23 - 𝐋es rats sont prompts à s'enfuir

hello !
comment allez-vous en cette fin de première semaine de cours ? j'espère que vous avez de bonnes classes, de bons emplois du temps et de bons profs !

on se retrouve pour un nouvel épisode de "cette ff n'a plus aucun sens send help" ah non pardon ça c'est quand j'écris, pour vous c'est "quand est-ce qu'on va comprendre quelque chose ?" et la réponse c'est...

MAINTENANT !

chers lecteurs, ce chapitre va répondre à la question la plus entêtante de cette ff (selon vous en tout cas)  et j'ai hâte de voir votre réaction hehe

j'avais parlé d'un bonus dans le chapitre d'avant mais en fait je l'ai décalé pour qu'il soit plus compréhensible donc rendez-vous au chapitre vingt-cinq finalement :')

on se retrouve le 18 septembre ! bonne lecture !

trigger warning : insinuations de tentatives de suicide dans la première partie (en italique).

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𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝐕𝐢𝐧𝐠𝐭-𝐭𝐫𝐨𝐢𝐬 — 𝐋𝐞𝐬 𝐫𝐚𝐭𝐬 𝐬𝐨𝐧𝐭 𝐩𝐫𝐨𝐦𝐩𝐭𝐬 𝐚̀ 𝐬'𝐞𝐧𝐟𝐮𝐢𝐫

Le jeune homme poussa un soupir et fit étinceler la lame au soleil qui perçait par la fenêtre entrouverte de sa chambre. Il avait dérobé l'objet en question à son idiot de père, attiré par son côté tranchant savamment entretenu par son propriétaire. Si ses cours de sciences lui avaient appris une chose, c'était qu'une lame bien placée sur un poignet pouvait faire des ravages et lui permettre d'atteindre son but tant attendu.

Cependant, il savait aussi que sa fin ne serait pas tout de suite entraînée par le geste souple qu'il mourait d'envie ― sans mauvais jeu de mot ― de faire, et qu'il risquait de souffrir longuement avant qu'il ne se soit vidé suffisamment de son sang pour perdre la vie.

Et puis, il y avait son mentor.

Son mentor et ses fichus yeux bleus trop expressifs, qui reflétaient parfois toute sa douleur sans qu'il ne comprenne comment c'était possible. Il avait parfois l'impression d'être face à un miroir, face à une personne qui lui renvoyait tout ce qu'il ressentait ; la seule différence était leur apparence. En tout cas, ces yeux et ce qu'ils reflétaient le hantaient encore aujourd'hui, comme tous les autres jours où il avait tenté de prendre sa vie depuis leur première rencontre.

Pourtant, son mentor imposé n'avait jamais particulièrement tenté de le raisonner par ces phrases de psychologue toutes faites qu'il détestait tant. Il s'était juste contenté de lui montrer des choses, des places et des gens, ce qu'il appelait « la beauté du monde ». Il lui avait montré ces étoiles, ces fichues étoiles. Il ne savait toujours pas ce qu'elles avaient de si beau.

Mais il reposa la lame dans le tiroir dont il l'avait tirée et laissa échapper un profond soupir.

⋆✩⋆

J + 1
18 JANVIER

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Dazai tapa frénétiquement son index et son majeur droit contre la surface lustrée du bar du Remus. Le barman, un homme de petite taille qui frottait une cafetière depuis son arrivée une vingtaine de minutes plus tôt, finit par lui adresser un regard réprobateur, mais Dazai ne s'arrêta pas et commanda un autre verre de whisky pour attendrir l'homme. Il se remémora celui avec qui il avait échangé quelques mots la première fois qu'il était venu, cet homme aux yeux mauves qu'il n'avait jamais revu derrière le comptoir du bar. Il se demandait s'il avait remis sa démission, ou s'il n'avait juste plus du tout les mêmes horaires de service.

Il jeta un coup d'œil à l'heure pour la quatrième fois en l'espace de deux minutes et soupira. Il n'avait aucune raison d'en vouloir spécifiquement à Chuuya pour ne pas être encore arrivé : l'heure de leur rendez-vous n'était même pas encore passée. Il était arrivé plus tôt car il était venu immédiatement après avoir quitté son travail ; l'interrogatoire de Mori s'était achevé après son départ quand ils avaient tous décrété qu'ils en avaient suffisamment fait pour la journée. Ils avaient un ultimatum qui se rapprochait, mais ils savaient aussi que travailler dans un état d'épuisement grandissant ne les aiderait pas, et qu'il valait parfois mieux laisser tomber un peu la pression pour être plus efficace. De plus, Dazai ne pensait vraiment pas être capable de se concentrer alors que tant de questions lui tournaient dans la tête.

Chuuya était-il réellement l'un des coupables de cette affaire qui les hantait ? La question l'obsédait depuis que les analyses avaient révélé la présence de son ADN sur les lieux du crime. Cela lui semblait totalement impensable : après tout, le rouquin était avec lui pendant que Fitzgerald se faisait assassiner. Mais il n'était pas non plus étrange de penser que Chuuya et Topaz avaient agi ensemble, l'un en allant faire du repérage avant de laisser le deuxième procéder au crime...

