Chapitre 4-Passion- [Réécrit]
Ulrich ne put dormir cette nuit-là.Les paroles de son père continuaient de le tourmenter. Il était déçu cela allait sans dire, mais cette déception, loin de le terrasser l'animait d'une détermination nouvelle. Il ignorait si cet élan avait été présent en lui dès le début, ou si c'étaient simplement les mots de son père qui l'avaient éveillé. Le prince était étendu dans son lit et, comme d'habitude, le tic tac incessant des horloges qui l'entouraient l'empêchait de réfléchir.Il aurait voulu hurler pour couvrir ce bruit se percer les oreilles,brûler les horloges, les jeter par la fenêtre. Mais l'heure n'était pas aux décisions hâtives. Le médecin lui avait dit le matin même de réguler ses pulsions pour trouver le sommeil. Mais faute d'accalmie dans ses tourments, celles-ci ne faisaient qu'augmenter.
Les jardins du château avaient toujours été d'un grand réconfort pour Ulrich, de par leur sérénité. Il avait pendant ces années, percé leur secret et avait au bout de quelques semaines seulement, réussi à déterminer une zone dans laquelle il passait quelques unes de ses soirées. Même les animaux ne mettaient pas les pieds dans cette partie du parc, qui n'avait, par rapport au reste du terrain, rien à offrir. Il n'y avait rien d'autre que des buissons épineux. Un terrain presque en friches.
Il décida de s'y rendre et s'assit sur l'un des bancs qui bordaient la rivière, le bruit de l'eau le rassurant. Ses considérations s'étirèrent jusqu'au lever du jour. L'aube commençait à peine à pointer le bout de son nez. Plus les heures passaient, plus il semblait se résigner à une nouvelle nuit sans sommeil. C'était peut-être pour le mieux, étant donné la période.Dormir ramollissait. Il fallait aujourd'hui être alerte. Malgré tout, Ulrich ne parvenait pas à se détendre et la sonnerie de l'église qui annonçait cinq heures ne l'aidait pas. Ses yeux le piquaient. Son esprit s'embrouillait.
Mécontent, il leva les yeux vers l'origine de ce son comme s'il avait pu détruire le clocher d'un simple regard.
Cependant, quelque chose attira son attention : une silhouette descendait l'une des tours du château.
D'où il était, il ne pouvait distinguer ses traits. Il sortit du jardin à petites enjambées qui se voulaient silencieuses et se dissimula derrière un buisson pour l'observer.
La curiosité était un vilain défaut,sans aucun doute, mais s'il voulait monter sur le trône, la moindre information, une servante prenant la fuite par exemple, pourrait lui permettre d'obtenir une fidélité sans faille et d'être bien entouré. Non pas qu'il était incapable de se débrouiller par lui-même, mais déléguer était parfois...
Lorsqu'il réalisa l'identité de la personne apparue devant lui, il en resta bouche bée: une jolie jeune fille au regard noisette, les premiers rayons du soleil traversant sa longue chevelure dorée. Cette description ne pouvait correspondre qu'à Aure, sa propre sœur.
Cette dernière prit la sacoche qu'elle avait jetée avant de descendre et partit en courant vers les bois avec toute la grâce qu'il lui connaissait.
Ulrich décida de suivre Aure. Si elle était descendue de la tour à cette heure, cela signifiait qu'elle ne voulait pas être vue et encore moins suivie et c'est pour cette raison qu'Ulrich s'élança à sa suite. Il restait tout de même à distance pour ne pas que sa sœur s'aperçoive de sa présence.
Tous deux s'enfoncèrent de plus en plus profondément dans les bois, avançant dans les recoins les plus reculés de la forêt, dans des espaces qu'Ulrich n'avait jamais explorés auparavant.
Les bois s'éclairaient à mesurequ'ils avançaient dans cet amas compact de branchages en tousgenres. Enfin, après de longues minutes de marche, Aure s'arrêta aubord d'une clairière.
Une jeune femme était assise sur un tronc, sa longue cascade de cheveux roux lui tombant dans le dos.
Ulrich crut qu'il allait devenir fou, il avait devant lui l'une des servantes du diable.
Depuis que son père régnait, il avait ardemment lutté contre cette vérité qui entraînait à penser que les roux étaient les partisans du diable, une connaissance pourtant bien répandue en ce milieu de siècle, et surtout, une nouvelle preuve de sa faiblesse et de sa stupidité, pensait Ulrich.
Sa colère s'accentua encore lorsque la servante de Satan se retourna. Il était persuadé de l'avoir déjà vue quelque part mais était incapable de mettre un nom sur son visage. C'était sans aucun doute une des courtisanes.
Louise, la fille de Guillaume le conseiller du roi, sourit à Aure et l'embrassa.
C'était donc cela que sa sœur cachait? Son amante rouquine ?
Ulrich réprima un haut-le-cœur et se laissa tomber le long de l'arbre. Malgré la fatigue, les liens se firent dans son esprit et il commença à comprendre pourquoi Aure s'était rebiffée contre son père lorsque ce dernier lui avait annoncé son mariage prochain.
