Chapitre 13

Cela faisait au moins sept jours que Ciel Ensoleillé arpentait la petite forêt présente sur le territoire du Clan de la Lune, seule. La mort de son père l'avait plus affectée que quiconque.

Une demi-lune après la mort de son frère adoré...

La guerrière crème se demandait si ce n'était pas de leur faute, à elle et à sa fratrie. Car, malgré les apparences, les étranges paroles dites par sa sœur de nombreuses lunes plus tôt lui tournaient encore dans la tête : 

« Nous sommes la portée du Commencement, du Déroulement et du Dénouement. Seuls nous sommes capables de veiller sur le monde, malgré notre bonheur », « Seuls nous sommes capables de veiller sur le monde, malgré notre bonheur », « MALGRÉ NOTRE BONHEUR ».

Elle avait envie de courir, de sauter, de hurler ces paroles, de hurler toute sa douleur. Cette prophétie indiquait elle qu'elle n'aurait jamais le droit au bonheur ? Tout ça à cause d'une prophétie... tout ça parce qu'elle était l'élue... mais elle ne voulait PAS être l'élue, pas dans ces conditions. Elle voulait être normale, et vivre entourée de sa famille. Vivre heureuse... mais ce n'était pas la destinée que lui avait choisi le Clan de l'Aube.

Pendant ces sept levés de soleil, Ciel Ensoleillé avait couru, sauté, hurlé de toutes ses forces, toute sa douleur. Elle ne voulait pas que sa famille la voit dans cet état. Sa famille qui avait tant perdu, et en partie par sa faute... 

Elle se dit qu'elle n'avait même pas le droit d'être malheureuse, car c'était elle, la source de ses problèmes. Elle se dit que, si elle et ses frères et sœurs n'étaient pas nés, peut-être que son père serait encore là, auprès de sa mère, afin de veiller sur elle. Peut-être auraient ils eu une autre portée, normale, ne causant aucun problème.

Mais son père n'était plus, et son frère avait déjà payé le lourd sacrifice d'être l'élu. Mais qu'avait il fait ? Il n'a pas accompli de prophétie, il n'a sauvé personne, il n'a vaincu aucune danger... finalement, est-ce que sa mort avait servi à quelque chose ? Est-ce que sa douleur de ne pas être près de ses chatons qui grandissaient sans lui avait servi à quelque chose ? Ciel Ensoleillé connaissait l'horrible réponse, mais n'osait même pas y penser.

Oh, Clan de l'Aube ! Pria elle silencieusement. Nous as-tu abandonné ? Souhaites-tu notre malheur au point de nous faire croire que notre souffrance aboutira à la paix ? Aides nous, s'il te plaît !

Mais aucun signe ne vint, pour le plus grand désespoir de la guerrière du Clan de la Lune. Que lui réservaient ses ancêtres ? Elle n'avait pas la réponse, mais elle le redoutait. En soupirant, elle se dit qu'elle devait rentrer. Autant ne pas causer plus de soucis à sa mère et à sa sœur, qui s'inquiétaient peut-être pour elle. Peut-être croyaient elles qu'elle était morte, qu'un autre malheur s'abattaient sur elles. Horrifiée, Ciel Ensoleillé s'élança vers le camp.

La chatte crème se trouvait près du pont des Bipèdes. Il lui fallait donc se diriger vers le Lac de la Brume, où elle pourrait traverser le ruisseau la séparant du reste du territoire, étant plus étroit à cet endroit là. La guerrière frissonna en arrivant au lac où elle avait failli mourir, au lac où son père était mort...

Son cauchemar sembla recommencer quand elle sentit une odeur horriblement familière, une odeur qu'elle avait senti il y a sept jours exactement. Le Clan de la Glace. Mais cette fois, heureusement, le parfum lui venait de l'autre côté de la frontière, en territoire ennemi. Quand Ciel Ensoleillé s'approcha, un mouvement se percevait sur l'autre rive. Elle vit une silhouette brun-roux se détacher dans le brouillard et reconnut avec soulagement Plume Pourpre, le guerrier qu'elle avait affronté lors de la bataille.

