01 - 𝐋e seul endroit où il se sentait vraiment bien
Coucou !
Le premier chapitre est lààà :)
(et je suis déjà en retard sur mon rythme d'écriture yeees)
Bon j'avoue, ce premier est assez court comparé aux autres, je l'ai écrit quand je pensais encore faire des chapitres de 4 000 mots , et je n'ai pas réussi à suffisamment l'allonger pour qu'il atteigne les 6 000 :'( Mais les autres seront à la bonne longueur :3
petite nouveauté aussi : on garde le même pdv dans tout le chapitre ~ Et on commence avec l'un de nos principaux larrons, mais aussi le plus agaçant x')
sinon j'espère que vous allez bien :3
Le prochain chapitre sortira le 08 novembre (et j'ai déjà dst le 09, ô joie !) Bonne lecture !
attention à ne pas vous perdre entre les changements de timeline :3
et joyeux anniversaire Oda, je n'ai pas pu écrire un texte d'anniversaire mais le hasard veut que je poste aujourd'hui alors voilà (quand bien même il n'apparaît pas vraiment dans ce chapitre ,,)
⋆✩⋆
𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝐔𝐧 ─ 𝐋𝐞 𝐬𝐞𝐮𝐥 𝐞𝐧𝐝𝐫𝐨𝐢𝐭 𝐨ù 𝐢𝐥 𝐬𝐞 𝐬𝐞𝐧𝐭𝐚𝐢𝐭 𝐯𝐫𝐚𝐢𝐦𝐞𝐧𝐭 𝐛𝐢𝐞𝐧
La lune brillait à travers les nuages sombres qui circulaient devant elle. Elle surplombait Yokohama et ses immeubles illuminés, qui parsemaient de couleurs le noir de la nuit.
Perché sur un gratte-ciel, un jeune homme scrutait le sol. Ses orbes noisettes balayaient les couleurs qui se multipliaient, tandis qu'il se penchait, penchait, penchait. Le sol était indiscernable, mais pourtant si attirant. Il l'appelait presque, lui ordonnait presque de le rejoindre. Était-ce ce qu'on appelait la gravité ? Ou simplement l'illustration des pensées morbides qui remplissaient l'esprit du jeune homme depuis si longtemps ?
Et puis, une main surgit. Elle attrapa le jeune homme par l'épaule et le tira vers son propriétaire, loin du bord. Surpris, le plus jeune se tourna vers son sauveur, dont les yeux bleus reflétaient une immense tristesse que l'autre ne comprit pas. Il était triste ? Mais pourquoi ?
L'inconnu, qui devait être un peu plus vieux que lui, le dévisagea un instant sans rien dire. Puis, alors qu'au loin le ciel commençait à s'éclaircir, il murmura les quelques mots du commencement :
Pourquoi ?
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J - 75
03 NOVEMBRE
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La sonnerie du réveil ne tira absolument pas Dazai du réveil : il avait à peine fermé l'œil de la nuit, trop occupé à consulter les fichiers de la police que l'inspecteur Fukuzawa lui avait transférés après ses demandes incessantes. Il voulait se renseigner sur toutes les affaires résolues par ses collègues pendant ses six mois d'absence, afin de rester fidèle à son rôle de l'inspecteur toujours au courant de tout.
Cela lui avait pris quasiment toute la nuit, mais il connaissait désormais toutes les affaires dont ses collègues s'étaient occupés depuis son départ. Il se sentait donc prêt à réintégrer le bureau des enquêtes criminelles de Yokohama pour la deuxième fois. Presque rien n'avait changé de toute manière, les inspecteurs étaient toujours les mêmes. Quelques nouvelles recrues semblaient être arrivés, dont deux inspecteurs en formation qui avaient retenu son attention. Ils devaient probablement être là pour les remplacer.