Louise sortit deux épées du tronc d'arbre creux sur lequel elle s'était assise avant qu'Aure n'arrive.L'une d'elles était en acier avec un manche en métal argenté, peut-être même était-ce de l'argent, l'autre était entièrement constituée d'or. Elle était le seul héritage qu'il lui restait de son oncle.
Le frère du roi Édouard lui en avait fait cadeau avant qu'ils ne se fassent tous deux arrêter. Louise y tenait comme à la prunelle de ses yeux, tout comme le poignard que lui avait donné son père lors de leur première partie de chasse,qu'elle portait toujours au côté, tout contre ses côtes. La présence de ce métal froid lui procurait un sentiment de sécurité.
―Aure, tu vas devoir te contenter d'un adversaire avec une seule main valide, et qui plus est la gauche.
―Qu'as-tu fait encore ? demanda Aure en empoignant son épée.
―Je suis tombée dans les escaliers, répondit elle son épée prête à frapper.
De mieux en mieux, en plus d'être déviante, Ulrich découvrait que sa sœur s'entraînait à manier les armes. Cela eut le don de le mettre hors de lui. Il préféra partir, détenant des informations qui pourraient lui être utiles et sa curiosité ayant été assouvie.
De plus, il avait une mission à accomplir avant le réveil du château.
Il se leva, en prenant soin de ne piétiner aucune branche ni feuille morte, une tâche mal aisée étant donné l'automne arrivant.
Les deux amantes, quant à elles continuaient d'échanger quelques coups d'épée lorsque Louise aborda le sujet fatal. Ne sachant comment en parler, tournant et retournant mille phrases dans sa tête avant de réaliser qu'aucune ne conviendrait et qu'elle ne pourrait de toute façon pas retenir le ton amer sur lequel cette sentence allait être prononcé, elle attaqua de but en blanc.
―J'ai appris que tu allais te marier...
Aure arrêta immédiatement de combattre, consternée de n'avoir pu annoncée elle-même cette fatale nouvelle, appuyée par de ravissants cadeaux et caresses pour l'occasion.
―Comment le sais-tu ? demanda-t-elle.
―Mon père en parlait avec ma mère...
Elle montra son bras droit.
―Et j'ai écouté en haut de l'escalier.
―Écoute,continua Aure, je n'ai aucune envie d'épouser Oswald, mais je le dois, c'est mon devoir.
―Aure tu es une princesse, ton devoir est de régner. Et tu ne peux pas partir comme ça, dans une contrée si lointaine. Ton père est en train de faire la plus grosse erreur de sa vie, il ne peut pas laisser le royaume à Ulrich, ton frère est fou !
Elle avait prononcé cette phrase d'une traite, sans y songer et surtout sans penser que l'honnêteté n'était pas toujours la meilleure des alliés.
―Louise !
―Il est cruel et c'est un manipulateur ! Je le tuerais de mes propres mains et ton père aussi s'ils n'étaient pas si bien entourés.
―Je ne te permets pas d'insulter mon frère de la sorte, ni de sous-entendre que mon père est un idiot et encore moins de proférer des menaces à leur égard, s'emporta Aure. Retire ce que tu viens de dire !
Leurs paroles avaient atteint le point de non retour, leur faisant réaliser qu'il était peut-être tant que cela redescende. Louise laissait maintenant des phrases ruminer dans sa tête : qu'Aure devait grandir, qu'elle avait toujours terriblement manqué de recul et de courage quand ils'agissait de sa famille, qu'elle devait cesser d'être si passive face à son avenir. Toutefois, après les cruautés qui avaient franchi ses lèvres, elle ne put se résoudre à les prononcer.
―Je ne peux pas retirer une phase que je pense au plus profond de moi.Mais je peux t'offrir autre chose à la place. Partons,partons pour les Terres Libres.
La voix de Louise s'était brisée lorsqu'elle avait prononcé ces mots et Aure savait qu'il lui en coûtait de faire cette proposition. La cicatrice qu'avait laissé la mort de son oncle était toujours bien présente.
Louise se laissa tomber à genoux le long d'un tronc et les ramena contre sa poitrine.
Esquissant un geste en sa direction, Aure prit Louise dans ses bras pour la réconforter, comme elle le faisait depuis l'âge de 11 ans.
―Nous ne pouvons partir pour les Terres Libres et tu le sais, dit Aure.
―Je ne pourrais vivre si tu es loin de moi, et je ne deviendrai jamais ta couturière personnelle.C'était ça le plan de départ. Je ne serai jamais rien, pas si tu n'es pas avec moi. Tu seras trop présente dans mes pensées et dans mes rêves, je m'inquiéterai pour toi.
―Moi aussi tu me manqueras horriblement. Mais ça ne fait rien, nous trouverons autre chose.
―Ton odeur me manquera aussi, dit Louise en posant sa tête sur les genoux de Aure.
―Certains ne l'oublieront jamais,répondit Aure, un sourire sur les lèvres en pensant à son flacon de parfum se déversant sur le torse de Guillaume.Dans trois jours, je serai reine d'Algarie, ne fais pas comme si j'étais déjà partie.
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