C7 - L'ange bleu (3/4)
— Brian, tu m'entends ? demanda un murmure au loin.
La voix angoissée qui l'appelait se raffermit dans sa tête. Il finit par reconnaître celle de sa jumelle et ouvrit les yeux sur ses iris sombres. Un sourire les éclaira. Pourquoi s'était-elle inquiétée ? Il se redressa sur son séant avant de promener une main dans ses cheveux, perplexe d'être par terre.
— Que... que s'est-il passé ?
— À toi de nous le dire, rétorqua Kris. Tu t'es évanoui d'un coup et tu as glissé de ton cheval.
— J'ai dû... abuser de... mes forces.
— Dans ce cas, le repos est recommandé si tu désires profiter de la fête, intervint Amélia.
Brian acquiesça. Il jeta un coup d'œil vers le village, tandis qu'il se relevait. L'inconnue avait disparu. Les paupières closes, il frissonna : son malaise n'était pas lié à sa faiblesse physique. Il avait partagé les émotions de la jeune femme, même s'il ne savait pas comment.
Tant de peine ! Tant de souffrance !
Il aurait aimé la prendre dans ses bras pour la réconforter. Il aurait aimé... rien du tout ! Que lui arrivait-il à nouveau ? En maugréant, il se ressaisit et monta sur son cheval.
Pas question de devenir sentimental !
Ses pensées dérivèrent vers Mélinda, et le cadeau d'anniversaire qu'elle lui offrirait. Comment l'accueillerait-elle ? Il se la représenta vêtue d'un merveilleux fourreau fuchsia. Ses cheveux blonds coiffés en un chignon piqué de fleurs vert d'eau, couleur de son maquillage aux arabesques sophistiquées autour des iris violets.
Enchanté par cette vision, il laissa son imagination poursuivre la scène. La belle s'approchait de lui, le titillait à l'oreille de sa voix mélodieuse. Elle lui électrisait la peau du bout de ses doigts, aussi légers qu'une plume.
Parfait pour lui échauffer les sens... et le sang. Il claqua la langue avec gourmandise. La fête avec elle s'annonçait somptueuse. Il s'y consacrerait.
Oublie l'inconnue et croque la vie à pleines dents comme tu te l'étais promis dans l'avion.
Quelques jours après la célébration de son anniversaire, qui s'était déroulée à l'instar de ses plus beaux rêves, Brian sifflotait en entrant dans le salon de son frère. Le regard impénétrable de celui-ci ne le perturba pas outre mesure. Il le salua ainsi qu'Amélia, puis s'assit en face d'eux dans un canapé, à côté d'Iliane.
— Je vous ai prié de venir pour un sujet important, déclara son aîné.
Il haussa un sourcil, intrigué par le ton cérémonieux de Kris, si rare avec eux.
— Brian, je t'ai dit dans ta chambre la nécessité de parler. Sur la demande d'Amélia, j'ai patienté plusieurs semaines, car ta convalescence primait.
— Parfait, maintenant je suis en pleine forme ! Quel est l'objet de cette discussion ?
— Ton avenir.
Ces deux petits mots le frappèrent en traître. Malgré le coup brutal dans son plexus, il se servit parmi les friandises salées posées sur la table basse avant de s'exprimer avec un sourire en coin.
— Je suis tout ouïe. Qu'avez-vous décidé, toi et nos parents ?
— T'envoyer à l'université d'Aequalis, où tu y apprendras ses lois la première année et participeras à un des comités, les suivantes. Tu te formeras aussi avec le père d'Amélia, ambassadeur sur Ores. Si tu donnes satisfaction, tu représenteras alors Dalghar dans des voyages diplomatiques.
Brian s'étrangla à moitié et la fiancée de Kris lui tendit un verre d'eau qu'il vida d'un trait. C'était au tour de son frère de le fixer avec des yeux moqueurs.
— Tu n'es pas sérieux ? Moi à la Confédération ? Autant mettre un chat sous la pluie. En plus, je prévoyais d'entrer à l'académie aéronavale. Devenir commandant de vaisseau me conviendrait mieux.
— Je suis on ne peut plus sérieux, tu apporteras plus à Dalghar ainsi. Même pour toi. Rien ne t'empêchera de continuer à t'entraîner au pilotage, il y a tout ce qu'il faut sur Ores.
Statufié, il ne parvenait pas à décoder les explications de son aîné comme s'il avait parlé dans une langue inconnue. Une exclamation de sa sœur le tira de son état :
— J'appuie la décision de nos parents et de Kris à cent pour cent ! Tu m'accompagneras, et je ne me sentirai plus seule avec ce poids d'héritière de notre grand frère.
Incroyable, sa jumelle le trahissait ! La frustration gronda dans son cœur. Il lui adressa un regard meurtrier, mais les couteaux ne l'atteignirent pas. Elle affichait un visage joyeux. Bref, il devrait se débrouiller sans son aide. Au moment où il ouvrait la bouche dans le but se défendre, Amélia intervint d'une voix douce :
— Réfléchis avant de répondre. Si la partie sur Ores est un passage obligé, tu y gagneras des missions délicates sous l'égide d'Aequalis. Avec le droit de port d'armes, électase ou pistolet laser... à la hauteur de ton goût de l'action.
— C'est elle qui a eu cette idée, renchérit son aîné d'un ton de confidence. Et nous avons tous approuvés, son père aussi.
Brian conserva le silence, la mâchoire crispée. Il s'apprêtait à protester avec véhémence quand son voyage sur Aurora lui revint en mémoire. Celui-ci avait été exaltant, quoiqu'il aurait préféré se battre plutôt que quitter la malheureuse planète. En vivre d'autres le tentait. Peut-être croiserait-il un jour la route du « roi de pacotille » et lui dirait deux mots sur sa manière de se comporter. Sa colère retomba : sa famille savait par quel bout le prendre !
— Merci, ma chère future belle-sœur. Au risque de me répéter, Dalghar avec Kris et toi à ses côtés sera bien gouverné, partagea-t-il avec Amélia en pensée.
Elle hocha la tête en retour, et il déclara à haute voix :
— D'accord. Vue sous cet angle, la formation me convient.
— La meilleure nouvelle de la journée ! se réjouit Iliane. Maintenant, j'ai hâte d'y être pour nous amuser. Le comité de la Conformité et des Statistiques me plaît, avec la possibilité de proposer des changements aux lois d'Aequalis. Et toi, je t'imagine dans celui de la Défense et de l'Immigration. Ou celui du Commerce intérieur.
— Ne mets pas la charrette avant les bœufs, et laisse-moi décider, objecta-t-il, un index menaçant pointé vers elle.
— N'oubliez pas, vous devrez réussir le concours d'entrée, coupa Kris. Même si les familles régnantes ont la priorité, les postulants ne sont pas favorisés pour autant. L'enseignement est un des plus exigeants de la Confédération, ne nous décevez pas.
— Comment oses-tu douter de nous ? riposta Brian en chœur avec sa jumelle.
Alors que la réaction engendrait des rires, il eut une dernière réflexion satisfaite.
Pas une si mauvaise idée. Elle comblera ma soif d'aventures, maîtriser les lois d'Aequalis étant un atout indéniable.
L'avenir s'annonçait sous de merveilleux auspices. Quand une image de son ange bleu essaya de s'imposer à lui, il la chassa d'un mouvement de tête agacé.
Elle n'existe pas !
Quant à la jolie Auroréenne du village, elle souffrait trop pour tenter sa chance.
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