Il laissa son réveil sonner dans le vide tandis qu'il se relevait de la chaise sur laquelle il avait passé la nuit et qu'il éteignait son ordinateur d'une simple pression sur l'écran. Il consulta ensuite son téléphone qu'il avait abandonné sur son lit au début de sa lecture et constata qu'il avait reçu deux messages. Le premier venait de sa mère, qui lui souhaitait bonne chance pour son retour au travail, le second venait de Ranpo, son ancien collègue qui allait aujourd'hui le redevenir et qui reprenait vite les bonnes habitudes : son message se résumait à un simple Ramène-moi des karinto.
Le message impératif fit sourire Dazai et lui rappela de bons souvenirs d'avant l'incident : lorsque Ranpo avait découvert que son collègue passait tous les matins devant un commerce réputé pour ses confiseries, il avait décidé de lui demander chaque jour de lui ramener de quoi manger pour la journée. Évidement, il le remboursait. Osaamu avait toujours trouvé ces demandes amusantes, et elles lui avaient manqué lorsqu'il avait quitté la brigade. Il était donc d'autant plus heureux de voir que son collègue s'était empressé de reprendre cette habitude.
Il ne prit pas la peine de lui répondre et reposa son téléphone sur le lit. Il jeta ensuite un regard à l'heure affichée sur son réveil qui s'était finalement tu. 07:47. Il avait encore un peu de temps devant lui : Fukuzawa lui avait demandé de se présenter à la brigade vers 9h30. Il effectua donc un rapide passage à la salle de bain pour ordonner ses boucles brunes, puis avala un café noir pour chasser la fatigue qui tentait de le gagner. Il renonça à manger quelque chose, il pourrait toujours prendre quelques sucreries à Ranpo plus tard.
Il attrapa ensuite sa plaque de service qui lui avait été rendue la veille lors d'un entretien bien trop sérieux au bureau de Tokyo, puis quitta la chaleur de son appartement pour la remplacer par la froideur matinale, typique du mois de novembre. Il se rendit ensuite à la confiserie pour prendre les karinto requis par son collègue ; il en prit également un paquet pour lui : ces biscuits étaient si sucrés qu'ils lui permettraient de tenir toute la journée sans problème.
Une fois ses achats effectués, il consulta la montre accrochée à son poignet droit. Il était temps pour lui de se mettre en route s'il désirait arriver à l'heure. Il n'était pas une personne très soucieuse de la ponctualité et était bien souvent arrivé en retard à la brigade avant son départ (Fukuzawa le lui avait d'ailleurs reproché plus d'une fois) mais il pouvait faire un effort pour son retour. Et puis, il était assez impatient de revoir ses collègues, qui comptaient tous pour lui-même s'il le montrait peu.
Alors qu'il se dirigeait vers l'arrêt du métro le plus proche, celui qu'il prenait tous les matins depuis des années, ses yeux, encore habitués à traquer le moindre mouvement suspect, repérèrent un jeune homme qui patientait, adossé à un panneau publicitaire. Il devait être un peu plus jeune que lui, et un peu plus petit aussi. Ses cheveux gris étaient coupés courts, à l'exception d'une mèche à droite de son visage, et il était sobrement vêtu d'une chemise blanche et d'un pantalon noir. Dazai devina cependant que, malgré son apparence plus que banale, le jeune homme était un inspecteur, probablement l'un de ses nouveaux collègues.
Il ne se trompait pas puisque le jeune homme se dirigea vers lui lorsqu'il apparut dans son champ de vision ; il semblait un peu nerveux, et Osamu se demanda ce qu'il savait sur lui. Il avait sans doute entendu parler de l'incident. Il espérait néanmoins qu'il se comporterait normalement avec lui. Il ne voulait plus avoir affaire à des gens gênés, qui ignoraient que dire et que faire face à lui.
« Monsieur Dazai ? » demanda-t-il après une légère hésitation. Il avait déjà dû voir des photos de lui, mais sans doute préférait-il mettre un point d'interrogation derrière son affirmation pour éviter le ridicule en cas d'erreur.
« C'est moi, opina le brun.
– Enchanté ! Je suis l'inspecteur Atsushi Nakajima. Enfin, je suis encore en formation... »
Atsushi Nakajima... Il se souvenait avoir vu son nom en effet, dans les nombreux rapports qu'il avait lu. Le jeune homme était arrivé dans la brigade deux mois après son départ, et ses résultats étaient exemplaires. Il s'était notamment illustré lors de l'affaire du collectionneur d'ongles en identifiant la logique dans les victimes, ce qui avait abouti à l'arrestation du coupable.
