24 - 𝐋'amour sépare ceux qui s'aiment
hey !
comment allez-vous ? les cours, le covid, tout ça, vous gérez ? j'espère :3 voici le chapitre, un peu en retard mais enfin disponible sur vos écrans :)
nouveau chapitre, nouvelles explications très importantes, Mori passe enfin aux aveux et le FukuMori vient enfin sortir de sa cachette :)
merci de lire le chapitre 22.5 avant celui ci pour mieux comprendre le pdv de Mori (surtout vers la fin) ⚠️
concernant la prochaine update, ce sera le 02 ou le 09 octobre ! j'ai repris les cours, et le rythme que je vais avoir cette année va être très différent de celui que j'avais jusqu'à présent, alors je ne peux pas vous garantir que je vais tenir le rythme d'un chapitre toutes les deux semaines, donc ne soyez pas surpris si je n'update pas dans deux semaines :(
en attendant, bonne lecture !
⋆✩⋆
𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝐕𝐢𝐧𝐠𝐭-𝐪𝐮𝐚𝐭𝐫𝐞 — 𝐋'𝐚𝐦𝐨𝐮𝐫 𝐬𝐞́𝐩𝐚𝐫𝐞 𝐜𝐞𝐮𝐱 𝐪𝐮𝐢 𝐬'𝐚𝐢𝐦𝐞𝐧𝐭
La jeune femme manqua de perdre l'équilibre et se rattrapa de justesse à un mur pour ne pas s'écraser lamentablement sur le linoléum dans un mouvement qui aurait sévèrement manqué de grâce. Non pas qu'elle fut le genre de femme obsédées par l'idée d'être gracieuses en toutes circonstances, sa mère lui reprochait assez ce fait d'ailleurs quand elle était encore en vie, elle voulait juste s'épargner des bleus supplémentaires et les ricanements de ses camarades de formation.
Elle était la seule femme du groupe d'experts en arts martiaux qui se formait ici, et elle sentait la différence, non pas dans leurs capacités physiques comme ces idiots aimaient le lui rabâcher, mais dans la façon dont ils la regardaient et s'adressaient à elle. Aucun d'eux n'avait eu de geste ou de mot déplacés depuis le début de la formation quelques jours plus tôt, mais elle pouvait percevoir les murmures dans son dos et se retenait de toutes ses forces de leur flanquer un coup bas lors des entraînements.
Elle n'était pas violente. Pas gratuitement en tout cas. Elle ne frappait que ceux qui le cherchaient, et si elle reconnaissait son impulsivité, elle se retenait toujours de blesser sur ce seul motif. Là, des motifs, elle en avait un grand nombre, mais elle savait que l'inspecteur Fukuzawa ne lui pardonnerait pas si elle créait un nouvel esclandre moins d'une semaine après le précédent. Elle avait déjà échappé de justesse à un séjour aux archives ― contrairement à Ranpo, qui n'avait cependant pas eu l'air d'être affecté par cette punition, elle était d'ailleurs certaine qu'il ne faisait que dormir et manger des bonbons ― et avait juste été obligée de partir pour une longue formation à l'autre bout de la région.
Elle trouvait leur sanction un peu rude ― même si, en effet, ils avaient entraîné la destruction de preuves à cause de leur inattention fatale ― et avait hâte que la semaine arrive à son terme. Elle n'en pouvait plus d'être entourée d'idiots qui attendaient la moindre erreur pour rire. Elle se fichait de leur avis comme de l'autre idiot de médecin qui peuplait encore un peu trop son entourage, mais savait qu'elle allait devoir trouver un moyen de s'imposer à des gens comme eux tout au long de sa carrière.
Qu'importe, songea-t-telle, elle avait choisi de devenir inspectrice en connaissance de cause. Et elle leur montrerait à tous qu'elle valait mieux qu'eux.
⋆✩⋆
J + 3
20 JANVIER
⋆✩⋆
Yosano avait envie de faire table rase du passé, au sens figuré comme au sens littéral. Mais elle l'avait déjà fait de nombreuses fois, et elle commençait à en avoir assez. Elle sentait que sa patience avait atteint des limites, et elle souhaitait presque être dans un jeu vidéo où on pouvait demander des indices quand on était bloqué. Elle n'en pouvait plus de faire face à des incompréhensions et des incertitudes, et de reprendre sans cesse les éléments qu'ils possédaient pour essayer de comprendre rien que le cinquième de ce qui avait bien pu se passer ces derniers temps.
Le délai qui leur avait été octroyé pour résoudre l'affaire de la mort de Fitzgerald se rapprochait dangereusement et n'arrangeait rien à son état d'esprit. Son sommeil s'était réduit considérablement depuis la mort de Fitzgerald ― elle comprenait mieux pourquoi l'inspecteur Fukuzawa lui avait une fois dit qu'il passait ses congés à dormir et à ne rien faire pour récupérer après les affaires complexes. Cerise sur le gâteau, Dazai ne répondait pas à ses messages ou à ses coups de fil, elle n'avait donc aucune information sur Chuuya Nakahara et ce que leur entrevue avait donné.
