17.5 - 𝐋es émeutes de Yokohama

vous : ça fait déjà deux semaines ?
moi : eh non c'était une feinte–

ce bonus a tellement de retard que je suis obligée de le placer avant les derniers chapitres sortis oops.
mais le voilà enfin pour votre plus grand plaisir... ou pas.

(oui j'ai encore fait du angst pardon)
(mais c'est soft et sur Fukuzawa, et le prochain est sur Mori :D)
(on essaye de se faire pardonner comme on peut)

bref, je fais un message express parce que j'ai encore une multitude de choses à faire (les joies de partir demain à l'aube) mais voilà, je vous souhaite une bonne lecture ! faites une pause dans vos théories pour vous contenter d'un flashback ~

trigger warning : violence et cadavres.

⋆✩⋆

𝐋𝐞𝐬 𝐞́𝐦𝐞𝐮𝐭𝐞𝐬 𝐝𝐞 𝐘𝐨𝐤𝐨𝐡𝐚𝐦𝐚

J - 3 747
14 OCTOBRE.

« Inspecteur Fukuzawa ! » 

Le susnommé tourna son regard gris vers l'homme qui venait de descendre d'une voiture aux couleurs de la police locale. Santôka Taneda se dirigea vers lui avec un petit sourire tout en saluant leurs subordonnés.

« Inspecteur Taneda. » le salua Yukichi avec un certain amusement ; la formalité qu'ils employaient dans leurs appellations le faisait rire car elle n'était que de façade. Les deux hommes étaient amis depuis des années, une amitié forgée par de nombreuses enquêtes menées côte à côte.

« Comment ça se passe ? s'enquit l'homme au crâne chauve en balayant les environs du regard.

– Comme tu peux le voir, la situation s'est un peu apaisée. »

Ils observèrent quelques minutes de silence tandis que l'argenté montrait à son collègue le quartier désormais vide de personnes, en contraste apparent avec le chaos qui y régnait les jours précédents. Mais, comme pour dénigrer ce qu'il venait de dire, un bruit de fracas et des volutes de fumée s'élevèrent soudainement d'une autre rue un peu plus éloignée, leur arrachant un soupir.

« Pas totalement semble-t-il, s'amusa légèrement Taneda.

Il faudra des semaines pour que tout se termine. Heureusement, les décisions prises par le maire ont aidé. »

Entre couvre-feu et amendes, le pauvre homme avait tout fait pour apaiser les tensions et ramener le calme dans sa ville. Qui aurait cru que ce qui n'était qu'une simple querelle de quartier finirait par entraîner de telles conséquences... Ils étaient passés d'une prise de bec au sujet d'un trafic de drogue à des règlements de compte sanglants et des révoltes d'habitants qui voulaient que cela cesse. Les quartiers les plus défavorisés de la ville s'étaient à leur tour soulevés pour manifester leur mécontentement, et leurs méthodes n'étaient pas des plus orthodoxes.

Tant de policiers avaient dû être dépêchés pour ramener le calme, songea Fukuzawa. Ils venaient tous de la capitale, mais avaient établi leur quartier général dans une rue tranquille, non loin du poste de police principal de la ville. Et ils n'étaient apparemment pas prêts de rentrer, vu le chaos ambiant. Lui n'avait aucune famille proche en dehors de ses parents qui n'habitaient même pas la capitale alors cela lui était bien égal, mais il savait que ses subordonnés vivaient plus mal cette longue séparation avec leurs proches.

« Tu as fait de l'excellent boulot, le félicita chaleureusement son ami de longue date. Nos supérieurs sont très contents de toi à ce que j'ai entendu.

– Tout le monde en aurait fait de même. » se défendit le trentenaire. Son ami lui adressa une tape sur le bras en souriant.

« Sûrement pas. Admets ta supériorité, Yukichi. » Ils étaient revenus aux prénoms informels, même s'ils se feraient taper sur les doigts si leurs supérieurs les entendaient. Ils étaient officiellement en service.

« Je n'admets pas quelque chose que je ne reconnais pas. Je ne fais que mon travail. »

Il le pensait sincèrement. Nombreux étaient ceux qui le félicitaient quotidiennement pour son travail, mais lui pensait toujours qu'ils exagéraient. Après tout, protéger les civils était sa responsabilité. C'était son travail. D'accord, il était peut-être doté de l'instinct des inspecteurs qui lui permettait de résoudre même les affaires les plus dures, mais il s'agissait aussi du fruit de son travail et de ses convictions.

« Je t'offre du thé ? » finit par déclarer Yukichi. C'était leur petit rituel de longue date, et de nombreux autres policiers semblaient avoir pris en charge la rue d'où le fracas avait émané.

« Avec plaisir. J'espère que votre bureau en vaut la peine. 