Dazai le détailla un bref instant, déployant ses capacités d'analyse pour essayer de cerner un peu mieux son nouveau collègue. Son inexpérience était visible, dans son attitude peu assurée et son sourire hésitant, mais il lisait dans ses yeux de l'intelligence et une certaine détermination, qui le poussa à se demander pourquoi il avait rejoint leur brigade. Avec son visage enfantin et innocent, il ressemblait plus à un futur professeur qu'à un inspecteur de brigade criminelle en devenir.
« Ravi de te rencontrer, finit-il par déclarer lorsqu'il s'aperçut que le silence entre eux devant gênant. Je ne m'attendais pas à avoir un comité d'accueil.
– L'inspecteur Fukuzawa m'a demandé de vous attendre ici car il sait que cet arrêt de métro est sur mon trajet. J'habite en périphérie, précisa-t-il.
– Il avait peur que j'oublie comment venir ? » plaisanta le brun. L'inspecteur en formation Atsushi eut un léger rire.
« À l'origine, il voulait venir lui-même, pour marquer votre retour, cependant on lui a confié une affaire de la plus haute importance hier, alors il n'a pas pu se libérer.
– Une affaire de la plus haute importance ? » répéta Dazai.
Il se demandait bien quelle affaire pouvait être si importante pour contraindre le meilleur inspecteur des environs à se focaliser entièrement dessus. La dernière et seule fois où Fukuzawa avait eu des difficultés à résoudre une enquête, c'était bien avant qu'Osamu n'intègre la brigade, à l'époque où Ranpo et Yosano étaient encore en formation, et où le bureau des enquêtes criminelles de Yokohama venait d'être créé. Cette affaire restait le seul point noir dans le dossier impeccable de l'inspecteur Yukichi Fukuzawa.
« Les détails sont confidentiels, l'informa le jeune homme aux cheveux gris, mais il semblerait que cela concerne quelqu'un d'important. »
Quelqu'un d'important... C'était une indication bien vague, qui ne l'aiderait absolument pas à découvrir de quoi il retournait. Yokohama était une ville portuaire et en plein essor, et de nombreuses familles aisées y possédaient des résidences secondaires, dans lesquelles ils envoyaient parfois leurs enfants capricieux. Machinalement, à cette pensée, le regard de Dazai se posa sur le grand building, situé en plein cœur de la ville mais visible depuis la périphérie, et même les villes alentours.
Originellement, les Fitzgerald, une riche famille américaine dont la fortune se comptait en milliards, avaient envoyé à Yokohama leur fils cadet en punition, car il dilapidait à tort et à travers leur argent. Ils espéraient que l'isolement le feraient revenir à la raison, et que le changement d'air lui ferait gagner un peu de maturité.
Ils n'avaient sans doute pas imaginé que leur fils puisse tourner cette situation à son avantage, jouant de ses charmes et de son argent pour établir sa propre entreprise au cœur du Japon, et ainsi obtenant son propre argent à dépenser. La Fitzgerald Corporation n'existait que depuis six ans, mais elle faisait aujourd'hui partie des entreprises les plus en vogue, au niveau national comme international. À un tel point que les principales entreprises américaines, dont les actions avaient contribué à enrichir la famille Fitzgerald, avaient pour la plupart fait faillite.
Une belle vengeance, somme toute, que Francis Fitzgerald avait prise sur sa famille. Pour autant, l'américain ne s'était pas assagi, et continuait régulièrement d'organiser des galas ridiculement pompeux, où le seul prix des bouteilles de vin égalait les richesses de certains pays. Dazai savait que Yosano y avait déjà été invitée, après avoir croisé la route du PDG lors d'une affaire. Elle ne s'y était cependant jamais rendue, elle haïssait les hommes comme lui. Fitzgerald semblait avoir compris le message puisqu'il ne l'avait jamais recontactée après cela.