Elle faisait confiance à Dazai malgré tout ce qui s'était passé depuis son retour, mais n'était pas sûre que se fier à lui pour gérer ce problème avait été la meilleure décision. D'un autre côté, il ne lui avait pas laissé le choix, et il valait mieux que ce soit lui, un homme en qui Chuuya Nakahara avait apparemment confiance, qui lui tire les vers du nez pour comprendre si oui ou non il était de mèche avec Dostoevsky et dans quelle mesure il était lié à la mort de Fitzgerald. À condition que Dazai parvienne à rester objectif et professionnel. Une petite voix lui soufflait que cela n'était pas garanti ― mais elle lui intimait le silence parce qu'elle avait d'autres ennuis.
Elle avait demandé à Nakajima et Akutagawa de ramener des archives le dossier consacré à l'inspecteur Fukuzawa la veille, et cherchait désormais à retrouver les pages consacrées à l'affaire des joyaux, qui remontait à plus de huit ans. Elle n'en trouva que deux et fut un instant surprise de ce manque de détails, avant de se souvenir que l'affaire en elle-même n'avait pas été très loin à cause du manque d'indices.
Elle finit par trouver son bonheur, à savoir la liste de ce qui avait été dérobé à la victime, puis farfouilla dans sa paperasse pour retrouver le dossier consacré à la première affaire Topaz. Elle en tira ensuite une photographie représentant le cadre volé sous toutes ses coutures et les compara en s'aidant de ses recherches personnelles pour reconnaître l'apparence des pierres. Elle faisait confiance à Ranpo, s'il avait dit qu'il s'agissait des mêmes pierres, c'est que c'était le cas. Mais elle ressentait le besoin de le constater de ses propres yeux avant d'interroger Mori à ce sujet ― elle n'avait rien dit lors de la première convocation du médecin car elle avait estimé que ce n'était pas prioritaire, mais elle voulait tirer ça au clair et avait convoqué une nouvelle fois le médecin.
Et en effet, même si certaines pierres lui donnèrent du fil à retordre et qu'elle n'était pas certaine de les avoir bien situées, elle se retrouva au bout de quelques instants en possession de nombreuses preuves démontrant que les joyaux volés étaient en grande partie présents sur le cadre. C'était plus que louche. Elle parcourut le reste du dossier sur l'affaire des joyaux (et sentit son cœur se serrer en lisant l'écriture droite et conventionnelle de son défunt mentor) pour lire les réflexions de Fukuzawa et le déroulement des faits.
À une heure quarante-sept du matin, un samedi soir de mars, Agatha Christie était rentrée d'une soirée arrosée en compagnie de ses gardes du corps ― qui eux étaient toujours sobres, en attestaient les tests sanguins effectués ― dans sa chambre d'hôtel louée dans l'un des hôtels huppés de Yokohama. Environ une heure plus tard ― selon les estimations des légistes ― elle était assassinée à bout portant par un cambrioleur qui s'était ensuite enfui avec l'entièreté de ses joyaux, qui faisaient d'elle une riche femme d'affaires enviée par de nombreuses personnes.
Sur le coup, cela ne leur avait nullement semblé sortir de l'ordinaire. Ce genre de cambriolages qui tournait mal, c'était classique dans leur métier. Sans doute le coupable avait été surpris par le fait que la jeune femme soit déjà rentrée ― des témoignages de membres proches de sa famille avaient attesté qu'elle rentrait souvent bien plus tard de ce genre de soirées arrosées mais qu'elle était partie plus tôt ce soir-là à cause d'une migraine ― et avait appuyé sur la détente dans la panique. Cependant, les examens approfondis de la scène du crime avaient révélé des détails étranges sur cette affaire : le coupable n'avait laissé aucune empreinte, le coffre-fort ne portait aucune trace d'effraction, la porte d'entrée non plus alors qu'il n'y avait qu'une carte, en possession de la défunte, et les examens médicaux avaient prouvé qu'Agatha Christie avait été droguée à son insu, sans doute pour la pousser à rentrer chez elle.
Impossible cependant d'établir le mobile du meurtre et d'identifier un potentiel coupable. Personne ne paraissait connaître la combinaison du coffre-fort ― toute la famille de la défunte avait insisté sur le fait qu'elle ne se confiait jamais à qui que ce soit sur ce genre de choses ― et elle n'avait aucun ennemi connu. Les joyaux n'avaient pas été mis en vente sur internet et les bijoutiers qui avaient été surveillés et interrogés n'avaient pas été approchés par un individu désireux de leur vendre ces joyaux. Ils avaient disparu en même temps que le coupable.
