XIV - Avant
Média : Alice Oseman, (auteur∙ice pleins de livres cool dont la saga Heartstopper)
Parce que je suis en train de lire Loveless et <333. Je sais pas si je tomberai un jour amoureux d'un humain mais c'est clair que je tombe amoureux de ce livre.
Je fixe Parkinson, avec trop d'intensité pour que ça ne passe pas inaperçu. Elle écrit très rapidement, sur le bureau en face du mien. Quand elle sent trop mon regard elle relève la tête et je la baisse, puis je veux vérifier qu'elle ne me scrute plus et je relève la tête à mon tour, elle la baisse... et le manège recommence je ne sais combien de fois.
Pour arrêter, recarder ma curiosité, mes pensées trop présentes à cause de l'ennui dérivent sur Luna. Sur la rupture. Et maintenant que j'y ai pensé, je ne peux plus une seule seconde baisser les yeux et réfléchir à toute cette loi concernant les filtres d'amour. Parce que, de toute façon, amour rime toujours avec Luna. Je pense à ce mot et à la place des diverses définitions qu'on pourrait lui donner c'est son visage que je vois. Et je déteste ça, parce que mon cerveau me montre le visage que je retiens d'elle dans un moment affreux, pour moi. Libérateur pour elle, je suppose.
Quelques mois plus tôt, maintenant. Nous étions assises sur le lit aux draps bleus clair, dans notre chambre. Nous avions dormit dos à dos, j'étais partie tôt au Ministère pour ne pas la croiser et elle était rentrée tard, j'étais déjà endormie, probablement parce que c'était trop dur pour elle d'être trop longtemps dans l'appartement avec moi et le fantôme de notre amour. Elle avait commencé à être bizarre depuis un bon moment et j'avais mis du temps à m'en rendre compte. Ensuite, je m'étais inquiété, parce que je savais que Luna refoulait toujours sa tristesse. J'avais mis du temps à comprendre qu'elle ne réagissait pas toujours comme tout le monde, par exemple, quand elle était heureuse elle ne souriait pas d'abord, elle tapotait des pieds contre le carrelage. Alors, quand elle avait commencé à être bizarre, je suppose que ce n'était pas une excuse, mais je n'ai pas tout de suite compris qu'elle était triste. Et puis la journée est arrivée sans que je ne la voie venir. Je suis rentrée et elle était déjà là. Elle était sur le lit de la chambre, en boule, mais elle ne dormait pas et elle ne pleurait pas, elle regardait le vide en s'emmitouflant dans son pull. J'ai sut qu'elle se sentait très triste, parce qu'elle mettait ce pull quand elle était triste. Elle avait tendance à choisir les vêtements non pas en fonction de leurs beauté, mais de leurs texture, et les pulls tout doux, c'était pour les mauvais jour. Elle s'est redressée et m'a regardé. Ses yeux étaient rougis et les miens aussi. Je me suis assise devant elle à ce moment là. Je savais que nous devions parler, que c'état important, mais j'avais peur que ce soit la fin...
« Je crois que...
Elle a arrêté. Moi j'ai été terriblement frustrée et j'en ai oublié de rester calme.
- Quoi ? Ça fait des semaines maintenant ! Dis moi !
Elle a baissé les yeux sur ses mains tordues l'une dans l'autre et avait eu un début de stim de stress dans sa jambe droite. Puis elle a reniflé et soupiré :
- Je crois que je ne suis pas amoureuse.
Je crois que j'ai fait balancé un vêtement par terre ou que je l'ai regardé ahurie.
- Luna, on sort ensemble depuis des années.
J'aurai dut l'écouter, lui laisser le temps de se confier. Si elle avait prit tant de temps avant de lancer cette conversation c'était justement parce que je n'étais pas assez à l'écoute, probablement, mais j'avais l'impression de ne faire que ça, être à l'écoute. J'avais écouté des plaintes d'abus sexuels toute la journée, je m'étais renseignée sur l'autisme pour elle... si bien que j'en avais oublié qu'avant d'être autiste elle était un être humain qui pleurait comme moi, qui riait comme moi, qui pouvait être en colère comme moi. Et qu'elle était avant tout le personne que j'aimais. Mais tout ça, je m'en était rendue compte après cette conversation.
- Je crois que j'ai cru que j'étais amoureuse mais qu'en fait je suis seulement amie avec toi. A-t-elle continué.
Et moi, j'ai cru exploser. J'ai trouvé ça profondément dégueulasse de me dire ça ? Je ne l'ai pas cru une seule seconde.
- Ça veut dire quoi, ça ? Je me suis levée et j'ai commencé à faire les cent pas, ça veut dire que ça fait des années que tu me ment ?
- Je ne savais juste pas. A-t-elle dit en secouant la tête, une larme coulant sur sa joue, totalement invisible à mes yeux à ce moment là.
- Comment ça, tu savais pas ? Putain ça se sait, ces choses là, Luna ? Tu es en train de me dire que tu ne m'as jamais aimé ? Alors qu'on sort ensemble depuis des années, alors que...