Il devenait de plus en plus fou à ressasser encore et encore un nombre incalculable de questions : Chuuya lui avait-il menti depuis le début ? Prétendait-il être un autre ? Connaissait-il Topaz bien mieux que ce qu'il ne prétendait ? Et Fyodor ? Se connaissaient-ils également ? Chuuya l'avait-il invité ce soir-là simplement pour l'attirer loin de l'endroit où le crime allait avoir lieu ? Avait-il eu pour projet de gagner sa confiance puis de l'assassiner, ou simplement de le détourner des véritables réponses ? Dazai savait depuis le début que lui-même avait partiellement contribué à rendre l'affaire Gin Akutagawa délicate, mais il n'avait jamais pensé qu'il pourrait être un traître d'une autre façon...

Il prit une autre gorgée de whisky et savoura le liquide frais qui semblait être la seule chose capable de chasser ses idées noires pendant quelques minutes. Il pria pour que Chuuya arrive le plus vite possible. Il avait besoin de savoir. La réponse qu'il obtiendrait lui importait peu pour le moment ― même si elle briserait potentiellement encore un peu plus son cœur ― il avait juste besoin d'en obtenir une. Il ne parvenait pas à comprendre. Il avait toujours cru à la sincérité du jeune homme aux cheveux flamboyants, fort de son expérience face aux coupables qu'il arrêtait et dont il savait déceler le moindre mensonge. Mais il finissait par s'interroger. Pouvait-il avoir été trompé par son instinct qu'il pensait infaillible ? Il avait beaucoup de mal à le croire, mais il était évident que Chuuya lui avait caché des choses.

Alors qu'il était à deux doigts de commander son troisième whisky, encore loin d'être enivré, il aperçut Chuuya arriver vers lui et lui adresser l'un de ses sourires étincelants, que le brun trouvait irrésistibles. Il se retint cependant de l'embrasser comme il en mourait d'envie et essaya de garder son sérieux alors que le jeune homme s'asseyait et commandait un verre de vin.

« Salut, déclara-t-il en attendant sa commande, je pensais que tu étais débordé par cette nouvelle affaire. » C'était en effet ce que le brun lui avait dit après la mort de Fitzgerald, jugeant qu'il avait besoin de se concentrer pour s'en sortir.

« Oui, mais j'ai des questions à te poser. » Non, définitivement, le jeune homme était sincère. Sa surprise après ces mots n'était pas feinte. Il semblait vraiment se demander ce qu'il lui voulait. Alors pourquoi tout ceci se produisait-il ?

« Des questions ? » Chuuya l'observa sans comprendre et il prit une petite inspiration avant de répondre.

« Les analyses ont révélé la présence de ton ADN sur la scène et l'arme du crime. »

Il ne perdit pas une miette de la réaction de Chuuya, balayant pour la dernière fois ses scrupules à l'idée de profiler son compagnon. Il observa la façon dont sa teinte pâlit, dont ses yeux s'écarquillèrent et dont sa posture se raidit dès qu'il eut prononcé cette accusation indirecte. Il resta silencieux cependant, comme s'il cherchait quelque chose à dire pour se défendre ― mais la situation paraissait peu propice à une quelconque défense crédible.

« Tu ne comptes rien dire ? finit par lâcher le brun. Pas même essayer de te défendre ? À moins que ce ne soit pas possible ?

Tu sais que je n'ai pas tué Fitzgerald.

Cela ne veut pas dire que tu n'étais pas complice pour autant.

Tu me prends réellement pour un meurtrier ? » Dazai hésita apparemment un peu trop longtemps, car l'autre laissa échapper un profond soupir mêlant déception et résignation. « Je suppose que je suis mal barré.

On a en théorie assez de preuves pour t'envoyer en prison, déclara le brun sans le moindre tact, mais il y a un autre suspect.

Topaz.

Donc tu en savais vraiment plus que tu ne le prétendais ? » Chuuya eut un rire sans joie et planta son regard azur dans celui de l'inspecteur.

« Qu'est-ce que tu veux que je te dise, Dazai ? Quelle réponse attends-tu de moi maintenant ?

Que tu me promettes que tu ne m'as pas menti. » Le rouquin eut l'air un peu confus, puis secoua la tête avec un sourire triste.

« Je crois que je ne peux plus le promettre, au risque de proférer un nouveau mensonge. »

Aux yeux du brun, sa résignation apparente sonnait comme un aveu. S'il avait vraiment été innocent, il l'aurait clamé haut et fort. Le fait qu'il nie le crime mais pas son implication prouvait la véracité de leurs suspicions à son sujet. Et Dazai se sentait encore plus blessé et stupide.

« Pourquoi ? demanda-t-il.

Pourquoi quoi ?

Donne-moi juste une explication, peu importe à quoi. Je veux repartir d'ici avec autre chose qu'une déception grandissante. » Les yeux de son interlocuteur brillèrent étrangement.