Dazai repensait encore à cela dans le métro qui l'emmenait vers l'endroit qu'il considérait autrefois comme son second « chez lui ». Le trajet se déroulait en silence, son nouveau collègue ne semblant pas très inspiré pour faire la conversation. Le jeune homme brun pouvait voir, à son air gêné et à ses tics gestuels, qu'il ignorait ce qu'il convenait de dire. Comme il le pensait, il avait entendu parler de l'incident.
Le silence ne dérangeait cependant pas l'inspecteur, et il préférait au contraire que son collègue ne dise rien plutôt que de lui offrir une compassion contrainte par les convenances sociales. Il en avait suffisamment reçu six mois auparavant, lorsqu'il avait démissionné à la suite de l'affaire.
Néanmoins, pour mettre le jeune homme à l'aise, il se décida à faire la conversation, en prenant soin d'aborder un sujet sans rapport avec l'incident.
« Dis-moi, Atsushi, qui se charge de ta formation ?
– L'inspecteur Kunikida. » répondit le jeune homme en se détendant imperceptiblement. Les yeux de Dazai s'agrandirent, et un grand sourire amusé germa sur son visage. Voilà une information qui le ravissait absolument.
« Vraiment ? C'est ce cher Kunikida qui te forme ? » Atsushi opina légèrement. « Mon pauvre, ce ne doit pas être facile tous les jours !
– Monsieur Kunikida est un bon inspecteur..., le défendit le jeune homme aux cheveux gris.
– Je n'ai pas dit le contraire. Je pense juste que tu ne dois pas beaucoup t'amuser avec quelqu'un d'aussi strict que lui. Il fait toujours ses plannings millimétrés à la seconde près ? »
Atsushi acquiesça, visiblement à contrecœur ; il donnait à son aîné des raisons supplémentaires de se moquer de son supérieur. Il enchaîna immédiatement :
« Les méthodes de formation de monsieur Kunikida sont complètes et me conviennent. Et puis, je préfère largement ses méthodes à celles de l'inspectrice Yosano - avec tout le respect que je lui dois.
– Tu as aussi été formé par elle ? » Dazai n'avait jamais vu sa collègue former un inspecteur, mais connaissant son caractère, ce ne devait pas être une partie de plaisir non plus. Même s'il appréciait beaucoup la jeune femme, il savait qu'elle était aussi très impulsive et qu'elle se pliait rarement aux méthodes conventionnelles.
« Non, mais c'est elle qui forme Ryunosuke
– Ryunosuke ? » Le prénom lui était familier mais son esprit n'y associa aucun visage.
« Ryunosuke Akutagawa. Il est arrivé à la brigade en même temps que moi, après que... »
Atsushi laissa sa phrase en suspens, et reprit son air gêné. Leur conversation s'engageait de nouveau en terrain glissant, songea Osamu. Pour recentrer la conversation, il rassembla dans son esprit tout ce qu'il savait au sujet de ce second nouveau venu, soit pas grand-chose.
S'il se souvenait bien de ce qu'il avait lu dans la nuit, Ryunosuke Akutagawa était également un nouvel inspecteur de la brigade. Contrairement à son collègue Atsushi, le jeune homme s'était moins illustré, mais Dazai avait retenu qu'il semblait aussi prometteur que l'argenté. S'il n'avait pas encore eu la chance de montrer ses talents sur une grande affaire, il avait, au cours des quelques petites missions dont il avait été chargé, eu un comportement exemplaire et des résultats excellents. Nul doute que, sur une affaire importante, le jeune homme ferait ses preuves.
« Il est formé par Yosano alors ? s'enquit Dazai, estimant que c'était un sujet de conversation plus sûr.
– Oui, confirma Atsushi avec un petit sourire contrit. Il paraît qu'elle est assez exigeante et qu'elle est terrifiante en colère. C'est pour ça que je suis très heureux d'être formé par l'inspecteur Kunikida... »
Osamu comprenait cette opinion. En matière de pédagogie, Kunikida était sûrement bien meilleur que Yosano. Pourtant, il était quasiment certain que la jeune femme était une très bonne formatrice. Après tout, elle avait elle-même été formée par l'inspecteur principal Fukuzawa, et elle avait plus d'expérience sur le terrain que tous les autres inspecteurs de la brigade, à l'exception peut-être de Ranpo.