Je crois que j'étais trop en colère contre elle pour terminer ma phrase, si je ne l'ai pas dit, je l'ai pensé très fort : alors que moi, je t'aime comme une folle. Si moi je t'aime, comment peut-tu ne pas m'aimer ?
- C'était de l'amitié, que j'ai pris pour de l'amour. A dit Luna, les yeux toujours sur ses mains.
- Putain, les ami∙es ça ne couche pas ensemble, Luna !
- Si... Dans certaines circonstances, je pense que si. »
Mais de toute façon je ne pouvais plus avoir de propos clair, je ne pouvais plus tenir la conversation. Ça faisait des jours, des semaines, que j'avais l'impression d'avoir perdu Luna et, là, en face de cette réalité je me sentait seulement comme dans un cauchemar dont on ne peut pas se réveiller.
Je suis partie de l'appartement en claquant la porte, je suis allée danser et boire dans une boite de nuit et je suis rentrée très tard le soir ou plutôt très tôt le matin. Elle n'était pas là quand je suis rentrée, il y avait seulement un mot sur la porte, qui disait qu'elle avait préféré aller squatter chez Neville parce qu'elle n'avait pas envie de me parler tant que j'étais comme ça. Et on c'était retrouvées une semaine plus tard et j'avais rompu en disant que je ne voulais plus la voir, parce que, comme toujours, j'étais terriblement en colère.
Et rien qu'en y pensant, maintenant, des mois après et dans ce bureau, je suis de nouveau en colère. Pas vraiment contre elle, plutôt contre moi. Contre notre couple imaginaire. Je me sens trahie parce que j'étais amoureuse et pas elle. Parce que c'est horrible de penser que je vivais un rêve et pas elle. Luna a été plus clair par la suite, elle a expliqué qu'elle avait parler avec une fille de l'association des Géants Verts. Une fille aromantique et asexuelle qui avait expliqué son parcours et que Luna ne s'était jamais autant reconnue dans un témoignage. Du coup, elle avait commencé à se poser des questions et, plus le temps passait, plus les questionnements devenaient des certitudes jusqu'à ce qu'elle soit sure mais qu'elle se retrouve piégée avec moi. Quand j'étais devenue assez calme pour lui parler plus de cinq minutes sans pleurer elle m'avait raconté tout ça et, comme je ne disais rien et que je ne comprenais pas elle avait dit :
« Tu sais, notre esprit est conditionnée à se conformer à ce qu'on connait depuis toujours, alors inconsciemment je savais que je ne pouvais pas tomber amoureuse mais je voyais tout le monde le faire depuis toujours alors... je n'aurai jamais cru que c'était possible de ne pas. Je croyais que tout le monde faisait... pas semblant, mais... exprès. Je croyais que tout le monde faisait exprès de tomber amoureux en fonction de critères comme ceux que j'avais. Tu étais celle que je trouvais la plus belle, tu étais mon amie, tu avais une super personnalité alors, j'ai pensé que si je devais tomber amoureuse de quelqu'un∙e ce serait toi. Mais je me forçais seulement pour être comme les autres. »
J'avais fini par comprendre. Après tout, moi aussi, ça m'était arrivé. D'une façon différente, mon cerveau conformé à l'hétérosexualité avait aussi mis des années à se rendre compte que je ne regardais pas les filles comme les autres filles regardaient généralement les filles. Mais je n'avais plus envie d'entendre Luna m'expliquer pourquoi elle n'avait jamais été amoureuse de moi.
« Stop, j'ai dit sèchement à la table du café où nous nous étions assises pleins de fois, avant. C'est trop dur pour moi d'écouter ça.
- Je suis désolée. A répondu Luna. C'est... c'est dur pour moi aussi, tu sais. »
Je crois que je lui ai dit des trucs stupides et que je suis allée pleurer.
Maintenant j'arrive à envisager que pour elle aussi c'était dur, je sais ce que c'est que de découvrir une partie de son identité qu'on ne suspectait pas avant et d'être perdue avec, mais sur le moment, j'en avais rien à faire de me mettre à sa place, c'était suffisamment compliqué de digérer d'être à la mienne. Je ne lui en voulais pas d'être aromantique et/ou asexuelle. Je lui en voulait parce que je croyais qu'elle m'avait utilisé et que je me sentais bête. Peut importe que sa situation soit compréhensible aussi, je me trouvais toujours plus d'excuses à moi. Et c'est vrai que j'en avait, je n'avait rien fait de mal non plus, mais elle non plus.... Je savais bien qu'elle n'avait jamais voulu me blesser. Et moi non plus, je n'avais jamais voulu la blesser. Et pourtant nous nous étions fait du mal toutes les deux.
Et maintenant je suis seule dans ce bureau à m'occuper d'une loi à laquelle je ne comprend rien, avec l'une de mes pires ennemies comme coéquipière, sans petit∙e-ami∙e, en train de faire un travail qui ne me plaît pas. Parce que je n'aime pas être auror, et que je suis toujours aussi en colère pour tout.
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