Tout en bas de la dernière page du rapport, Akiko trouva une note apposée vraisemblablement plus tard par l'inspecteur Fukuzawa, qui conforta encore plus leurs suspicions à Ranpo et elle : Ôgai a récupéré les joyaux. La note, brève et authentique, constituait en elle-même une preuve que l'affaire avait en réalité été résolue bien des années plus tôt, contrairement à ce que tout le monde pensait. Mais pourquoi l'avoir caché ? La façon dont était formulée l'indication laissait supposer que Mori n'était pas le coupable, puisqu'il avait récupéré les pierres. Récupérées au voleur ? Fitzgerald par exemple ? Son esprit tournait à toute allure. Elle ne comprenait pas pourquoi avoir caché cette information capitale. Pour que Mori garde les joyaux ? Mais pourquoi les confier à lui spécifiquement ? Fallait-il les faire disparaître de la circulation ? Il aurait pourtant été plus logique de les restituer à la famille d'Agatha Christie, à qui ils revenaient de droit. Quelque chose lui échappait dans cette histoire et elle espérait que Mori serait disposé à lui donner les explications complètes.
(Mais elle prenait ses rêves pour la réalité n'est-ce pas ? Le jour où Mori serait honnête avec eux serait à marquer d'une pierre blanche. Il l'avait déjà beaucoup été la dernière fois d'une certaine manière, mais d'une façon qui lui était propre : il leur avait donné des informations, tout en les embrouillant encore plus.)
Le médecin n'était pas encore arrivé une fois qu'elle eut fini sa lecture complète du dossier, et elle promena son regard sur le bureau de Fukuzawa qui était le sien désormais. Elle n'avait rien changé à la décoration pour le moment, elle avait pour ainsi dire eu d'autres chats à fouetter. De toute manière, une part d'elle souhaitait le garder un petit peu en état. La décoration était sobre, les tableaux complètement kitsch, mais il y avait tant de souvenirs qui emplissaient ce bureau individuel que changer le moindre détail paraissait déplacé.
Alors qu'elle observait les tableaux, son regard s'arrêta sur l'un d'eux. Il était d'une banalité affligeante, comme tous les autres, et à ses yeux, seules les couleurs étaient belles et notables ― le reste qui était représenté était terriblement banal. Elle ne se souvenait de lui que parce qu'elle avait remarqué que son inclinaison n'était pas toujours identique, comme s'il était fréquemment déplacé. Dazai, Ranpo et elles plaisantaient souvent sur le fait que Fukuzawa cachait peut-être un coffre-fort derrière ― aucun d'eux n'y croyait vraiment, l'inspecteur principal n'était certainement pas si prévisible, mais c'était leur blague favorite, tout en étant un de leurs grands sujets de curiosité.
Elle se leva et s'en approcha, soudainement désireuse de savoir une bonne fois pour toute s'il dissimulait quelque chose. Jamais Ranpo, Dazai ou elle n'auraient imaginé aller directement regarder ce qu'il y avait ― Fukuzawa n'aurait sans doute pas apprécié une telle intrusion dans son bureau pour ce motif. Mais, maintenant... Elle se sentait un peu mal à l'idée qu'elle « profitait » de la mort de son mentor pour assouvir sa curiosité mal placée, mais peut-être trouverait-elle quelque chose d'important.
Elle prit à deux mains le tableau et essaya de le faire bouger dans tous les sens. Il se décrocha sans trop de mal et la jeune femme le posa contre le mur avant de regarder ce qui se cachait derrière ― parce qu'il y avait bien quelque chose oui. Pas un coffre-fort en effet, mais un trou dans le mur qui, au vu de sa régularité, avait été soigneusement percé. Elle avança la main pour tester sa profondeur et voir si elle trouvait quelque chose au fond ; elle dut se mettre sur la pointe des pieds mais parvint à attraper quelque chose de dur et glacé.
Elle le tira précautionneusement et le mit à jour, tout en sentant son cœur rater un battement en comprenant ce que c'était.
Dans sa main brillait désormais un splendide cadre photo doré et orné de pierres précieuses.
Le même ― elle en était certaine puisqu'elle venait de revoir les photos ― que celui qui unissait les deux plus entêtantes affaires du bureau.
Elle le fixa sans bien comprendre pendant quelques instants. Les joyaux avaient disparus. « Ôgai les avait récupérés ». Il possédait un cadre photo précieux. Ledit cadre avait été volé. Puis récupéré. Aux dernières nouvelles, il aurait dû se trouver toujours au domicile du médecin, à Tokyo.
Mais apparemment, il ne s'y trouvait plus depuis au moins quelques semaines à en juger par la poussière. Alors qu'elle se dressait une nouvelle fois sur la pointe des pieds pour vérifier qu'il n'y avait rien d'autre, la porte de son bureau s'ouvrit sur Mori qui, visiblement, se moquait comme de l'an quarante de la notion de respect et d'intimité. Elle entendait Kunikida derrière lui, en train de protester contre son manque flagrant de considération.
Le médecin l'observa alors qu'elle se laissait retomber sur ses talons, et son regard se posa sur le cadre qu'elle tenait. Il ne sembla même pas étonné ― d'un autre côté, puisqu'il était le propriétaire du cadre, il était logique qu'il sache où il se trouvait.
« Tu me simplifies la tâche, fit-il observer en fermant la porte derrière eux.