A l'époque où Dazai avait rejoint la brigade, elle n'était déjà plus une novice, et elle lui avait beaucoup appris. Même si leurs premiers rapports avaient d'abord été tendus, ils avaient au final appris à se connaître, et avant son départ, ils étaient en très bons termes.
« Dans tous les cas, je pense que vous apprendrez beaucoup, conclut Dazai alors que la voix artificielle du métro indiquait qu'ils arrivaient à leur arrêt. L'inspecteur Fukuzawa dit toujours que la période de formation est la plus importante dans la carrière d'un inspecteur, car elle détermine quel genre d'inspecteur on deviendra. »
Atsushi acquiesça, et le brun songea que l'homme avait bien raison. Il avait déjà travaillé avec les inspecteurs d'autres divisions que celle de Yokohama, et avait pu se rendre compte qu'en effet, le mentor que l'on avait jouait un rôle important. Lui, comme la plupart des inspecteurs du BEC de Yokohama, avait été formé par le célèbre Yukichi Fukuzawa, et leur mentor leur avait en effet transmis ses propres idéaux, qu'ils s'efforçaient d'appliquer à chacune de leurs affaires.
(Il avait eu un autre mentor aussi, et si son talent n'était pas comparable à Fukuzawa, sa formation avait bien plus apporté à Dazai que celle du quarantenaire. Mais c'était une autre histoire, infiniment plus douloureuse.)
Une fois qu'ils furent sortis du métro, ils n'eurent qu'à marcher quelques minutes pour atteindre les bureaux de la brigade. Dazai n'y avait pas mis les pieds depuis six mois, mais rien n'avait changé, à l'extérieur en tout cas. Le bâtiment, malgré sa hauteur considérable, était toujours aussi banal, couleur de pierre comme tous ceux autour, sans autre élément distinctif que ce panneau « BUREAU DES ENQUÊTES CRIMINELLES - YOKOHAMA » accroché au-dessus des grandes portes marron foncé et les dix voitures blanches dotées de gyrophares garées sur le parking adjacent.
En soi, leur bureau n'avait rien d'exceptionnel. Les effectifs étaient réduits au maximum, le budget qui leur était alloué par le gouvernement était probablement le plus bas jamais accordé à des inspecteurs, et ils passaient plus de temps à résoudre des affaires de vol que de véritables enquêtes criminelles.
Cependant, il faisait parler de lui dans le milieu de la police, et même en dehors. Il était peu habituel de trouver en pleine ville un bureau des enquêtes criminelles, surtout dans une ville certes en plein essor, mais peu étendue comparée à d'autres villes de la région. Les BEC étaient généralement installés dans les grandes villes ; en l'occurrence, Tokyo, la capitale du pays, située à quelques dizaines de kilomètres. Il n'y avait donc aucune raison valable d'en installer un à Yokohama.
Mais si la ville paraissait aujourd'hui paisible, ce n'était pas le cas dix ans plus tôt. De violentes guerres de gangs avaient plongé la ville dans un climat de terreur, où le simple fait de sortir faire ses courses pouvait s'avérer dangereux. Les crimes se multipliaient, on découvrait chaque jour de nouveaux cadavres, et les incendies et cambriolages devenaient une routine.
Pour faire revenir l'ordre, le gouvernement avait pris des mesures drastiques : quasiment tous les inspecteurs des brigades criminelles du pays avaient été envoyés à Yokohama pour arrêter les auteurs des crimes et faire revenir la paix en ville. Et pour s'assurer qu'elle resterait, ils avaient décidé de créer un BEC au milieu de la ville et de nommer à sa tête un des meilleurs inspecteurs, de façon à dissuader les criminels qui couraient toujours de recommencer.