Tu risques d'être déçu. Nous avons loué l'équivalent d'un studio. »

Taneda s'esclaffa avant de lui emboîter le pas. Il connaissait bien les restrictions de budget en provenance de leur hiérarchie, même pour des affaires aussi importantes. Déjà qu'en théorie, un inspecteur de police criminelle n'avait pas nécessairement sa place sur une telle affaire, il n'avait été envoyé qu'en raison de la violence inouïe des manifestations qui avaient entraîné la mort de civils – en général involontaire, mais cela restait un crime qu'il fallait punir – et aussi au vu de son excellent palmarès selon ses supérieurs. (Ce qu'il ne comprenait pas vraiment, car le palmarès en question correspondait au nombre de meurtres qu'il avait résolus, or il n'y avait aucune résolution à faire ici, juste des coupables à arrêter et à punir.)

Ils entrèrent dans le « studio » où ils étaient grandement à l'étroit – mais cela leur suffirait bien pour boucler ces émeutes. Fukuzawa était en pause, Taneda aussi probablement, même si jusqu'à présent leur journée n'avait pas été très agitée contrairement aux précédentes. Cela n'était pas forcément un signe de progrès pour Yukichi car les émeutes faisaient souvent rage la nuit, là où les interpellations étaient plus difficiles à exécuter, mais il notait déjà une évolution encourageante. L'atmosphère était nettement moins tendue.

« Quand penses-tu revenir à Tokyo ? Résoudre les affaires n'est pas aussi simple sans toi. » s'amusa Taneda après qu'il eut servi leur thé. Ils étaient tous les deux amateurs du breuvage traditionnel, surtout lorsqu'ils étaient tendus et sur une affaire compliquée.

« Vous ne voulez mon retour que pour vous reposer ?

Peut-être ? » Yukichi secoua la tête avec une consternation mêlée d'amusement. Cela ne le surprenait même pas.

« J'aimerais rentrer rapidement aussi, mais le risque que les émeutes reprennent une fois que l'on soit parti est grand.

Il faudrait parvenir à arrêter tous les meneurs.

Oui, surtout les plus violents. Ce sont eux qui poussent les autres à commettre tous ces crimes. De ce que j'ai pu observer et entendre, ils sont un petit groupe au sein des quartiers difficiles à avoir profité de la situation pour déchaîner encore plus les foules et instaurer ce climat d'insécurité. Ils veulent être entendus, mais leur casier judiciaire devient de plus en plus chargé au fur et à mesure que les jours s'écoulent.

Ils auraient dû s'en tenir aux manifestations pacifiques, bougonna Taneda.

Malheureusement, ils n'auraient sans doute pas été aussi entendus s'ils s'en étaient tenus à ça. »

Yukichi avait conscience du paradoxe immense dont il faisait partie : les citoyens voulaient se faire entendre, mais les manifestations pacifiques étaient inefficaces et seuls les actes choc fonctionnaient. Malheureusement, ces actes étaient souvent fermement punis et la situation était coincée. Il avait intercédé auprès du maire pour qu'il écoute les revendications de ces hommes et femmes des quartiers sensibles, ceux qui ne se reposaient pas que sur la violence et qui avaient des projets concrets. Cela avait contribué à apaiser les tensions, même si il y avait encore du travail.

« Enfin, il est facile pour nous de juger, commenta Taneda en prenant une gorgée de thé. Nous ne sommes pas d'ici et ne savons rien de ces gens.

En effet, opina son ami, et nous... »

Il ne termina pas sa phrase en entendant un immense fracas résonner depuis une rue éloignée. En observant sa fenêtre, il aperçut un immense panache de fumée s'échapper entre de grands immeubles, au niveau d'un quartier commerçant très fréquenté. Des cris se faisaient déjà entendre même de là où ils étaient.

« Je suppose que c'était trop tôt pour parler de calme, marmonna Taneda.

On dirait bien. »

Ils attrapèrent leurs armes et plaques de service avant de sortir précipitamment du bureau improvisé et de rejoindre les policiers qui grimpaient dans leurs voitures en allumant les sirènes et gyrophares. Yukichi les imita, accompagné par Taneda et quelques hommes. Ils roulèrent avec un mépris flagrant du code de la route, tandis que d'autres explosions résonnaient, de plus en plus proches.

Yukichi était très inquiet, car il pensait au nombre de civils qui devaient se trouver dans la rue au moment de la première explosion en ce week-end paisible. Combien d'entre eux avaient été blessés ? Selon l'endroit où elle avait eu lieu, les dégâts pouvaient être légers, mais les cris démentaient cette hypothèse.

Après avoir roulé quelques minutes à une vitesse bien au-dessus des limites, ils arrivèrent sur le lieu de l'action. Tout le quartier pourtant réputé pour sa tranquillité semblait être désormais extrait d'une série catastrophe. Le sol était jonché de débris à plusieurs endroits, mélange de briques tombées des façades et de verre brisé par le souffle des explosions. La rue semblait vide au premier abord, mais il aperçut des civils recroquevillés dans des boutiques détruites ou gisant sur le sol.