― Contrairement à vous. » rétorqua-t-elle en retournant s'asseoir à son bureau. Le médecin eut un instant d'hésitation marqué avant de tirer vers lui la chaise installée de l'autre côté et de s'y installer. Son regard rosé balaya plusieurs fois l'endroit avant de se poser sur elle.
« Tu comptes exercer une pression psychologique en me faisant venir ici pour que je te dise tout ce que je sache ?
― Ça, ce serait votre genre. C'est mon bureau désormais vous savez. Je ne vais pas toujours réquisitionner des salles vides pour que vous n'ayez pas à venir ici. Je suis certaine que vous n'êtes pas si émotionnel en plus. » Il ne répondit rien et changea de sujet en désignant du menton le cadre doré.
« Je vois que tu l'as trouvé sans que je n'ai à t'aiguiller.
― Oui, comme ça vous pouvez tout de suite tout me dire : pourquoi est-ce qu'il est là ? Et qu'est-ce que c'est au juste ? » Mori l'observa pendant quelques secondes avant de chasser une mèche rebelle de son champ de vision, un geste inhabituel pour lui d'ailleurs ― et la mèche revint au bout de quelques secondes.
« Comme tu peux le voir, c'est un cadre photo précieux. Il a été certifié en or et en pierres précieuses.
― Pierres précieuses volées à une innocente. C'était vous ?
― Qui ait volé les pierres, oui. Qui ait tué Agatha Christie, non. » Elle fut un instant décontenancée par l'aveu qu'il venait de faire.
« Je ne comprends pas. »
Le médecin ne parut pas surpris et désigna les dossiers qu'elle avait lu avant son arrivée. Il commença ensuite à lui expliquer clairement ce qu'il s'était passé ― cela avait l'air de l'ennuyer profondément, mais au moins il s'était plié à ses demandes.
Tout avait commencé lors de l'arrivée d'Agatha Christie au Japon. Tout le monde savait qu'elle possédait des joyaux, elle les exhibait sans cesse sur les réseaux sociaux et à chacune de ses sorties. Évidemment, elle s'était prémunie contre les vols en utilisant sans compter ses ressources : multiples gardes du corps, coffre-fort de haute sécurité, irrégularité dans son emploi du temps pour empêcher des voleurs patients de faire un repérage pour venir la dépouiller de ses biens, entre autres. Au moins avait-elle conscience qu'elle se mettait elle-même en danger en montrant à tous ses joyaux précieux, songea Akiko.
Elle avait aussi demandé au bureau de Tokyo à ce que des policiers voire des inspecteurs soient présents pour la protéger lors de ses déplacements. C'était évidemment hors du cadre de leur travail ― surtout pour des inspecteurs ― mais puisqu'il s'agissait d'une riche étrangère amie avec de riches hommes politiques influents, le bureau s'était plié à leur demande et avait mis plusieurs de ses policiers et inspecteurs sur l'affaire. L'inspecteur Fukuzawa n'avait pas été concerné d'emblée, non seulement il était désormais à la tête du bureau de Yokohama, mais en plus il enquêtait sur une affaire de disparition en tous points plus urgente, alors il n'avait pas eu de lien tout de suite avec toute cette histoire.
Mori non plus n'avait au début pas eu de lien avec. À l'époque, il passait la majorité de son temps à traiter ses patients de Tokyo ― Akiko insistait elle-même sur traiter au lieu de guérir parce qu'elle conservait des doutes, et le fait que Mori ait été le médecin attitré de sa mère pendant des années ne signifiait pas qu'elle avait confiance en ses capacités ― et n'avait donc pas porté plus d'intérêt que cela à cette étrangère et ses joyaux hors de prix qui se pavanait dans les rues de Yokohama. La seule chose qui avait retenu son attention était qu'elle venait spécifiquement dans la ville portuaire pour parler affaires avec Francis Fitzgerald ― chose qui n'avait rien d'étrange en soi, si ce n'était le fait que, huit ans plus tôt, la Fitzgerald Corporation n'existait pas encore et que l'américain était encore un homme moyen sans grands revenus qui cherchait à se débrouiller sans sa famille. Sans doute avait-il vu en son aînée un moyen de faire décoller ses affaires.
(Cependant, leur rencontre était planifiée le lendemain du jour où elle avait été assassinée, alors il avait misé sur le mauvais cheval.)
Même Mori en savait peu sur les circonstances du meurtre, mais il était formel : le meurtre et le vol étaient deux affaires différentes. Et il était le mieux placé pour le savoir puisqu'il avait lui-même volé les joyaux. Mais il l'avait fait plus de deux heures avant qu'elle ne rentre chez elle.
« Attendez, l'interrompit Akiko à ce stade de son histoire, vous avez dit que vous n'aviez pas de lien avec tout cela, alors pourquoi avoir volé les joyaux d'une femme que vous ne connaissiez même pas ?
― Je ne les ai pas volés pour les revendre, se défendit le médecin, ou même pour lui causer du tort. J'avais été payé par le chef de la sécurité d'ici d'Agatha Christie, un de mes patients, pour tester la sécurité. Cela faisait partie des mesures exigées par elle-même. » L'inspectrice principale en resta bouche-bée.