Ce ne devait être l'affaire que de un ou deux ans, mais dix ans plus tard, le BEC de Yokohama existait toujours. Même si le taux de criminalité de la ville avait chuté, le gouvernement avait décidé que le bureau resterait ouvert car il leur permettait d'agrandir les effectifs. Leur champ d'action avait été élargi, ils pouvaient désormais être dépêchés n'importe où sur l'île. Pour autant, le travail ne se bousculait pas, ce qui n'était pas nécessairement une mauvaise chose dans leur cas.
En atteignant le perron, les deux inspecteurs sortirent leurs badges pour pénétrer dans les bureaux, mais une voix les arrêta alors qu'ils s'apprêtaient pousser les lourdes portes d'entrée.
« Si ce n'est pas ce cher Dazai ! » La voix féminine et amicale qui résonna fit sourire le susnommé qui se tourna et accueillit sa collègue avec un grand sourire amusé.
« Si ce n'est pas cette chère Yosano ! » paraphrasa-t-il en ouvrant les bras pour saluer la jeune femme, qui les rejoignit rapidement.
Yosano n'avait pas changé, songea-t-il lorsqu'elle arriva à leur hauteur. Ses cheveux raides et noirs étaient toujours coupés droits au-dessus de ses épaules, une coupe de cheveux qu'elle avait adoptée quelques années plus tôt et qui accentuait son air sévère. Toujours vêtue d'une simple chemise blanche, d'une jupe longue noire et de chaussures à talons qui la rendaient facilement identifiable lorsqu'elle arpentait les couloirs de la brigade, elle ressemblait toujours à la policière modèle, propre sur soi et souriante.
Mais si ses cheveux courts qui encadraient ses traits sévères témoignaient de son sérieux, le rouge qui recouvrait en permanence ses ongles et des chaussures indiquait son agressivité ; mieux valait ne pas trop énerver la jeune inspectrice, au risque de s'en mordre les doigts. Les quatre années qu'il avait passées à la brigade avant de se retirer avaient appris à Dazai que sa collègue avait beau être de sexe féminin, elle était tout aussi redoutable que ses homologues masculins - et d'ailleurs, toutes les femmes qu'il avait côtoyées depuis qu'il exerçait le métier d'inspecteurs étaient des adversaires sérieuses et dangereuses, qu'il valait mieux ne pas sous-estimer.
« Je n'aurais jamais pensé dire cela, déclara la jeune femme en le détaillant, un léger sourire aux lèvres. Mais ta présence manquait à la brigade.
– Comme c'est adorable ~ Je sais que je suis indispensable au bon fonctionnement de cette brigade.
– Ne rêve pas trop Dazai, je disais cela parce que Ranpo passait son temps à se plaindre que les sucreries achetées à la supérette en bas de la rue étaient fades comparées à celles que tu lui ramenais. » Osamu afficha une mine offusquée, mais il n'était pas vraiment surpris. Un tel comportement, c'était du Ranpo tout craché.
« Il m'a déjà demandé de lui ramener des karinto, précisa-t-il, espiègle.
- J'en étais sûre ! »
Akiko secoua la tête avec désespoir, mais son sourire trahissait son amusement. Elle connaissait Ranpo depuis longtemps, plus longtemps que n'importe quel inspecteur de Yokohama à l'exception de Fukuzawa, et elle était habituée à son comportement enfantin. Son regard rose se posa ensuite sur Atsushi, qu'elle ne semblait même pas avoir remarqué jusqu'à présent.
« Tiens, Nakajima ! Tu as déjà rencontré notre revenant ?
– L'inspecteur Fukuzawa m'a demandé de l'accueillir à sa place, opina le jeune homme aux cheveux argentés.
– Ah, oui, bien sûr. » Elle ajouta à l'intention de Dazai : « Cette nouvelle affaire lui prend tout son temps. »
Elle sortit son badge pour ouvrir les portes, et leur fit signe d'entrer pour poursuivre la conversation à l'intérieur.
« De quoi s'agit-il ?
– Confidentiel. Aucun de nous n'a accès aux infos. Je suppose que c'est réservé à lui seul.
– Ce doit être très important. » fit observer Dazai, songeur.