« Fyodor Dostoevsky. » Il prononça ce nom sur un ton si bas que Dazai aurait pu croire l'avoir imaginé ― mais il savait que non.

« Tu le connais.

Je le connaissais serait plus adapté. C'est même mon ex, si tu veux tout savoir. Enfin, pour employer ce terme, il faudrait peut-être qu'on se soit considérés en couple. On s'est juste embrassés quelques fois.

Quand ?

Pendant mon séjour en France. » Dazai fronça les sourcils. Il était presque certain que le dossier de Dostoevsky n'indiquait pas de séjour en France ces dernières années. Chuuya dut remarquer sa réaction, car il ajouta : « Séjour non-officiel. Il s'est fait passer pour quelqu'un d'autre pour ne pas être retracé ensuite.

Pourquoi tant de prudence ? Il a commis un crime là-bas ? » Il avait lâché cette phrase sur le ton de la plaisanterie, mais le rouquin observa un silence glacé. « Je vois. Quelque chose en lien avec toi ?

Plus ou moins, soupira-t-il finalement en réponse. À l'origine, il venait se renseigner sur quelque chose dont il avait entendu parler, à travers des rumeurs peu reluisantes. Il s'est rapproché de moi pour satisfaire sa soif de réponses. Je n'ai pas eu de contacts avec lui depuis son départ de France. Mais il semble qu'il se souvienne suffisamment de moi pour m'entraîner dans sa chute. » Il ajouta, probablement plus pour lui-même : « Il me l'avait promis après tout. »

Dazai aurait pu lui poser des questions sur ce dernier aveu, mais son cerveau réfléchissait présentement à autre chose, sous-entendu par le rouquin quelques secondes auparavant. Selon ce qu'il disait, il pouvait être envisageable que Fyodor ait récupéré son ADN et s'en soit servi pour lui faire porter ― partiellement ― le chapeau pour toute cette histoire... mais cela lui semblait presque trop gros. Il s'en voulait de douter ainsi d'une personne à qui il faisait pourtant confiance peu de temps auparavant, mais il n'avait pas d'autre choix, semblait-il, maintenant que son instinct lui faisait défaut.

« Tu te prétends donc innocent et manipulé par Dostoevsky ? » Chuuya eut un petit rire brisé.

« Non. Je suis innocent sur ce crime, pas sur d'autres. Je peux simplement te jurer que je n'ai pas tué Fitzgerald et que je n'ai rien à voir avec ce crime-là de près ou de loin.

Dans quels crimes as-tu trempé alors ? » Chuuya hésita longuement avant de murmurer :

« Tu te souviens d'Arthur et Paul ? » Les deux français qui avaient hébergé Chuuya, compléta le brun mentalement. Il hocha simplement la tête. « Ils étaient les deux principaux mécènes d'un orphelinat parisien. Et, loin des caméras qui les mettaient en valeur pour cela, ils laissaient des scientifiques douteux mener des expériences sur eux. »

Dazai eut un sentiment étrange qu'il ne put expliquer, une impression de familiarité qui emplit son esprit après cette déclaration. Il avait l'impression qu'il y avait quelque chose qu'il aurait dû savoir sur ce sujet, pourtant il était certain de ne jamais avoir entendu parler de cette sordide affaire. De toute manière, les affaires françaises n'étaient pas leur domaine d'activité, à moins qu'elles n'aient un lien avec des japonais.

« Tu les as aidés ?

Jamais ! se défendit avec véhémence le rouquin. J'ignorais cette histoire lorsque je suis arrivé. C'est Fyodor qui me l'a appris.

C'était sur ça qu'il venait se renseigner ? devina l'inspecteur brun.

Oui. N'importe qui dans la pègre pouvait facilement obtenir cette information tant elle circulait là-bas.

Mais quel intérêt pour lui ? En quoi ce trafic sordide l'intéressait ? insista Dazai.

Très honnêtement, je ne sais pas. Je crois que c'était l'affaire dans son entièreté qui l'intéressait, pas spécifiquement ces machinations. Ou peut-être comptait-il menacer Arthur et Paul, les faire chanter en menaçant de tout révéler, je ne sais pas exactement. De toute manière, une enquête a été ouverte et tout a éclaté il y a plusieurs mois. L'orphelinat a été fermé et Arthur et Paul jugés pour leur crime.

Ils sont en prison ?

Arthur, oui je crois. Paul a été libéré sous caution par sa propre famille et ils ont prouvé par je ne sais quelles preuves qu'il avait été manipulé par Arthur. J'ai de sérieux doutes, mais de toute manière, je ne peux pas faire grand-chose.

Et ton rôle dans tout ça alors ? Tu as dit ignorer ce qui se passait, mais je suppose qu'ils t'ont soupçonné.

Ils n'avaient aucune preuve. J'ignorais tout de cette histoire et j'ai été innocenté devant le tribunal.