Elle ne savait pas pourquoi, mais elle se sentit en sécurité, et ses muscles se détendirent. Le guerrier ennemi lui avait tout de même sauvé la vie, même s'il lui avait dit que c'était pour poursuivre le duel. Quand Plume Pourpre se mit a traverser le lac à la nage, montant parfois sur une fine plaque de glace, son cœur s'accéléra, mais elle ne l'empêcha pas de franchir la frontière. Elle sentait, où peut-être elle espérait, que le chat du Clan de la Glace ne venait pas pour se battre.

- Je t'attendais, dit simplement le mâle brun-roux en se hissant sur la berge. Ta patrouille est dans le coin ?

Abasourdie, Ciel Ensoleillé secoua la tête. Il l'attendait ? Mais pourquoi ?

- Je suis toute seule. À vrai dire, je me suis enfuie du camp, il y a sept levés de soleil.

- Sept levés de soleil ?! S'exclama Plume Pourpre. Mais... pourquoi ? Ta famille doit s'inquiéter !

- Je... La guerrière crème prit une grande inspiration, puis murmura : Mon père est mort dans la bataille.

- Oh... je suis désolé.

Le mâle s'avança doucement et donna un petit coup de langue affectueux dans l'épaule de sa rivale. Celle-ci eut un petit mouvement de recul, éberluée.

- Ne t'inquiète pas, je ne te veux aucun mal. Je voulais juste de parler. Tu t'es bien battue l'autre jour. J'ai faillit perdre face à toi.

Ciel Ensoleillé ne put s'empêcher de ronronner. Décidément, ce Plume Pourpre était bien différent des autres, et ce depuis son apprentissage.

- Merci, répondit elle, mais j'étais bien moins forte que toi. Si tu ne m'avais pas sauvé, je serais morte à l'heure qu'il est.

L'intrus secoua la tête, modeste.

- N'en rajoute pas non plus. Je n'ai fait que suivre le Code du Guerrier. Puis il ajouta d'un ton amusé :J'ai juste sauvé une jolie chatte en détresse.

Sa camarade ronronna de rire, mais ses joues devinrent légèrement rosées. Soudain, un bruissement dans les feuilles se fit entendre.

- Tu dois partir, le pressa Ciel Ensoleillé. Il ne faut pas que quelqu'un te voie ici, surtout après la bataille.

- D'accord. 

Plume Pourpre s'apprêtait à partir, mais se retourna avant de traverser le lac.

- Mais il faut qu'on se revoit. Dans deux jours, au crépuscule, même endroit.

Sans attendre sa réponse, il plongea et se retrouva en un instant de l'autre côté. Ciel Ensoleillé le suivit des yeux, perdue. Que voulait le guerrier brun ? Et que voulait elle ? La guerrière crème fut interrompue par un bruissement plus proche. Elle se retourna, et vit avec surprise et soulagement Lumière d'Aurore sortir des buissons.

- Ciel Ensoleillé ! Tu vas bien ?

- Lumière d'Aurore ! Tu m'as fait une de ses peurs !

Puis elle baissa les yeux, comme un chaton pris en faute.

- Oui, je vais bien. Désolée...

- Ce n'est pas grave, la coupa sa sœur, les yeux brillants de joie. L'important est que tu sois là, maintenant. À qui parlais tu ?

Crotte de souris ! La chatte rousse l'avait entendue ! La guerrière réfléchit à toute vitesse, tentant de trouver une excuse.

- Oh, à un guerrier du Clan de la Glace. Une de ces cervelles de souris, ceux là...

Au moins, ce n'était pas vraiment un mensonge. En suivant sa sœur, Ciel Ensoleillé se débattait encore avec ses propres pensées, embrouillées par les idées noires, mais surtout par la discussion qu'elle venait d'avoir avec son sauveur.

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