Il se demandait encore une fois quel genre d'affaire nécessitait autant de secrets, et était si compliquée que même l'un des meilleurs inspecteurs de la région travaillait d'arrache-pied pour la résoudre. Un meurtre ? Une disparition ? Les informations ne relayaient rien à ce sujet, mais si l'affaire concernait une famille aisée, il n'était pas très compliqué de la cacher. L'argent achetait tout dans leur monde.
En entrant, Dazai cligna des yeux, ébloui par les lumières artificielles. L'intérieur du BEC n'avait pas changé non plus ; les locaux étaient toujours impeccables et modernes, un plus dont ils se réjouissaient tous. Le bâtiment comportait trois étages en plus du rez-de-chaussée, qui abritait les bureaux de l'une des trois équipes d'inspecteurs.
Normalement, un bureau d'enquêtes criminelles se composait de sept équipes, chacune étant assignée à un type d'affaires en particulier. Le leur n'en comportait cependant que trois, c'était le maximum qu'ils pouvaient recruter avec le budget qui leur était alloué. De toute manière, le bureau de Tokyo pouvait compenser si besoin.
Au rez-de-chaussée, on retrouvait l'équipe de l'inspecteur Tsujimura, spécialisée dans les cambriolages et vols à main armée. Au-dessus d'eux, il y avait les archives. Les deuxième et troisième étages abritaient les locaux des deux autres équipes d'inspecteurs, qui se répartissaient les affaires de violences, d'homicides et de disparition.
Le petit groupe monta plusieurs escaliers et traversa plusieurs couloirs vides de toute présence humaine. Les seuls individus visibles étaient des représentations, sur des photos accrochées sur les murs, des anciens inspecteurs et agents de la brigade qui s'étaient illustrés au cours de leur carrière. On y trouvait aussi les portraits de ceux qui étaient décédés en mission, en hommage.
Dazai évita ostensiblement de regarder les murs, concentrant son regard dans la direction de leurs bureaux, situés au troisième étage du bâtiment. Ils étaient tous réunis dans la même pièce, seul Fukuzawa possédait son propre bureau au même étage qu'eux - un privilège qu'il devait à son statut de responsable du bureau. Lorsque Yosano poussa la porte marquant l'entrée de leur pièce de travail, Dazai sentit une excitation s'emparer de lui. Malgré ses premières réticences à revenir travailler, il était impatient de retrouver ce lieu familier empli de bons souvenirs.
La pièce avait peu changé également : les bureaux étaient toujours alignés côtes à côtes et faces à faces, avec une simple cloison pour les séparer les uns des autres. La plupart étaient recouverts de dossiers et de stylos, mais certains se démarquaient des autres par leur propreté, même si Dazai savait par expérience que les bureaux immaculés étaient simplement ceux qui n'étaient pas occupés par un inspecteur.
La première chose qui attira son attention lorsqu'il entra, c'était l'un des bureaux situé à gauche de la porte d'entrée. Il débordait non pas de dossiers comme les autres bureaux adjacents, mais de paquets de gâteaux et de bonbons vides, ainsi que de bouteilles de ramune pour la plupart vides également.
Ça non plus, ça n'avait pas changé, songea Dazai, tandis que l'inspecteur propriétaire du bureau se levait pour les saluer. Ses cheveux noirs étaient en partie dissimulés sous un béret marron, et ses yeux émeraudes étaient encadrés par des lunettes noires.
« Ranpo, le tança immédiatement Akiko, l'inspecteur Fukuzawa ne t'avait pas demandé de ranger ton bureau pour le retour de Dazai ?
– Quelle importance ? répondit le susnommé d'un ton joyeux. Dazai n'est pas un nouveau venu, il a travaillé avec nous pendant quatre ans ! D'ailleurs Dazai, j'espère que tu n'as pas oublié notre rituel.
– Je ne risque pas puisque tu me l'as rappelé ! » répliqua l'inspecteur avec un sourire, en lui tendant ses karinto.
