02 - 𝐋a brigade des désœuvrés
Le Akiko/Ryunosuke est mon nouveau pairing fraternel favori, je m'amuse trop avec ces deux-là-
(vous allez vous en rendre compte rapidement-)
sinon j'espère que vous allez bien ☆
prochain chapitre le 22 novembre (le retour des anniversaires le jour des chapitres - ou des chapitres le jour des anniversaires au choix), d'ici là ne prenez pas froid les ami.e.s :)
ps : je ne l'avais pas trop précisé dans l'intro, mais si la situation politique/économique du Japon est plutôt similaire à la réalité dans cette histoire, j'ai volontairement "adouci" la façon de penser des Japonais surtout vis-à-vis des homosexuels. je ne cherche pas à minimiser la situation, simplement, cette histoire n'est pas une dénonciation et n'a absolument pas pour thème l'homophobie, d'où la petite modification.
(pour ceux qui désirent absolument lire quelque chose sur l'homophobie au Japon, lisez la SL Week de la FluffSoukokuAgency, certains textes en parlent :3)
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𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝐃𝐞𝐮𝐱 ─ 𝐋𝐚 𝐛𝐫𝐢𝐠𝐚𝐝𝐞 𝐝𝐞𝐬 𝐝é𝐬œ𝐮𝐯𝐫é𝐬
Partout autour d'elle, les cris de peur et de fureur résonnaient, telle une symphonie chaotique qui symboliserait la situation. Ici, une femme hurlait en cherchant son enfant, là un vieillard tentait de se mettre debout malgré les hommes et femmes qui le poussaient violemment, trop occupés à tenter de sauver leur propre peau.
Elle chercha du regard la silhouette familière de sa mère, sans parvenir à la trouver parmi la masse humaine qui déferlait de la sortie du métro. Elle tenta de se mettre en mouvement, estimant qu'il serait plus aisé de la retrouver ainsi, mais elle parvenait à peine à faire un pas sans se faire bousculer.
Au passage, elle entendait quelques bribes de conversation. Une explosion non identifiée dans le métro. Une menace terroriste pour certains, une défaillance technique pour d'autres. Selon la jeune femme, la réponse se trouvait au milieu : c'était probablement une défaillance technique provoquée par des émeutiers. Depuis plusieurs jours, les catastrophes se multipliaient, et ils en étaient toujours à l'origine.
La foule finit par se disperser, et elle réalisa qu'elle était tombée à terre, bousculée par la masse. Elle se releva tant bien que mal, ignorant sa jambe endolorie qui avait dû heurter quelque chose dans sa chute, et se rendit compte que quelqu'un se trouvait devant elle.
C'était un homme aux cheveux clairs et aux yeux bleus ; il portait un costume soigneusement repassé, et une plaque de police ornait le devant de sa veste. Son regard examina la jeune femme, puis il posa la première question – mais pas la dernière :
Est-ce que tout va bien ?
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J-69
09 NOVEMBRE
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« Je ne comprends pas. » Akiko soupira et planta son regard magenta dans celui gris de son subordonné.
« Ce n'est pourtant pas bien compliqué, répliqua-t-elle en posant ses deux index sur ses joues. Tu étires tes lèvres comme ça. »
Elle appuya ses propos en étirant légèrement le bord de ses lèvres. Ryunosuke la dévisagea, sceptique, avant de l'imiter ; le résultat était loin d'être concluant. La jeune inspectrice soupira à nouveau et secoua la tête négativement.
« Ce n'est pas gagné, conclut-elle.
– Nous sommes des inspecteurs, observa le jeune homme. Notre travail, c'est d'arrêter les criminels, pas de leur faire des sourires.
– Il faut quand même inspirer un minimum la sympathie, répondit la jeune femme. Personne ne fait confiance à un inspecteur qui donne lui-même l'impression d'être un criminel. » Son subordonné eut un mouvement de tête désabusé. Il ne semblait pas convaincu par sa théorie.
« Vous êtes vraiment en train de retarder ma promotion parce que je ne sais pas sourire ? »
Bon, d'accord, dit comme ça, cela semblait un peu stupide, mais c'était une raison très sérieuse. Ryunosuke était compétent, même s'il ne s'était encore jamais illustré sur le terrain contrairement à son collègue Atsushi, elle le savait parfaitement. Mais il affichait en permanence un visage dépourvu de toute émotion, et la jeune femme voyait cela comme un grand handicap pour lui dans le futur. Certes, ils étaient avant tout des inspecteurs qui devaient résoudre des crimes, mais ils devaient aussi parfois intervenir auprès de témoins, et il était important de mettre les personnes en confiance dans ce cas-là.
Ranpo interrompit leur conversation de la plus haute importance en agitant le paquet de bonbons qu'il venait d'acheter sous leur nez.
