C21 - Invités de marque (1/3)
— Je vous prie de m'excuser, mais des affaires urgentes sur mon domaine me retiennent, déclara Belnog au travers du téléholo. Il ne me sera pas possible d'aider la princesse à s'occuper des représentants des planètes fondatrices.
Debout dans le salon de sa suite, Kris fixait le front soucieux sous la masse de cheveux blancs. Seul signe d'inquiétude dans l'apparence toujours impeccable du duc en toute circonstance.
— Ne vous tracassez pas, prenez votre temps, vous qui ne comptez jamais vos heures pour Dalghar. Tout est en ordre au palais : les invités sont confortablement installés. Amélia et moi les accueillerons avec Iliane. Ma sœur est enchantée de cette responsabilité et m'a montré le programme qu'elle a concocté avec votre aide. Je le trouve parfait.
— J'ai peu contribué. La princesse se débrouillera sans le vieux noble que je suis et se réjouira de ma défection imprévue.
L'hologramme affichait un homme de prestance dans son château sur son île, de quoi démentir ses paroles. Kris ne se l'imaginait pas perdre ses capacités physiques ou intellectuelles dans les mois, voire les années à venir. Belnog, en fin diplomate, non plus.
— Voyons, vous ne faites pas vos cent six ans, contesta-t-il plus pour la forme. Il vous reste encore une belle carrière devant vous, et je ne vous ai pas caché que je vous nommerai au poste de Premier conseiller dès qu'il deviendra vacant.
— Votre confiance me touche, les intérêts de Dalghar passeront pour moi avant chaque individu.
— Ce n'est pas juste une question de confiance ou de lien avec notre famille, ou avec Mohann, vous le méritez. Mes parents ne se sont pas trompés à votre sujet. Je ferai appel à vos appuis au sein du Parlement pour un vote en faveur de ma loi. À peine ai-je énoncé ma volonté de poursuivre l'œuvre du couple royal que je recevais des plaintes !
— Les nobles tiennent à leurs privilèges, ne désirant guère les partager ; l'Histoire de la Terre et la nôtre l'ont montré à maintes occasions. Hélas.
— Ils oublient vite l'origine de nos Ancêtres, des roturiers d'après leur définition. Fermer la porte mènera à la disparition pure de leur caste, j'en suis convaincu.
— Comme je vous l'ai dit, j'œuvrerai dans l'intérêt de Dalghar. Attendons votre couronnement pour préparer une offensive au Parlement et concentrez-vous sur votre mariage d'ici là. Amélia ne l'exprime certainement pas, mais je la soupçonne de souhaiter profiter de « ces vacances politiques ».
Une phrase destinée à sa fiancée, debout à ses côtés.
— En effet, merci de le rappeler à mon futur époux !
Tel un gamin pris en faute en train de voler des bonbons, Kris lui décocha un sourire penaud. Elle l'accepta sans insister.
— Avez-vous des nouvelles de l'enquête de police ? enchaîna le duc. Vos parents étaient pour moi des amis chers et leur décès m'a choqué, ainsi que les Dalghariens. Tous l'aimaient.
Pas par tous, puisqu'ils ont été assassinés.
Un mélange de tristesse et de colère lacéra son cœur, tandis qu'Amélia glissait sa main dans la sienne. Il rétorqua d'un ton lugubre :
— Au point mort. Ils ont décortiqué le bateau de fond en comble, en vain. Les meurtriers fêtent sûrement leur exploit à l'heure qui est !
— Espérons qu'ils ne prévoient pas une suite, vous pourriez être la prochaine victime. Ou Iliane, ou Brian. Faites attention à vous.
— La sécurité a été renforcée, je vous rassure. Nous sommes hors d'atteinte.
— Même votre frère ? On le voit souvent se promener en compagnie de la princesse d'Aurora en dehors du palais.
— Mon benjamin est une tête brûlée en soif d'aventure ! Plus on tente de le lier, plus il s'efforcera de se débarrasser de ce carcan. Quant à Flore, il s'est rendu compte qu'elle n'avait jamais visité notre planète et l'a persuadée de la découvrir en sa compagnie. Il sait s'y prendre avec les femmes. La politique ne l'intéresse guère, alors je n'imagine pas les assassins l'agresser.
— Vous avez sans doute raison, mais dites-lui de rester prudent. Je vous laisse maintenant, vos invités vous attendent.
Kris salua le duc assis à son magnifique bureau en bois précieux vermillon, gravé de motifs dorés. Cadeau d'un dirigeant pour son aide, aimait-il relater à ses hôtes qui ne manquaient pas d'admirer l'ouvrage. L'influence de Belnog et tout son apport à Dalghar n'étaient plus à démontrer.
Il se tourna vers Amélia. Rayonnante dans sa jolie robe couleur jonquille, en harmonie avec la peau hâlée par le soleil et la blondeur de ses cheveux. Elle lui lança :
— Je connais ce regard. Ma tenue te plaît, visiblement.
— Quelle que soit celle-ci, tu seras toujours merveilleuse.
— J'ai l'impression d'entendre ton frère !
— Hum, je prendrai ta phrase pour un compliment.
— D'une certaine manière, cela en est un. Tu montres une facette moins rationnelle que j'aime.
— J'apprends grâce à toi ! Je comprends mieux les jumeaux d'ailleurs.
— Et le peuple. Tu régneras avec sagesse.
La chaleur dans les iris noisette d'Amélia le réconforta. Derrière le masque imperturbable qu'il affichait, brûlait le désir de réussir, ce que sa compagne avait décelé.
T'avoir à mes côtés me réjouit. Tu es mon pilier, il m'aidera à trouver la lumière quand elle me sera cachée.
À cette métaphore, le couteau du meurtrier de ses parents le piqua. Qui étaient les coupables ? Devant les investigations infructueuses de la police, il reportait ses espoirs sur Brian. Convaincu que son benjamin menait une enquête parallèle.
Il ne me dit pas tout afin de me protéger. Cet assassinat ne doit pas demeurer impuni !
— Ton ensemble te convient aussi, murmura Amélia d'une voix douce dans sa tête. Parfait pour l'accueil de nos invités.
Elle avait deviné une nouvelle fois la teneur de ses pensées et l'empêchait, avec tact, de s'y attarder. Il acquiesça à leur reflet dans le miroir au-dessus de la cheminée, lui-même ayant revêtu une veste croisée ambre sur un pantalon indigo. Sa fiancée ne se trompait pas. Une élégance simple pour mettre à l'aise les représentants des planètes fondatrices, invités au mariage puis au couronnement.
Sa compagne à son bras, il sortit du salon et rejoignit la petite salle de réception privée, sise dans l'aile opposée au rez-de-chaussée. À côté des appartements du couple royal. Ses lèvres se crispèrent : il devrait y emménager dès son union officialisée. Il ne s'en sentait pas capable pour l'instant et espérait, d'ici là, que les criminels seraient emprisonnés. De nouveau, il envoya une supplique à Brian.
Par les Ancêtres, retrouve-les ! Je t'accorderai tous les moyens, toute l'aide nécessaire.
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