Le lac

- Aurora ! s'écria Père en me secouant.

J'ai ouvert les yeux. Les évènements de la nuit me revinrent en mémoire avec une vitesse si fulgurante que j'en eu mal à la tête. Je voyais dans les yeux de Père qu'il avait paniqué. Mes yeux se sont soudain remplis de larmes. J'avais eu si peur la nuit dernière, et le soleil avait beau briller derrière la fenêtre de ma chambre, j'avais toujours l'impression d'être debout au milieu de ma chambre en plein milieu de la nuit, complètement terrorisée. J'avais passé à peine cinq minutes en compagnie de cette ombre si effrayante qui disait s'appeler Zyria, et pourtant, je sentais toujours sa présence, quelque part dans la pièce.

Je me suis redressée et Père m'a serrée dans ses bras en me caressant doucement les cheveux. Ses mains tremblaient légèrement. Je comprenais qu'en retrouvant sa fille évanouie par terre dans sa chambre, il avait dû avoir peur. Je me suis redressée et ma tête s'est mise à tourner. Père m'a aidée à me relever et m'a assise sur mon lit. Il s'est accroupi pour être à ma hauteur et m'a regardée dans les yeux.

- Qu'est-ce que tu as eu, Aurora ? demanda-t-il.

- Je... je sais pas, ai-je menti.

Je ne voulais pas lui en parler. Il n'aurait pas su comment gérer ça. Et moi non plus, d'ailleurs, je ne savais pas. S'il savait ce qui s'était passé cette nuit, il paniquerait sûrement et demanderait des conseils au Roi. Ça provoquerait une panique générale et je ne pouvais pas me permettre d'en parler à tout le monde.

- Quand est-ce que je vais au lac ? ai-je demandé pour changer de sujet.

- Tu es sure de vouloir y aller ? demanda Père avec de l'inquiétude dans la voix.

- Oui ! ai-je protesté. Je vais bien. Je ferai pas de bêtises, c'est promis.

Père a souri et s'est relevé. J'ai sauté de mon lit et je l'ai suivi dans le couloir. Des serviteurs parcouraient les couloirs avec des plateaux qu'ils amenaient aux Chevaliers dans leurs chambres. Je n'allais aller au lac avec Abdel et Fatima que cet après-midi, alors je me suis dirigée vers le laboratoire de Merlin et Elias.

Quand je suis arrivée devant la porte, je me suis figée en entendant les cris qui retentissaient dans le labo. Apparemment, une dispute avait encore éclaté entre le Druide et l'Enchanteur. J'ai hésité quelques secondes puis j'ai entrouvert la porte. Abdel se tenait dos à moi. Il avait les bras croisés et ses cheveux emmêlés montraient qu'il venait de se lever. Je suis rentrée et je me suis arrêtée à coté de lui. Nous avons échangé un regard et j'ai porté mon attention sur Elias et Merlin.

Elias tenait une fiole remplie d'un liquide bleu sous le nez de Merlin. Celui-ci avait de la rage dans les yeux et il semblait prêt à frapper l'Enchanteur. Merlin montra sa main devenue noire de suie à Elias.

- Et c'est de ma faute, ça, peut-être ! s'écria-t-il.

- C'est vous qui avez confondu les fioles ! protesta Elias.

Je me suis tournée vers Abdel. Il regardait toujours la scène avec indifférence. Je savais qu'il avait l'habitude, mais ça avait l'air plus grave que les autres fois, aujourd'hui.

- Qu'est-ce qui se passe, en fait ? ai-je demandé.

- Attend, tu vas voir, dit Abdel.

Soudain, une flamme s'échappa de la main de Merlin, me faisant sursauter. Elias eut un mouvement de recul mais se ressaisit très vite. Il mit la fiole dans sa poche et tourna les talons. Il se pencha sur un chaudron auquel il ajouta une goutte d'un liquide vert.

- Vous avez intérêt à arranger ça vite fait ! hurla Merlin.

- J'ai rien à voir là-dedans, soupira Elias.

- Vous avez fait exprès ! Vous saviez que j'allais me gourer !

- Donc vous avouez que vous foirez systématiquement tout ce que vous faites ? dit malicieusement Elias en se retournant vers le Druide.

- Si le Roi l'apprend, il va vous foutre au trou !

- Vous pouvez toujours rêver, si vous croyez que le roi va s'emmerder juste pour ça.

- Juste pour ça ?! Je maîtrise le feu, espèce de con ! cria Merlin.

- Vous le maîtrisez pas, vous jouez avec, dit Elias.

- Je vais vous cramer la gueule !

Abdel courut et se plaça entre le Druide et l'Enchanteur. Je les ai rejoints en trottinant.

- Bon, ça suffit, maintenant, ordonna fermement Abdel. Elias, vous allez préparer un antidote, et vous, Merlin, vous allez arrêter de gueuler parce que mes tympans vont pas s'en remettre.

- Abdel, va dans ta chambre ! ordonna Elias. Immédiatement. Laisse les grands régler ça.

Abdel se retourna avec une rage pire que celle de Merlin dans les yeux. Il m'attrapa par le bras et nous sommes sortis du labo sans un mot. Je ne comprenais plus rien. Ce n'était pas du genre d'Abdel de n'énerver si facilement. Il a passé une main dans ses cheveux noirs pour tenter de les lisser, en vain. Il m'a lâchée et j'ai presque dû courir pour le suivre.

- Ça va, Abdel ? ai-je demandé, inquiète.

- Non, ça va pas, répondit l'apprenti Enchanteur en se retournant pour me regarder dans les yeux. Je sens une présence maléfique dans ce château, Aurora. Un démon rôde dans les parages. Fais attention à toi, d'accord ?

J'ai hoché la tête malgré la gêne qui m'envahit soudain. Et si Zyria s'en prenait à quelqu'un d'autre que moi ? Je ne pouvais pas la laisser faire du mal à mes amis. Fatima était trop fragile et Abdel cachait une grande sensibilité derrière ses airs de « je me la pète ». Et s'il leur arrivait quelque chose, c'est moi qui en serait responsable.

L'après-midi même, nous sommes partis vers le lac. Ce n'était pas très loin, alors le Seigneur Bohort, Fatima, Abdel et moi y sommes allés à pieds. Fatima gambadait joyeusement, ignorant tous nos problèmes. Abdel me lançait souvent des regards suspicieux. Moi, je préférais regarder le paysage pour éviter le regard d'Abdel. À un moment, mes yeux se posèrent sur Bohort. Il ne semblait pas rassuré à l'idée d'aller seul au lac avec trois enfants de cinq à huit ans. Le Chevalier me regarda et sourit. Je me suis forcée à lui rendre son sourire et nous avons continué notre route.

Une fois au bord du lac, Fatima, Abdel et moi sommes allés jouer avec l'eau. Il y avait une petite partie du bord du lac où l'eau nous arrivait juste en dessous des genoux. Nous nous sommes laissés aller et nous avons joué comme les enfants que nous étions. Nous nous lancions de l'eau à la figure en riant aux éclats. Ce fit un moment génial pour nous. Échapper au monde si compliqué pour s'amuser dans l'eau. Ce fut si amusant, sûrement si adorable à regarder...

Bohort nous surveillait en souriant. Il n'osait même pas s'approcher de l'eau mais semblait apprécier de nous voir nous amuser.

Ce fut sûrement un des meilleurs moments de mon enfance. tant de joie et d'amitié en une seule après-midi. Nous ne savions pas ce que nous allions vivre plus tard, ni ce que ce fichu destin nous réservait. Mais nous savions profiter du moment présent. 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top