Dans ce cas pourquoi n'es-tu pas innocent ? »

L'inspecteur brun ne voyait pas où le rouquin voulait en venir, et il se doutait qu'il faisait quelque peu exprès de tourner autour du pot pour ne pas devoir s'expliquer. Le jeune homme baissa d'ailleurs les yeux pour éviter son regard, reprit une gorgée de vin et observa le barman à la dérobée.

« Tu me détesteras si je te le dis. » avoua-t-il au bout de quelques instants.

Le son brisé de sa voix accentua les regrets de Dazai. Il savait que le jeune homme n'avait rien à voir dans l'affaire Fitzgerald, c'était quelque chose que tout son cœur lui criait. Mais les choses étaient telles qu'il ne pouvait pas se baser simplement sur cette certitude pour passer à autre chose, et il était certain que le rouquin lui cachait quelque chose d'important. Pour autant, il ne pouvait pas non plus faire taire ses sentiments et cette attraction tout d'abord purement emplie de désir qui se changeait petit à petit au fond de lui en profonds sentiments, peu importe à quel point il essayait de résister.

« Je ne te détesterai jamais. » répondit-il doucement.

Ce n'était pas un mensonge. Il ne parvenait pas s'imaginer haïr ce jeune homme de tout son cœur, peu importe la gravité de son crime. Après tout, il était sans doute une bonne personne aujourd'hui. Et il n'avait probablement pas tué quelqu'un quand même.

« C'est faux. » Chuuya prit une nouvelle gorgée de vin, mais avant qu'il ne puisse ajouter quelque chose, son téléphone sonna. « C'est mon frère, annonça-t-il après avoir jeté un coup d'oeil à l'écran.

Réponds-lui. » lui déclara Dazai. Il pouvait bien attendre un peu. Le jeune homme hocha la tête et porta l'appareil à son oreille.

« Arô ? Qu'est-ce qu'il t'arrive, tu as oublié tes clés ? (...) Qui ça ? Je t'entends mal. (...) ... Attends, redis-moi ça ? » Le rouquin changea une nouvelle fois de couleur lorsque son frère répondit à sa dernière question. Il se tourna ensuite vers Dazai, éloigna l'appareil de ses lèvres et murmura à son intention : « Mon frère me dit que Fyodor est devant notre maison. »

Les sourcils de Dazai s'envolèrent sous la surprise et il mit quelques secondes à analyser correctement la phrase. Fyodor ? Devant la maison des Nakahara ? Maintenant ? Plusieurs pensées lui traversèrent simultanément l'esprit, si bien qu'il dut prendre quelques secondes pour les démêler. Déjà, que diable faisait cet homme activement recherché par la police en face de la maison de son ex-petit ami ou il ne savait quoi, avec qui il n'avait plus aucun contact ? Ensuite, pourquoi avoir choisi ce moment précis pour venir ? Que ce soit ce jour-là, alors qu'il s'était fait très discret ces derniers temps hormis son intervention lors de la soirée de Fitzgerald, ou ce moment précis, alors que Chuuya était à deux doigts de lui avouer quelque chose, le timing était pour le moins douteux.

« Je ne lui ai rien dit, commenta justement le concerné en suivant apparemment le fil de ses pensées.

Ce type est au courant de tout. Il pourrait très bien avoir suivi notre conversation et intervenir maintenant pour ne pas que j'apprenne ce que tu as fait.

Dans ce cas, il ne s'agirait que de sa volonté. Je vais te le dire. » Dazai réfléchit quelques instants avant de secouer la tête.

« Plus tard. L'occasion est trop belle.

Pardon ?

Je tiens une occasion en or de lui parler. »

Il ne mentionna pas sa réelle envie, arrêter l'informateur auto-proclamé, car il se doutait bien que cela ne serait pas possible. Il était impensable que le russe soit venu sans prendre ses précautions ― et il savait probablement en compagnie de qui se trouvait Chuuya. Mais s'il pouvait au moins avoir un face à face avec l'homme qui les menait en bateau, il pourrait faire d'immenses progrès en profilage et peut-être faire avancer leur affaire.

« À quoi tu penses ? protesta Chuuya.

Réponds à ton frère et demande-lui ce que te veut Dostoevsky. Et donne-moi votre adresse avant. » Le rouquin sembla avoir une foule de choses à dire mais se retint, secoua la tête avec exaspération et lui souffla l'adresse avant de reprendre sa conversation. « Désolé. Tu me disais que Fyodor Dostoevsky est là ? Oui, je vois qui c'est. (...) Je suis au bar Remus actuellement. Il me faudra un peu de temps pour rentrer. (...) Pas la peine ? »

Le jeune homme coula un regard en direction de l'inspecteur qui avait laissé quelques billets sur la table pour payer leur consommation et se dirigeait vers la sortie du bar. Dazai l'ignora ― peu importait si l'informateur ne voulait pas les faire venir, parce qu'ils allaient quand même s'y rendre. Il songea cependant un peu tard qu'il n'avait pas de voiture ― il venait normalement en utilisant les transports.