Ce fut les alentours de la bouche de métro la plus proche qui attirèrent son attention. Il y avait un monde impressionnant amassé tout autour, et les cris qui émanaient de la foule en disaient long sur ce qui se produisait exactement. La panique qui s'était emparée de la population devait être totale, et c'était sans doute plus dangereux que les explosions en elles-mêmes, car l'Homme en proie à la panique perdait souvent toute notion de l'autre et ne se concentrait que sur son propre bien – et si on ne pouvait le blâmer pour cela, cela ne changeait rien au fait que c'était terriblement dangereux.

Sans avoir besoin d'ordres, les policiers entreprirent de séparer la foule qui se ruait dans le métro tout en cherchant activement les responsables ou ceux qui profitaient du chaos à leur avantage. Ils vinrent en aide aux blessés, attendant avec impatience les ambulances appelées dès l'explosion qui ne tardèrent pas à arriver. Yukichi, lui, resta quelques instants frappés par la violence du spectacle avant de se mettre en mouvement. Il aida ses subordonnés à séparer les civils autour du métro et essaya d'aider les plus blessés.

Il s'agissait réellement d'un chaos comme il n'en avait jamais vu jusqu'alors. Alors qu'il aidait une femme âgée à se mettre à l'abri des hommes et des femmes paniqués qui se fichaient bien de son âge et de son état de santé, il avisa une jeune fille à terre, au milieu de la foule qui se précipitait en réalité hors de la bouche de métro et non dedans comme il l'avait d'abord supputé.

La jeune fille – qui devait être une lycéenne – ne bougeait même pas, foudroyant simplement le ciel de ses orbes mauves. Elle ne semblait pas gravement blessée mais il se dirigea vers elle malgré tout ; elle se redressa au même moment et l'aperçut. Ils échangèrent un long regard en silence, puis il demanda avec sollicitude :

« Est-ce que tout va bien ? » Elle le fixa encore un moment sans lui adresser la parole, et il craignit qu'elle fusse trop choquée pour lui répondre, mais elle finit par murmurer une réponse :

« Je cherche ma mère. » Son ton était si faible qu'il n'était pas sûr de l'avoir bien compris dans un premier temps, mais elle le répéta ensuite un peu plus fort en ajoutant : « Elle s'appelle Tsuya Yosano. Elle est... » Sa voix se fêla et Yukichi vit clairement ses nerfs la lâcher de plus en plus, mais elle poursuivit malgré tout : « Elle est grande, avec des cheveux noirs comme moi et... et...

Je vais la chercher, la rassura-t-il d'un ton qui se voulait chaleureux. Va rejoindre les policiers là-bas. »

Il désigna Taneda qui était resté en retrait avec quelques hommes pour aider les civils. La jeune fille hocha la tête comme un automate avant de rejoindre les représentants de l'ordre en quelques pas. Yukichi observa de nouveau la foule qui s'était un peu dispersée, prise en charge par les policiers de plus en plus nombreux qui arrivaient. Il finit par comprendre la source de la première explosion : elle avait été provoquée au niveau du métro, d'où l'immense mouvement de foule vers la sortie. Il pouvait apercevoir de nombreux hommes et femmes blessés à terre, et il fit de son mieux pour leur porter secours et diriger les ambulanciers vers eux. Il cherchait aussi la mère de la jeune fille qu'il avait aidée, même si la description était un peu trop vague. Il redirigeait de toute manière tous les civils en état de choc vers Taneda, alors la mère et la fille se retrouveraient sûrement.

Au bout d'un temps indéfini – il avait un peu perdu la notion du temps avec le chaos ambiant – il finit par apercevoir une femme gisant à terre au niveau des marches du métro. En s'approchant, il constata avec un effroi grandissant qu'elle était blessée à plusieurs endroits au niveau du ventre et des jambes, et qu'elle avait de longs cheveux noirs comme la jeune femme qu'il avait aidée un peu avant.

En s'agenouillant à ses côtés pour lui porter secours, il constata avec consternation que c'était trop tard pour la pauvre femme qui avait apparemment rendu son dernier soupir. Il fit signe aux ambulanciers qui s'étaient approchés qu'elle avait déjà succombé et chercha des papiers d'identité, à la fois pour permettre à la famille de la défunte de récupérer son corps, mais aussi pour savoir s'il s'agissait bien de la mère de la jeune fille. Il finit par découvrir un portefeuille abîmé et par en extirper une carte d'identité au nom de Tsuya Yosano.

Il observa la photo aux normes en sentant un sentiment d'impuissance l'étreindre. Cette femme n'avait que quarante-quatre ans. Elle ne méritait pas de mourir aussi jeune d'une façon aussi cruelle. Il aurait dû parvenir à la protéger.

Lorsqu'il se redressa, il se fit la promesse intérieure qu'aucune autre mort ne serait causée par ces émeutiers. Tsuya Yosano n'était pas la première, mais tant qu'il serait à Yokohama, elle serait la dernière, songea-t-il. Autrement, il n'aurait vraiment aucune raison d'accepter les compliments incessants qu'on lui faisait, car il commettrait la pire erreur qu'un inspecteur puisse commettre : il laisserait des innocents mourir devant ses yeux.

(Et sa détermination porta ses fruits, car Tsuya Yosano fut réellement la dernière victime.)

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top