« Je..., balbutia-t-elle en essayant de comprendre, le vol était planifié ? Ce n'était pas un vrai crime ?
― Exactement.
― Mais, vous êtes médecin non ? Comment et pourquoi avez-vous décidé de tremper dans cette mascarade ? » L'homme face à elle haussa les épaules avec désinvolture.
« Tous les moyens sont bons pour se lier avec des personnes importantes, décréta-t-il avec aplomb. Et puis, très honnêtement, ce n'était pas si difficile. Il ne m'a fallu qu'un verre d'alcool et quelques questions soigneusement orientées pour découvrir comment entrer dans la chambre et où se trouvaient les joyaux.
― Mais comment avez-vous ouvert le coffre ? Personne ne savait son code.
― Les joyaux n'étaient pas dans le coffre, c'était trop prévisible. Agatha Christie les avaient cachés ailleurs. »
La jeune inspectrice aux cheveux noirs se massa l'arête du nez en maudissant tous ces riches et leurs fichues lubies ridicules. Quel était l'intérêt de se payer un coffre aussi cher pour ne pas s'en servir ? (Mais elle admettait que la stratégie était redoutable, car n'importe qui se focaliserait uniquement sur l'ouverture du coffre plutôt que de fouiller de fond en comble une suite luxueuse remplie de cachettes secrètes.)
« Dans ce cas, pourquoi ne pas avoir tout dit à la police ? Vous auriez pu rendre les joyaux et dissiper le malentendu. Plusieurs suspects qui avaient un mobile pour le meurtre ont été écartés parce qu'ils ont été jugés incapables d'avoir volé les joyaux. Tout le monde était persuadé que le crime avait été commis par la même personne.
― Ce n'est pas de ma faute si vous faites des suppositions erronées, commenta platement Mori. Rien ne prouvait le lien entre les deux affaires. Rien de concret en tout cas. Mais, pour répondre à ta question initiale, j'étais lié par une clause de confidentialité. Si j'avais révélé que j'avais participé à un test de sécurité, j'aurais pu être attaqué en justice pour avoir révélé ce fait qui est supposé rester secret.
― Mais il y avait eu un meurtre ! » souffla-t-elle en appuyant sur le dernier mot. Mori était-il incapable de faire preuve d'un semblant d'humanité lorsque les personnes touchées ne le concernaient nullement ?
« Et le tueur était la personne qui m'avait fait signer la clause. »
Yosano en resta sans-voix. Tous ses neurones semblaient sur le point d'éclater. L'affaire des joyaux était supposée avoir été irrésolue, alors comment Mori parvenait-il à éclairer chaque point comme si c'était un jeu d'enfant ?
« Pardon ? lâcha-t-elle quand elle récupéra ses facultés vocales. Vous voulez dire que...
― Laisse-moi terminer sans m'interrompre, l'interrompit justement ― quel culot ! ― le médecin. Lorsque j'ai appris qu'Agatha Christie avait été retrouvée morte, j'étais toujours en possession des joyaux que je devais restituer à son chef de la sécurité moins d'une heure plus tard. Je les ai conservés précieusement en essayant d'obtenir des informations, mais il ne répondait à aucun de mes appels et je savais que personne d'autre que lui n'était au courant de mon rôle. Donc j'ai attendu.
― Rien de tout ça n'est logique vous savez, commenta-t-elle. Même si vous aviez cette clause de confidentialité, vous auriez pu aller trouver la police.
― Tu m'as écouté ? Ne m'interromps pas. » Son air suffisant dans une telle situation lui donnait une furieuse envie de l'interrompre encore et encore, mais elle avait enfin des informations alors elle se retint de toutes ses forces et prit son mal en patience ― en se promettant intérieurement de se venger plus tard. « Donc, j'ai attendu, répéta le médecin en reprenant son récit. J'ai laissé passer quelques jours, pour voir comment évoluait la situation. J'ai vu le début de l'enquête criminelle, et j'ai décidé au bout de quelques jours de rendre les joyaux à la police.
― Mais... »
Elle se mordit la langue pour retenir sa question et ne pas s'attirer encore une fois de remarque de Mori. Pourtant, elle en avait des centaines de questions. Cette affaire apparemment non classée se résolvait devant ses yeux, et elle ne comprenait pas comment c'était possible. Jusqu'alors, ils avaient tous cru que Fukuzawa n'était pas parvenu à résoudre cette affaire. Mais, à entendre Mori, il n'y avait plus de zone d'ombre.
« J'ai contacté Yukichi ensuite. » L'emploi du prénom la fit tressaillir et elle dut encore retenir ses questions « Et je lui ai expliqué la situation. Et il m'a dit de garder les joyaux et de ne dire à personne que je les possédais.