« Dazai ne t'a pas ramené quelque chose ce matin ? fit remarquer Yosano d'un ton critique.
– Si, mais ça c'est pour mon stock personnel. » répondit le jeune homme comme si c'était évident. Son amie leva les yeux au ciel en secouant la tête avec un désespoir non dissimulé.
« Tu pourrais au moins nous en offrir, lâcha-t-elle, en faisant preuve de toute la mauvaise foi qu'elle possédait.
– Tu détestes ces bonbons, observa son ami de longue date en la dévisageant avec un petit sourire. Et Ryunosuke étant incapable de profiter des petits plaisirs de la vie, il n'en mange jamais. »
Le regard métallique du susnommé fit des allers-retours entre sa responsable de formation et son supérieur hiérarchique ; même s'il ne dit rien, Akiko devina aisément qu'il remettait en question ses choix de carrière, ou simplement le fait d'avoir été associé à ces deux inspecteurs farfelus. Il ne pouvait cependant pas remettre en cause leurs compétences puisque la qualité de sa formation était irréprochable, et la jeune femme était quasiment certaine que c'était la raison pour laquelle il s'abstenait de demander à changer de responsable.
« Je ne voudrais surtout pas vous interrompre, mais on peut y aller ? »
La voix ennuyée de Tsujimura leur rappela qu'ils n'étaient pas en pause mais sur leur lieu de travail, et que leur service ne s'achevait que dans trois heures. Leur collègue, à la tête de la brigade des vols et des cambriolages, les dévisageait avec la mine désabusée qu'elle arborait depuis que Ranpo avait forcé leur véhicule à s'arrêter au milieu de la route pour aller s'acheter des bonbons. Les deux mèches bleues qui encadraient son visage accentuaient son regard mauve légèrement agacé et ennuyé.
« Pas la peine de se presser, commenta Yosano, on ne poursuit pas un braqueur en fuite. Et c'est bien dommage. » ajouta-t-elle entre ses dents.
Depuis plusieurs semaines, leurs journées de travail ressemblaient bien plus à de vastes blagues qu'à des journées normales pour des inspecteurs de police. L'inconvénient quand on exerçait cette fonction dans un pays réputé pour sa sécurité et son faible taux de criminalité était que même en temps normal, il n'y avait pas énormément de travail, surtout pour eux qui étaient inspecteurs dans un bureau d'enquêtes criminelles, et c'était encore plus vrai depuis quelques temps.
Pas de braquages à main armée, pas de disparitions suspectes, même pas de petite agression dans la rue. Même les voleurs à l'arrache et les pickpockets semblaient avoir pris de longues vacances. Au fond, ce n'était pas une mauvaise chose, les habitants de Yokohama et même des alentours pouvaient vivre sans la moindre crainte pour leur sécurité. Mais pour eux, inspecteurs rodés à ces affaires, c'était presque comme se retrouver au chômage.
Les seules enquêtes qui les occupaient étaient les vols de voiture, qui avaient étrangement augmenté ces derniers temps. Certains véhicules disparaissaient de leurs places de parking, pour réapparaître dans un autre arrondissement de la ville. Puisqu'ils n'avaient rien de mieux à faire, tous les inspecteurs du BEC étaient dépêchés sur ces affaires des plus ridicules. Au début, chacun essayait de les confier aux recrues inexpérimentées – Ranpo avait même usé de ce stratagème sur Dazai - mais Fukuzawa leur avait ordonné de ne pas abuser de leur expérience et de participer également aux recherches.
(Akiko trouvait presque honteux que leur supérieur leur demande ça quand lui-même ne le faisait pas puisqu'il était le seul à bénéficier d'une véritable enquête. Mais quand elle voyait à quel point elle lui prenait tout son temps, elle parvenait à relativiser. Même si elle mourait toujours d'envie de savoir de quoi il s'agissait.)
Ils se remirent donc en route, malgré les plaintes incessantes de Ranpo qui trouvait injuste qu'un détective de sa trempe soit forcé d'enquêter sur un vulgaire vol de voiture. Yosano était d'accord avec lui, mais les ordres étaient les ordres. Et personne n'osait défier l'autorité de l'inspecteur Fukuzawa , de crainte de se retrouver affecté pendant un mois à l'administration. La jeune femme avait déjà tenté l'expérience et en gardait un souvenir peu agréable.
« J'ai une question. » lâcha soudainement Ryunosuke lors d'un long moment de silence. Les trois autres inspecteurs tournèrent vers lui des regards intrigués ; Tsujimura paraissait vraiment surprise de l'entendre s'exprimer, compte tenu du fait qu'il n'avait pas ouvert la bouche en sa présence depuis qu'ils étaient partis.
« Oui ? répondit Akiko en constatant que son subordonné attendait une réponse.