« Comment es-tu venu ? souffla-t-il au rouquin qui éloigna une nouvelle fois l'appareil pour répondre :

En moto. » Il désigna d'un geste ample de la main une moto fuchsia garée sur les places qui leur étaient réservées au bord du Remus tout en essayant de maintenir sa conversation avec son frère relativement naturelle : « Attends, je cherche un endroit calme. »

Pendant ce temps, l'inspecteur de brigade criminelle avait récupéré les clés de moto du rouquin dans sa poche et mettait le contact. Il fallait le dire : il n'avait jamais conduit de moto de sa vie. Il n'était déjà pas très familier avec la conduite d'une voiture ― il avait bien évidemment son permis, mais ne conduisait que les véhicules de fonction lorsqu'il en avait vraiment besoin ― alors une moto... Pour autant, il n'était pas prêt d'abandonner l'opportunité que Fyodor lui offrait ainsi.

Il était intimement convaincu que l'informateur savait qu'il se trouvait avec Chuuya actuellement. Il était aussi intimement convaincu que son appel, sans être millimétré à la seconde près pour sortir Chuuya d'une situation difficile, avait pour but d'attirer toute l'attention sur lui. Il savait également qu'il y avait peu de chances pour que le russe soit encore là quand ils arriveraient sur place ; ou alors, s'il l'était, ce serait parce qu'il le voulait. En se comportant ainsi, Dazai entrait dans son jeu, et ils en avaient tous deux conscience.

Mais, aussi intelligent et perspicace qu'était Fyodor, il n'était pas capable de comprendre parfaitement les gens ; surtout quelqu'un comme lui qui se targuait d'être difficile à lire. Et, ces derniers temps, Dazai avait pris beaucoup de plaisir à le persuader du contraire. Sa conversation avec Akutagawa notamment, où il avait admis ne plus savoir où il en était et soupçonner Odasaku, n'était que du baratin destiné à faire croire à l'informateur qu'il gagnait du terrain. Lui, douter de lui-même ? Ce n'était pas près d'arriver.

(Il admettait ne pas s'être attendu et avoir été déstabilisé par la nouvelle concernant Chuuya, ça ce n'était pas un mensonge, mais l'histoire avec Odasaku relevait d'un autre registre.)

Fyodor devait donc être de plus en plus certain de maîtriser les réactions du brun, et il allait le conforter dans son hypothèse encore une fois. Ainsi, le plan qu'il peaufinait dans son esprit depuis la mort de Fitzgerald allait faire un bon en avant et, dans quelques jours, nul doute qu'il serait en mesure de frapper un grand coup dans la pyramide de cartes que le russe créait depuis le mois de novembre.

Ce fut donc sur ces résolutions qu'il mit le contact et appliqua toutes ses connaissances en matière de conduite pour prendre la direction de la maison de Chuuya. Il allait devoir sortir un peu de Yokohama mais ils devraient l'atteindre en moins de vingt minutes s'il parvenait à maîtriser rapidement le véhicule. Pendant ce temps, le rouquin poursuivait sa conversation, et les bribes qui lui parvenaient lui indiquèrent que l'interlocuteur avait très probablement changé.

« Pourquoi es-tu venu ici ? (...) Je... Je sais oui. (...) Non ! Je ne te laisserais pas dire ça. Je vais lui dire, peu importe les conséquences. (...) Fyodor, non. Tu as tout faux. » Dazai était très curieux d'avoir les tenants et les aboutissants de cette histoire, mais son écoute partielle due aux faits qu'il n'avait qu'un seul interlocuteur à ses côtés et qu'il devait se concentrer sur la route et la conduite de la moto ne lui facilitait pas la tâche. « Bien sûr que je me souviens. Mais je ne te dois rien et... » Le dernier mot resta en suspens si longtemps que Dazai jeta un coup d'oeil derrière lui pour voir si le rouquin avait chuté de la moto à cause de sa conduite quelque peu inconfortable ― il s'avéra que non et qu'il fixait simplement son téléphone avec un air confus.

« Il a raccroché ? s'enquit-il en se reconcentrant sur la route.

Apparemment.

De quoi parliez-vous ?

Il a essayé de me convaincre de changer d'avis et de ne pas continuer de te parler. Le nombre de prétextes qu'il est capable de trouver est effrayant. » Son ton de voix s'adoucit légèrement ― trop peu pour que ce soit un acte conscient, mais suffisamment pour qu'un observateur extérieur s'en rende compte. « Il a toujours été un manipulateur incroyable. Il pourrait convaincre sa propre mère qu'il n'est pas son fils.

C'est sûr que n'importe quelle femme normalement sensée ne voudrait pas d'un meurtrier et d'un criminel comme fils.

Ce n'est pas ce que j'essayais de dire. En plus, pour ta gouverne, il n'a jamais tué qui que ce soit.

Il a juste orchestré le meurtre de beaucoup de personnes, ironisa l'inspecteur. Tu as l'air encore bien attaché à lui.

Est-ce de la jalousie mal placée ? Je t'ai dit qu'il n'y avait plus rien entre nous depuis longtemps.