― Mais pourquoi ? » Akiko n'y tenait plus. « Pourquoi avoir caché tout cela ? Le fait qu'il n'ait jamais résolu cette affaire a toujours entaché la réputation de l'inspecteur Fukuzawa, et il n'a jamais cesser de se blâmer pour cela. Tout cela ne fait aucun sens... » Mori secoua la tête.
« Tu te trompes, Akiko. Yukichi n'a jamais résolu cette affaire, c'est la stricte vérité. Il n'a jamais attrapé le coupable, et n'a pas pu redonner à la famille d'Agatha Christie les joyaux ou le nom de celui qui avait tué leur proche. Sur ce point, cela a toujours été la vérité. La seule différence entre ce qu'il a prétendu et ce qu'il s'est vraiment passé, c'est qu'il savait que les joyaux n'étaient pas en la possession du tueur, et que les deux crimes étaient différents.
― Pourquoi avoir caché ce dernier point ? L'enquête aurait avancé s'ils l'avaient su.
― Parce que le tueur était toujours en liberté. Il n'a fait que tuer Agatha Christie, sans voler les joyaux, parce qu'ils ne se trouvaient pas dans sa chambre. Pour autant, il avait sans doute l'intention de faire main basse dessus.
― Je croyais qu'il ne vous avait jamais recontacté ?
― En effet. Il a essayé de me tirer dessus en revanche. » Elle n'aurait peut-être pas dû sourire, mais ne put retenir un certain amusement dans l'idée que Mori devait parfois faire face à des retours de bâton pour sa roublardise lui aussi.
« Donc vous avez gardé l'histoire des joyaux secrètes pour vous protéger ? réalisa-t-elle ensuite. Vous vouliez garder votre implication secrète pour sauver votre vie ?
― Ce n'était pas ma décision, mais celle de Yu- l'inspecteur principal Fukuzawa. »
Ce qu'il lui raconta ensuite resta soigneusement ancré dans son esprit, même plusieurs jours après. Elle s'était interrogée à de nombreuses reprises ces derniers temps sur la relation qui avait uni pendant un certain temps son mentor et ce médecin douteux, cherchant ce qui avait bien pu se passer entre eux exactement. Les réponses lui furent toutes données par Mori alors qu'il lui expliquait la nature exacte de leur relation.
Ils s'étaient rencontrés le jour de la mort de sa mère ― première nouvelle, elle ignorait même que Mori était venu au poste de police provisoire ce jour-là (mais d'un autre côté, elle ne prêtait pas vraiment attention à son entourage.) Leur relation avait commencé quelques semaines plus tard et avait duré des années, malgré des hauts et des bas. Elle parvenait difficilement à le croire, mais la peine dans les yeux de Mori était le sentiment le plus sincère qu'elle ait jamais vu sur son visage. Il ne mentait pas en disant à quel point l'inspecteur Fukuzawa avait compté pour lui, et si cela la surprenait grandement, elle ne pouvait pas nier une telle évidence.
Le jour où l'inspecteur principal avait appris que son amant était impliqué dans cette affaire de meurtre, il avait pris le temps d'écouter tout son récit avant de prendre la décision de cacher le fait que les diamants n'avaient pas disparu : le fait que Mori ait dissimulé cette information risquait d'être retenu contre lui si un procès devait se tenir une fois que le coupable serait arrêté, et la tentative d'assassinat dont le médecin fut victime juste après avoir tout raconté à Fukuzawa prouvait qu'au moins une personne, sans doute le coupable, cherchait à mettre la main dessus. Mieux valait alors faire courir le bruit que les joyaux n'avaient pas été retrouvés : même si le coupable savait que Mori les avait en sa possession, il aurait des doutes en le voyant revenir d'une entrevue avec un policier puis affirmer qu'ils avaient disparu. La stratégie avait d'ailleurs fonctionné : le médecin n'avait plus vu sa vie menacée ensuite.
L'idée que son mentor ait pu se parjurer d'une certaine façon par amour ébranla Akiko. Elle ne l'avait jamais vu comme une personne qui se laissait dominer par ses sentiments, surtout des émotions parasites comme l'amour qui, bien qu'étant agréables, n'apportaient jamais rien de bon lorsqu'on les mélangeait avec son travail. Mais il était évident qu'il l'avait fait et que ce n'était pas un vulgaire mensonge proféré par l'homme face à elle : tous les rapports prouvaient cette omission. Seule la petite note qu'elle avait trouvée indiquait que les joyaux étaient possédés par Mori, et elle réalisait désormais que cette note s'adressait sans doute à celui qui rouvrirait peut-être un jour l'affaire des joyaux.
Le mensonge avait tenu, mais avait aussi sévèrement handicapé l'équipe d'enquête. Tant de suspects ne paraissaient pas avoir pu commettre le crime. Seul Fukuzawa, qui connaissait une partie de la vérité, avait enquêté sur certains suspects écartés parce qu'ils n'auraient pas pu ouvrir le coffre. De toute manière, à partir du témoignage de Mori, il était presque certain que le coupable était le chef de la sécurité. Lui seul savait pour l'implication du médecin, et sa disparition complète après le crime était on ne peut plus équivoque.