– Pourquoi est-ce que nous sommes quatre inspecteurs sur l'affaire ? D'ordinaire, un seul suffit. » L'inspectrice aux cheveux bleus, qui conduisait, soupira et tapota avec agacement le volant de son doigt ganté - Yosano se demandait souvent pourquoi elle portait des gants en guise d'accessoire.
« Parce que je viens de sortir de formation, répondit-elle. Et que l'inspecteur principal Fukuzawa a insisté pour que je sois accompagnée d'un inspecteur expérimenté étant donné que l'on va dans un quartier sensible. » On sentait au ton de sa voix qu'elle n'avait pas beaucoup apprécié cette directive de son supérieur hiérarchique.
« Et, enchaîna Ranpo, parce qu'Akiko est persuadée que je suis incapable de travailler sérieusement seul.
– À juste titre, répliqua la jeune femme. Et parce que je suis chargée de ta formation et que tu es donc obligé de m'accompagner en mission. »
Le jeune homme aux cheveux bicolores les dévisagea tour à tour avant d'acquiescer sans rien dire ; ses pensées étaient cependant limpides et partagées par les trois autres passagers de la voiture. Pour la logique et l'organisation théoriquement propres à des inspecteurs de police, ils repasseraient.
Ils finirent par atteindre l'arrondissement de Sakae, considéré comme arrondissement sensible par la police de la ville du fait de son historique : lorsque, dix ans auparavant, les émeutes de Yokohama faisaient rage, c'étaient là que les plus grands dommages avaient été commis - Akiko se souvenait encore des images de bâtiments entiers en feu et de commerces mis à sac par les habitants de l'arrondissement - et aujourd'hui encore, c'était là où on trouvait les marginaux de la société japonaise.
On leur avait signalé un vol de voiture, le quatorzième depuis le début du mois, un chiffre record. Presque tous les arrondissements avaient été touchés, et ils étaient plutôt surpris que Sakae n'ait pas été concerné avant par ces délits. C'était pourtant le premier arrondissement qu'ils auraient imaginé touché par ces vols.
La violence restait chose courante à Sakae et, malgré la baisse drastique de la criminalité, ils étaient forcés d'être sur leurs gardes, même si le quartier de la victime était un quartier paisible à première vue.
Ils décidèrent que seuls Tsujimura et Ranpo iraient interroger la victime, puisque c'était leur mission à la base. Akiko et son cadet resteraient aux côtés de la voiture le temps qu'ils aillent lui parler.
Yosano resta sur ses gardes lorsqu'ils sortirent de la voiture, et se mit debout à côté pour rester active en cas de problème. Akutagawa s'adossa à une portière et son regard gris balaya à plusieurs reprises les alentours, ce qui piqua la curiosité de son aînée. Elle se retint de poser la moindre question, sachant pertinemment que son subordonné se braquerait si elle devenait trop intrusive, mais il finit par lâcher :
« Je vivais dans cet arrondissement avant. » La déclaration surprit la jeune femme, Ryunosuke se confiait rarement sur sa vie personnelle. Elle ne savait que deux choses à son sujet : il vivait dans l'arrondissement d'Izumi et avait une petite sœur nommée Gin en dernière année de lycée. « Pas dans ce quartier, mais un peu plus loin. Rien n'a changé. » conclut-il en haussant les épaules. Un silence inconfortable s'installa de nouveau entre eux, jusqu'à ce que la jeune femme le brise :
« Comment va ta petite sœur ? »
C'était le seul détail personnel sur lequel elle obtenait des réponses généralement. Même s'il essayait de le cacher, Ryunosuke appréciait visiblement beaucoup sa cadette et était fier de sa réussite – d'après ce qu'elle avait entendu, lui-même n'était pas un élève exemplaire et cela lui avait posé plusieurs problèmes à son entrée dans la brigade, alors le fait que sa petite sœur soit dans le top du classement aux examens trimestriels et ait un dossier scolaire parfait devait lui faire plaisir.
« Bien. »
En dépit de cela, ce fut la seule réponse qu'elle obtint, ce qui l'intrigua un peu. Le jeune homme n'ajouta rien de plus, ramenant avec lui le silence inconfortable. Heureusement, Ranpo et Tsujimura revinrent avec la déposition de la victime, prêts à se mettre à leur fastidieux travail. Pour ne rien arranger, la voiture qu'ils devaient retrouver était des plus banales, une de celles que tout le monde possédait en général. Akiko jeta un regard désemparé à la montre qui ornait son poignet. Encore deux heures et demie avant la fin de son service.
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Trois heures plus tard, après avoir arpenté les ruelles de Yokohama pendant tout son service, Akiko se laissa tomber sur son canapé avec un long soupir épuisé. Ils n'avaient même pas retrouvé la voiture en fin de compte. Quatre inspecteurs de police pour une voiture, et ils ne la retrouvaient même pas. À ce rythme, leurs supérieurs tokyoïtes allaient décréter que leurs résultats étaient insatisfaisants, et ordonner la fermeture de leur bureau de Yokohama.
