la recherche d'une trace de malaise quelconque, et décida de lui poser directement la question qui lui brûlait les lèvres :

« Vous, vous connaissez aussi l'inspecteur Oda non ? » Le rouquin secoua la tête négativement.

« Pas personnellement. J'ai déjà éclairé Dazai sur ce sujet, ajouta-t-il rapidement, signifiant par la même occasion qu'il ne souhaitait pas répondre à plus de questions dessus.

Très bien. »

Ryunosuke n'avait pas l'intention de le contraindre à répéter ― par contre, il allait en toucher un mot à Yosano pour qu'elle décide elle-même si ce serait à creuser lors de l'audition du rouquin. Il salua la fratrie une dernière fois avant de retourner dans sa voiture. Sa visite chez les Nakahara lui avait appris quelques informations, mais rien de vraiment utile pour son enquête malheureusement. Il se demandait pourquoi il prenait encore la peine d'espérer résoudre ce casse-tête impossible.

« Alors ? Une piste intéressante ? » La voix moqueuse de Dazai lui parvint alors qu'il venait de mettre le contact, et il se retourna vivement pour apercevoir son supérieur allongé sur la banquette arrière de son véhicule, pourtant verrouillé quelques secondes auparavant.

« Comment vous êtes entré ? protesta le jeune homme aux cheveux bicolores.

En imitant mon idiot de père, répliqua le brun pour toute réponse, ce qui n'éclaira pas franchement Ryunosuke sur la méthode employée.

Vous savez que tout le bureau se demande ce que vous fabriquez ?

J'aime bien que les gens parlent de moi. » Ryunosuke laissa échapper un soupir d'agacement devant ces réponses bien peu satisfaisantes.

« Vous avez empêché Chuuya Nakahara de se présenter au Bureau ? » Il parvint apparemment à attirer l'attention du brun avec cette question.

« Écoute, déclara-t-il soudainement, voilà ce que je peux te dire. Dostoevsky nous espionne avec un logiciel implanté dans nos téléphones, mais aussi en se mêlant à notre entourage sans qu'on le remarque. Il a probablement déjà infiltré de cette manière notre propre bureau en se faisant passer pour un civil ou un membre de la police municipale.

Mais... » Il voulut protester mais Dazai lui intima le silence d'un geste impatient de la main.

« Il faut redoubler de prudence dans la moindre de nos actions. C'est comme ça qu'il est toujours parvenu à nous prendre de vitesse. Tu as la liste des policiers qui étaient en faction avec toi lors du gala de Fitzgerald ?

Oui, sûrement ?

Compare-la à nos fichiers. Je suis certain que tu trouveras des noms qui ne correspondent pas.

Vous ne pensez quand même pas sérieusement que Dostoevsky était là ce soir-là ?

Si. J'en suis même certain. Topaz était là aussi.

Et Chuuya Nakahara ? » Son supérieur fit la moue devant cette attaque basse.

« Ça, je ne le sais pas, répondit-il finalement en détachant chaque syllabe. A vous de me le dire. »

Il esquissa ensuite le geste de se redresser pour quitter la voiture, mais Akutagawa n'avait pas l'intention de le laisser s'échapper comme ça. D'un mouvement brusque, il mit le contact et démarra la voiture sans la moindre douceur, faisait chuter en arrière son passager clandestin ― mais il ne s'excusa nullement, parce qu'il jugeait que c'était un peu mérité.

« Attends, Akutagawa ! protesta le brun en se redressant une nouvelle fois.

J'en ai assez de toutes ces cachotteries, rétorqua d'un ton glacial Ryunosuke, alors vous allez tout expliquer. Maintenant. Tout ce que vous savez. Je veux le savoir.

Ce n'est pas raisonnable. Le meilleur moyen de surprendre Dostoevsky c'est de ne pas ébruiter... » Il s'interrompit en voyant Ryunosuke ouvrir la fenêtre, jeter son portable de fonction et la refermer comme si de rien n'était.

« Je vous écoute. » Dazai le dévisagea avant de laisser échapper un petit rire.