Mais, seul et dans le secret total, Fukuzawa n'avait pas pu faire de miracles et n'avait pas pu retrouver le tueur supposé qui s'était comme volatilisé après son crime. Cette information la fit tiquer. Un tueur qui se volatilisait, c'est un peu trop similaire à l'affaire Topaz à son goût. Par deux reprises, le tueur leur avait filé entre les doigts et semblait avoir complètement disparu des alentours. Mori sembla d'ailleurs suivre sa réflexion puisqu'il ajouta après avoir raconté cela :
« Je ne sais pas si Dostoevsky était impliqué dans ce crime. Je ne pense pas qu'il soit pertinent de lui imputer le moindre crime, mais celui-ci étant resté irrésolu, il est possible qu'il ait trempé dedans d'une manière ou d'une autre.
― Cela serait plus inquiétant qu'autre chose. » commenta-t-elle doucement.
Mori n'ajouta rien et reprit son récit de ce qui s'était passé. L'affaire avait fini par être classée sans suite lorsque d'autres plus importantes avaient éclatées, et ils avaient petit à petit abandonné tout ce qui la concernait. Mori avait fait dissimuler par un joaillier qu'il connaissait bien les joyaux dans un cadre en or massif qu'il avait hérité de ses grands-parents des années plus tôt pour détourner les soupçons de lui une bonne fois pour toutes.
Sauf que Fitzgerald y avait mis son grain de sel trois ans plus tôt. Lorsque Topaz avait cambriolé la maison du médecin et avait volé le cadre. Mori comme Fukuzawa avaient pensé que cela avait un lien avec cette vieille affaire non résolue, que Fitzgerald avait découvert le pot aux roses et qu'ils étaient de nouveau menacés par le tueur initial, qui était peut-être quelqu'un d'autre au final. Cet événement avait commencé à briser leur relation, avoua le médecin ensuite. Parce que Fukuzawa l'avait accusé de ne pas avoir assez dissimulé son implication, et que lui l'accusait d'avoir mal fait son travail et de ne pas avoir su attraper le vrai coupable à temps.
Des mots forts qu'ils n'avaient évidemment pas sincèrement pensés, mais qui avaient un fond de vérité et qui avaient fait comprendre aux deux hommes que quelque chose clochait. Les années qui avaient suivies avaient été des montagnes russes, ajouta le médecin, mais sans expliciter suffisamment pour qu'elle comprenne ce que cela signifiait concrètement. Akiko se doutait un peu de l'idée véhiculée par la métaphore : leur relation avait connu des hauts et des bas, des ruptures et des réconciliations. Cela concordait avec l'absence d'affection qu'elle avait constatée dans les messages du téléphone de son ancien mentor.
« Et..., elle hésita sur la meilleure façon de formuler la question qui lui brûlait les lèvres, avant sa mort, vous étiez... ?
― Pas ensemble, répliqua sèchement Mori. Depuis un certain nombre de semaines. Même si ça ne change pas grand-chose. »
Il prononça les derniers mots d'une voix un peu plus basse que précédemment, comme si cela s'adressait plutôt à lui-même et non à la jeune femme face à lui. Akiko se sentait un peu déstabilisée ― pour ne pas dire qu'elle l'était complètement ― en le voyant aussi... quel était le mot juste ? Sincère ? Il ne paraissait pas, pour une fois, essayer à tout prix de cacher ses vraies émotions. Il avait, pour un temps au moins, abaissé les murailles derrière lesquelles il cachait depuis des années (voire des décennies) ses véritables sentiments. Et si cela avait quelque chose de très perturbant pour elle qui s'était habituée à l'idée de ne jamais lire clairement en le médecin, c'était aussi plutôt satisfaisant d'enfin pouvoir partager avec lui une conversation qui ne lui donnait pas envie de s'arracher les cheveux.
« Et, au sujet de ce cadre, reprit-elle après ces considérations intérieures, pourquoi s'est-il retrouvé ici au final ?
― On a décidé que c'était l'endroit le plus sûr. Tant que tout le monde ― par là, j'entends le tueur d'Agatha Christie qui court toujours, mais aussi des criminels intéressés par la valeur de ces joyaux ― pensait que je n'étais plus en possession de quoi que ce soit de précieux, je n'étais pas une cible privilégiée. Mais, même si cette affaire n'a pas été entièrement dévoilée publiquement, il était connu de la presse que j'avais un cadre en or. Donc, de façon discrète, je l'ai amené ici pour que Yukichi en prenne soin.
― Si quelqu'un d'autre l'avait découvert avant, l'inspecteur Fukuzawa aurait pu perdre son travail.