N'importe qui devinerait que tu l'apprécies toujours. » Il grossissait volontairement le trait, ce n'était pas si évident. Il voulait juste faire parler clairement son interlocuteur.

« Je l'aimais beaucoup, c'est vrai. Mais il s'est passé beaucoup de choses après que la vérité sur Paul et Arthur ait éclaté. Je sais très bien qu'il est mauvais, et qu'il n'y a jamais rien d'honnête dans son attitude. Je ne le déteste pas, c'est vrai. Mais je ne l'aime pas non plus, si c'est là où tu veux en venir. »

Le brun hocha la tête avec un petit sourire. Il avait parfois des doutes sur sa capacité à détecter les mensonges, surtout maintenant que tout avait éclaté au sujet de Chuuya et qu'il se rendait compte qu'il ignorait beaucoup de choses sur ce jeune homme qu'il aimait bien, mais sentait quand même qu'il n'était pas totalement à la ramasse et ne décelait pas de mensonge dans ses dires. Il se demandait simplement ce qui avait bien pu se passer exactement entre Fyodor et Chuuya, surtout du point de vue du russe. Il paraissait logique de penser qu'il n'avait approché Chuuya que pour le manipuler et arriver à ses fins.

L'inspecteur estimait qu'il ne se débrouillait pas si mal que cela sur la moto du rouquin, mais le jeune homme l'obligea à s'arrêter et à lui céder sa place « avant qu'il ne commette un accident et ne les tue tous les deux ». Un tel manque de confiance fit bouder l'inspecteur, mais l'autre ne lui accorda aucune attention et reprit sa place à l'avant.

Il leur fallut une dizaine de minutes de plus pour arriver au domicile du rouquin et n'aperçurent sans grande surprise personne devant. Comme il s'en doutait, Fyodor était parti... ou se cachait, plus probablement quelque part. Essayer de deviner ses pensées et mettre en place une stratégie pour le tromper était la chose la plus éreintante qu'il n'avait jamais fait, et il ignorait dans quelle mesure le russe se laisserait berner par son attitude désemparée et confuse. Il ne pouvait pas se permettre d'en faire trop, pour ne pas se trahir, mais il ne pouvait pas non plus en faire trop peu au risque de ne pas convaincre le russe.

« Rappelle-moi pourquoi tu as tenu à venir jusqu'ici ? marmonna Chuuya.

Parce que je suis un homme galant qui te raccompagne après notre soirée ?

Tu changes de personnalité à une vitesse effrayante. Il y a une heure, tu me soupçonnais d'être un criminel associé à Fyodor.

Je n'ai pas nécessairement abandonné mes soupçons. » siffla-t-il assez fort pour qu'un observateur l'entende.

Il était quasiment certain de déceler une présence non loin d'eux, et se demandait s'il s'agissait de Dostoevsky ou d'un de ses acolytes espions. Tout bien réfléchi, il penchait pour la seconde option, mais le doute était permis. Cette visite à Chuuya était de la provocation, il en était certain. D'ailleurs, son téléphone vibra quelques secondes à peine après.

De : Le rat

Je savais que tu étais mon plus grand fan, impatient de me voir me dévoiler pour la première fois. Tu deviens presque prévisible, inspecteur.

Il ne prit pas la peine de répondre à cette énième provocation, jugeant qu'il y avait plus important à faire. Il se dirigea vers la maison voisine sans prêter attention aux questions de son compagnon, et chercha l'endroit où il avait perçu un mouvement quelques secondes plus tôt. Il n'y avait plus personne ― les rats étaient toujours prompts à s'enfuir ― mais il reçut un second message immédiatement.

De : Le rat

En passant, bravo pour avoir trouvé ta moitié affectueuse et séduisante.

Si Dazai avait initialement prévu de feindre la surprise en lisant le message, peu importe son contenu, il n'eut en réalité pas besoin de se forcer en lisant ces mots, qui auraient paru obscurs à une personne extérieure à leur conflit, mais qui étaient d'une clarté impressionnante pour lui. Une moitié affectueuse et séduisante. C'était mot pour mot ce qu'il avait répondu au barman du Remus le soir où il avait rencontré Chuuya, lorsque celui-ci lui avait demandé ce qu'il désirait.

Apparemment, le barman en question n'était pas envoyé par Fukuzawa. Il avait du mal à croire qu'il n'avait pas réalisé plus tôt ce fait. Il aurait pu s'en douter pourtant, grâce au portrait robot qu'ils avaient établi. Même si en réalité, il admettait ne plus avoir de vision claire du physique de ce barman. Les barmans entraient dans cette catégorie de la population qu'on ne remarquait pas vraiment à moins de beaucoup s'intéresser à eux, comme les serveurs des restaurants ou encore les chauffeurs de taxi.

« Je suis un idiot, siffla-t-il entre ses dents.

Au moins tu t'en rends compte. » rétorqua une voix derrière lui. Chuuya l'avait suivi et le dévisageait sans bien comprendre ce qu'il lui avait pris quelques instants plus tôt.

