C22 - Les duels (1/3)

— Princesse, je vous en supplie. Empêchez la guérisseuse de toucher à mon enfant !

Flore se raidit à la plainte de la mère auroréenne, à la peau bleue pâlie par la peur. Elle interdisait à Mohann d'accéder à son fils. Alors que la respiration sifflante du garçon de cinq ans blessait leurs oreilles, alors que le malade se tenait aux portes du monde des Morts.

Le visage et la gorge gonflés.

Sans en parler avec sa maman, il avait voulu apporter de la nourriture à son père qui entretenait avec un groupe d'Auroréens le domaine royal. Un adolescent l'avait emmené à sa demande. En chemin, une chenille était tombée sur la main de l'enfant. Les couleurs arc-en-ciel de l'insecte l'avaient tant subjugué qu'il ne l'avait pas chassé, et son guide ne s'en était pas aperçu de suite. Néanmoins, aux premiers signes de malaise, ce dernier avait alerté sa famille qui, à son tour, avait contacté Flore.

Elle s'était téléportée avec son amie en urgence et s'opposait maintenant à la mère.

Chaque seconde perdue diminue ses chances de survie !

— Je n'ai pas le kiriah de guérison. Fais confiance à Mohann, si tu désires le sauver. Elle ne nous a jamais déçus.

— Mais elle veut le toucher !

— Notre culture le permet en cas de nécessité, ne l'oublie pas.

— Puisque vous ne souhaitez pas mon intervention, autant que je parte, les coupa Mohann, le visage impassible.

La doctoresse leur tourna le dos sans attendre la réponse et se dirigea vers la porte de la chambre.

Par Kilyan, elle ne va pas l'abandonner ?

Non, bien entendu ! Son amie cherchait juste à forcer la main de la jeune femme. En écho à ses pensées, un terrible bruit d'aspiration combla le silence. Le garçon s'étouffait. Son combat pour la vie appelait à se montrer raisonnable.

Un cri muet qu'entendit enfin sa mère.

— Guérisseuse, sauvez-le ! s'écria-t-elle, les yeux embués.

La supplique n'eut pas besoin d'être répétée. Mohann revint sur ses pas et se dépêcha de s'installer. Flore se positionna de l'autre côté du lit. Pendant qu'elle déposait une plaque flexible sur le front de l'enfant qui indiquerait ses paramètres vitaux, son amie tint une sorte de crayon au-dessus de la gorge. Un rayon doré en sortit, et une petite incision dans le sens de la longueur apparut sur la peau.

La mère réprima une exclamation, mais ne bougea pas.

Imperturbable, Mohann poursuivit son opération et introduisit un tube fin dans le trou. La respiration sifflante diminua rapidement. La doctoresse attrapa un mini-pistolet, dont elle appuya l'embout sur le bras. Quand elle l'enclencha une première fois, le témoin orange qui clignotait passa au rouge. À la seconde pression, la teinte vira au vert. Son amie lut ensuite l'état de l'enfant sur la plaque.

— Les soins d'urgence sont effectués. Il doit être transporté au centre médical du palais pour une surveillance constante.

Inquiète de la réaction de la mère, Flore se tourna vers celle-ci. Son attitude la rassura. Son sourire prouvait qu'elle acceptait la décision de Mohann. Et sa peau s'habillait à nouveau d'un bleu ciel. Elle s'adressa à la doctoresse avec timidité et respect :

— J'aimerais demeurer près de lui.

— La chambre est assez grande pour t'accueillir.

— Moi aussi ? s'enquit une voix juvénile.

L'adolescent qui avait accompagné l'enfant dans la forêt se tenait sur le pas de la porte. Il serrait et desserrait une peluche dans sa main. Celle de la petite victime, cadeau d'Amélia. Des sillons humides brillaient sur ses joues pâles, et des larmes menaçaient de déborder.

La mère lui lança un coup d'œil.

Nous nous occupons de tout, rétorqua Flore en pensée à la question muette.

L'Auroréenne sortit avec le jeune garçon, sitôt un « merci ! » soufflé chaleureusement. Mohann, penchée sur la plaque, signala :

— Je contacte le centre, une équipe arrivera dans vingt minutes par aérocar. Tu peux reprendre tes activités, il me semble que tu as un rendez-vous.

— Par Kilyan, j'avais oublié ! Le duel d'entraînement avec Iliane, je suis heureuse de me confronter à elle. Il paraît qu'elle excelle.

— Une redoutable combattante, en effet.

— Je m'en souviendrai. Merci, Mohann, pour ton intervention. Je ne serais pas surprise si mon peuple t'invitait à une fête.

— J'y viendrai avec plaisir. Pars maintenant, ma filleule n'aime guère attendre.

— J'ai une excellente excuse.

Après un salut d'adieu, Flore se téléporta dans sa maison. Se préparer ne luit prit que quelques secondes : tenue d'Imlaya et tresse haute. Dans le salon, elle se recueillit un instant devant le tableau de Sojeyn.

Ô Kilyan prend soin de lui et de la résistance. Arme leurs bras avec fermeté contre l'envahisseur.

Ce vœu lui en remémora un autre. Démontrer l'implication des Astrydiens dans le meurtre du couple royal. Si elle y parvenait, Aequalis interviendrait pour Aurora.

Brian l'y aiderait.

Cette enquête les avait rapprochés. Du moins, ils se comprenaient mieux. Le prince se révélait une personne de cœur et de justice, loin de la simple image d'aventurier. Loin du monstre d'Astrydie. Réconfortée par son comportement, elle pouvait se déclarer.

Non, tant que ma planète ne sera pas libérée, j'en serai incapable !

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