― Nous parlons du meilleur inspecteur de ce bureau. Ils ne l'auraient pas viré si facilement, rétorqua Mori, mais elle n'en était pas si certaine. De toute façon, il connaissait les risques. Il a fait tout cela en connaissance de cause. »
C'était sans doute la vérité : l'inspecteur Fukuzawa avait des principes forts et ne faisait rien sans être prêt à en endosser la responsabilité en cas de problème. Combien de fois l'avait-il même endossée alors que ce n'était pas à lui de le faire ? Elle était certaine que les compter prendrait du temps. Quoique, quand elle y réfléchissait bien, cela aurait plutôt été le genre d'Oda de faire cela. Fukuzawa les laissait en général se débrouiller lorsqu'ils causaient des problèmes, mais l'auburn avait toujours été du genre à s'en mêler juste pour les aider à se sortir de situations difficiles.
« En fin de compte, déclara-t-elle finalement, toute cette affaire aurait pu se résoudre facilement, mais la facilité ne nous convient pas n'est-ce pas ? » Si tout se résolvait avec facilité, leur travail serait infiniment plus rapide ― mais aussi moins intéressant.
« Il manquait quand même l'identité du tueur. Aucune preuve n'avait été trouvée pour confirmer devant un tribunal son identité. Sans même parler de l'attraper. »
La jeune femme admit qu'il n'avait pas tort sur ce point, mais elle restait convaincue que Mori et Fukuzawa avaient quand même bien compliqué l'affaire dans leurs simples intérêts personnels. Cependant, qui était-elle pour le leur reprocher ? Elle savait, au fond d'elle, qu'elle ne pouvait pas jurer que jamais elle ne commettrait le même type de délit par amour. Lorsque ceux qui étaient chers à nos yeux couraient un grand danger et qu'on était capable de les protéger voire de les sauver, ne pas le faire pour de simples questions de légalité paraissait absurde. Et, à proprement parler, Fukuzawa n'était pas entièrement blâmable. Mori n'avait commis aucun crime, si ce n'était celui d'avoir respecté la loi (pour une fois) et la protection des civils faisait partie de leurs tâches. Même s'il aurait mieux valu avertir les personnes de confiance chargées de l'affaire pour que l'enquête soit menée efficacement, l'objectif de son défunt mentor avait été de protéger son amant.
« Maintenant, tu sais tout sur cette affaire, conclut Mori en reprenant soudainement la parole. Je ne suis pas sûr qu'elle vous aidera cependant.
― Il y a un point dont vous n'avez pas parlé, le détrompa la jeune inspectrice principale. Le lien de Fitzgerald avec tout cela. Il a tenté de vous reprendre le cadre photo n'est-ce pas ?
― Je n'ai pas de preuves concrètes, mais cela ne fait aucun doute à mes yeux. Les joyaux devaient lui revenir originellement. Si Agatha Christie n'avait pas été assassinée, ils lui seraient revenus très probablement.
― Êtes-vous certain qu'il n'était pas derrière l'assassinat également ?
― En commanditaire, peut-être. Mais je ne pense pas qu'il se soit sali les mains directement. » Elle était d'accord avec ces suppositions, cela semblait plutôt inconsidéré.
« Merci, déclara-t-elle ensuite. Pour avoir enfin répondu à mes questions, ajouta-t-elle devant son air surpris.
― Tu dis ça comme si tu étais persuadée que je ne le ferais jamais. » Son regard dut être équivoque, car le médecin fit la moue.
« Il y a une dernière chose que je voulais vous demander, en dehors du cadre de cette affaire. » L'intérêt du quadragénaire sembla piqué et il se pencha vers elle avec curiosité. « Vous m'aviez dit que Dazai était un traître. Pourquoi cela ? »
Elle observa attentivement le visage et la posture du médecin qu'elle avait le sentiment d'un peu mieux cerner, mais fut déçue de ne pas y lire aussi bien ce qu'il pensait après qu'elle ait ramené sur la table ce sujet. Il resta globalement impassible mais répondit à sa question honnêtement ― du moins, elle le supposait.
« C'était... Plus une intuition. Je n'avais pas de preuves, et je n'en ai toujours pas. Mais j'ai le sentiment qu'il connaît mieux Dostoevsky qu'il ne le dit. »
Elle resta songeuse. Dazai ne lui avait jamais laissé cette impression... mais elle ne pouvait écarter de son esprit quelques fois où il s'était comporté bizarrement. Elle devait creuser sur ce sujet, se promit-elle intérieurement. Considérant qu'elle en avait fini avec lui, Mori se leva pour quitter le bureau, mais, en ouvrant la porte, il tomba nez à nez avec Ranpo, qui avait apparemment écouté sans vergogne leur conversation.
« Docteur Mori ! s'exclama-t-il en désignant l'homme qui avait marqué un arrêt en l'apercevant. Je dois vous donner quelque chose. » Il tira de sa poche une enveloppe que le médecin saisit avec une précaution qui lui prouva qu'il savait ce que c'était, lui. « L'inspecteur Fukuzawa m'avait dit de le faire. »
La phrase était empreinte de tristesse et son regard émeraude se voila légèrement. Mori lui, ne prononça pas un mot et reprit son chemin, sa main serrée sur l'enveloppe. Akiko n'aurait pas pu le jurer, mais elle était presque certaine qu'il était ému.
Il tenait sans doute dans la main une dernière lettre de son amant perdu.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top