Le jeune homme se fendit d'un grand sourire et saisit avec précaution ses sucreries. Il s'assit à son bureau pour les déguster, tandis qu'Akiko déposait son manteau sur sa chaise et s'installait à son bureau à son tour, en face de son ami. Le sien était bien plus organisé que celui de Ranpo, même si quelques objets sans rapport traînaient ça et là, comme un flacon de vernis à ongles rouge ou une paire de lunettes de soleil.
Le bureau le plus rangé - en dehors de ceux inoccupés - était évidemment celui de Kunikida. Situé en face de celui de Ranpo, il était impeccable, tous les dossiers triés parfaitement et le bois ciré. Son propriétaire manquait à l'appel cependant, ce qui surprit Dazai. Il n'avait jamais vu l'inspecteur blond rater un jour de travail.
« Kunikida n'est pas là ? » s'étonna-t-il en constatant l'absence de son collègue. Le blond n'était pas non plus du genre à quitter la pièce lorsqu'il était en service.
« Il est parti chercher du café au rez-de-chaussée, répondit Edogawa. Notre machine est en panne.
– Et Kunikida ne peut pas te supporter sans café. » ricana Yosano.
Constatant que son ancien bureau était toujours inoccupé, Dazai s'y installa également. Il eut un pincement au cœur en voyant que le bureau à ses côtés n'était pas resté vide lui, et que des affaires y étaient déposées ; un manteau noir recouvrait la chaise, et plusieurs feuilles volantes y étaient posées. Puisqu'Atsushi s'installa sur un autre bureau, Osamu devina que son voisin serait désormais Ryunosuke Akutagawa, lequel semblait absent pour le moment.
Il posa son regard sur la porte qui séparait leurs humbles bureaux communs de celui privé de Fukuzawa. Il se doutait que son supérieur s'y trouvait actuellement, et, malgré sa grande envie d'aller le saluer, il préférait ne pas interrompre son mentor.
« Ryunosuke est parti chercher du café aussi ? » s'enquit Yosano en observant le bureau vide à côté de Dazai. Ranpo secoua la tête négativement.
« Il est là, ajouta-t-il en désignant la porte de leur supérieur du menton.
– L'inspecteur Fukuzawa l'a convoqué ? s'alarma Atsushi.
– Oui. Et je crois que ç'a un rapport avec l'affaire qui l'occupe depuis hier. »
Les trois nouveaux venus observèrent un silence pensif. Dazai était de plus en plus curieux sur l'affaire qui occupait son aîné, mais, tant qu'elle ne serait pas résolue, il ne pourrait rien apprendre ; et même lorsqu'elle serait classée, si elle était aussi confidentielle qu'il n'y paraissait, personne parmi eux ne saurait de quoi il retournait.
« Sinon, Dazai, reprit Ranpo d'un ton joyeux. Tu es impatient de reprendre le boulot ?
– Un peu, sourit le brun, ça m'a manqué ces derniers mois.
– Ça tombe bien, j'ai une super affaire pour toi ! » L'inspecteur dévisagea son collègue un instant.
« Quel genre d'affaire ? »
Edogawa lui tendit une déposition, une plainte au vu de l'en-tête. Il parcourut le document rapidement avant d'adresser un regard blasé à son collègue.
« C'est une affaire de vol de voiture. Ce n'est même pas notre domaine.
– On manque d'effectifs je te rappelle, répliqua Ranpo, du coup certaines missions banales nous sont aussi confiées. On les confie aux nouvelles recrues alors... »
Il ponctua sa phrase d'un clin d'œil amusé, pour signifier à son collègue qu'il s'agissait d'une plaisanterie. Dazai lui rendit un sourire ironique, avant de plier la feuille en quatre pour la ranger dans la poche de son manteau, et de se diriger vers la porte de la pièce, sous les yeux stupéfaits de ses collègues.
« Tu as raison, ça ne me fera pas de mal de revenir aux bases ! » s'exclama-t-il en adressant un salut de la main à ses collègues.
Il quitta ensuite la pièce, le cœur léger. Pour la première fois depuis des mois, il se sentait heureux. Il aurait dû revenir à la brigade bien plus tôt, songea-t-il. Il n'y avait que là où il se sentait vraiment bien.
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