C19 - Les meurtriers (2/4)
Prête pour sa tâche, Flore s'allongea sur le sofa avec une épaisse couverture en dépit de la chaleur ambiante. Sa perle projeta des éclairs dorés dans la pénombre de la pièce. Qu'un noir infini remplaça la seconde suivante.
Elle avait gagné l'Entre-Deux monde.
Sa robe de fête lui parut incongrue dans ces ténèbres glaciales. La cellule du prisonnier demeurait mille fois plus accueillante à côté de ce vide où aucun son ne résonnait, aucune fragrance n'existait.
Aucune vie ne se manifestait.
Malgré ses visites régulières afin d'aider Mohann à soigner les Auroréens ou les Dalghariens dans le coma, Flore détestait cet univers lugubre. Il lui tardait de plonger dans les images d'un rêveur. Elle se concentra sur son but. Des points lumineux au loin apparurent ; signes des dormeurs dans ces lieux, vers lesquels marcher ne servirait à rien. Ils resteraient à la même distance.
Elle chercha l'esprit du criminel parmi eux. Lorsqu'elle l'effleura, elle fut propulsée dans son rêve. L'homme était couché sur l'allée du palais de Dalghar : son dernier souvenir remontait au combat avec Brian.
Parfait, il ne sait pas où il se trouve dans le monde des Vivants.
Le captif la fixa quand elle s'accroupit à ses côtés. Elle reçut un coup de poing au ventre ; non en raison de son air mauvais, mais de la couleur des iris.
Jaunes cerclés de rouge.
D'une pensée tremblante, sans le toucher, elle arracha la cagoule. Des cheveux blonds, parsemés de mèches carmin, et un disque doré sur le front brillèrent dans le ciel nocturne. La narguant de leur puissance.
Un Astrydien !
Qui dissimulait son apparence dans le monde des Vivants. Un poignard s'enfonça dans son cœur, le lacéra, le brisa en mille morceaux ; alors qu'elle se mordait la langue pour s'empêcher de hurler.
Brian tituba, une main plaquée sur sa tempe.
— Tout va bien ? s'inquiéta Amélia avec laquelle il discutait.
Ses yeux troublés croisèrent ceux de sa future belle-sœur, puis de son aîné. Un coup de poignard le perforait au plus profond de son corps.
Brutal, violent, acharné.
Il serra les dents. Juste un gémissement franchit ses lèvres, pendant que ses doigts se crispaient sur son cœur se déchirant en lambeaux. Une douleur similaire à une crise cardiaque, avec une cause différente.
— Je... je dois me reposer.
— Pars au centre médical, intervint Kris. Cela ne sera pas difficile de t'excuser, tu attires déjà les regards.
Brian hocha la tête avec une grimace, après un coup d'œil à droite et à gauche. Il parvint à ironiser :
— Ma réputation ne s'arrangera pas. Ils me croiront saoul, incapable de me contrôler.
— Je ne laisserai personne te salir ! Un garde t'escortera.
— Mohann me suffira. Les semonces de mon médecin préféré me comblent de joie.
Par-dessus son inquiétude, Kris lui souffla mentalement :
— Seul toi plaisanterais face à la mort !
— Ne m'enterre pas si vite, j'ai l'intention de te casser les pieds un bon moment.
Mohann, alertée par Amélia, les retrouva. Brian s'accrocha à son bras et, sans perdre de temps ni poser de questions, elle l'emmena. Dès qu'ils furent hors de vue, il se redressa.
— Rejoignons l'université, je crains le pire.
— Tu n'es plus malade ? Ou simulais-tu ?
— Pour une raison inconnue, lorsque notre charmante princesse éprouve des émotions fortes, j'ai l'honneur de les partager. Elle va mieux maintenant, sauf que je ressens une profonde fureur. Dépêchons-nous !
Une envie de meurtre la consumait tant qu'il lui fallut toute son énergie afin de ne pas exécuter le prisonnier. Les poings crispés, Flore l'interpella d'une voix dure.
— Comment avez-vous osé assassiner le couple royal de Dalghar ! Aurora ne vous suffisait pas ?
— J'obéis à Xénon d'Astrydie, femme !