Son téléphone sonna soudainement, attirant son attention vers l'appareil qu'elle avait posé sur sa table basse. Elle le saisit et observa le nom qui s'affichait, avant de laisser tomber son téléphone sur le sol doucement sans répondre. La sonnerie s'arrêta, puis il s'écoula quelques secondes de silence avant qu'elle ne reprenne de plus belle. Akiko finit par reprendre l'appareil et en coupa le son. Elle n'avait pas l'énergie d'endurer son ami d'enfance surexcité qui n'avait probablement rien d'important à lui dire de surcroît.
Elle finit par se relever avec un soupir las, laissa tomber sa veste qu'elle n'avait pas encore retirée sur un fauteuil, et se dirigea jusqu'à son réfrigérateur pour en sortir une canette de bière - pas trop alcoolisée quand même, elle prenait son service à huit heures le lendemain matin. Elle fouilla ensuite dans ses placards, à la recherche de quelque chose à manger, et finit par trouver deux paquets presque vides de riz. Elle nota mentalement qu'il lui faudrait aller faire les courses vite sous peine de se retrouver sans rien à manger, et se décida à les finir. Mais alors qu'elle s'apprêtait à les verser dans son cuiseur, la sonnerie de sa porte d'entrée retentit.
Elle reposa sur le plan de travail le paquet qu'elle tenait dans ses mains, et se dirigea jusqu'à sa porte pour l'ouvrir ; elle regretta ensuite son geste pendant le reste de la soirée lorsqu'elle tomba sur un jeune homme aux cheveux bruns et aux yeux verts encadrés par d'épaisses lunettes rondes, vêtu d'une longue blouse blanche usée et d'un pantalon tout aussi usé par le temps, et les explosions probablement. Il portait autour du cou une – hideuse – écharpe kaki qui était étrangement en bon état, comparée au reste de sa tenue.
« Akikooo ! » s'exclama-t-il d'une voix forte – trop forte – en se jetant sur elle. La jeune femme fit un pas sur le côté et le laissa s'effondrer sur le sol de son appartement, en maudissant tous les dieux pour leur acharnement sur elle aujourd'hui.
« Kaiji, lâcha-t-elle d'un ton blasé en le regardant se relever. Qu'est-ce que tu fiches ici ?
– Tu n'as pas répondu à mes appels, répondit le jeune homme. Je voulais t'annoncer quelque chose de grandiose !
– Quoi donc ? Quelqu'un d'autre que ta maman a reconnu ta valeur de scientifique ? » Elle ne sut pas ce qui la stupéfia le plus : que son ami ne relève pas l'insulte ou qu'il acquiesce avec un grand sourire satisfait et admiratif.
« Tu es vraiment une inspectrice talentueuse ! Comment tu as deviné ?
– Quelqu'un a reconnu ta valeur de scientifique ? » répéta-t-elle, sidérée.
Ce n'était pas qu'elle rabaissait son ami d'enfance... C'était surtout qu'elle était réaliste. Elle connaissait Kaiji depuis l'école primaire, lorsqu'ils s'étaient retrouvés sur le même stand pour la kermesse de l'école. Auparavant, elle ne le connaissait que de vue puisqu'il était dans l'autre classe, mais ils s'étaient retrouvés tous les deux à vendre de la limonade aux parents assoiffés – et elle avait d'ailleurs découvert à cette occasion qu'il était très doué pour en préparer.
Ils avaient ensuite poursuivi ensemble leur scolarité jusqu'à la fin du lycée, jusqu'à ce qu'ils séparent pour atteindre leur but respectif. Akiko voulait devenir inspectrice de police, quant à lui il désirait devenir inventeur. Elle avait atteint son but, lui prétendait l'avoir fait aussi, mais elle ne le croyait pas. Ses inventions étaient des échecs systématiques, et personne ne les achetait ou reconnaissait ses demandes incessantes de brevets. Elle persistait à dire qu'il devrait lancer sa propre marque de limonade s'il voulait connaître la célébrité, et la richesse, mais apparemment, monsieur était trop bien pour se contenter de vendre une boisson gazeuse et sucrée.
« Quelqu'un m'a acheté tout mon stock d'inventions « ratées » comme tu les appelles. Et il a payé le prix fort !
– Tu es sûr que ce n'est pas quelqu'un de ta famille qui voulait te faire plaisir ? » Kaiji grimaça et lui tira la langue de manière enfantine.
« On s'est vus en face à face je te signale. Je peux même te le décrire : taille moyenne, plutôt enrobé, à moitié chauve et emmitouflé dans une doudoune grise et trois couches d'écharpes.
– Ça me rassure alors, commenta Akiko, s'il se couvre autant alors qu'il fait encore bon, c'est qu'il est fou. Et il faut l'être pour acheter ton stock.