« M'enfoncer ne rattrapera pas ton cas. » Le rouquin haussa les épaules.

« J'ai dit tout ce que j'avais à dire pour ma défense. Libre à toi de m'inculper ― sauf que vous n'avez pas assez de preuves n'est-ce pas ? » Dazai fit la moue, malheureusement il avait plutôt raison.

« Disons que les preuves sont relativement accablantes mais que Topaz reste quand même un plus grand suspect compte tenu de ses antécédents, sans compter que pour ne pas avoir d'ennuis avec l'opinion publique, il faudrait vous inculper tous les deux pour que ce soit juste.

Mais Topaz est en liberté.

En effet. Et je dirais bien que ce n'est qu'une question de temps avant qu'on l'attrape, mais je n'en suis même pas sûr. »

Plus le temps passait, plus il avait l'impression de s'opposer à l'homme invisible. Impossible à voir, à identifier, à retrouver. Comment diable avait-il disparu aussi facilement ? S'il avait vraiment tué Fitzgerald, il leur était passé littéralement sous le nez. Comment avaient-ils été aussi aveugles ?

« Chuuya. » Il déclara après quelques instants de silence, d'une voix ferme.

« Hm ?

Réponds à mes questions sincèrement s'il te plaît. » Sans laisser au rouquin le temps d'émettre une protestation, il enchaîna :

« Les analyses ADN de la scène et de l'arme du crime ont prouvé que tu t'y étais trouvé d'une façon ou d'une autre.

Faux, opposa Chuuya. Je suis resté avec toi pendant le crime. Et je n'ai jamais mis un pied au manoir de Fitzgerald, n'importe lequel de ses employés pourra te le confirmer. Je ne sais même pas où il se trouve exactement !

Alors comment est-ce possible ?

Pour l'ADN, il est possible de le conserver non ? » Dazai n'était pas de la scientifique, mais sans doute, avec le matériel adéquat.

« Passons à autre chose. Tu as dit que tu avais rencontré Fyodor pendant ton séjour en France, qu'il se renseignait à l'époque sur le trafic sordide réalisé par Paul et Arthur, et que vous aviez eu une brève relation mais plus aucun contact ensuite.

Oui. Où veux-tu en venir ?

J'essaye de comprendre les liens que tu as avec toute notre affaire. Tu connais Topaz et Dostoevsky.

Encore des soupçons ? soupira le jeune homme. Enfin, je peux comprendre. Je ne dois pas sembler très fiable actuellement. Mais je peux te promettre que je n'ai rien à voir avec tout ça.

Pourtant, n'importe qui réaliserait qu'il y a anguille sous roche. Tu es arrivé à Yokohama au début de l'affaire Topaz, pour me donner des informations, dans un bar où se trouvait Dostoevsky. Tu étais aussi avec moi quand l'inspecteur Fukuzawa est décédé. Tu es toujours là quand il le faut. » Il vit passer un éclat fugace dans les yeux de Chuuya, et son expression montra que les piques accusatrices de Dazai l'avaient blessé.

« La première fois, je ne savais rien. J'avais entendu parler de l'évasion de Topaz, et le docteur Mori m'avait demandé de venir vous parler. Quand je suis arrivé, j'ai remarqué que Fyodor était là, oui. Mais pouvais-je savoir qu'il vous provoquait en même temps ? Pouvais-je savoir que c'était votre ennemi ? Je te l'ai dit, on ne se parlait pas. S'il te faut chercher une raison à sa présence, tourne-toi vers ton père adoptif. Je peux te jurer sur tout ce que j'ai et sur tous les dieux que je n'ai rien dit à Fyodor. Jamais rien. »

Chuuya acheva sa tirade en tremblant légèrement sous la colère qui l'avait enflammé au fur et à mesure qu'il parlait. Encore une fois, rien ne semblait indiquer qu'il mentait sur ce qu'il disait, mais Dazai avait encore trop de doutes et de questions pour juste tirer un trait sur le passé et faire confiance au jeune homme.

« Le docteur Mori est actuellement suspecté d'avoir des liens avec le meurtre de Francis Fitzgerald, lâcha-t-il finalement, est-ce que tu sais quoi que ce soit à ce sujet ? » La bouche de Chuuya s'agrandit quelques instants.

« Sérieusement ? Je ne sais rien du tout, non. Je ne le connais pas très bien non plus. Il a souvent aidé ma famille au même titre que Paul et Arthur, et il m'a sauvé la vie il y a quelques années.

Tu ne m'as jamais raconté cette histoire d'ailleurs. Comment ça ?

Tu te souviens de la balle dans ma chemise ? Je t'avais dit que je m'étais fait tirer dessus. C'était à ce moment-là. Il y a quatre ans environ.

Et tu as toujours la même chemise ? Il serait temps de changer. » La discussion était jusqu'à présent assez sérieuse mais le brun n'avait pas pu s'en empêcher.

« Peu importe, je l'aime bien. Je ne me souvenais même pas que je l'avais encore avant de la mettre pour notre rendez-vous.