La réponse crachée avec mépris la percuta. Il ne l'avait pas reconnue : pour lui, elle était une Auroréenne quelconque parmi les exilés.
Calme-toi, son erreur doit durer !
Elle obligea son esprit à faire vide, et le feu incendiaire se transforma en braises. Si elles rougeoyaient encore sous la peau, elle réussissait à les maîtriser. Assez pour enchaîner d'un ton neutre.
— Le chef suprême ne peut pas te diriger ici, et tu n'es qu'un exécutant. Qui te donne les ordres ?
La bouche de l'Astrydien se scella, ses traits se durcirent. Il lui résistait. Elle projeta son énergie dans le kiriah de commandement, ignorant le nouveau coup de poignard dans son cœur.
Dussé-je me tuer, tu répondras. Je te le garantis.
— Les... Néofeles, lâcha enfin le captif en sueur, sous la pression psychique.
— Je veux des noms !
— Un homme, je ne sais pas comment il s'appelle.
Elle enragea. L'ennemi sournois prenait toutes les protections ! Était-ce le noble sur la plage ? Possible. Il lui fallait plus d'informations.
— Décris-le-moi.
— Je ne l'ai jamais vu.
— Comment le contactes-tu ?
— Avec une de nos montres qu'il a reçue.
Aucun objet de ce genre n'avait été trouvé sur le criminel. Elle scruta les poignets : rien. Le prisonnier rétorqua avant même d'être interrogé :
— Nous l'enlevons en cas de mission afin de parer à toute éventualité, comme celle-ci.
— Tes compagnons allaient t'abattre si nous n'étions pas intervenus, jeta-t-elle dans l'espoir de le déstabiliser. Nous t'avons sauvé la vie.
— Je suis un clone, prêt à mourir pour Xénon. Ils ont certainement rapporté ma capture au chef des Néofeles et quelqu'un m'éliminera. Je l'accepte.
Un frisson la parcourut.
L'université est sécurisée, sinon je disparaîtrais avec lui !
Il valait mieux ne pas tarder, surtout avec cette douleur qui l'affectait de plus en plus.
— En connais-tu d'autres ?
— Le jeune que nous avons récupéré. Un idiot, un lâche ! Il ne mérite pas d'appartenir au groupe, ricana le captif. Le problème sera résolu bientôt.
L'Astrydien confirmait les soupçons de Brian, ils devaient secourir Glayon rapidement.
D'abord, terminer l'interrogatoire.
— Deux personnes, ça ne fait pas beaucoup.
— Xénon a insisté : limiter les donneurs d'ordre. Juste cet homme, et une femme s'il n'est pas joignable. Nous n'avons jamais eu besoin de la contacter.
Un homme, capable d'organiser l'assassinat du couple royal, secondé par une subalterne. Flore n'était pas plus avancée sur ces Néofeles. Néanmoins, elle pouvait vérifier leurs moyens.
— Un dernier point, employez-vous des brouilleurs comme sur Aurora ?
— Oui, contre la télépathie des Dalghariens et des Auroréens. Inutile de se compliquer avec des plus perfectionnés.
Voilà pourquoi je n'arrivais pas à lire les pensées du noble sur la plage !
Si elle comprenait bien la réponse du prisonnier, le système ne bloquait qu'un type de pouvoir ou ceux d'une population déterminée. Plus les cibles à contrôler s'ajoutaient, plus la machine se complexifiait.
Ils ont borné le champ d'action, à moins qu'ils ne réussissent pas à tout couvrir.
La différence importait peu. Les Dalghariens avec des kiriahs représentaient une goutte d'eau, inoffensive face à une organisation rodée. D'autre part, grâce aux Néofeles, les Astrydiens connaissaient l'absence de pouvoir psychique puissant chez les exilés. Un brouilleur contre la télépathie leur suffisait.
Même si Xénon apprenait son implication dans l'enquête, il supposerait ne rien craindre d'une unique kiriahni. À elle de les surprendre !
J'en ai fini avec toi.
Elle étendit une main au-dessus du front de l'homme qui s'évanouit. Il ne se souviendrait pas de cette rencontre. Elle se focalisa sur l'image de son salon, celle-ci la ramènerait dans le monde des Vivants.
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