« Ma parole, tu es devenu bien impertinent. Concentre-toi sur la route s'il te plaît. »

L'inspecteur s'adossa ensuite à l'un des sièges passagers à l'arrière et croisa les bras derrière sa tête avant de l'observer ― Ryunosuke s'en aperçut en croisant son regard dans le rétroviseur intérieur. Il se concentra sur la route qui s'étendait devant lui tout en écoutant le récit que lui fit ensuite son supérieur ― mais ce ne fut pas toujours facile tant les révélations étaient parfois surprenantes.

Il apprit déjà que Dazai discutait avec Fyodor Dostoevsky depuis plus d'un mois (cette nouvelle lâchée sur le ton de l'anecdote faillit coûter la vie à quelques piétons, heureusement qu'il savait assez bien se contrôler). Le brun lui résuma sommairement leurs provocations stupides, ainsi que le marché passé avec l'informateur pour protéger Ranpo, Yosano et Fukuzawa ― mais qui les avait empêchés de retrouver sa sœur rapidement.

Il lui expliqua ensuite que Dostoevsky lui avait volontairement laissé un indice sur l'endroit où se trouvait Gin après avoir orchestré l'assassinat de Fukuzawa, ce qui lui avait permis de la retrouver. Dazai était persuadé pour cela que Gin n'avait servi que d' « appât » pour tuer leur supérieur (cette autre révélation dont il se doutait déjà lui fit griller un feu rouge).

Dazai poursuivit en lui expliquant qu'il avait essayé sur ce constat de comprendre la façon dont Dostoevsky raisonnait pour commettre ses méfaits. Il ne s'impliquait jamais dedans directement, préférant envoyer des boucs émissaires ou des complices pour mettre des bâtons dans les roues à la police. Mais, parfois, il n'avait d'autre choix que de se déplacer pour récupérer ses informations bien-aimées ― il s'était ainsi déjà trouvé sous le nez de Dazai, et peut-être de d'autres membres de la brigade.

L'objectif de son supérieur en disparaissait avait donc été de pousser Dostoevsky à se déplacer une nouvelle fois. Le brun était certain de constituer une menace pour l'informateur ― ces mots avaient été prononcés une nouvelle fois sur le simple ton de l'anecdote, ce qui courrouça un peu le jeune homme aux cheveux bicolores mais il ne dit rien ― alors sa soudaine disparition lui ferait penser qu'il avait une piste ou qu'il préparait quelque chose. Il y avait beaucoup d'incertitudes dans cette stratégie, notamment sur les risques que seraient capable de prendre l'un et l'autre des deux hommes pour faire tomber l'autre, mais Dazai semblait assez confiant sur ses chances de réussite. Il insista sur l'importance qu'Akutagawa ne mentionne leur rencontre qu'en disant « qu'il était sur une piste fiable » pour continuer de mystifier son monde.

Ryunosuke l'interrogea ensuite sur le lien avec Oda. Il voulait savoir pourquoi l'ombre de l'inspecteur décédé flottait sur cette affaire. Dazai sembla surpris par cette question, et encore plus lorsque le bicolore lui expliqua pourquoi il enquêtait sur Oda. Le brun lui dit ensuite qu'il n'avait nullement l'intention de ramener l'attention de son cadet sur le défunt, mais qu'il y avait sans doute un lien en effet.

Il lui résuma ensuite une de ses récentes découvertes : le tueur d'Oda et celui de Fukuzawa étaient peut-être la même personne. Il ne donna pas plus de détails, mais cela suffisait à Ryunosuke de savoir qu'il y avait bien une corrélation, certes inattendue mais existante malgré tout.

Après avoir abordé ce point, Dazai lui fit signe qu'il n'avait plus rien à dire et qu'il désirait descendre, mais son subordonné avait encore une question à lui poser.

« Qu'est-ce que vous comptez faire seul au juste ? L'ultimatum du bureau approche bientôt. On risque de perdre l'affaire, et peut-être même nos boulots si on ne progresse pas.
Mais on progresse, le détrompa Dazai, même si nos supérieurs ne sont pas satisfaits, on progresse c'est indéniable. Et puis... » Il marqua une petite pause avant de lui sourire d'un air malicieux qui n'inspirait aucune confiance. « Si tout se passe comme prévu, on procédera à une arrestation dans moins de trois jours. »

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