– Il avait l'air un peu étrange, je te l'accorde... Mais il était très sympa et il avait l'air vraiment intéressé par mes inventions ! » L'inspectrice de police décida qu'elle avait fait preuve de suffisamment de négativité pour la soirée et conclut :
« C'est plutôt une bonne chose, maintenant que tu es débarrassé de toutes ces inventions tu vas pouvoir...
– En créer d'autres ! »
Elle allait plutôt dire « chercher une autre occupation », mais soit. Elle craignait de toute façon que son ami ne soit incapable de faire autre chose qu'inventer des choses inutiles. A vingt-cinq ans, il vivait encore chez sa mère et ne percevait rien d'autre que des aides. Elle s'inquiétait pour lui parfois. Mais elle reconnaissait une chose : il avait l'air heureux dans ce qu'il faisait.
« Je te dérange ? finit-il par s'inquiéter. Tu as fini ton service hein ?
– Oui, ne t'inquiète pas. Mais j'embauche à huit heures demain alors... » Message subliminal : laisse-moi me reposer. Son ami sembla avoir une illumination, mais pas celle qu'elle attendait :
« D'ailleurs, il faut que je te demande quelque chose. » Akiko haussa un sourcil, intriguée.
« Tu sais que je ne peux pas parler de mes affaires, c'est confidentiel, précisa-t-elle néanmoins.
– Je sais, mais ce n'est pas vraiment relié à ça. » Kaiji baissa la voix, comme par crainte d'être entendu par quelqu'un d'autre – ils étaient pourtant seuls dans la pièce.
« Tu as un collègue qui s'appelle Akutagawa ? »
La question déstabilisa Yosano, et renforça son intuition d'inspectrice qui s'affolait ces derniers temps lorsqu'il était question de son subordonné. Depuis qu'elle avait appris que l'inspecteur Fukuzawa l'avait convoqué alors qu'il travaillait sur cette mystérieuse affaire de la plus haute importance, elle pressentait qu'il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond autour du jeune homme. Ceci associé aux mystères qu'il faisait sur sa famille...
« Oui, finit-elle par répondre, avec un peu de méfiance dans la voix. Pourquoi ? » Le scientifique hésita.
« Je pense que ce n'est rien d'important mais... Il se passe des choses étranges du côté du temple Sôji. »
Le temple Sôji était situé dans l'arrondissement de Tsurumi. C'était le temple le plus connu de Yokohama, entretenu par une des plus vieilles familles de la ville, la très respectée famille Ôzaki. Tous les policiers et inspecteurs de la ville connaissaient les soupçons d'affaires illégales qui pesaient sur la famille depuis des générations, mais aucune preuve n'avait été amassée malgré leurs efforts. La révélation de Kaiji ne la surprenait donc pas beaucoup, mais elle se demandait pourquoi il lui disait tout ça.
« Quel rapport avec Akutagawa ?
– Tu ne sais pas que les familles Akutagawa et Ôzaki sont liées par le sang depuis des années ? » s'étonna son ami.
Elle l'ignorait en effet. Mais elle comprenait un peu mieux les réticences de son subordonné à parler de sa famille désormais. Tout le monde connaissait la famille Ôzaki autant que Francis Fitzgerald, pour des raisons différentes certes mais la célébrité était la célébrité, et Ryunosuke devait haïr qu'on fasse le raccourci entre lui et la célèbre chef actuelle, Kôyô.
« Il ne parle pas beaucoup de lui, lâcha finalement Akiko en réalisant que son ami attendait toujours une réponse. Donc non, je ne savais pas. » Elle fronça ensuite les sourcils et ajouta : « Mais comment es-tu au courant toi ? »
Le malaise de Kaiji était palpable ; il se leva vivement et tenta de partir, Akiko le rattrapa d'un geste précis. Quelques minutes plus tôt, elle désirait le voir partir, mais elle avait maintenant envie de savoir ce qu'il insinuait.
« Dis-moi tout ! lui ordonna-t-elle de son ton d'inspectrice. De quelles choses étranges tu parlais ?
– Si tu n'es pas au courant, je ne peux pas t'en parler ! s'écria le jeune homme en tentant de fuir.
– Tu ne peux pas me laisser comme ça ! De quoi parlais-tu ?
– Quelqu'un doit être en charge de l'affaire dans ton bureau ! Demande-lui ! »
Akiko relâcha légèrement la pression sur son bras de surprise, et son ami en profita pour s'enfuir promptement. Elle ne le poursuivit pas, même si elle désirait toujours savoir de quoi il s'agissait. Elle avait au moins récupéré une information : Ryunosuke avait un lien avec la fameuse affaire de Fukuzawa. Elle le pressentait déjà auparavant, mais elle en avait désormais la confirmation.