Qui t'a tiré dessus alors ? Et pourquoi ?

Qui, je ne sais pas, le coupable n'a jamais été arrêté. Pourquoi, je ne sais pas vraiment non plus. Mauvais endroit au mauvais moment : un homme a commencé à tirer dans les rues de Tokyo au hasard. »

Oui, cela lui revenait. Il avait entendu parler de cet incident : à l'époque, il venait tout juste de quitter le domicile de son père pour entrer à l'école de police et ainsi obtenir un logement non loin pendant sa formation. Il était loin des lieux du crime, mais ils avaient eu plusieurs heures de cours théoriques centrés sur cet incident qui n'avait heureusement fait aucun mort mais un certain nombre de blessés.

« C'est comme ça que j'ai rencontré le docteur Mori, acheva-t-il. Il n'était pas loin du lieu du crime, et il m'a porté les premiers secours. » Dazai se souvenait que son père lui avait dit être non loin en effet mais il admettait qu'il avait d'abord pensé qu'il cherchait juste à obtenir de la compassion de son fils adoptif pour lui, pas qu'il avait sauvé des vies. Cela le surprenait d'ailleurs, il savait que son père était médecin, bien sûr, mais l'imaginer vraiment soigner des gens était presque difficile.

« Je vois. » répondit-il finalement. Il n'y avait rien d'étrange dans cette rencontre, ni dans la relation qu'avaient ensuite entretenue les deux hommes, si ce n'était le fait que Mori n'avait jamais essayé de profiter de la dette que Chuuya avait envers lui. Peut-être que si, d'une certaine façon, en le mêlant à leur affaire ? « Je crois que j'ai besoin de réfléchir un peu à tout ça, avoua-t-il ensuite en repensant à toutes les informations obtenues qu'il devait mettre en ordre pour essayer d'y voir plus clair.

Il faut que je t'avoue quelque chose avant. » Chuuya avait lâché ces mots en détournant le regard : effectivement, il n'avait au final toujours pas avoué le crime dont il s'était rendu coupable. Dazai sentait que c'était une façon pour lui de prouver sa bonne foi. Tout montrait qu'il ne voulait pas l'admettre. Mais il le faisait pour convaincre son interlocuteur de ses bonnes intentions.

« Je t'écoute.

L'affaire concernant Paul et Arthur et leurs activités secrètes a mis à jour un sombre trafic de la pègre à l'international. Donc c'est vite devenu une affaire internationale qui a sollicité des inspecteurs de tous les pays concernés. »

Dazai sentit son coeur rater un battement tandis qu'il comprenait sur quoi allait porter l'effroyable aveu que s'apprêtait à lui faire le jeune homme. Une affaire internationale sur un orphelinat véreux. Il se souvenait enfin de pourquoi il avait le sentiment d'en avoir déjà entendu parler.

« Je dois m'absenter un peu, je travaille sur une nouvelle affaire internationale. Je compte sur toi pour ne pas te faire encore remarquer. »

Il pivota brusquement vers Chuuya qui semblait chercher ses mots et planta son regard noisette dans ses yeux. Le jeune homme soutint son regard après une demi-seconde d'hésitation.

« Les inspecteurs japonais étaient l'inspecteur principal Yukichi Fukuzawa et l'inspecteur Sakunosuke Oda pas vrai ? lâcha-t-il d'un ton sec.

Tu t'en souvenais ?

Ça vient de me revenir. » Il inspira profondément pour cacher les sentiments qui remontaient en lui. « Chuuya, je te promets que si tu as eu quelque chose à voir avec cette affaire et les mois qui ont suivi, je...

Laisse-moi finir, l'implora Chuuya. Tu ne sais même pas ce que j'allais dire.

Non. Mais je sais qu'Odasaku est mort peu après son retour de cette affaire. » Les yeux du jeune homme s'écarquillèrent quelques instants et Dazai enchaîna : « Est-ce que tu l'as tué pour protéger ces deux hommes ? » L'hypothèse le brisait un peu plus à chaque mot, mais il avait besoin de savoir. Chuuya resta silencieux une poignée de secondes qui semblèrent une éternité à l'inspecteur.

« Non. »

L'air sembla devenir un peu plus respirable après que le jeune homme eut prononcé ces mots, d'une voix ferme tout en le fixant droit dans les yeux pour ne lui laisser aucun doute sur sa sincérité.

« Mais je sais qui l'a fait. » Le temps sembla se suspendre quelques secondes et Dazai retint son souffle. Combien de fois avait-il attendu ce moment ? Un nom, c'était tout ce qu'il voulait depuis des mois. Un nom, pour faire payer à quelqu'un son crime.

« Qui ? demanda-t-il à voix basse, comme si c'était un nom qu'on ne pouvait pas révéler à voix haute.

Arthur. » Le nom ne fut d'abord qu'un simple murmure, avant d'être repris plus fort, éclairant ce mystère qui l'avait tant obsédé (et l'assombrissant encore plus par la même occasion) : « Arthur Rimbaud. »

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