Cependant, cela n'allait pas beaucoup l'avancer. L'affaire était confidentielle, et elle doutait de réussir à extorquer des informations à quelqu'un d'aussi secret que son subordonné. Et personne dans la brigade n'était particulièrement proche de lui, même Atsushi, qui était pourtant de la même promotion, ne se cantonnait qu'aux banalités.
Elle soupira et reporta son attention sur les deux paquets de riz qu'elle avait abandonnés. Son ventre criait famine, et elle s'empressa de reprendre sa cuisine minimaliste. Pendant que son repas chauffait, elle ne put résister à l'envie d'assouvir sa soif d'information avec une méthode qu'elle n'aimait pas spécialement utiliser mais qui était parfois bien utile.
Elle attrapa son téléphone, ouvrit une page internet et entra dans le moteur de recherche le nom de son subordonné. Elle ne trouva rien, pas le moindre article à son sujet, ce qui ne la surprit pas réellement. Elle affina sa recherche en précisant « Ôzaki » dans les termes, et un article de presse surgit finalement devant ses yeux. Il datait de la décennie précédente, et avait pour sujet la succession de Kôyô Ôzaki à la tête du temple. Un nom attira cependant son attention : Fumi Akutagawa. Selon le texte, il s'agissait de la mère de Kôyô Ôzaki. Kaiji avait donc raison, leurs familles étaient bien liées par le sang...
Elle chercha d'autres informations sur le sujet, sans rien trouver de plus concret. Il y avait de nombreux articles sur la famille Ôzaki, essentiellement des articles historiques sur le temple Sôji dont ils avaient la charge depuis de longues décennies, mais aucune mention des Akutagawa. Elle pesta, cela ne lui facilitait pas la tâche.
La seule chose qui l'interpella dans les articles, c'était qu'ils étaient dithyrambiques. Aucune critique à l'égard de la famille n'était formulée. Akiko avait toujours soupçonné, comme tous les inspecteurs, une manipulation des médias pratiquée par la famille, et cela lui apparaissait comme une preuve allant dans ce sens.
Elle finit par reposer son téléphone pour manger, et resta songeuse. Sa curiosité d'inspectrice – à moins que ce ne soit sa curiosité mal placée – voulait se satisfaire en cherchant plus d'informations, mais elle avait épuisé tout ce qu'Internet pouvait lui apprendre, et à moins d'interroger Fukuzawa et Akutagawa, elle n'apprendrait rien de plus.
Avec un soupir épuisé, elle se laissa tomber sur son canapé et alluma la télévision avant de zapper jusqu'à trouver un programme idiot. Elle avait bien besoin de ça pour ne penser à rien, et oublier cette affaire qui prenait beaucoup trop d'importance.
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Akiko parvint assez bien à s'occuper l'esprit pendant le reste de sa soirée, mais le lendemain matin, alors qu'elle était occupée à compter les post-it qu'il leur restait dans leurs tiroirs, l'affaire revint dans son esprit. Le manque de travail se faisait de plus en plus ressentir, sur leur moral comme sur leurs occupations. Ranpo empilait des bonbons, Dazai des stylos et Akutagawa se passionnait visiblement pour la composition de la barre chocolatée que Ranpo lui avait refourguée. Atsushi et Kunikida n'étaient pas de service, et échappaient donc à l'ennui mortel qui s'était installé dans leurs locaux.
Évidemment, même si Akutagawa était non loin d'elle, elle ne se voyait pas lui dire de but en blanc : « Eh au fait il se passe quoi au temple de la famille avec laquelle tu ne veux pas qu'on sache que tu es lié ? ». Elle n'allait même pas obtenir de réponse, simplement un regard inexpressif, celui qu'il arborait en permanence d'ailleurs. Pas étonnant que ses sourires soient effrayants, ses yeux ne traduisaient aucune émotion.
Son regard magenta se déplaça vers la porte du bureau de l'inspecteur Fukuzawa, toujours fermée. Elle ne savait même pas quand son supérieur quittait et arrivait au BEC et elle redoutait un peu la réponse. Tel qu'elle le connaissait, il passait probablement vingt heures par jour au travail, et même s'il ne vivait qu'à une dizaine de minutes de leur lieu de travail, il devait cruellement manquer de sommeil.
Comme pour confirmer ses craintes, la porte s'ouvrit – c'était la première fois que cette situation se produisait en pleine journée – et le plus célèbre inspecteur du bureau des enquêtes criminelles de Yokohama en sortit.
Fukuzawa avait l'air épuisé, comme on pouvait s'y attendre après plus d'une semaine à enquêter sur une affaire délicate. Ses cheveux gris étaient cependant toujours impeccablement coiffés, son costume était toujours parfaitement repassé et son regard brillait toujours de détermination, malgré les cernes bleutés autour de lui. Yosano songea que son mentor forçait l'admiration par cela ; même si son travail était long et ardu, il restait déterminé à trouver la réponse. C'était cette détermination qui lui avait permis de résoudre toutes les affaires qui faisaient de lui le plus réputé du bureau.
(Il n'y avait qu'une affaire qui avait résisté à sa détermination depuis qu'il avait débuté sa carrière, une affaire toujours classée sans suite aujourd'hui – Ranpo disait que si même Fukuzawa n'avait pu la résoudre, personne n'y parviendrait jamais, et, même si Akiko trouvait que son jugement n'était pas très objectif, elle était plutôt d'accord avec lui.)
Dazai, qui avait relevé la tête de sa construction en entendant son supérieur arriver, parut sur le point de dire quelque chose – probablement un salut à l'homme qu'il n'avait pas vu depuis son retour – mais se ravisa en voyant une autre silhouette sortir derrière lui.
C'était une jeune femme – et dans d'autres circonstances, Akiko aurait pu trouver cela étrange – dont les cheveux d'un blond naturel ne laissaient aucun doute sur ses origines étrangères. Elle remettait sur son nez des lunettes de soleil lorsqu'elle passa la porte, d'immenses lunettes qui masquaient en grande partie son visage. Sa tenue était des plus formelles, chemise et pantalon droit sans la moindre marque de richesse apparente, même si le tissu ne semblait pas de très basse qualité.
Elle échangea quelques mots à voix basse avec Fukuzawa, qui hocha la tête, puis elle s'éloigna de lui pour se diriger vers la sortie du bureau d'un pas rapide qui fit claquer avec brutalité ses talons sur le sol ; elle observa à peine les inspecteurs présents dans la pièce, mais il sembla à Akiko que son attention s'arrêtait brièvement sur Ryunosuke alors qu'elle passait à ses côtés. Ce fut si discret et bref qu'elle ne put pas le jurer, d'autant plus que son subordonné n'eut aucun regard pour la femme blonde, focalisé sur ce qu'il lisait.
Akiko dévisagea son subordonné un long moment, jusqu'à ce qu'il relève la tête en sentant son regard insistant, et chercha vainement sur son visage neutre une confirmation. Fukuzawa les interrompit en venant finalement les saluer, d'un ton amical malgré sa fatigue palpable.
« Inspecteur ! le salua en retour Ranpo. Vous voulez un bonbon ? » L'homme sembla hésiter, puis finit par accepter, à la grande surprise de ses subordonnés qui étaient habitués à des refus de sa part. Il se tourna ensuite vers Dazai et déclara, avec un petit sourire désolé :
« Je n'ai pas encore eu l'occasion de te souhaiter à nouveau la bienvenue, tu m'en vois navré. » L'autre balaya ses excuses avec un sourire et une réponse sur un ton enjoué :
« Ne vous inquiétez pas, ce n'est pas de votre faute si vous êtes débordé. La rançon du succès je suppose ?
- Je suppose, répondit l'homme aux cheveux gris d'un ton peu convaincu. Je trime pendant que vous... » Son regard bleu métallique balaya leurs diverses occupations, et il n'eut rien besoin de dire pour qu'ils comprennent ce qu'il sous-entendait.
« Le manque de travail, résuma Akiko en levant les bras en signe d'impuissance.
- Je ne vous ai pas appris qu'il y a toujours des choses à faire, même lorsqu'aucune affaire n'est en cours ? »
Ranpo, Dazai et Yosano grimacèrent simultanément en se remémorant cet enseignement de leur mentor commun. En effet cela faisait partie de ce qu'ils avaient appris durant leur formation, mais passer leurs journées à relire des retranscriptions d'interrogatoires et des plaintes pour ranger les archives poussiéreuses de leur bureau par ordre chronologique et alphabétique, c'était pire que tout à leurs yeux, aussi ils évitèrent sciemment le regard de l'inspecteur principal pour se concentrer sur autre chose.
Celui-ci secoua la tête avec un mélange d'amusement et de désespoir, puis finit par s'excuser et regagner son bureau. Dazai se leva ensuite pour aller chercher un peu de café, et Akiko décida de l'accompagner. Ils descendirent jusqu'au rez-de-chaussée, dans les locaux de la brigade des cambriolages et vols.
Leurs bureaux étaient plus petits que les leurs, mais tout aussi similaires : on repérait au premier coup d'œil les bureaux occupés grâce aux empilements de dossiers ou d'objets personnels. Leur brigade comptait sept membres, qui se partageaient tous une grande pièce. Même l'inspectrice à la tête de la brigade, Tsujimura, ne disposait pas de son propre bureau. Il en allait de même pour Ayatsuji, le chef de la brigade du deuxième étage, celle qui se répartissait les violences, crimes et disparitions avec celle de Fukuzawa.
Tous les membres de la brigade de Tsujimura étaient absents, ce qui les surprit. Une mission impromptue ? Ils étaient presque jaloux, eux ne se tournaient pas les pouces au moins. Mais au moins, ils pouvaient se servir sans faire attention. Tsujimura et ses hommes les surveillaient toujours quand ils venaient prendre du café, se plaignant qu'ils devraient faire réparer leur propre machine au plus vite au lieu d'épuiser leurs stocks.
Ils se servirent donc sans vergogne dans leur machine à café puis remontèrent tranquillement jusqu'à leurs bureaux. Alors qu'ils traversaient un couloir couvert de photographies d'hommage, Akiko remarqua que son collègue gardait son regard fixé devant lui. Le sien passa sur les murs, et accrocha le dernier cadre qui avait été accroché six mois plus tôt. Son cœur se serra légèrement en repensant à tout ce qu'il s'était passé, et elle ne put s'empêcher de se demander comment Dazai faisait pour revenir ici, avec tous ces souvenirs qui devaient le torturer.
Elle, elle n'en aurait sûrement pas eu le courage. Si elle avait vécu la même chose que lui, elle serait sûrement partie loin, pour ne jamais revenir. Elle avait été si surprise, lorsque l'inspecteur Fukuzawa leur avait appris qu'il revenait. Elle pensait au contraire qu'il ne remettrait jamais un pied au Bureau des Enquêtes Criminelles, voire même qu'il quitterait Yokohama dès que possible pour échapper à ses souvenirs cruels.
Son regard se posa sur le dos de Dazai devant elle, et, l'espace d'un instant, elle revit le jour où il était arrivé au bureau, quatre ans plus tôt, tout juste diplômé et major de sa promotion. Au début, elle l'avait méprisé, essentiellement parce qu'il lui rappelait une certaine personne qu'elle haïssait de tout son être, et aussi parce qu'elle voyait en lui un gamin arrogant, qui allait se croire supérieur sous prétexte qu'il était major de promo, alors qu'il ne connaissait rien du terrain, auquel aucune théorie ne pouvait le préparer.
Puis, elle avait appris à connaître ce jeune homme perspicace et à voir qu'il n'était pas comme elle le pensait. Il était arrogant, mais d'une arrogance qu'il tirait de ses capacités d'adaptation et d'apprentissage rapides, et son instinct développé leur était souvent utile pour résoudre les crimes, à l'époque où le taux de criminalité était plus élevé, et où ils enquêtaient sur des tueries de masse et des disparitions inquiétantes.
Au final, il lui avait manqué lorsqu'il était parti, après l'incident. Même si elle ne lui avouerait jamais en face, elle était très heureuse qu'il soit revenu. Sans lui, ils n'étaient pas au complet ; et même s'il manquerait toujours une deuxième personne que ni Atsushi ni Ryunosuke ne pourraient remplacer, elle avait l'impression que tout rentrait dans l'ordre. Il ne leur manquait qu'une petite affaire, et ce serait parfait.
Une sonnerie de téléphone la tira de ses pensées, et elle réalisa après une demi-seconde de réflexion que c'était son portable qui l'émettait. Elle fouilla dans la poche de sa veste frénétiquement pour l'attraper, et observa le numéro qui s'affichait sur l'écran. Un numéro inconnu. Elle hésita mais finit par accepter l'appel, sous le regard curieux de Dazai.
« Allô ? »
Aucune voix ne lui répondit, et elle fronça les sourcils. Elle se répéta, puis raccrocha en entendant de nouveau rien d'autre qu'un silence complet, et marmonna à Dazai qu'il s'agissait d'un faux numéro. L'inspecteur reprit son chemin sans insister, et alors qu'Akiko allait en faire de même, elle sentit son téléphone vibrer une seule fois, signalant la réception d'un nouveau message.
Il provenait du même numéro, et n'était constitué que d'une pièce jointe. Elle l'ouvrit rapidement, la curiosité prenant le dessus sur la méfiance, et découvrit une photographie d'assez mauvaise qualité, sur laquelle on reconnaissait néanmoins deux personnes, qui se trouvaient visiblement dans le centre-ville de Yokohama à en juger par les boutiques dont elle distinguait vaguement l'enseigne dans le fond de la photographie.
Akiko reconnut immédiatement la première : c'était la jeune femme blonde qui était sortie tout à l'heure du bureau de Fukuzawa. Elle avait toujours ses lunettes noires qui masquaient son visage, et portait cette-fois un imperméable beige assez long qui cachait complètement le reste de sa tenue.
Elle eut plus de mal à identifier la seconde personne, qui portait également des lunettes de soleil ainsi qu'un chapeau qui masquait encore plus son visage, mais un détail retint son attention : de fines mèches de cheveux étaient visibles, des cheveux noirs aux pointes blanches.
Exactement comme ceux de Ryunosuke.
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